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CHUUUUT!!!!C'EST L'HEURE DE L'HISTOIRE. COMPTINES, CONTES, FABLES, LEGENDES, POESIES, CHANSONS...A CHAQUE JOUR, SON RECIT.
TAPEZ LA DATE DU JOUR ET PASSEZ UN BON MOMENT AVEC VOS ENFANTS...(ex:23 decembre)


     22 juin
Ron, ron, ron
Ron ron ron la queue du cochon
ris ris ris la queue d'une souris
rat rat rat la queue d'un gros rat

 

 


     11 fevrier
J'aime l'eau
J'aime l'eau dans ma baignoire
Et sur le carrelage de la cuisine quand maman le nettoie
J'aime l'eau sur la plage
J'aime les vaguelettes
Qui me chatouillent les doigts de pieds
Et s'en vont avec la marée
J'aime l'eau des flaques et des étangs
Des lacs et des barrages où elle se heurte en écumant
J'aime la pluie qui me mouille la langue
Et qui fait pousser les plantes dans le jardin
J'aime l'eau des fleuves
L'eau où pullulent les petits poissons
J'aime l'eau quand elle est bien chaude
Le matin dans mon lavabo
J'aime l'eau quand elle est gelée
Quand je peux patiner sur les mares glacées.

 


     17 juin
La mer  
La mer brille comme une coquille
On a envie de la pêcher
La mer est verte
La mer est grise
Elle est d'azur
Elle est d'argent et de dentelle

 

 

La mer se lamente  
La mer se lamente à la dune
Où poussent les chardons marins
Et je sais que ce soir la lune
Sera ronde à travers les pins

 


     25 juin
Donnez moi... 
Donnez moi une petite clé
s'il vous plaît
pour ouvrir la porte au soleil
donnez moi une petite clé
je vous prie
pour fermer la porte à la pluie
une clé qui fait clic
une clé qui fait clac
et voilà !

 


     22 septembre
 La mer s'est retirée 
La mer s'est retirée,
Qui la ramènera ?
La mer est démontée,
Qui la remontera ?
La mer est déchaînée,
Qui la rattachera ?
Un enfant qui joue sur la plage
Avec un collier de coquillages.

 


     24 decembre
Le voyage au Cervin
Il était une fois un petit garçon qui s'appelait Marco-Nicolas.
Comme Noël s'approchait, il écrivit une lettre au Père Noël pour lui prier
de l'aider à sauver sa maman prisonnière d'un magicien. Il lui demandait une
paire de skis et des milliers de boules de neige.
Quand le Père Noël reçut la lettre, il se gratta la barbe :
"Pourquoi le petit Marco-Nicolas a besoin d'une paire de skis puisqu'il n'y
a pas de neige en Suisse ?!" (Effectivement, en ce temps-là, la neige ne tombait
pas en Suisse...) Le Père Noël décida de l'aider et se prépara pour son voyage en Suisse.
Arrivé au-dessus de la maison du petit Marco-Nicolas, il vit que celui-ci était déjà prêt
pour le voyage au Cervin.
Quand ils arrivèrent au-dessus de la montagne suisse la plus célèbre, le Père Noël
lui dit que le château du magicien devait être tout au sommet de la montagne.
Mais le petit Marco-Nicolas était si malin qu'il savait que ce serait trop facile.
Alors ils firent le tour de la montagne grâce au traîneau du Père Noël et virent une cabane
toute noire au milieu de la forêt... Ils atterrirent et découvrirent un passage secret.
Comme il faisait nuit, il était difficile d'y voir clair. C'est alors que le Père Noël
attrapa la lune grâce à son lasso magique. La lune leur servira de lanterne !
Ils empruntèrent le passage secret qui les mena jusqu'à une porte sans poignée.
Le petit Marco-Nicolas essaya d'appeler sa maman en murmurant.
Celle-ci lui répondit : "Aidez-moi !". Le Père Noël fit appel à ses rennes qui défoncèrent
la porte avec leurs bois.
Mais quelle surprise ! Un ogre cyclope avait imité la voix de la maman de Marco-Nicolas !
Il fallait s'en débarrasser au plus vite. Le Père Noël lui dit : "Regarde dans ma hotte
j'ai là plein de lard et de fromage rien que pour toi !" L'ogre cyclope attiré par les cadeaux
du Père Noël s'en approcha de trop près. Juste derrière lui, le petit Marco-Nicolas le fit
trébucher et tomber dans la hotte sans fond.
Mais où était donc la maman de Marco-Nicolas ? Le Père Noël se posa contre le mur pour réfléchir.
Soudain, le mur se mit à bouger et le Père Noël se retrouva de l'autre côté du mur.
Marco-Nicolas et la lune comprirent que le Père Noël avait découvert malgré lui une porte secrète.
Ils l'empruntèrent à leur tour... C'est alors qu'ils se retrouvèrent tous devant un long escalier
qui menait à une autre porte. Ils montèrent jusqu'à celle-ci sur la pointe des pieds.
Malheur ! Deux horribles "gardes-robots" arrivèrent derrière eux.
Marco-Nicolas cria au Père Noël : "Sortez les boules de neige de votre hotte et préparez-vous à bien viser !"
Les boules de neige mouillèrent leur système électronique et les électrocutèrent.
Les "gardes-robots" gisaient sur le sol...
"Devant cette porte sans poignée, comment pourrons-nous rentrer ?" pensait le petit Marco-Nicolas.
Pendant ce temps, le Père Noël ouvrit la porte grâce à un gros coup de ventre.
La porte s'envola et atterrit par chance sur la tête du magicien !
La lune en profita pour ficeler le magicien qui ne pouvait plus bouger !
Au fond de la chambre du magicien, un gros ruban adhésif sur la bouche,
la maman de Marco-Nicolas était soulagée de voir son fils venu la sauver.
Il lui libéra la bouche et ils se serrèrent fort dans les bras.
Heureux d'avoir retrouvé sa maman, Marco-Nicolas voulait retourner à la maison,
mais avant de quitter la chambre du magicien, il se rendit compte du décor : les murs étaient tapissés d'or,
des pierres précieuses remplissaient des sacs entiers et sous le lit, dans un vieux coffre en bois,
ils découvrirent toutes les économies du magicien ! Ils profitèrent de remplir de ces richesses
la hotte sans fond du Père Noël et s'en allèrent.
Le magicien se réveillait... Le petit Marco-Nicolas demanda au Père Noël de vider de la hotte les milliers
de boules de neige sur la montagne du Cervin. Celui-ci s'exécuta et une magnifique piste de ski
fut construite en moins d'un clin d'oeil ! Ils fixèrent les skis aux pieds du magicien et
le firent glisser sur la piste. Ils ne le revirent plus...
Sur le chemin du retour, le petit Marco-Nicolas se souvint du trésor du magicien et chuchota aux oreilles
du Père Noël : "Renversons le trésor du magicien pour que les pauvres du monde entier puissent
recevoir un beau cadeau de Noël..." Le Père Noël fit alors tomber une pluie d'argent sur la terre !
Avec ce qu'il restait, il s'offrit à lui aussi un cadeau de Noël : une moto flambant neuve !
Arrivés dans leur maison, le petit Marco-Nicolas et sa maman remercièrent le Père Noël pour toute
l'aide qu'il leur avait offerte à tous les deux. Avant son départ dans les airs, ils lui offrirent
une photo en souvenir de cette incroyable aventure ! Jamais ils ne l'oublieraient...
Mais qu'était-il advenu du magicien ? Etait-il mort ?
Du haut de sa montagne, le magicien ayant tellement aimé sa descente à ski,
décida de faire tomber la neige sur ses montagnes !
C'est depuis ce jour qu'on peut skier en Suisse...

 


     25 decembre
Soirée magique
La magie de Noël est très puissante. Un jour, quelqu'un y ajouta le Père Noël.
Cela remplit le coeur des enfants de joie.
A chaque Noël, le Père Noël apporte des cadeaux par milliers !
Toutes les familles se réunissent autour d'un excellent repas et après avoir mangé,
les enfants et même parfois les parents, ouvrent leurs cadeaux.
Très vite, Noël fut adoré par les enfants. Chacun à sa manière,
Noël sera une fête connue de tout âge, pour tous les enfants sages !
Par contre, les enfants qui le sont moins, ont affaire au Père Fouettard !!!
Pour les cadeaux, on peut faire des listes pour recevoir tous les cadeaux dont on a rêvé.
Des poupées pour enfants jusqu'aux belles voitures pour adultes,
tous les cadeaux sont acceptés de la part du Père Noël. 
L'idole des enfants est vêtu d'un bonnet, d'un pantalon, d'une veste rouge,
sans oublier l'indispensable pompon sur son bonnet.
Sur son dos, il a un gros sac rempli de jouets dont petits et grands ont rêvés.
C'est ça, la magie de Noël : Les cadeaux, les bons repas,
les familles qui peuvent enfin se réunir et le Père Noël !
Même après la fête, pour n'importe quelle famille, Noël continue ;
il reste dans le coeur des gens (au moins jusqu'à ce qu'ils rangent les décorations de Noël !).
Avec le temps, les familles ont embelli Noël avec les guirlandes, les lampions, les bougies et les boules.
Noël, ses lumières et ses cadeaux servent à réchauffer le coeur des enfants orphelins ou tristes.
Cette fête est en fait la célébration du jour le plus long.
Afin de terminer cette histoire, je souhaite que du pôle nord au pôle sud toutes les familles
passent ce Noël de décembre 2002 avec la même faim, la même joie dans le coeur.
Et n'oubliez pas : Noël est dans chaque coeur pur.

 


     26 decembre
Le plus beau des cadeaux
Maman souris racontait une histoire aux bébés quand Emilienne ferma la porte, derrière elle…
Son sac sur l'épaule, elle partit en hâtant le pas.
Bientôt ce serait la fête des mères : Il était temps de se mettre en quête d'un cadeau.
Mais attention, pas n'importe lequel ! Pour une maman aussi gentille que la sienne,
il fallait le plus beau des présents !
La petite souris prit donc le chemin qui traverse la campagne...
Les amandiers et les cerisiers la saluèrent au passage.
Ils agitèrent leurs délicats chapeaux de printemps, couverts de milliers de fleurettes blanches.
Mais Emilienne, trop pressée pour les admirer, trottina vers le bois.
Assis autour d'une souche d'arbre, trois lutins jouaient aux cartes.
_ Où cours-tu ainsi ? Interrogea celui qui avait des yeux rieurs.
_ Je cherche le plus beau des cadeaux pour ma maman…
_ Notre ami l'aigle t'accompagnera car ta route promet d'être longue...
Ajouta le second avec un hochement de tête.
_ Va toujours tout droit ! L'empereur de Chine t'aidera, conseilla le troisième.
La souris remercia et poursuivit sa route. Dans le ciel, l'ami des lutins poussait des cris joyeux.
Emilienne marcha encore et encore.
A présent, ses petites pattes fatiguées avaient du mal à la porter.
Elle s'arrêta pour manger et se reposer.
Et tandis qu'elle grignotait du fromage, l'aigle décrivait de grands cercles au-dessus d'elle.
Il attendait qu'elle reparte et surveillait les alentours.
Les yeux de la souris, se fermèrent malgré elle. Elle fit un drôle de rêve :
L'oiseau était un valeureux chevalier et elle, une jolie princesse…
Elle se réveilla, alertée par les appels sonores de son ami.
Elle aperçut la silhouette de la grande muraille de Chine qui se découpait à l'horizon.
Pleine d'espoir, Emilienne galopa pour parcourir les derniers kilomètres qui
la séparaient du plus beau des cadeaux.
Derrière le mur, dans son magnifique palais, l'empereur de Chine l'attendait…
Il l'invita à s'asseoir près du trône.
_ L'aigle royal m'a prévenu de ton arrivée… Que désires-tu, petite ?
_ Je cherche le plus beau des cadeaux pour ma maman, répondit la souris d'une voix timide.
Le souverain était majestueux et imposant dans ses somptueux vêtements de soie brodée.
Il se leva pour ouvrir un énorme coffre, au fond de la salle.
_ Est-ce cela, que tu désires… ? demanda-t-il en soulevant des brassées de bagues,
des colliers d'émeraude, de jade et de perles fines.
Emilienne, déçue, répondit du bout des lèvres :
_ Non, ce n'est pas ce que je cherche… Ce n'est pas assez beau !
_ Alors, je ne peux rien pour toi !
Peut-être, si tu continues ton chemin jusqu'à l'arc-en-ciel d'Aladin ? Tu trouveras là-bas, son trésor !
Emilienne remercia, sauta sur ses pattes et fila comme le vent en direction de l'Orient.
Bientôt, elle vit l'arc-en-ciel. En trois enjambées, elle fut à ses pieds.
L'aigle patientait dans l'herbe. Du bec, il lui montra une vieille lampe poussiéreuse…
C'était la lampe magique d'Aladin qu'il venait de déterrer pour elle !
Emilienne se précipita pour la frotter. Aussitôt, un nuage en sortit.
Il tournoya quelques instants. Puis le génie apparut :
_ Tu m'as appelé, Maîtresse ?
_ Oui, je cherche un beau cadeau pour ma maman, demanda la souris, le cœur battant.
_ Ce n'était vraiment pas la peine de me déranger, grogna le génie… Tu aurais pu trouver toi même !
Ecoute ceci, ensuite rentre chez toi :
LE PLUS BEAU DES CADEAUX POUR UNE MAMAN… C'EST SON ENFANT

 


    27 decembre
Le père Noël
C'est la nuit de Noël...
Le père Noël prépare les jouets
de tous les enfants.
Il y a plusieurs pères Noël:
les faux et les vrais.
Les vrais sont au ciel;
les faux sont au supermarché.
Les vrais habitent dans les pays froids;
les faux dans les pays chauds.
Le père Noël se met
au bord de son nuage,
ouvre son parachute et,
à minuit... il saute.
Il part avec sa hotte
faire le tour du monde.
Quand le matin arrive...
il est très fatigué.

 


     31 mai 
La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l’Été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la Bise fut venue.
5Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
10Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Août, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
15La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
— Nuit et jour à tout venant
20Je chantais, ne vous déplaise.
— Vous chantiez ? j’en suis fort aise :
Eh bien ! dansez maintenant. »

 


     31 juillet
Il était une fois la solidarité
Il était une fois un vieil homme et une vieille femme très pauvres.
Ils n'avaient pas de maison, mais habitaient dans de vieux cartons usés au bord de la route,
à la sortie de la ville d'Ambalavao. Leurs vêtements étaient en lambeaux,
et heureusement que l'hiver n'est pas trop rude sous les tropiques,
sinon ils auraient pu mourir de froid.
Tous les jours, ils s'en allaient en ville pour mendier un peu de riz dans les maisons,
un peu d'argent dans les boutiques ou pour fouiller les ordures espérant trouver quelques fruits
ou légumes pourris. D'habitude, ils ne se hasardaient pas dans les quartiers riches,
de peur que les gens ne lâchent leurs chiens après eux.
Mais un jour, n'ayant rien trouvé dans les ordures, leurs pas les ont mené vers une jolie petite maison
fraîchement peinte, située un peu à l'écart de la ville.
Dans cette maison vivait une famille de trois enfants, la fille aînée qui devait avoir 12 ans et des jumeaux,
deux garçons de 8 ans. Le père travaillait dans l'administration de la ville et la mère s'occupait
de la maison et des enfants. C'était une famille modeste, ni riche, ni pauvre, qui vivait simplement.
C'était l'heure du déjeuner quand les pauvres vieux vinrent à frapper à la porte.
L'un des deux jumeaux alla voir qui c'était. En ouvrant la porte, il cria d'effroi en les voyant
et referma rapidement la porte. Il revint dans la salle à manger et fut incapable de dire quoi que ce soit.
Le père décida de voir de près ce qui avait bien pu horrifier son fils.
Sa fille lui emboîta le pas. A la vue des pauvres gens, le père se mit à les chasser mais sa fille
fut prise de compassion et ne les laissa pas partir.
Elle leur prépara une assiette de bien remplie de riz avec des morceaux de viande et de la sauce.
Entre temps, la mère ramena des robes qu'elle ne mettait plus ainsi que de vieux pantalons et
des chemises du père des enfants.
Après avoir bien mangé, les deux vieux ne tarissaient pas de remerciements et de bénédictions
pour toute la famille, puis s'en allèrent. La fille leur cria de loin qu'ils seraient toujours les bienvenus.
Cependant, ils ne les ont plus revus jusqu'au jour où, quelques mois plus tard, à l'heure du déjeuner,
on frappa à la porte. Le couple se présenta, c'étaient les vieux à qui ils avaient donné à manger et
des vêtements quelques mois plus tôt.
Ils racontèrent comment ils avaient vendu les vêtements après avoir gardé chacun une tenue pour remplacer
leurs haillons. L'argent de cette vente leur a alors permis de payer les frais du taxi-brousse
pour aller retrouver leur fils. Celui-ci travaillait dans une usine de bateaux dans la province de Diégo
à plus de 1000 Km d'Ambalavao...
Depuis tout ce temps, ils croyaient que ses parents étaient morts avec ses frères et soeurs dans
l'incendie qui avait ravagé leur petite ferme. Or, ce jour-là, ses parents n'étaient pas encore rentrés
du marché lointain où ils écoulaient leurs produits. Ce fut le lendemain quand ils revinrent au village
qu'ils ont découvert leur maison détruite. Ils apprirent par des voisins que seul leur fils avait survécu
et était parti à la ville. C'était la pensée de le revoir qui leur avait donné la volonté de continuer à vivre.
Tout cela s'est passé il y a maintenant deux ans. Aujourd'hui, ils ont retrouvé leur fils grâce
à la générosité de la petite famille qui ne les a pas repoussés. Leur fils les a pris chez lui et
ils ne sont plus obligés de mendier. Depuis ce jour, ils envoient souvent des nouvelles à cette famille
qui est devenue la leur par le FIHAVANANA malagasy ou la SOLIDARITE.

 


     15 decembre
Les trésors sous la neige
J'ai changer de manteau
Car il fait assez beau
Pour sortir son foulard
Marie!Marie!Viens-tu jouer dehors!
La neige fond en eau
Il coule des ruisseaux
tant le soleil est fort
Marie!marie! C'est une honte si tu dors!
L'herbe de l'an passé
Commence à se montrer
Mais elle est jaune encore
Marie!Marie!viens chercher des trésors!
Les trottoirs vont sécher
Nous irons en souliers
Les jours finiront tard
Marie!Marie!Mon joli bouton d'or
Marie!Marie! Viens-tu jouer dehors

 


     25 juillet
Une rose se fane
Une rose c'est beau on peut lui parler et aussi l'aimer.
Une rose c'est un être elle sait s'exprimer.
On dit que la rose a un cerveau.
Certains disent que le cerveau est sur le pétale le plus spécial, d'autres disent
que c'est au coeur et certains disent que c'est ridicule.
Une rose se fane si elle n'est pas aimée dans ce pays, par exemple, une
voiture passe et laisse la pollution derrière elle. Donc, elle empoisonnera et
enlèvera la rose de notre pays merveilleux. 
Peut-être qu'ils ont raison ou tort. 

 


     31 aout
Le chien perdu
Il y a très longtemps dans un village, vivait un pauvre. Il s'appelait Florentin il avait 9 ans...
Il adorait son chien qui s'appelait Horace. Mais un jour son chien fut enlevé part le roi des ogres.
Florentin demanda à ses parents 100 francs et s'il pouvait aller chercher son chien.
Ses parents furent d'accord.
Florentin descendit au village chercher des plantes comestibles.
Florentin traversa le fleuve et vit une grande forêt.
Il y entra et marchait lentement quand soudain des chevaliers surgirent.
Il se cacha et heureusement les chevaliers ne le virent pas.
Il  continua à marcher. Soudain il entendit un arbre ronfler. Florentin s'arrêta et dit :
- Bonjour l'arbre !
L'arbre se réveilla et il dit :
- Qui  es-tu ? 
- Je suis Florentin Plante.
L'arbre dit :
- Tu as dit le mot de passe, je te donne deux colliers : un collier de feu et le collier de l'eau,
cela pourra te servir !
Florentin continua à marcher sans savoir ce qui lui était arrivé. Deux heures plus tard,
il aperçut le château du roi des ogres. Florentin cria :
- Feu !!
Une boule de feu sortit du collier. Il entra dans le château. Florentin vit plein de portes.
Il ouvrit la première porte et vit plein d'ogres. Florentin cria :
- Feu !!
Les ogres  brûlèrent. Florentin ouvrit la deuxième porte et vit des chevaliers et Florentin cria :
 - Eau !!
Les chevaliers se noyèrent. La troisième porte, il l'ouvrit et vit le roi des ogres ! Florentin cria :
- Feu !! Eau !!
Le roi mourut en tombant derrière son siège. Il entendit son chien aboyer et Horace sauta sur Florentin.
Florentin et Horace volèrent la richesse du roi. Ils rentrèrent à la maison.
Ils construisirent un château et ils eurent un grand royaume.

 


     8 septembre
Les animaux
Dans la nuit de l'automne quand le feu est chaud,
Je suis triste parce que mes animaux 
Ne sont pas dans la maison.
Vole vole mon petit oiseau pour te réchauffer.
Dans l'arbre tu laisses ton nid tu reviendras en été.

 


     22 mai
Chevaux du bonheur
Wendy tu es la plus jolie,
Suzanna tu es toujours là pour moi,
Cookie tu est une Connémara.
Et je t'aime à la fois.
Comme toutes les autres,
Qui n'aiment que moi.
Mais il n'y a pas que vous pour faire
Ma joie
Il y a beaucoup d'autres chevaux
Comme Réséda ou Baroudeur ou Diabolo
Qui me font hurler de Booooooooooooonheur .

 


     25 novembre
La hotte a disparu
Le jour de Noël se passait très bien jusqu'à ce que le père noël découvre qu'il n'avait plus sa hotte.
Le père Noël était déboussolé, il ne savait quoi faire jusqu'à que son lutin Rudolf lui dise quoi faire.
Le père fit ce que Rudolf lui avait dit. Il alla donc voir si elle était rangée dans sa chambre,
mais elle n'y était pas.
Il regarda partout sauf dans son atelier. Il fut une petite pause le temps de réfléchir.
Il prépara ses rennes pour les livraisons des cadeaux.
Son renne au nez rouge lui demanda ce que le père noël avait.
Le père noël répondit :
- Je ne trouve plus ma hotte.
- Que dois-je faire ?
- As-tu regardé dans ton atelier ?
- Non, dit le père Noël.
- Attends je vais t'aider, dit le renne.
- Merci, dit le père Noël.
Tous les deux sont alors allé voir où était la hotte du père Noël mais ils n'avaient rien trouvé
jusqu'à ce que le père Noël se rappele où il l'avait mis.
- Mais que je suis bête je l'ai mis dans l'armoire qui est dans mon atelier.
- Je possède une clef pour cette armoire.
Le renne était très fier d'avoir retrouvé la hotte du père Noël et l'histoire se finit
avec les livraison des cadeaux.

 


     25 janvier
A LA CLAIRE FONTAINE
A la claire fontaine M'en allant promener
J'ai trouvé l' eau si claire Que je m' y suis baignée
Il y a longtemps que je t' aime jamais je ne t' oublierai.
Sous les feuilles d'un chêne Je me suis fait sécher ;
Sur la plus haute branche Un rossignol chantait.
Il y a longtemps que je t' aime jamais je ne t' oublierai.
Chante, rossignol, chante Toi qui as le coeur gai,
Tu as le coeur à rire, Moi je l' ai à pleurer.
Il y a longtemps que je t'aime Jamais je ne t'oublierai.
J'ai perdu mon ami Sans l'avoir mérité
Pour un bouquet de roses Que je lui refusai.
Il y a longtemps que je t'aime Jamais je ne t'oublierai.
Je voudrais que la rose Fût encore au rosier,
Et que mon doux ami Fût encore à m'aimer.
Il y a longtemps que je t'aime Jamais je ne t'oublierai.

 


     9 septembre
Le petit chat
J'ai un petit chat bleu siamois.
Hier soir il s'est endormi sur
son coussin bleu cyan.
Il vit une petite souris
bleu-grise se dandinant sur un 
Tapis bleu outre mer.
Mon petit chat a préféré se 
recoucher. 
Petit paresseux mon filibleu.
Avec ton noeud bleu indigo,
tu es très rigolo.

 


     3 avril
Le carnaval truqué
Il était une fois un petit garçon qui s'appelait Kiwi.
Il avait 10 ans, il était très gentil et très intelligent.
Il habitait dans un village qui s'appelait Le Teil.
Il allait au carnaval tous les ans.
Mais un jour il vit que le carnaval était bizarre, parce que le distributeur de bonbon
ne donnait que des mauvais bonbons, le jongleur ne savait pas jongler,
le clown ne faisait pas rire, le cracheur de feu s'était brûlé.
C'est ainsi qu'il décida de résoudre le problème tout seul.
ur son chemin il rencontra un monsieur qui lui donna une épée pour aller combattre le méchant.
Il repartit au carnaval pour aller combattre le méchant.
Il vit le méchant et lui coupa la tête. Epuisé mais heureux d'avoir combattu le méchant
il put s'amuser au carnaval.

 


     9 aout
une fleur dans le desert
Il y avait une fleur dans le désert
Qui était toute seule.
Elle se demandait si un jour
Il y aurait une autre fleur comme elle.
Elle a attendu des années et des années
Un jour,
Il y a eu Une petite fille
Qui a vu la  fleur.
Elle lui donna de l'eau.
De cette fleur elle prit une graine
Et fit pousser une autre fleur
Comme elle.

 


     9 avril
Jardin de fleurs
Jardin de fleurs 
Tes belles couleurs 
Sont attirantes 
De même que fascinantes 
Tes doux parfums délicieux 
Sont merveilleux 
Elles chatouillent mes narines 
Odeurs de citron, orange et mandarine 
Je ne me lasse à les sentir 
Des papillons viennent t'embellir 
Nous laissant complètement bouche bée 
Devant cet endroit enchanté.

 


     9 novembre
Colchiques dans les prés
Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent
Colchiques dans les prés, c'est la fin de l'été
La feuille d'automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant
Châtaignes dans les bois, se fendent, se fendent,
Châtaignes dans les bois, se fendent sous nos pas
La feuille d'automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant
Nuages dans le ciel, s'étirent, s'étirent
Nuages dans le ciel s'étirent comme une aile
La feuille d'automne emportée par le vent
En ronde monotone, tombe en tourbillonnant
Et ce chant dans mon coeur, murmure, murmure
Et ce chant dans mon coeur appelle le bonheur

 


     12 septembre
Clochette
Clochette
Petite vachette
Et tête mignonnette
Clochette
Avec sa petite languette
Au trot avec ses grelots
Petite Clochette
Vachette mignonnette
Queue ébouriffée
Avec ses cornes courbées.

 


     14 septembre
Le Corbeau et le Renard
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
5« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »
10À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie :
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
15Vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

 


     17 septembre
Panache
Panache, mon petit chien
En laisse, je le tiens
pour aller jouer
Avec mes copains
Et dresser
Le petit coquin.
Quelle aventure !
Dans le parc endormi
Ou sont mes amis ?
L'hiver n'est pas joli
Et ils sont repartis.
Que faire ?
Rentrer sans m'amuser ?
C'est désolant !!!!
Pourquoi ne pas se promener gentiment ?
Es-tu content Panache ?
Wach !!! Wach !!! 

 


     3 novembre
Pour faire le portrait d'un extra-terrestre
Peindre d'abord le portrait de l'espace
avec une planète
peindre ensuite
quelque chose comme le soleil
quelque chose comme la lune
quelque chose comme un vaisseau
quelque chose comme un pistolet laser
pour l'extra terrestre
placer ensuite le vaisseau sur la terre
dans un grand terrier
dans un cratère ou
dans un grand trou
se cacher derrière le vaisseau
sans  rien  dire
sans  bouger...
parfois l'extra-terrestre arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider .
Ne pas se décourager
attendre
attendre s'il le faut pendant des années
la vitesse ou la lenteur de l'extra-terrestre
n'ayant aucun rapport
avec la réussite
quand l'extra-terrestre  arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'extra-terrestre entre dans le vaisseau
et quand il est entré
mettre un peu d'essence dans le réservoir
puis
effacer un à un tous les freins qui retiennent le vaisseau
en ayant soin de ne pas abîmer le vaisseau
faire ensuite le portrait de l'espace
en  choisissant les plus belles étoiles
pour l'extra-terrestre
peindre aussi le vaisseau
et puis attendre que l'extra-terrestre décide de ne pas partir
s'il part
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il ne part pas. C'est bon signe
signe que vous pouvez signer
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. 

 


     12 avril
ALOUETTE GENTILLE ALOUETTE
Alouette, gentille alouette Alouette, je te plumerai (bis)
Je te plumerai le bec (bis)
Et le bec, et le bec Alouette, alouette, ah ah ah ah !
Alouette, gentille alouette Alouette, je te plumerai
Je te plumerai la tête (bis)
Et la tête, et la tête
Et le bec, et le bec Alouette, alouette, ah ah ah ah !
Alouette, gentille alouette Alouette, je te plumerai
Je te plumerai le cou (bis)
Et le cou, et le cou
Et la tête, et la tête
Et le bec, et le bec Alouette, alouette, ah ah ah ah !
Alouette, gentille alouette Alouette, je te plumerai
Je te plumerai le dos (bis)
Et le dos, et le dos
Et le cou, et le cou
Et la tête, et la tête
Et le bec, et le bec Alouette, alouette, ah ah ah ah !
Alouette, gentille alouette Alouette, je te plumerai
Je te plumerai les fesses (bis)
Et les fesses, et les fesses
Et le dos, et le dos
Et le cou, et le cou
Et la tête, et la tête
Et le bec, et le bec Alouette, alouette, ah ah ah ah !
Alouette, gentille alouette Alouette, je te plumerai (bis)

 


     3 decembre
Polka ma lapine
Polka aime la polka et la java.
Quand elle se rend à ses cours de danse
elle a bien de la chance
de ne pas tomber sur un chat. 
Mais qui est Polka? 
C'est ma petite lapine
qui est bien coquine,
c'est pour ça
qu'elle n'aime pas les chats. 

 


     3 janvier
je suis un ROTTWEILER
Je suis d'une couleur noire et feu
je suis bonne ça se lit dans mes yeux
je suis d'une fidélité inestimable
je suis d'une tendresse incroyable
Je suis insatiable de caresses 
je suis d'une profonde sagesse
je suis le plus heureux des chiens 
je suis malheureux sans les miens
je suis une véritable prédatrice
je suis des chats, grande amatrice
je suis d'une grande valeur
je suis une vaillante au grand coeur

 


     25 aout
Yoghi
Peindre d'abord un oeuf
avec un morceau de coquille brisée
peindre ensuite
quelque chose de bien
quelque chose de grand
quelque chose de voyant
quelque chose de bon
pour le Yoghi
placer ensuite le tableau contre une mouche
dans un maison
dans un parc
ou dans une voiture
se cacher derrière la mouche
sans rien dire
sans bouger
Parfois le Yoghi arrive vite
mais il peut aussi mettre un long siècle
avant de sentir la mouche
Ne pas se décourager
attendre
attendre s'il le faut pendant des siècles
la vitesse ou la lenteur de l'arrivé du Yoghi
n'ayant aucun rapport
avec l'odeur de la mouche
Quand le Yoghi vient
s'il vient
observer le plus petit calme
attendre que le Yoghi entre dans l'oeuf
et quand il est entré
fermer la coquille avec le pinceau
puis
effacer un à un tous les petits points
en ayant soin de ne toucher aucune des écailles du Yoghi
Faire ensuite le portrait d'une boîte volante
en choisissant la plus chouette face de la boîte
peindre aussi la montagne et la fraîcheur de l'herbe
le machin ou le truc qui vous vient à l'idée
et la chaleur du soleil
et puis attendre que le Yoghi tire la langue
s'il ne tire pas la langue
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il tire la langue
c'est bon signe
signe que vous pouvez signez
alors vous faites tout doucement recracher
un des stylos de Yoghi
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau. 

 


     3 fevrier
La maison de la chèvre
Pim-pom, pim-pom, au feu !
La maison de la chèvre brûle !
La chèvre bondit effarée,
Les deux yeux écarquillés.
La poule court avec un seau d'eau,
Vite, vite de l'eau, de l'eau,
Le chat s'accroche à la cloche,
Au secours venez, venez,
Toute la maison va brûler !
Le coq entend son appel,
Il accourt avec l'échelle,
le chien tire le long tuyau,
Ouah ! qui m'aidera à pomper l'eau ?
Le canard sort de la mare,
Me voilà, coin, coin je viens !
Au feu ! Au feu!  Pim-pom, Pim-pom,
Chèvre nous sauverons ta maison,
Quand les pompiers sont arrivés,
tout était terminé,
Et devant sa maison inondée, 
La chèvre dormait rassurée,
Après toutes ces aventures. 

 


     3 mars
Poissons papillons
Les santons gardent leurs moutons et leurs poissons
Ils croisent des papillons et nous rigolons 
En voyant les poissons attraper les papillons 
Et tout d'un coup, les poissons devinrent papillons 
Et les papillons devinrent poissons. 
Pauvres santons 

 


     28 decembre
La magie du 24 décembre
Il était une fois, une petite fille nommée Chloé qui avait environ 8 ans.
A l'école, tout les amis de Chloé lui disaient que le Père Noël n'existait pas et
celle-ci avait beaucoup de peine a l'idée que ce magnifique monsieur à la longue barbe blanche
ne soit pas réel...
C'était bientôt Noël, mais Chloé n'avait guère envie de fêter.
Elle se disait "A quoi bon fêter Noël si le Père Noël n'existe pas...
il n'y a plus de magie maintenant, ce n'est qu'une fête comme les autres !!"
Comme Chloé avait un petit frère âgé de 4 ans, il ne fallait surtout pas lui révéler
ce qu'elle avait appris au sujet du Père Noël...
Donc la tradition se fit comme à chaque année. A 8 heure,  c'était l'heure de la sieste
pour laisser le temps au Père Noël d'aller porter les cadeaux en dessous de l'arbre.
Ils laissèrent trois biscuits aux brisures de chocolat sur la table avec un immense verre de lait.
Chloé trouvait cela stupide mais faisait comme si de rien n'était pour ne pas décevoir son petit frère.
Puis avant d'aller faire sa sieste, Chloé regarda par la fenêtre.
Dehors, il neigeait de  petits flocons. Les maisons étaient toutes décorées.
Puis tout à coup, en regardant vers le ciel, elle vit un immense traîneau voler au dessus des maisons.
Mais ce n'était pas un traîneau ordinaire...
Il était tiré par des rennes, et  une gros monsieur à la barbe blanche habillé en rouge les guidait.
En plus, en dessus du traîneau était empilé une multitude de cadeaux enveloppés des plus beaux papiers
d'emballage au monde !!!
Le Père Noël fit un geste de la main pour saluer Chloé qui le regardait les yeux ronds comme des billes.
"C'est le Père Noël, le vrai !  ça, il n'y a aucun doute" pensa Chloé.
Puis le Père Noël disparut tranquillement dans le ciel pour continuer sa remise des cadeaux.
Pour Chloé, ce Noël ci fut le plus beau de tous les Noël parce qu'elle savait que le Père Noël
existait pour vrai, peu importe ce qu'en pensaient ses amis.

 


     3 juin
Il était un petit homme
Il était un petit homme
Pirouette cacahuète
Il était un petit homme
Qui avait une drôle de maison
Qui avait une drôle de maison
Sa maison est en carton
Pirouette cacahuète
Sa maison est en carton
Les escaliers sont en papier
Les escaliers sont en papier
Si vous voulez y monter
Pirouette cacahuète
Si vous voulez y monter
Vous vous casserez le bout du nez
Vous vous casserez le bout du nez
Le facteur y est monté
Pirouette cacahuète
Le facteur y est monté
Il s'est cassé le bout du nez
Il s'est cassé le bout du nez
On lui a raccommodé
Pirouette cacahuète
On lui a raccommodé
Avec du joli fil doré
Avec du joli fil doré
Le beau fil, il s'est cassé
Pirouette cacahuète
Le beau fil, il s'est cassé
Le bout du nez s'est envolé
Le bout du nez s'est envolé
Un avion à réaction
Pirouette cacahuète
Un avion à réaction
A rattrapé le bout du nez
A rattrapé le bout du nez
Cette histoire est terminée
Pirouette cacahuète
Cette histoire est terminée
Et on peut la recommencer
Et on peut la recommencer

 


     3 juillet
Les animaux en farandole
Que dit le lapin ? Dit-il qu'il a faim ? 
Dis-moi lapin, manges-tu du pain ? 
Dis-moi cheval, vas-tu au bal ? As-tu le moral ? 
Dis-moi tortue, qu'as-tu donc vu ? 
Dis-moi souris, t'appelles-tu Mélanie ? 
Dis-moi, baleine, est-ce que ça baigne ?

 


     3 aout
Grisette mon hamster
Grisette fait la fête
Malgré sa petite tête.
Elle grimpe aux barreaux
Même tout en haut.
Elle adore jouer
Et se balancer.
Elle va à l' école,
Mais n'est pas pot de colle.
Elle ne fait pas de grimaces
Et sait porter une masse.
Elle aime sa roue
Et ses autres joujoux 

 


     1 novembre
Une journée dans la vie de Mabouille la citrouille
Mabouille la petite citrouille n’est pas bien réveillée ce matin.
Elle a les yeux plissés et les idées tout embrouillées.
Tandis qu’elle s’approche d’une flaque d’eau pour se débarbouiller,
elle croise Patou le toutou vadrouillant à la fraîche.
Patou a l’air d’humeur joyeuse :
« Hi hi hi, bonjour Mabouille.
Et bien dis-donc, quelle sale bouille aujourd’hui, hi hi hi !
- Ma bouille ? Quoi ma bouille ? Et toi, t'as vu ta b… »
Mais c’est déjà trop tard !
Mabouille n’a pas le temps de finir sa phrase :
Patou le toutou lui a sauté dessus et à grands coups de langue
s’occupe de la débarbouiller !

 


     1 fevrier
Qui est Léo ?
Mais qui est Léo ?
Et bien Léo est un de ces animaux
qui se promène dans les zoo.
Il aime parler à ses cousins,
Les gros félins,
qui sont enfermés dans des cages
A cause de leur jeune âge.
Mais léo est avant tout
un animal sur de tout
car...
Léo est à moi,
Bien sûr c'est mon chat...

 


     1 mars
En mémoire de...
Ce matin là
Elle était à coté de moi
Quelques heures plus tard
Elle n'était plus là
Mais pourquoi toi ?
Elle était si mignonne
Et si douce
Oh Torpille, reviens-moi
Mais comment oublier ce chat?
Je pleure et pleure encore
Mignonne Torpille où que tu sois
Tu resteras toujours près de moi.

 


     1 avril
FRERE JACQUES
Frère Jacques, Frère Jacques,
Dormez-vous, dormez-vous ?
Sonnez les matines, sonnez les matines,
Ding, daing, dong, ding, daing, dong.

 

 

Le Tamanoir
le tamanoir 
est dans le noir
mais que fait-il le soir? 
il se regarde dans un miroir !
sur un tiroir
et joue avec le bougoir
dans le manoir
quand il fait tout noir !! 

 


     1 juin
Pour l'écureuil
Pour l'écureuil
dans les feuilles
amandes, noix, noisettes
dans son panier
c'est chouette !
noix de coco
c'est trop gros !

 


     1 juillet
L’Enfant et le Maître d’école
Dans ce récit je prétends faire voir
D’un certain Sot la remontrance vaine.
Un jeune enfant dans l’eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu’un Saule se trouva
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S’étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d’École ;
L’Enfant lui crie : « Au secours, je péris. »
Le Magister, se tournant à ses cris,
D’un ton fort grave à contretemps s’avise
De le tancer : « Ah le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l’a mis sa sottise !
Et puis prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux, qu’il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu’ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! »
Ayant tout dit il mit l’enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu’on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connaître au discours que j’avance :
Chacun des trois fait un peuple fort grand ;
Le Créateur en a béni l’engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d’exercer leur langue.
Hé mon ami, tire-moi de danger ;
Tu feras après ta harangue.

 


     1 aout
Le chaton qui aime l'eau
Bonjour je m'appelle Diabolo.
Je suis un chaton qui aime l'eau.
Vous vous demandez sûrement pourquoi,
Et bien moi-même, je ne le sais pas.
C'est comme ça et puis c'est tout.
Je me mouille jusqu'au cou!
Je m'appelle Diabolo,
Je suis un chaton qui adore l'eau,
l'eau qui me rend si beau ! 

 


     2 janvier
David le dauphin
"David gentil dauphin,
Toi qui est si malin,
Emmène moi au fond des mers
Là où tout est bleu et vert"
Je suis un dauphin du Pacifique
Et j'aime longer les côtes du Mexique.
Souvent, j'invite les enfants à jouer,
Et ensemble, nous jouons toute la journée.

 


     6 octobre
César le crocodile
Quelle heure est-il, monsieur le crocodile?
Il est trois heures moins le quart, ma chère Odile!
Hé oui! C'est le crocodile César!
C'est un reptile assez bizarre.
Figurez-vous qu'il sait lire l'heure!
Et il mange aussi du chou-fleur!
Il n'a jamais eu de petits,
Mais c'est un gentil ami.

 


     6 novembre
Monsieur l'écureuil
Monsieur l'écureuil,
Qui se cache dans l'arbre sans feuille,
Je te cherche,
Mais tu es caché,
Tu enterres les noisettes et les glands,
Que tu mangeras bientôt,
Bon courage monsieur l'écureuil.

 


      6 decembre
Les Deux Mulets
 Deux Mulets cheminaient ; l’un d'avoine chargé ;
L’autre portant l’argent de la Gabelle.
Celui-ci, glorieux d’une charge si belle,
N’eût voulu pour beaucoup en être soulagé.
5Il marchait d’un pas relevé,
Et faisait sonner sa sonnette ;
Quand, l’ennemi se présentant,
Comme il en voulait à l’argent,
Sur le Mulet du fisc une troupe se jette,
10Le saisit au frein et l’arrête.
Le Mulet en se défendant
Se sent percer de coups : il gémit, il soupire.
« Est-ce donc là, dit-il, ce qu'on m’avait promis ?
Ce Mulet qui me suit du danger se retire ;
15Et moi j’y tombe, et je péris.
— Ami, lui dit son camarade,
Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut emploi :
Si tu n’avais servi qu’un Meunier, comme moi,
Tu ne serais pas si malade. »

 


     6 janvier
J'aime les fleurs
j'aime les fleurs,
avec leurs belles couleurs,
leurs bonnes odeurs,
cela me rend de bonne humeur,
et ça réjouit mon coeur.

 


     6 fevrier
La coccinelle magique
Une coccinelle se pose sur mon doigt.
Je lui dis : d'ou viens tu ?
Elle me répond je suis magique .
Je sais faire des briques, 
Je fais avancer les bourriques, 
C'est moi qui arrête les flics, 
et c'est moi qui récolte le fric.
Finalement les coccinelles c'est pas mon truc !

 


     6 juin
YAEL
C'est un petit garçon tout plein de taches de douceur.
Ses cheveux, toujours coiffés en bataille, sont de la couleur des blés…
Mais, est-il important de mieux le décrire ?
Non, ce qui importe, c’est de savoir ce qu’il fait,
ce petit garçon tout plein de taches de douceur.
Yaël est un ange.
L’ange de tous les enfants du monde.
Dans des textes très anciens, il est écrit que lorsqu’il naît,
un enfant sait déjà presque tout. Il parle toutes les langues,
connaît déjà beaucoup d’histoires.
Mais, ce serait trop facile ! Tout au long de la vie,
les hommes doivent apprendre, toujours et encore !
C’est pour cela que le jour de la naissance d’un petit enfant,
Yaël vient le visiter, lui pose son doigt sur les lèvres en lui disant :
« Chut ! Tu as encore bien le temps d’apprendre, ne va pas trop vite ! »
Alors, à ce moment, le petit enfant lui sourit. Il est d’accord avec lui.
Il est d’accord pour faire semblant d’oublier ce qu’il sait déjà et
recommence à apprendre, tous les jours, tous les jours.
Ce qu’il apprend, cela dépend de beaucoup de choses.
Chaque petit enfant a une vie bien à lui, déjà bien remplie.
Dans certains pays, dans certaines familles, pourtant, l
es enfants apprennent la vie des adultes beaucoup trop vite.
Yaël est toujours là, à côté d’eux, et les aide de son mieux.
Mais c’est un ange encore bien jeune et parfois, il ne peut pas...
Il est pourtant toujours là, à côté d’eux et les aide de son mieux.
C’est pour cela qu’il arrive à Yaël d’être triste, parfois.
Alors, certains soirs, essaye de penser un peu à lui.
Il le saura et cela le réconfortera beaucoup.
Peut-être même viendra-t-il te voir,
quand tu dormiras et il te protègera.
Tu as remarqué qu’au milieu de tes lèvres, il y a deux petites fossettes ?
C’est la marque du doigt de Yaël, l’ange de tous les petits enfants du monde.

 


     30 octobre
HALLOWEEN
Il était une fois, loin au fond des bois, un pays nommé :
« pays secret ».
On chuchotait, on supputait, on imaginait,
mais la réalité était pire…
sorcières, mauvais génies,
s'y retrouvaient,
y complotaient,
y manigançaient.
Humains passez votre chemin,
Ne vous arrêtez pas,
N'essayez pas de percer les secrets des potions magiques !
Tout autour,
les crapauds coassaient, bavaient,
les araignées tissaient leurs toiles !
Dans toutes les contrées avoisinantes, on tremblait.
Que se passait-il là-bas au fond des bois ?
Bientôt le grand sabbat des sorcières, bientôt…
Dans les campagnes, on s'agitait, on réfléchissait…
La récolte des citrouilles battait son plein
quand une idée fusa.
On creusa,
On découpa,
On sculpta…
On choisit de grandes perches,
On plaça des bougies dans les potirons,
qui devinrent dans la nuit noire des têtes d'épouvantes !
Emmitouflés dans de grandes capes noires,
les villageois brandirent leurs perches
garnies des potirons,
transformés pour l'occasion,
en monstres flamboyants !
Frappant des pieds,
ils se mirent en marche,
pour encercler, là-bas, au fond des bois,
le pays de l'horreur !
quelle ne fut pas leur surprise, d'entendre des chants,
de voir s'écarter devant eux ,
les branches, les ronces et les taillis.
Ils se laissèrent guider, pousser,
par une force qui les conduisit vers une clairière,
où brûlait un grand feu.
Tout autour, sorciers, magiciens, génies et lutins
dansaient et chantaient pour accueillir les humains.
Bienvenue à vous !
Pour Halloween
Le savez-vous
Nos pouvoirs vous sont donnés !
Jetez des sorts,
Amusez-vous
Mais
Méchanceté n'utilisez jamais,
Car
Au pays des secrets
Enfermés vous serez
A tout jamais !
Une journée, une seule,
Vous est accordée !
Halloween est né !

 


     6 avril
"Le chaton qui aime l'eau"
Bonjour je m'appelle Diabolo.
Je suis un chaton qui aime l'eau.
Vous vous demandez sûrement pourquoi,
Et bien moi-même, je ne le sais pas.
C'est comme ça et puis c'est tout.
Je me mouille jusqu'au cou!
Je m'appelle Diabolo,
Je suis un chaton qui adore l'eau,
l'eau qui me rend si beau !

 


     6 mai
Wouf wouf
Un petit chien qui faisait wouf wouf.
Qui mangeait mes pantoufles.
Quand on dit non, c'est non.
Ou dit-on c'est non. 
Un petit bébé qui disait da da c'est tanant. 
Un petit bébé qui disait an c'est tanant. 
Une moto qui fait vroum vroum. 
Une auto qui fait vroum vroum. 
Une adresse qui faisait ss ça fait serpent. 
Un serpent qui disait s s s s.

 


    6 juillet
Oiseaux bleus
Des oiseaux bleus
volent dans un ciel bleu,
dans un ciel radieux,
comme nous sommes heureux.

 


     6 aout
Le Rat de ville et le Rat des champs
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D’une façon fort civile,
À des reliefs d’Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis :
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu’un troubla la fête,
Pendant qu’ils étaient en train.
À la porte de la Salle
Ils entendirent du bruit ;
Le Rat de ville détale,
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
« Achevons tout notre rôt.
— C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi ;
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi.
Mais rien ne vient m’interrompre ;
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre. »

 


     8 octobre
Rose
Moi, je suis la rose,
une fleur de France,
ET elle est ma beauté
Que l'avare flamand,
Paye un de mes oignons,
Plus cher qu'un diamant,
Et dans ma jupe,
A long plis étoffée amplement,
Je porte des blasons peints sur mon vêtement.
Gueule fascé d'argent,
Or avec pourpre en bande
Nulle fleur du jardin n'est égale à ma splendeur,
La nature hélas n'a pas versé d'odeur
Dans mon calice fait comme un vase de chine.

 


     8 novembre
Petite histoire automnale : la feuille de chêne et le gland
"Pssst… !
- Mmm… ?
- He, pssst ! Le gland !
- Qu’est-ce qu’elle veut la feuillette ?
- Mais regarde-moi quand je te parle !
Pshchitt ! Le gland pivote sur lui-même.
- Alors ? Tu ne remarques rien ? insiste la feuille de chêne dentelée.
- Et que suis-je sensé remarquer ?
- Tu ne vois donc pas ces petites tâches jaunes ici ?
- Mmmmouais…
- Et les grosses tâches brunes que j’ai là ?
- Mmmmouais…
- Quoi !? Mouais !? Je suis malade, couverte d’horribles tâches, et c’est tout ce que tu trouves à dire ?!!!
- Mouais !" répond le gland moqueur.
Puis il fait volte-face : pschitt !
Le lendemain...
"Pssst… !
- Prout.
- He, pssst, feuillette, tu boudes ?!
- Re-prout.
- Bon d’accord, je suis désolé… Tu m’écoutes feuillette ?
- Et qu’est-ce qu’il me veut le gland ?
- Et bien, c’est très curieux… Je me sens… comment dire… tout bizarre de la tige.
- Ben voyons…
- Attends, je te montre.
Le gland pivote sur lui-même : pschitt-crac !
- Aïe ! Tu vois, je crois que ma tige est en train de me lâcher.
- Bien sûr, et moi j’ai attrapé la jaunisse !
- Quoi !? Je me balance dans les airs à vingt mètres de haut, ma vie ne tient plus qu’à un fil, et c’est tout ce que tu trouves à dire ?!!!
- Mouais !" répond la feuille en singeant le gland.
Puis elle se remet à compter ses tâches.

 


     8 decembre
Le chat Ronchon
Il était une fois, un chaton qui ronchonnais plutôt que de ronronner.
Un jour, il s'était levé du mauvais poil.
Il était tellement ronchonnant qu'il était INSUPPORTABLE.
Puisqu'il était si INSUPPORTABLE il est allé prendre une marche.
Rendu dehors, le gazon lui dit :
"tu es tellement ronchonnant qu'un jour plus personne ne voudra de toi." 
Surpris Ronchon l'écouta et depuis ce jour il ne ronchonne plus.
Tu es un chaton.
Tout rond.
Tu ronronnes.
Quand je te poponne.
Je rie.
Et tu ris.
Je t'adore.

 


     8 janvier
IL ETAIT UN PETIT NAVIRE
Il était un petit navire, Il était un petit navire
Qui n'avait ja - ja - jamais navigué, Qui n'avait ja - ja - jamais navigué
Ohé ! Ohé !
Il partit pour un long voyage, Il partit pour un long voyage
Sur la mer Mé - Mé - Méditerranée, Sur la mer Mé - Mé - Méditerranée
Ohé ! Ohé !
Au bout de cinq à six semaines, Au bout de cinq à six semaines
Les vivr-es vin - vin - vinr-ent à manquer, Les vivr-es vin - vin - vinr-ent à manquer
Ohé ! Ohé !
On tira z'à la courte paille, On tira z'à la courte paille
Pour savoir qui - qui - qui serait mangé, Pour savoir qui - qui - qui serait mangé
Ohé ! Ohé !
Le sort tomba sur le plus jeune, Le sort tomba sur le plus jeune
C'est donc lui qui - qui qui fut désigné, C'est donc lui qui, qui, qui fut désigné
Ohé ! Ohé !

 


     8 fevrier
L'écureuil aux poils roux
L'écureuil aux poils roux 
S'enfouit dans le houx
Car le loup 
A mal au genou.
L'écureuil aux poils roux 
S'en va chez le hibou.
Que fais-tu dans ma maison ?
Lui demanda le hibou.
Je n'ai plus de maison.
Celui qui a fait ça, c'est le loup !
Va chez le pigeon !
Il n'est pas méchant mais il est bon !
Merci hibou !
Je n'ai rien à te donner mais voici une branche de houx !
L'écureuil aux poils roux 
S'en alla tout content !
Il alla chez monsieur pigeon qui est un vrai savant !
Il l'aime beaucoup.
Bonjour ! Monsieur pigeon !
Monsieur hibou m'a dit que vous êtes bon !
Quel compliment ! Mais venez plutôt manger ! Venez ! Venez !
Je vais vous faire à manger !
Vous êtes mon invité !
On va passer une bonne soirée !
Puisse dormir chez vous ?
C'est de la part de monsieur hibou !
Il m'a conseillé d'aller chez vous 
Car moi, je suis poursuivi par le loup.
Vous êtes très savant 
Et vous n'êtes pas du tout méchant !
C'est vrai !
Je plante mon engrais 
Mais à chaque fois en rentrant 
Je suis fatigué !
Oh monsieur le savant !
Je vais vous aider !
L'écureuil aux poils roux 
S'en alla dans sa chambre 
Tout fou !
La nuit était sombre !
Le lendemain matin,
Monsieur pigeon,
S'en alla planter ses cornichons
Mais l'écureuil aux poils roux les prit dans ses mains.
Oh merci !
Je suis trop fatigué 
Et trop petit
Car quand je suis né 
J'étais petit comme une fourmi !
Oh mais c'est la moindre des choses !
Vous êtes tout rose !
Que vous arrive-t-il ?
On dirait que vous êtes allé sur le grill ?
Oh non !
Je suis flatté !
Vous êtes trop bon !
Venez déjeuner !
L'écureuil aux poils roux 
S'en alla déjeuner.
Il est content de voir que monsieur le pigeon l'a aidé.
Venez mon cher !
Venez goûter !
Mais l'écureuil ne savait pas qu'il fallait payer cher
Pour se loger !
Le jour venu, monsieur pigeon demanda l'argent.
Mais quel argent ?
Le loyer mon cher, le loyer !
Monsieur ! Monsieur ! S'il vous plaît !
Faites plaisir a votre ami que vous aimez !
Mais le pauvre écureuil 
S'en alla seul. 
Ce dont il rêvait c'était un bon fauteuil.
Seul. Seul. Seul.
Mais le chien de berger
Fut le seul à remarquer
Que l'écureuil était tout seul.
Pourquoi pleures-tu, petit écureuil ?
Je pleure car je n'ai plus de maison et je suis seul.
Viens chez le berger !
On va te soigner !
Le chat ne me mangera pas ?
Oh non ! Il est trop vieux !
Ha ! Ha !
Viens ! On va s'amuser tous les deux !
Vous n'allez pas me rejeter ?
Mais pourquoi ça ?
Car il faut que je paye le loyer !
Quel loyer ? Chez nous il n'y en a pas !
Merci ! Bon dieu !
Je suis trop joyeux !
A présent, l'écureuil aux poils roux 
S'en alla tout content 
Car maintenant 
Il est chez le berger et les moutons doux !

 


     8 mars
Chien et chat
Vous aimez les chiens, 
c'est certain.
Ils sont de bons compagnons.
Petits, ils sont mignons.
Mais tout les jours de la semaine
Vous devrez, vous verrez, respirer, ramasser
ces vilains poils.
Ce qui n'est pas très aux poils.

 


     8 avril
Avoir un chaton
tout mignon, tout rond,
qui boit du lait
tout frais dans un bol violet.
Qui attrape les souris cachées dans les lits
qui mange les mouches refugiées sous la douche 
avoir un chaton c'est vraiment trop mignon

 


     8 mai
Comme un poisson dans l'eau
La vie est un long ruisseau qui coule à travers le temps,
l'eau est sombre, il y a beaucoup de cailloux,
il faut s'accrocher pour survivre.
La vie n'apparaît pas toujours comme nos désirs,
nous pouvons couler comme les pierres ou nager à la surface,
autrement dit s'en sortir.
Le petit poisson de cette histoire n'aime pas l'eau,
il n'arrive pas à nager mais autour de lui personne ne l'aide,
personne ne l'aime, il est seul, bête, innocent,
parfois méchant.
Mais c'est sa vie, ainsi est il pour le restant de ses jours.
Lorqu'il sort la tête de l'eau le petit poisson respire
mais ce n'est pas toujours facile, alors il replonge,
dans l'eau sale, du coté obscur.
Autour de lui les gens s'aiment, s'amusent, mais sans lui, 
car il est seul, sans ami.
A longueur de journée on se moque de lui, 
il ne sait pas quoi faire pour vivre la vie comme il le voudrait, 
être heureux avec les autres... 
Il a du mal à respirer 
tellement l'eau est polluée.
Un jour le petit poisson va essayer de s'en sortir mais 
c'est pas facile car il n'est pas accepté...
Petit il était heureux avec sa famille, 
mais plus tard il décida de fuir sa vie.
Aujourd'hui c'est trop tard
le petit poisson est au fond de l'eau et il ne va pa réussir 
à s'en sortir puisqu'il va bientôt mourir.

 


     8 juin
Souricette
Il était une fois une petite souris qui s'appelait Souricette
Elle était triste parce qu'elle n'avait pas d'amis. 
Un jour elle se réveilla et il y avait une jolie petite lettre
Il y avait un nom : 
Le nom était Sourisseau 
dans la carte il était écrit : 
" Je t'aime, Souricette. "
Ils se sont rencontrés
et l'histoire est terminée. 

 


     22 mars
Le lapin de Pâques
Le petit lapin de pâques 
Cache plein d'oeufs dans son sac.
Les enfants l'attendent - tic tac
Sans jamais être patatrac.
Mais ! Ils n'en croient pas leurs yeux,
Voilà le jardin plein d'oeufs.
Dans les fleurs ils voient des noeuds,
Des oranges, des rouges, des bleus.
Tous ces oeufs en chocolat 
Qu'ils ont trouvé dans un creux, 
Ils les mangent et ils aiment ça 
Tous les enfants sont heureux

 


     8 juillet
Le Renard et la Cigogne
 Compère le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fût petit et sans beaucoup d’apprêts :
Le galant pour toute besogne
Avait un brouet clair (il vivait chichement).
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette.
La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là, la Cigogne le prie :
« Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie. »
À l’heure dite, il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit surtout ; Renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit pour l’embarrasser
En un vase à long col et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille.

 


     8 aout
Les oiseaux chanteurs
Dans les bois,
J'ai découvert un oiseau chanteur !
Après, j'en ai trouvé trois !
Quel bonheur !
Je vais raconter ça à ma mère 
Qui est dans la serre ! 
"  Maman ! Ecoutes ça ! J'ai rencontré des oiseaux parleurs ! 
- D'accord. Mais je dois encore travailler une heure ! "
Le premier dit : « Qui es-tu 
Petit têtu ?
- Je ne suis pas têtu ! 
- Qui es-tu petit malotru ? 
Demanda le 2ème oiseau ?
- Je ne suis pas un malotru !
- Alors tu es gros !
Dit le 3ème oiseau.
- Non ! Vous, vous n'êtes pas beau !
- Nous sommes des rossignols ! 
- Arrêtez pour que je rigole ! 
- Ce n'est pas rigolo ! 
- Ce que vous pouvez être sots ! 
Hi ! Hi ! Hi !
- Sale petit ! 
- Il faut que je parte ! C'est l'heure du dîner !
- Oh ! Mais tu ne t'en iras jamais ! Tu vas rester ! 
- Mais...
Les oiseaux bondirent sur mon dos ! 
Ils me piquèrent avec les bec qui était très gros ! 
J'ai eu pleins de bobos !
Mais je m'en suis sorti en leur jetant un seau d'eau !
- Oh ! S'écria la maman. Tu as une imagination débordante ! 
- Mais maman ! Cette histoire n'est pas marrante ! 
Ce que je dis est vrai !
- Oh ! Mais je le sais ! 
C'est vrai dans ta tête ! 
Petite bête ! 
- Mmmm... Je ne suis pas une petite bête ! 
Et la maman se transforma en oiseau parleur 
Mais il était bien plus grand ! 
Quel malheur ! 
En plus cet oiseau est méchant ! 
Mais je me transforma en oiseau parleur !
Quel bonheur ! 
Maman me serra dans ses bras 
Pris une souris et la mangea !
Fin !

 


     19 septembre
SAVEZ VOUS PLANTER LES CHOUX ?
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?
On les plante avec le doigt, A la mode, à la mode,
On les plante avec le doigt, A la mode de chez nous.
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?
On les plante avec le pied. A la mode, à la mode,
On les plante avec le pied, A la mode de chez nous.
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?
On les plante avec le genou A la mode, à la mode,
On les plante avec le genou, A la mode de chez nous.
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?
On les plante avec le coude A la mode, à la mode,
On les plante avec le coude, A la mode de chez nous.
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?
On les plante avec le nez A la mode, à la mode,
On les plante avec le nez, A la mode de chez nous.
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?
On les plante avec la tête A la mode, à la mode,
On les plante avec la tête, A la mode de chez nous.
Savez-vous planter les choux, A la mode, à la mode,
Savez-vous planter les choux, A la mode de chez nous ?

 


     24 septembre
La belle rose
Ma belle rose aux couleurs argentées 
Couleur, couleur de beauté 
Ma belle rose plus belle que de l'or
Qui y'a-t'il de plus beau que toi ?
Tu brilles au soleil 
Ma belle rose aux couleurs argentées
Couleur, couleur de beauté.

 


     25 mars
La mission de Linette, un conte de Pâques
Voilà longtemps, à la veille de Pâques…
Dame Eudes, la majestueuse cloche de la cathédrale de Chartres, fit appeler ses filles.
_ Mes chères enfants, la fée Viviane attend votre visite car elle souhaite vous confier une mission…
Partez, sur le champ !
Les trois sœurs s'envolèrent, enthousiasmées par une telle invitation.
_ La fée veut certainement m'entendre chanter : ma voix est si belle ! annonça fièrement Aliénor.
_ Et moi, pour faire partie de son corps de ballet : Je danse aussi bien que les elfes ! déclara Aude.
Linette ne disait rien. Elle s'appliquait à suivre ses sœurs tant bien que mal.
Ses ailes étaient si petites, si chétives qu'elle avançait avec peine.
_ Cesse de traîner, s'écrièrent ses sœurs, exaspérées par sa lenteur. Tu vas nous retarder !
Quand elles arrivèrent au palais, la fée les accueillit avec beaucoup de gentillesse.
_ Petites, j'ai besoin de votre aide. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mes filleuls,
les enfants du roi. Je souhaiterais que vous leur portiez, de ma part, ces quelques friandises…
La fée désigna du doigt un gigantesque tas de bonbons, étincelants comme des pierres de lune.
Puis, elle ajouta :
_ Vous embrasserez mes chers filleuls pour moi.
Les jeunes cloches glissèrent les cadeaux sous leurs larges jupes de bronze, sans mot dire.
Puis elles se retirèrent.
Après avoir parcouru quelques kilomètres, elles firent une pause près de la rivière.
Aliénor et Aude semblaient de méchante humeur :
_ Que c'est lourd ! dit l'une.
_ Quelle barbe ! Répliqua l'autre. Je n'ai aucune envie d'accomplir cette mission.
_ Pour qui nous prend-t-elle ? Pour ses domestiques ?... Je rentre chez moi !
_ Moi aussi !
Et sous les yeux horrifiés de la plus petite, les cloches déchargèrent leur cargaison d'or et d'argent,
dans l'herbe humide.
_ Vous ne pouvez pas faire ça ! Nous avons promis à Viviane…
_ Nous allons nous gêner ! Répondirent en chœur les chipies.
Elles s'envolèrent sans même un regard pour leur cadette, persuadées que cette dernière les suivrait
comme à l'accoutumée.
Cette fois, Linette n'avait pas envie d'obéir. Elle rassembla les friandises abandonnées et
les plaça avec précaution sous sa jupe :
_ Les petits princes attendent leur cadeau. Pas question de les décevoir, murmura-t-elle.
Ainsi chargée, elle prit son envol en direction de la demeure du roi.
Le vent s'était levé, à présent. La pluie tombait. Linette avançait avec grande difficulté car
ses ailes étaient douloureuses. Vingt fois, la petite cloche fut sur le point d'abandonner sa charge…
Mais elle tint bon.Bientôt elle aperçut les tourelles du château, de l'autre côté de la forêt.
_ Allez, j'y suis presque ! S'encouragea-t-elle de la voix.
A cet instant, un éclair transperça le ciel. Linette eut alors si peur qu'elle perdit l'équilibre.
Sa précieuse charge glissa… et se répandit sur la terre.
Quand Linette parvint au pied du château, sa jupe était vide !
Epuisée, la cloche s'écroula à terre, secouée par de gros sanglots.
Elle aurait souhaitée mourir là, tant elle était déçue de n'avoir pu réaliser sa mission.
Soudain des petites mains la caressèrent. Quand elle leva la tête, elle vit deux enfants
qui l'observaient avec tendresse :
_ Pourquoi pleures-tu, gentille cloche ?
Linette comprit aussitôt qu'elle avait affaire aux jeunes princes.
Elle leur confia la raison de sa détresse.
_ Ce n'est pas grave, s'exclamèrent les enfants. Nous chercherons les bonbons avec toi.
A trois, nous les retrouverons bien vite !
La pluie avait cessé. La présence du soleil facilita les recherches :
Les emballages des sucreries scintillaient joyeusement entre les brins d'herbe,
dans les arbres et sur le chemin…
Marie et Louis poussaient des cris d'émerveillement, à chaque trouvaille.
Linette oublia sa fatigue pour retrouver le sourire : les jumeaux s'amusaient tant !
Quand ils rentrèrent au château, les petits princes annoncèrent au roi, les joues rougies par le plaisir :
_ Sire, grâce à Linette, nous avons passé une excellente journée !
Nous avons fait une extraordinaire chasse aux bonbons ! Il faudra la conter à Madame notre marraine.
Depuis cette aventure, une coutume s'instaura : Les cloches eurent pour mission,
chaque veille de Pâques, de distribuer des bonbons en chocolat aux jeunes princes
puis ensuite à tous les enfants

 


     26 septembre
Coccinelle
Coccinelle coccinelle
Ta robe à pois te va bien
Coccinelle toute belle
Viens par ici dans ma main
Douce douce tache rousse
Tu me chatouille le bras 
N'ai pas peur que je te touche
Je suis sage je ne bouge pas
Tiens raconte moi ta journée
T'es-tu amusée
Bête-à-bon-dieu 
Car je ne vois que tes yeux

 


     28 septembre
Petit poisson
Nage, nage, 
Petit poisson.
Dans l'océan
Comme tu es mignon.
Petit poisson
Tout mignon
Au gros pêcheur rond
De toute façon
Il n'y a pas de raison
De s'inquiéter
Car je sais
Que tu sauras
T'en tirer.

 


     9 octobre
Le Chêne et le Roseau
Le Chêne un jour dit au Roseau :
« Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du Soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon ; tout me semble Zéphir.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage ;
Vous n’auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l’orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La Nature envers vous me semble bien injuste.
— Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. » Comme il disait ces mots
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût porté jusques-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon ; le Roseau plie :
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine,
Et dont les pieds touchaient à l’empire des morts.

 


     11 octobre
Automne, mon poney
Mon poney,
Montant mon poney,
Les cheveux dans le vent,
j'aime voir tomber les feuilles d'automne,
Et que plaisir de sentir les douces senteurs de l'automne.

 


     12 octobre
Au clair de la lune
"Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Pour ?crire un mot.
Ma chandelle est morte,
Je n'ai plus de feu :
Ouvre-moi ta porte
Pour l'amour de Dieu"
Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
"Je n'ai pas de plume,
Je suis dans mon lit.
Va chez la voisine,
Je crois qu'elle y est,
Car dans sa cuisine,
On bat le briquet."
Au clair de la lune,
L'aimable Lubin
Frappe chez la brune
Qui répond soudain :
"Qui frappe de la sorte ?"
Il dit à son tour :
"Ouvrez votre porte
Pour un dieu d'amour."
Au clair de la lune,
On n'y voit qu'un peu.
On chercha la plume,
On chercha du feu.
En cherchant d'la sorte
Je n'sais c'qu'on trouva,
Mais je sais qu'la porte
Sur eux se ferma !

 


     14 octobre
La sorcière aux pépins
Accoudé à la fenêtre, j’admirai  les magnifiques citrouilles dans le potager.
Coquettes, elles étalaient leur robe orangée, sous le clair de lune.
Soudain, j’entendis un bruit épouvantable…
Les histoires d’halloween qui était proche avaient mis le feu à mon imagination.
Je fus saisi d’effroi. Mais la curiosité l’emporta sur mes craintes.
Je sortis au jardin, ma lampe de poche à la main.
Et c’est là que je la vis… Une mignonne sorcière avait atterri au milieu des cucurbitacées !
Le chapeau de travers, étendue de tout son long, elle me considérait avec inquiétude :
 _ Heu ! Désolée. Sois sans crainte, je vais réparer mes bêtises !
 Sans attendre de réponse, elle se redressa et entreprit de caresser chaque citrouille
abimée par sa chute. Et, sous ses doigts de magicienne, ces dernières récupérèrent leur dignité
de marquises enjuponnées.
Devant mon expression ahurie, la petite sorcière m’expliqua :
 _ Je crois que j’allais un peu trop vite sur mon balai !
Je suis partie, ce matin, pour le sabbat des sorcières. Mais, selon mon habitude, j’ai flânée.
Bien obligée ensuite de voler à toute vitesse pour rattraper le temps perdu !
Cette sorcière ne semblait pas bien méchante. Je retrouvai l’usage de la parole :
_ Ainsi les sorcières existent pour de…
Elle m’interrompit par une exclamation :
_ Nom d’une sorcière ! J’ai perdu mes Graines de Vie, dans ma chute…
Au lieu de bavarder, aide-moi à les ramasser !
J’éclairai de mon mieux le sol de ma lampe.
_ Les voilà ! S’exclama-t-elle, joyeuse.
J’aperçus alors quelques pépins ratatinés et insignifiants.
J’étais déçu et le montrai.
_ Ne prends pas cet air méprisant… Il y a là-dedans toute la magie du monde !
Elle les ramassa et souffla doucement dessus. Aussitôt, l’un d’entre eux se mit à germer,
à grandir, grandir. Un arbre immense se balançait, majestueux, sous nos yeux.
La petite magicienne souffla encore et encore. La brise se leva.
J’aperçus alors la mer et ses vagues argentées. Le ciel s’embrasa d’un coup et l’aurore fut là.
Les oiseaux tournoyèrent au-dessus de nos têtes pour célébrer la naissance du jour.
Je retins mon souffle, ébloui. Que c’était beau !
Dès que ma drôle de visiteuse cessa de souffler, la nuit nous enveloppa de son manteau étoilé.
_ Tu as bien de la chance de posséder toute cette magie ! Murmurai-je émerveillé.
Elle rit aux éclats.
_ Cette magie, tu la possèdes toi aussi. Ce n’est pas compliqué :
Il te suffit de regarder autour de toi… et de ramasser les instants de la vie !
Elle mit les graines dans un petit sac en cuir et en serra le cordon.
_ Bon ! Je crois qu’il est temps que je parte sinon je vais rater le sabbat ! 
Merci pour ton aide et peut-être à bientôt…
Quand elle prit son envol, je m’aperçus qu’elle n’était pas venue seule :
un corbeau et un chat noirs l’accompagnaient. Tout le temps de notre conversation,
ils s’étaient discrètement tenus dans le noir.
Pas de doute, je venais de faire la connaissance d’une vraie sorcière,
comme dans les histoires ! Je n’avais pas rêvé.

 


     30 decembre
Le noël d’une petite fée
Je me présente : Je suis Sweet la petite fée des bois.
Je suis à peine plus grande qu’une fleur mais je suis une intarissable bavarde !
Cette nuit-là il avait neigé. Au matin, chaque arbre, chaque buisson scintillait au soleil.
C’était une merveille ! Le temps idéal pour la promenade.
J’enfilai mon manteau de laine rouge, chaussai mes bottines en nacre et me voilà partie…
Je volais par-dessus les prés et les champs, en écoutant chanter le vent.
Près du grand sapin bleu, j’aperçus trois enfants qui construisaient un bonhomme de neige.
_ Ce soir, c’est  Noël, chouette ! Disait l’un.
Il fixa plusieurs pierres sur la face blanche du bonhomme, en guise de bouche.
_ J’aimerais bien avoir mes cadeaux, tout de suite ! s’exclama le deuxième.
Il ôta son écharpe pour entourer le cou neigeux.
Quant au troisième, le plus petit, il ajouta, les mains dans les poches :
_ Et le Père Noël… Qui lui fait des cadeaux ?
Les garçons éclatèrent d’un rire sonore :
_ Que tu es bête ! Le Père Noël est bien trop vieux pour recevoir des cadeaux !
Cet enfant était loin d’être stupide. Oui, qui pensait à faire des cadeaux au Père Noël ? Personne.
Je poursuivis ma route, songeuse. Un rayon de soleil se posa un instant sur ma joue et
me réchauffa le cœur… Je poussai un cri de joie : Je tenais une idée de cadeau !
Là, où habitait le Père Noël, le soleil s’absentait souvent.
Il me suffirait de le capturer pour l’offrir en présent au vieil ami des enfants.
Attraper le soleil, ne fut pas chose aisée. Je dus m’y reprendre à plusieurs fois.
Après plusieurs tentatives, plusieurs coups de baguette magique, je parvins à le faire entrer
dans un pot en verre. Puis je serrai ensuite fortement le couvercle.
La nuit tomba d’un coup. Mais qu’importait ! Je voletai, joyeuse, en direction de la Finlande.
Quand je parvins au domaine de « L’enfant roi », la résidence du célèbre bonhomme rouge,
celui-ci s’apprêtait à partir.
Ses rennes attelés, il grommelait en montant dans son traîneau :
_ Curieux ! La nuit est tombée bien vite, aujourd’hui !  Où est passé ce maudit soleil ?
Intimidée, je m’approchai et lui tendis mon cadeau.
Etonné, il entreprit de l’ouvrir avec un grand sourire.
_ Ma chère petite…
Son sourire s’élargit quand il découvrit, au milieu des papiers de soie, la boule de feu.
_ Ah, je comprends tout ! C’est toi, coquine, qui as fait disparaître le soleil !
Il dévissa le couvercle et laissa s’échapper le bel astre.
_ Sweet, je suis heureux que tu aies pensé à moi. Je te remercie.
Mais je n’ai nul besoin de cadeau… Seule la joie des enfants, chaque année, fait mon bonheur.
Et le soleil ne peut vivre qu’en liberté…
Je fus sur le point de pleurer. J’avais été bien sotte, comme d’habitude.
Le Père Noël me tendit la main :
_ Allez, monte ! Ce soir, tu m’accompagnes !
Je séchai immédiatement mes larmes pour grimper à ses côtés, ravie.
Il donna le signal du départ à ses rennes :
_ Tchââ ! Fougueux, Danseur, Fringant, Mégère, Comète, Cupidon, Tonnerre, Eclair ! Allons-y !
Cette nuit-là, je devins l’amie du Père Noël. Une nuit magique, croyez-moi !
Et si je ne craignais pas de me montrer trop bavarde, j’aurais de belles histoires à vous conter…  

 


     15 octobre
le chat
Près de l'âtre de la cheminée,
Un gros chat s'est endormi sur un tapis doré.
Ne parle pas fort, il ne faut pas le réveiller.
Il est sans doute en train de rêver. 

 


     17 octobre
La brebis et le chien
La brebis et le chien, de tous les temps amis,
Se racontaient un jour leur vie infortunée.
_ Ah! disait la brebis, je pleure et je frémis,
Quand je songe aux malheurs de notre destinée.
Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,
Toujours soumis, tendre et fidèle,
Tu reçois, pour prix de ton zèle,
Des coups, et souvent le trépas.
Moi, qui tous les ans les habille,
Qui leur donne du lait et qui fume leurs champs,
Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille
Assassiné par ces méchants.
Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste.
Victimes de ces inhumains,
Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,
Voilà notre destin funeste!
_ Il est vrai, dit le chien :
Mais crois-tu plus heureux
Les auteurs de notre misère ?
Conclusion:   Il vaut encore mieux souffrir le mal que de le faire

 

 
     9 decembre
Le papillon
Un jour, elle a dit bonjour.
C'était un chenille, pauvre et sans famille.
Elle mangeait, même dévorait.
Elle s'enferma, sans aucun dégat.
Dans sa chrysalide, plus de chenille n'était valide.
Quelques semaines plus tard, Dans ce petit cocon,
Il n'y avait qu'un petit papillon.

 


     19 octobre
Le chat
C'était le chat de Natacha
qui n'aimait pas, qui n'aimait pas
 C'était le chat de Natacha
qui n'aimait pas la chasse au rat !
L'autruche
C'était l'autruche du père Ursule
qui n'avait plus, qui n'avait plus,
C'était l'autruche du père Ursule
qui n'avait plus aucune plume !
La vache
C'était la vache du père Matthieu
qui faisait "MEUH", qui faisait "MEUH",
C'était la vache du père Matthieu
qui faisait "MEUH" à qui mieux mieux!

 


     21 octobre
L'arche de Noé
Quand Dieu fit l'univers il y eut sur la terre
Des milliers d'animaux inconnus aujourd'hui
Mais la plus jolie dans ce vert paradis
La plus jolie, la plus mignonne
C'était la licorne
Il y avait des crocodiles et des orang-outangs
Des affreux reptiles et de jolis moutons blancs
Des chats, des rats, des éléphants
Il ne manquait personne, pas même
La lionne et la jolie licorne.
Quand Dieu vit les pècheurs faire leurs premiers péchés
Il se mit en colère et appela Noé
Mon bon vieux Noé, je vais noyer la terre
Construis-moi un bateau pour aller sur l'eau
Mets-y des gros crocodiles et des orang-outangs
Des affreux reptiles et de jolis moutons blancs
Des chats, des rats, des éléphants
Il ne manqu'ra personne, pas même
La lionne et la jolie licorne.
Quand Noé eut fini de construire son bateau
Il y fit monter les animaux deux par deux
Alors la pluie commença à tomber;
Il s'écria "Seigneur, j'ai fait de mon mieux,
J'ai mis des gros crocodiles et des orang-outangs
Des affreux reptiles et de jolis moutons blancs,
Des chats, des rats, des éléphants
Il ne manque personne à part
La mignonne et la jolie licorne.
Elle riait la mignonne et pataugeait dans l'eau
S'amusait comme une folle sans voir que le bateau
Emporté par Noé l'avait oubliée
Et depuis ce temps il n'y a plus de licornes
mais il y a des gros crocodiles et des orang-outangs
des affreux reptiles et de jolis moutons blancs
Des chats, des rats, des éléphants
Il ne manque personne à part
La mignonne, la jolie licorne.

 


     22 octobre
Le pirate de la salle de bain
C'est moi l'pirate
A quatre pattes
Le galopin
D'la sall' de bain
Donnez moi une baignoire
Et foi de Barbe noire
Y'aura un raz de marée
De la cave au grenier
Mes bulles de savon
Sont des boulets de canon
Qui envoient par le fond
Les plus gros pavillons
Souquons ferme les gars
Va y'avoir d'la bagarre
Pas question d'être en retard
Pour leur tailler le lard
Refrain
Si nous tenons le coup
Nous rentrerons chez nous
Couverts d'or et d'bijoux
Ce s'ra mieux qu'le Pérou
Tiens prends ça dans les dents
Espèce de brigand
Dégage d'mon océan
Ou j'te saigne maintenant
Cerné par les requins
Je frappe dans les mains
Je saute dans mon bain
Y'aura demain matin
Au petit déjeuner
Du squale à grignoter
Vite un harpon rouillé
J'en ai un sous mes pieds
OH, OH, J'vois d'gros nuages
Va y'avoir un orage
Des vagu' de dix étages
Me barrent le passage
Adieu rêv' de voyages
De gloire et d'abordages
Aie, aie, aie c'est l'naufrage
M'man vient faire le ménage

 


     24 octobre
J'ai une femme qui adore les animaux
J'ai une femme qu'adore les animaux,
c'est sa passion, c'est sa vie,
mais pour moi, ça n'est pas rigolo,
elle me délaisse un peu trop.
Elle a un vieux perroquet,
elle est tout le temps après,
et pour qui'n's'fasse mal aux dents,
elle lui broie les aliments.
C'n'est pas de ma faute si elle est comme ça,
elle n'm'aime pas, elle n'maime pas,
c'n'est pas de ma faute si elle est comme ça,
elle me le payera. !!!!!

 
     26 octobre
la mare du canard
Prête-moi ton arrosoir
c'est pour mon petit canard je lui construis une mare.
Je creuse d'abord un grand trou
je lisse avec de la boue et je pose quelques cailloux.
j'ai même prévu un plongeoir,
des feuilles de nénuphar,
c'est la plus jolie des mares.
Sur un écriteau, j'écris :
pour le canard du pays qui n'a pas de plume sur lui.
il est temps dans cette histoire de vous dire
que mon canard est en plastique jaune et noir.

 


     11 novembre
La montagne
J'ai laissé là-bas
Dans mon beau pays
J'ai laissé tous mes amis
J'ai voulu partir
Et je suis parti une fin d'après-midi
La montagne était si belle
Que j'ai voulu la revoir
Quand descend le soir
Laissez-moi chanter
La chanson du souvenir
J'ai laissé là-bas
Dans mon beau pays
Une fille si jolie
Qu'elle doit pleurer
Et compter les jours
Et prier pour mon retour
La montagne était si belle
Que j'ai voulu la revoir
Quand descend le soir
Laissez- moi chanter
La chanson pour l'endormir.

 


     12 novembre
La tour Eiffel
La tour Eiffel a trois cents mètres
De haut en bas on voir la Seine
Pour y monter il faut payer
Tous les millions qu'elle a coûté !

 


     21 decembre
Le petit flocon de neige
Le petit flocon de neige
Je suis un petit flocon
Tout menu, tout blanc, tout rond,
Je voltige dans l'air léger,
Je me balance au bout des branches,
Je suis un petit flocon
Tout menu, tout blanc, tout rond

 


     9 janvier
Monsieur le chêne
Monsieur le chêne, vous êtes un amis fidèle,
Monsieur le chêne, vous avez le coeur en peine,
Quand certains hommes, en veulent votre personne,
Monsieur le chêne, vous savez que l'on vous aime
Monsieur le chêne, c'est vrai quand on se promène
Et que vos branches, nous disent que c'est dimanche
Monsieur le chêne, sous vos feuilles de dentelle
On s'émerveille, bien à l'abri du soleil
Contre-chant:
Qu'il fait bon vivre quand on est entre amis,
Sous le ciel bleu ou même encore sous la pluie,
Dans la forêt en compagnie des oiseaux
Qui chantent et font leurs nids tout là-haut

 


     9 fevrier
Qui se cache sous le sapin
Qui se cache sous le sapin ?
Je crois que c'est un lutin
Qui se cache dans le muguet ?
Je crois que c'est un feu follet
Qui se cache dans la bruyère ?
Je crois que c'est une sorcière
Qui se cache dans les blés ?
Je crois bien que c'est une fée !
Qui se cache dans le houx ?
Maman !! C'est le loup garou !!

 


     9 mars
Villanella
Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux nous irons, ma belle,
Pour cueillir les muguets au bois;
Sous nos pieds égrenant les perles
Que l'on voit au matin briller,
Nous irons écouter les merles
Siffler.

 


     19 decembre
Vent frais
Vent frais, vent du matin
Vent qui souffle aux sommets des grands pins
Joie du vent qui souffle
Allons dans le grand
Vent frais, vent du matin...
En Mauricie, nous avions une version différente de cette chanson. :
Vent frais, Vent du matin
Vent du large au sommet des grands pins
Vent qui chante et danse
Et siffle dans le vent...

 


     9 mai
Pomme pomme
Il y avait une pomme
À la cime d'un pommier
Un grand coup de vent d'automne
La fit tomber sur le pré
-" Pomme, pomme t'es-tu fait mal ?
- J'ai le menton en marmelade
Le nez fendu et l'oeil poché.
Elle roula, quel dommage!
Sur un petit escargot
qui s'en allait au village
Sa maison sur son dos.

 


     9 juin
3 pommes
Il était une bergère
 qui allait au marché,
Elle portait sur sa tête
3 pommes dans un panier,
Les pommes faisaient rouli roula,
Les pommes faisaient rouli roula. STOP!
3 pas en avant, 3 pas en arrière,
3 pas sur le côté, 3 pas de l'autre côté ...

 


     9 juillet
A la soupe
A la soupe soupe soupe
au bouillon ion ion
la soupe à l'oseille
c'est pour les d'moiselles
la soupe à l'oignon
c'est pour les garçons
La soupe aux lentilles
c'est pour les p'tites filles
la soupe à l'oignon
c'est pour les grognons.

 


     11 decembre
Alice pain d'épice
Alice pain d'épice
ton enfant est en nourrice
sur la queue d'une écrevisse
je voudrais la permission
de tirer le canon

 


     11 janvier
Ayez pitié d'un p'tit pâtissier
Ayez pitié d'un p'tit pâtissier
Dont l'amour se perd
Ainsi qu'un éclair
J'lui ai offert un Saint-Honoré
J'en suis tout baba
Car elle s'en moqua!
J'ai tant de peine
Que j'pleure comme une madeleine
Car je l'aime comme un chou à la crème
Si mon amour va, toujours vaillant
J'finirai mes jours dans un puit d'amour!

 


     30 aout
Cinq petits pois
Cinq petits pois serrés dans une cosse
le premier grandit son voisin grossit
les trois autres aussi
ils grandissent, grandissent, grossissent, grossissent
et CRAC, la cosse éclate !

 


     17 mai
Combien faut-il de pommes de terre
Combien faut-il de pommes de terre
pour faire la soupe à ma grand mère ?
deux !
Un, deux !
Combien faut-il de chocolat
pour le gouter de Nicolas ?
cinq !
Un, deux, trois, quatre, cinq !
Combien faut-il de tartines
pour le déjeuner de Martine ?

 


     19 janvier
Cousin Bobosse
J'étais à la noce du cousin Bobosse
J'étais bien fâché, je n'ai rien mangé
Les radis étaient trop petits
Les haricots étaient trop gros
Le rôti n'était pas cuit
Le fromage tout en nage
Le dessert bien trop cher
Le café n'était pas prêt
Et toi qu'as-tu fait ?
J'étais à la noce du cousin Bobosse

 


     12 aout
Dans ce jardin
Dans ce jardin si petit
je sèmerai du persil, des radis, des salsifis, des soucis
Dans ce jardin très très long
je sèmerai des oignons, des potirons, des melons, des pois tout ronds
Dans ce jardin toujours beau
je sèmerai des poireaux, des haricots, et aussi des coquelicots

 


     11 mars
Dans mon château
Dans mon château y a un robot
qui mange du fer et boit de l'eau
quand le robot marche tout le monde marche
quand le robot court tout le monde court
quand le robot saute tout le monde saute
Dans mon château y a un robot
qui mange du fer et boit de l'eau

 


     14 mai
Il était une dame tartine
Il était un' dame Tartine
Dans un beau palais de beurr' frais
La muraille était de farine (autre version: "de praline")
Le parquet était de croquets ;
La chambre à coucher
De crème de lait, (autre version: "était d'échaudés")
Le lit de biscuits,
Les rideaux d'anis.
Quand elle s'en allait à la ville
Elle avait un petit bonnet
Les rubans étaient de pastilles
Et le fond de bon raisiné;
Sa petit' carriole
Était d'croquignoles,
Ses petits chevaux
Étaient d'pâtés chauds
Elle épousa monsieur Gimblette
Coiffé d'un beau fromage blanc
Son chapeau était de galette
Son habit était d'vol-au-vent
Culotte en nougat
Gilet d'chocolat,
Bas de caramel
Et souliers de miel.
Leur fille, la belle Charlotte
Avait un nez de massepain,
De très belles dents de compote,
Des oreilles de craquelin
Je la vois garnir
Sa rob' de plaisirs
Avec un rouleau
De pâte d'abricots
Le puissant prince Limonade
Bien frisé, vient lui faire sa cour
Ses longs (autre version: "blonds") cheveux de marmelade
Ornés de pomm' cuites au four
Son royal bandeau
De petits gâteaux
Et de raisins secs
Portait au respect.
On frémit en voyant sa garde
De câpres et de cornichons
Armés de fusils de moutarde
Et de sabr's en pelur's d'oignons
Sur de bell's brioches (autre version: "Sur l'trône de brioche,")
Charlott' vient s'asseoir ;
Les bonbons d'ses poches
Sortent jusqu'au soir
Voici que la fée Carabosse
Jalouse et de mauvaise humeur
Renversa d'un coup de sa bosse
Le palais sucré du bonheur
MORALITE
Pour le rebâtir
Donnez à loisir,
Donnez, bons parents
Du sucre aux enfants !

 


     24 janvier
Histoire de gruyère
Un morceau de gruyère
Traîne par terre
Arrive en catimini
Une petite souris
En explore centre
Le pose sur son ventre
En croque un bout
Lui trouve bon goût
Malgré cette visite
La souris hésite
Arrive une vipère
Qui n'a rien à faire
Regarde partout
Et gobe le tout.

 


     24 novembre
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
turelure
Ca sentait les abeilles
Ca sentait les groseilles
Ca sentait le soleil
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
Puis je l'ai sucé
Comme on suce les joues de bonne grand-maman
Qui n'a plus mal aux dents
Et qui parle de fées...
Puis je l'ai sucé
Sucé
Mais tellement sucé
Que je l'ai avalé.

 


     11 juillet
La bonne aventure
De bonne figure
Qui aime bien les bonbons
Et les confitures
Si vous voulez m'en donner
Je saurai bien les manger
La bonne aventure, ô gué
La bonne aventure
Lorsque les petits garçons
Sont gentils et sages
On leur donne des bonbons
De belles images
Mais quand ils se font gronder
C'est le fouet qu'il faut donner
La triste aventure ô gué
La triste aventure
Je serai sage et bien bon
Pour plaire à ma mère
Je saurai bien ma leçon
Pour plaire à mon père
Je veux bien les contenter
Et s'ils veulent m'embrasser
La bonne aventure ô gué
La bonne aventure

 


     12 fevrier
La collation
La collation
Attention, attention,
C'est l'heure de la collation,
Des bons fruits, Oui, merci
Du lait frais, S'il vous plaît,
Du fromage, C'est bien sage,
Tout cela, J'aime bien ça,
Des bonbons, C'est très bon,
Mais pas à l'heure de la collation!

 


     11 juin
La petite mandarine
Connaissez-vous l'histoire
Chou bidou bidou ouah
De la p'tite mandarine Chou...
Qui s'en allait un soir Chou...
Au bal de sa copine Chou...
En chemin elle rencontre Chou...
Un jeune garçon citron Chou...
Qui lui dit vient chez moi Chou...
On va danser le rock n'roll Chou...
Et pendant qu'ils dansaient Chou...
Pendant qu'ils s'enlaçaient Chou...
Le jeune garçon citron Chou...
A eu un zeste déplacé Chou...
Trois mois plus tard Chou...
La petite mandarine Chou...
A dit à sa maman Chou...
Maman j'ai eu un gros pépin Chou...
Six mois plus tard Chou...
La petite mandarine Chou...
A eu une petite fille Chou...
Qu'elle appela la clémentine Chou...
Qu'elle appela la clémentine Chou...
Autre version :
Connaissez-vous l'histoire
Chou bidou bidou ouah
De la p'tite mandarine Chou...
Qui s'en allait un soir Chou...
Au bal de sa copine Chou...
En chemin elle rencontre Chou...
Un jeune garçon citron Chou...
Qui lui dit vient chez moi Chou...
On va danser le rock n'roll Chou...
Et pendant qu'ils dansaient Chou...
Pendant qu'ils s'enlaçaient Chou...
Le jeune garçon citron Chou...
A eu un zeste déplacé Chou...
Et la petite mandarine Chou...
Rentra à la maison Chou...
Et dit à sa maman Chou...
Je crois que j'ai un gros pépin Chou...
Et puis neuf mois plus tard Chou...
A la maternité Chou...
Un pamplemousse est né Chou...
Et l'histoire peut recommencer Chou...

 


     21 avril
La semaine gourmande
La semaine gourmande
Lundi, la petite souris invite ses amis,
Mardi, Arrivent le mulot et ses petits,
Mercredi, Les rongeurs ont des envies,
Jeudi, Ils préparent un clafoutis,
Vendredi, Au four, le gâteau cuit,
Samedi, Sur la plaque il refroidit,
Et dimanche, Chacun en mange une belle tranche

 


     28 mai
La terre nourie tout
Et quand serons nous sages ?
Jamais, jamais, jamais !
Et quand serons nous sages ?
Jamais, jamais jamais !
La terre nourrit tout
La terre nourrit tout
Les sages, les sages,
La terre nourrit tout
La terre nourrit tout
Les sages et les fous !

 


     22 juillet
Le bon pain
Craque, craque
le bon pain
craque craque
sous mes dents
craque craque
le bon pain
comme c'est bon
quand j'ai faim

 


     14 janvier
Le poireau
J'ai rêvé que j'étais poireau,
Un légume tendre et beau,
Le patron du restaurant
M'a acheté pour trois francs.
Il a dit au cuisinier
"Coupez-lui le bout des pieds
Lavez-lui le bout du nez
En le passant sous le robinet"
Heureusement, heureusement,
Je me suis réveillé à temps
Juste à temps, juste à temps
Pour éviter l'accident!!!

 


     26 avril
Le régiment de fromage blanc
Un régiment
De fromages blancs
Partait en guerre
contre les camemberts.
Le port-salut
N'a pas voulu
Car le roquefort
Puait trop fort
Le livarot
Portait le drapeau
Et les petits suisses chantaient La Marseillaise
Cela faisait un chant nouveau...
La France est belle sous les drapeaux !
sur l'air de Sambre et Meuse
merci à Christophe
autres versions:
Un régiment de fromages blancs
Déclarent la guerre au camembert
Mais le port-salut n'a pas voulu
Car le roquefort était trop fort !
Les marches crevés font les blessés
Les asticots hissent le drapeau
Et ma chanson est terminée
Je vais vous la recommencer.
Autre version :
Un régiment de fromages blancs
Déclarent la guerre au camembert
Mais le port-salut n'a pas voulu
Car le roquefort était trop fort !
Encore plus fort !
On recommence la chanson en criant de plus en plus fort !

 


     19 aout
Les beaux gros légumes
Poussent poussent poussent,
Les beaux gros légumes,
Poussent poussent poussent,
De plus en plus gros.
Miam miam miam,
Les beaux gros légumes,
Miam miam miam,
J'ai hâte d'en manger.

 


     30 juin
Ma soupe
Mange ta soupe, mange ta soupe,
Ou bien j'appelle les éléphants:
Ils ont des ventres de géants,
Mais il ne mangent que du vent
Dans les forêts d' l'Indoustan
Mange ta soupe, mange ta soupe,
Ou bien j'appelle le crocodile
Qui s'endort au bord du Nil
Et voit dans son rêve inutile
Un restaurant pour crocodiles
Mange ta soupe, mange ta soupe,
Ou bien j'appelle les p'tits moineaux
Les plus groumands des animaux
Qui mangent du pain et de l'eau
Dans les ruisseaux, les caniveaux
Mange ta soupe, mange ta soupe,
Ou bien j'appelle le dromadaire
Qui broute du sable et du verre
Dans le désert, dans le désert
Quand tu auras fini, Avant d'aller au lit
On donn'ra du gruyère
Au pauvre dromadaire,
Des pâtes au parmesan
À de gros éléphants,
Du poisson sur le gril
Pour tous les crocodiles,
Et puis un grand gâteau
Pour tous les p'tits moineaux.

 


     14 mars
Mon oeuf
1 2 3 j'ai pondu trois œufs
dit la poule bleue
1 2 3 si je compte jusqu'à 3,
mon œuf est en chocolat
1 2 3 4 5 6 si je compte jusqu'à 6
mon œuf est en pain d'épice
1 2 3 4 5 6 7 8 9 si je compte jusqu'à 9,
qu'il est beau mon œuf!

 


     30 mars
 Oh le gourmand
Qui a pris le chocolat ?
- Ce n’est pas moi, c’est le chat !
Qui a grignoté les biscuits ?
- C’est Lili la petite souris !
Qui a barboté les bonbons ?
- C’est le hérisson glouton !
Qui a chipé les caramels ?
- C’est mon ami l’hirondelle !
Qui a avalé la guimauve ?
- C’est le lapin qui se sauve !
Qui a mangé le dessert ?
- C’est un drôle de dromadaire !
Qui aura mal à l’estomac ?
- Heu !... Ce sera peut-être moi !

 


     25 fevrier
Nounours à croquer
Nounours gâteaux
Nounours bonbons
Pour les petites filles
Et pour les petits garçons.
- Pour Nicolas,
Un ours au chocolat.
Et pour Camille,
Un ours à la vanille.
- Pour Isabelle,
Un ours au caramel.
Et pour Fabrice,
Un ours en pain d’épice.
- Pour Géraldine,
Un ours à la praline.
Et pour Marion ?
Un nounours au citron !

 


     14 novembre
saucisse et oeuf
1, 2, 3 Je me lave les doigts
4,5,6 je cueille une saucisse
7,8,9 je fais cuire un œuf
10,11,12 je vais sur la pelouse

 


     15 novembre
Un petit bonhomme assis sur une pomme
Un petit bonhomme assis sur une pomme
la pomme dégringole
le petit bonhomme s'envole
par-dessus le toit de l'école

 


     17 novembre
Voilà du bon fromage
Ah, Mesdames, voilà du bon fromage!
Ah, Mesdames, voilà du bon fromage !
Voilà du bon fromage au lait :
Il est du pays de celui qui l'a fait.
Celui qui l'a fait, il est de son village,
Ah, Mesdames, voilà du bon fromage !
Voilà du bon fromage au lait :
Il est du pays de celui qui l'a fait.

 


     19 novembre
A demain
 demain
je baisse la tête,
je monte la tête
comme une girouette.
je lève un bras,
je lève deux bras,
j'enlève mon pyjama.
j'avance un pied,
j'avance deux pieds,
je saute dans mes souliers.
je secoue une main,
je secoue deux mains...
et je vous dis à demain !

 


     21 novembre
Avec de la colle
Avec la colle, colle, colle...
Pour bien coller
Un bout de papier,
Avec la colle, colle, colle...
Je retourne la feuille
Bien comme il faut
A l'envers, je fais un petit point
Dans tous les coins
Avec la colle, colle, colle...
Et pour que ça tienne mieux,
J'en mets un au milieu,
Un point de colle, colle, colle...
Je retourne la feuille
Bien comme il faut
A l'endroit,
Et avec mes mains,
JÕappuie bien, bien, bien,
Sur tous les points,
Où y'a d'la colle, colle, colle...

 


     22 novembre
Buvons un coup ma serpette est perdue
Buvons un coup ma serpette est perdue
Mais le manche, mais le manche
Buvons un coup ma serpette est perdue
Mais le manche est revenu
Bava(s) a ca(p) ma sarpatta a parda
Ma la mache, ma la mache
Bava(s) a ca(p) ma sarpatta a parda
Ma la macha a ravana
Boivoi(s) oi coi(p) moi soirpoitte oi poirdoi
Mois loi moichoi, moi loi moichoi
Moi loi moichoi oi roivoinoi
Bivi(s)... Beuveu(s)...

 


     26 novembre
C'était un petit fakir
C'était un petit fakir
qui souffrait le martyr,
assis sur des clous
ses fesses pleines de trous.
C'était un petit saphir
qui semblait souffrir
au milieu des cailloux
de ne pas être un bijou.
'est alors que le fakir
ramassa le saphir,
le mit à son cou

 


     28 novembre
Charlotte fait de la compote
Charlotte
fait de la compote
Bertrand suce des harengs
Cunégonde
se teint en blonde
Epaminondas
cire ses godasses
Thérèse
souffle sur la braise
Léon
peint des potirons
Brigitte
s'agite, s'agite
Adhémar
dit qu'il en a marre
La pendule
fabrique des virgules
Et moi dans tout cha ?
Et moi dans tout cha ?
Moi, ze ne bouze pas
Sur ma langue z'ai un chat

 


     12 decembre
Cochon faisait la soupe
Hier en me promenant, hier en me promenant
sur le bord des Lisères, gai gai la rigolola [ou : zim boum tralala]
Hier en me promenant sur le bord des Lisères.
J'rencontre un cerisier, j'rencontre un cerisier
Qui était couvert de prunes, gai gai la rigolola
J'rencontre un cerisier qui était couvert de prunes.
J'me mis à le secouer, j'me mis à le secouer,
Il en tomba des pommes, gai gai la rigolola
J'me mis à le secouer, il en tomba des pommes,
J'me mis à les ramasser, j'me mis à les ramasser,
C'était des pommes de terre, gai gai la rigolola,
J'me mis à les ramasser c'était des pommes de terre,
Le garde champêtre m'a vu, le garde champêtre m'a vu,
Il a voulu me battre, gai gai la rigolola.
Le garde champêtre m'a vu, il a voulu me battre.
Il envoya son chien, il envoya son chien,
Sa poule vint me mordre, gai gai la rigolola.
Il envoya son chien sa poule vint me mordre,
M'a mordu au talon, m'a mordu au talon,
Je saigne de l'oreille, gai gai la rigolola.
M'a mordu au talon, je saigne de l'oreille,
Au lieu d'saigner du sang, au lieu d'saigner du sang,
Je saigne de l'eau d'javel, gai gai la rigolola.
Au lieu d'saigner du sang, je saigne de l'eau d'javel.
Je rentre à la maison, je rentre à la maison,
Cochon faisait la soupe, gai gai la rigolola.
Je rentre à la maison, cochon faisait la soupe,
Je monte dans ma chambre, je monte dans ma chambre,
La vache changeait d'chemise, gai gai la rigolola.
Je monte dans ma chambre la vache changeait d'chemise,
Deux mouches au plafond, deux mouches au plafond,
Qui se tordaient de rire, gai gai la rigolola.
Deux mouches au plafond qui se tordaient de rire.
Une mouche a pété, une mouche a pété,
Ellllleeee aaaaa ééééééétttttttoooouuuuffffééééée l'auuuutre.

 


     14 decembre
Comment ça va
Comment ça va sur la terre ?
- ça va, ça va, ça va bien.
Les petits chiens sont-ils prospères ?
- Mon Dieu oui, merci bien.
Et les nuages ?
- ça flotte.
Et les volcans ?
- ça mijote.
Et les fleuves ?
- ça s'écoule.
Et le temps ?
- Ca se déroule
Et votre âme ?
- elle est malade.
Le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade

 


     12 janvier
Dans un bocage
Dans un bocage couvert de feuillage
Qui fleurira au milieu des prés
Celle que j'aime n'est pas ici
L'amour extrême Ah! la voici
Ah! La voici, la voici, la voilà
Celle que mon coeur aime
Ah! La voici, la voici, la voilà
Celle que mon coeur aimera
Ne la laissez pas passer
Sans lui faire un doux baiser
Mets tes pieds dans la purée
Ça fera un bon dîner pour bébé.

 

 

     15 janvier
Gratte moi
Do, ré, mi, fa, sol, la, si, do,
Gratte-moi la puce que j'ai dans l'dos
Si tu l'avais grattée plus tôt,
Elle ne s'rait pas montée si haut !

 


     17 janvier
Il était une fois
Il était une fois,
Une marchande de foie,
Qui vendait du foie,
Dans la ville de Foix...
Elle se dit ma foi,
C'est la première fois
Et la dernière fois,
Que je vends du foie,
Dans la ville de Foix

 


     21 janvier
 J'ai vu un dinosaure
Hier soir,
Je faisais mes devoirs
Quand j'ai vu un dinosaure
Glisser sous le canapé.
"Maman ! J'ai crié,
Y a un dinosaure!"
"Mais non, mon petit,
ce n'est que ton petit frère"
Cette nuit,
Je me suis endormi
Quand j'ai vu un dinosaure
Voler au milieu mon rêve.
"Maman ! J'ai crié,
Y a un dinosaure!"
"Mais non, mon petit,
ce n'est qu'un mouton sautant les barrières"
Ce matin,
J'ai pris mon bain
Quand j'ai vu un dinosaure
Nager sous la mousse.
"Maman ! J'ai crié,
Y a un dinosaure ! "
"Mais non, mon petit,
ce n'est que ta baleine en plastique"
Mais à quatre heures,
Je cherchais mon p'tit beurre,
Quand j'ai vu le dinosaure
Caché au fond de mon cartable.
Cette fois je n'ai pas crié.

 


     22 janvier
Le grillon Dudule
C'était un grillon, qui s'appelait Dudule
Assit sur un rocher il ne cessait de chanter
Le cricri de la crique cri son cri cru et critique
Car il craint que l'escroc ne le craque ou ne le croque
Mais un espadon à Dédé donna Dudule
D'un don si doux Dédé fit son dada qu'il garda
Le cricri de la crique cri son cri cru et critique
Car il craint que l'escroc ne le craque ou ne le croque

 


     26 janvier
Les mensonges
Ah j'ai vu, j'ai vu
Compère qu'as-tu vu ?
J'ai vu une vache
Qui dansait sur la glace
A la Saint Jean d'été
Compère vous mentez
Ah j'ai vu, j'ai vu
Compère qu'as-tu vu ?
J'ai vu une grenouille
Qui faisait la patrouille
Le sabre au côté
Compère vous mentez
Ah j'ai vu, j'ai vu
Compère qu'as-tu vu ?
Ah j'ai vu un loup
Qui vendait des choux
Sur la place Labourée
Compère vous mentez
Ah j'ai vu, j'ai vu
Compère qu'as-tu vu ?
J'ai vu une anguille
Qui coiffait sa fille
Pour s'aller marier
Compère vous mentez.

 

 

     28 janvier
Ma bouche
Ma bouche
Avec ma bouche, je dis bonjour, quand il fait jour!
bonsoir, quand il fait noir!
s'il te plaît, pour obtenir ce qu'il me plaît !
avec ma bouche, je souris, et je dis merci,
car je suis poli!

 


     30 janvier
Qu'as-tu dans ta poche
Qu'as-tu dans ta poche? 
Christophe, Christophe, qu'as-tu dans ta poche ?
Mon mouchoir, mon poignard, un pétard
Christophe, Christophe, qu'as-tu dans ta poche ?
Mon mouchoir, mon poignard, un pétard,
Un caillou trouvé, un bouton sucé, ma clef
Christophe, Christophe, qu'as-tu dans ta poche ?
Catastrophe de catastrophe ! Ma poche est percée !
J'ai perdu
Mon mouchoir, mon poignard, un pétard,
Un caillou trouvé, un bouton sucé, ma clef!!
Et moi je les ai ramassés !

 


     28 fevrier
Un p'tit gamin
- Un p'tit gamin la mine très légère
De ses parents était l'enfant gâté
Tout en faisant l'école buissonière
On l'entendait à tue tête chanter :
oh la, oh lala - oh la oh la oh lala - oh la oh lala - oh la oh lala
- Dans un verger notre petit bonhomme
Vit un pommier et se laissa tenter
Tout en bourrant ses deux poches de pommes
On l'entendait à tue tête chanter :
miam miam.....
- Le garde-champêtre derrière l'enfant qui trotte
Lacha son chien comme sur un voleur
Le chien l'attrape par le fond'sa culotte
Et le gamin s'égosille tout en pleurs :
aie, aie aie.....
- Le lendemain, à l'école du village
Son maitre lui dit : te voilà bien puni
À l'avenir promets moi d'être sage
Et de chanter avec tout tes amis :
oh la, oh lala.......

 


     1 janvier
Bonne année
Il faut que je vous dise
Une jolie surprise
C'est la nouvelle année
Et les gens sont très gais.
Bonne année, bonne santé
Bon printemps, bel été
Doux automne, calme hiver
Ce sont les vœux de la Terre.
Et les miens les voici
De la gaieté pardi.

 


     2 janvier
Bonne année à toutes les choses
Bonne année à toutes les choses,
Au monde, à la mer, aux forêts,
Bonne année à toutes les roses,
Que l’hiver prépare en secret.
Bonne année à tous ceux qui m’aiment,
Et qui m’entendent ici-bas,
Et bonne année aussi, quand même,
A tous ceux qui ne m’aiment pas

 


     26 fevrier
Arlequin
Arlequin dans sa boutique
sur les marches du palais
il enseigne la musique
à tous ses petits valets
à monsieur PO
à monsieur LI
à monsieur CHI
à monsieur NELLE
à monsieur POLICHINELLE
Il vend des bouts de réglisse
Meilleurs que votre bâton
Des bonshommes de pain d'épice
Moins bavards que vous, dit-on
à monsieur PO
à monsieur LI
à monsieur CHI
à monsieur NELLE
à monsieur POLICHINELLE
Il a des pralines grosses
Bien plus grosses que le poing
Plus grosses que les deux bosses
Qui sont dans votre pourpoint
Il a de belles oranges
Pour les bons petits enfants
Et de si beaux portraits d'anges
Qu'on dirait qu'ils sont vivants
Il ne bat jamais sa femme
Ce n'est pas comme chez vous
Comme vous il n'a pas l'âme
Aussi dure que des cailloux
Vous faites le diable à quatre
Mais pour calmer vot' courroux
Le diable viendra vous battre
Le diable est plus fort que vous

 


     5 mars
Carnaval est revenu
Carnaval est revenu
L'avez-vous vu ?
Il est passé dans la rue
Ni vu ni connu
Il porte un masque de carton
Et souffle dans un mirliton
Coiffé d'un chapeau biscornu
Mon p'tit bonhomme
À quoi joues-tu ?

 


     24 fevrier
Fini le tintinmarre
je me tais, tu te tais,
chacun se taira et le silence viendra.
assez de raffut ! assez de chahut !
finis la bagarre! et le tintamarre!
vienne le silence pour que chacun pense

 


     22 fevrier
Le clown
J'ai un gros nez rouge Deux traits sous les yeux
Un chapeau qui bouge Un air malicieux
Deux grandes savates Un grand pantalon
Et quand ça me gratte Je saute au plafond

 


     6 mars
Le mardi fou
C'est Mardi Gras dans notre école,
Comme on s'amuse! Comme on rigole !
Avec nos masques et nos grimaces
Dans le défilé qui passe.
joues rouges, cheveux verts,
Pantalons lâches et chapeaux de paille,
Sur les enfants tout fiers
Qui se tortillent et qui piaillent !
Sifflets, flûtes et tam-tams
Cognent, roulent, secouent,
Pour fêter le jour fou
Que tout le monde acclame!
Comme on s'amuse! Comme on rigole !
Dans notre école !

 


     21 fevrier
Polichinelle
Pan! Qui est-c'qu'est là
C'est Polichinelle Mam'zelle
Pan! Qui est c'qu'est-là
C'est Polichinelle que v'là !
Toujours joyeux
Il aime fort la danse
Et se balance d'un petit air grâcieux.

 


     19 fevrier
Pour me déguiser
Pour me déguiser j'ai mis un faux nez.
Dans ma main je tiens un long serpentin
Et je lance des confettis à tous mes amis.
Tout le monde m'a vu
Personne ne m'a reconnu!

 


     17 fevrier
Au pays du lundi
Au pays du lundi
on joue et on rit
au pays du mardi
dans la bibliothèque on lit
au pays du mercredi
pas d'école aujourd'hui
au pays du jeudi
on dessine et on écrit
au pays du vendredi
les cahiers sont bien remplis
au pays du samedi
on se repose dans son lit
au pays du dimanche
les deux mains sur les hanches
on recommence

 


     15 avril
Aujourd'hui les vacances
Gai, gai l'écolier
C'est aujourd'hui les vacances
Gai, gai l'écolier
C'est aujourd'hui qu'on va jouer!

 


     11 avril
Avril
Atchoum Atchoum Atchoum
Le mois d'avril est enrhumé
Il a besoin de se moucher
Chut, ne fait pas tant de bruit,
dit la petite souris
sinon tu vas faire peur
à la première fleur.

 


     15 mars
Bon anniversaire
Bon anniversaire,
Mes voeux les plus sincères
Que ces quelques fleurs
Vous apportent le bonheur
Que l'année entière
Vous soit douce et légère
Et que l'an fini
Nous soyons tous réunis
Pour chanter en choeur (ou encore?)
Bon anniversaire

 


     17 mars
C'est bientôt l'heure des mamans
C'est bientôt l'heure des mamans
préparez vous les enfants
il faut mettre ses habits
l'école est finie
Devant l'école maternelle
les parents sont là
devant l'école maternelle
ils font les cent pas
C'est bientôt l'heure des mamans
préparez vous les enfants
il faut mettre ses habits
l'école est finie
Ma petite maman magique
dès que je te vois
je viens me blottir bien vite
au creux de tes bras
C'est bientôt l'heure des mamans
préparez vous les enfants
il faut mettre ses habits
l'école est finie

 


     20 decembre
C'est l'hiver
C'est l'hiver, mon mignon
Mets tes bottes doublées de mouton
Ton manteau boutonné jusqu'au nez
Mets ton foulard de laine
Et n'oublie pas tes mitaines
Car dehors il fait froid tu verras!
Note: Sur l'air de "C'est l'hiver, ma chérie,
je t'adore et je prie..." de la chanson " Le bonhomme de neige" -

 


     10 decembre
Dans mon pays d'hiver
- Dans mon pays d'hiver, brr brr (bis)
Il y a de la neige comme ça (bis)
Et des bonhommes comme ça (bis)
- Dans mon pays d'hiver, brr brr (bis)
Il y a des skis comme ça (bis)
Et des soucoupes comme ça (bis)
- Dans mon pays d'hiver, brr brr (bis)
Y a des traîneaux comme ça (bis)
Et des raquettes comme ça (bis)
- Dans mon pays d'hiver, brr brr (bis)
Il y a du hockey comme ça (bis)
Et du patin comme ça (bis)

 


     19 mars
J'ai perdu mes dents
J'ai perdu mes dents,
Mes dents de devant.
Mais pourtant maman,
Je les brossai souvent.
Je les brossai souvent maman
Je les brossai souvent.
Je mange de la purée,
Et de la viande hachée.
Comme mon vieux pépé,
Je ne peux plus mâcher.
Je ne peux plus mâcher maman
Je ne peux plus mâcher.
Mon maître qui sait tout,
M'a dit c'est rien du tout.
Ce sont des dents de lait,
Après viendront les vraies.
Après viendront les vraies maman
Après viendront les vraies.
Ma petite soeur m'a dit,
Que je suis un vampire.
Mais elle, c'est encore pire,
Elle ne sait même pas lire.
Elle ne sait même pas lire maman
Elle ne sait même pas lire.
la la la la lalalalala...
Quelques mois plus tard..
J'ai retrouvé mes dents,
Mes dents de devant.
Et maintenant maman,
Je les brosserai souvent
Je les brosserai souvent maman
Je les brosserai souvent
Je les brosserai souvent maman
Pour les garder longtemps.
Quelques années plus tard...
J'ai reperdu mes dents,
Mes dents de devant.
Je mange de la purée
Car je suis un pépé.
Oui je suis un pépé maintenant
Oui je suis un pépé
Oui je suis un pépé maintenant
Qui a perdu ses dents.

 


     21 septembre
L'automne au coin du bois
L'automne au coin du bois joue de l'harmonica,
quelle joie chez les feuilles
elles valsent au bras du vent qui les emporte,
on dit qu'elles sont mortes,
mais personne n'y croit.
L'automne au coin du bois
joue de l'harmonica.

 


     26 mars
L'horloge et le réveil
Tac tac tac tac fait la grosse horloge
Tic tic tic tic répond le réveil
Tais-toi, tais-toi dit la vieille horloge
Jamais, jamais s'écrie le réveil
Tac tac tac tac mon heure est précise
Tic tic, tic tic, tu retardes un peu
Tais-toi, tais-toi je suis dans l'église
Jamais, jamais, ton clocher est vieux
Tac tac tac tac réveille le monde
tic tic tic tic égrène les heures
Tais-toi, tais-toi entends ma voix gronde
Jamais, jamais car je n'ai pas peur

 


     28 mars
La chanson des 12 mois
C'est janvier le premier né, sa couronne sur la tête,
il dévore une galette!
Février c'est le second, qui s'enrhume et qui grelotte,
qui réclame une bouillotte.
Regardez le mois de mars, il desssine sur les branches
des pétales de soie blanche.
Le suivant s'appelle avril et c'est le mois qui réveille
les oiseaux et les abeilles.
Qunad le mois de mai s'en vient, il met tout le monde à l'aise
devant un panier de fraises.
Pour fêter le mois de juin, il faut entrer dans la danse
du soleil et des vacances.
En juillet s'en va dormir entre deux bottes de paille
la chevelure en bataille.
Le mois d'août n'est qu'un voyou, il invente des orages
pour taquiner les nuages.
Et septembre tout doré prend la route de l'école
sous les feuilles qui s'envolent.
C'est octobre le suivant qui te fait une frimousse
parsemée de tâches rousses.
Et novembre tout en gris se dépêche dans la brume
d'attraper son premier rhume.
C'est décembre le dernier qui réclame à tous ses frères
des cadeaux d'anniversaire.

 


     30 avril
La terre
La terre aime le soleil
et elle tourne
pour se faire admirer
et le soleil la trouve belle
et il brille pour elle ;
et quand il est fatigué
il va se coucher
et la lune se lève

 


     28 avril
Le carillon
Le carillon s'égrène dans les alentours
Le gai printemps s'en va déjà fleurir les cours
Partons joyeux par les prés riants
Pour les égayer de nos chants.

 


     24 avril
Le ciel est gris
Le ciel est gris, gris, gris
le ciel est gris souris
mais le chat nous a dit!
ça n'est pas gris-là
ça n'est pas gris-ci
car les souris ne volent pas
et le chat est parti.

 


     21 mars
Le p'tit printemps
Le p'tit printemps
Tout vert, tout vert,
Remplace l'hiver
Tout blanc, tout blanc,
C'est un moineau
Tout gris, tout gris,
Qui me l'a dit
Qui me l'a dit.
Quand l'hiver fond
V'là le gazon,
J'ai plus besoin d'mes mitaines
Youpi!
Pas de glaçon
Sous le balcon
Le froid qui pique est parti
Youpi! Youpi youpi, youpi!

 


     22 avril
Les feuilles
En automne,
plein de feuilles
En hiver,
plus de feuilles
Au printemps,
petites feuilles
En été,
grandes feuilles

 


     19 avril
Lundi est bleu
Lundi est bleu comme un ciel bleu
Un nouvelle semaine, je suis heureux
Mardi est rouge comme une cerise
C'est le jour des surprises
Mercredi est marron comme un marron
Je reste à la maison
Jeudi est jaune comme un citron
En vélo nous allons
Vendredi est vert comme une rainette
C'est le joue des marionnettes
Samedi est orange comme une orange
À l'école personne ne mange
Dimanche est rose comme une rose
À la maison je me repose

 


     17 avril
Ma Normandie
Quand tout renaît à l'espérance,
Et que l'hiver fuit loin de nous.
Sous le beau ciel de notre France,
Quand le soleil revient plus doux,
Quand la nature est reverdie,
Quand l'hirondelle est de retour,
J'aime à revoir ma Normandie,
C'est le pays qui m'a donné le jour.
J'ai vu les lacs de l'Helvétie,
Et ses chalets et ses glaciers.
J'ai vu le ciel de l'Italie
Et Venise et ses gondoliers.
En saluant chaque patrie
Je me disais: Aucun séjour
N'est plus beau que ma Normandie:
C'est le pays qui m'a donné le jour.
Il est un âge dans la vie
Où chaque rêve doit finir,
Un âge où l'âme recueillie
A besoin de se souvenir.
lorsque ma muse refroidie
Aura fini ses chants d'amour,
J'irai revoir ma Normandie
C'est le pays qui m'a donné le jour.

 


     14 avril
Maudit sois-tu
Maudit sois-tu carillonneur
Que Dieu créa pour mon malheur
Dès le point du jour à la cloche il s'accroche
Et le soir encore carillonne plus fort
Quand sonnera-t-on la mort du sonneur ?
À l'école nous avons apris
une autre version qui se chante en canon,
comme suit:
Maudit sois-tu carillonneur
Toi qui naquis pour mon malheur
Dès le point du jour à la cloche il s'accroche
Et le soir encore carillonne plus fort
Quand sonnera-t-on la mort du sonneur ?
Quand sonnera-t-on la mort du sonneur ?
Maudit sois-tu

 


     22 septembre
Pomme rouge de l'automne
Pomme rouge de l'automne
A mûri sur le pommier
La voici je te la donne
Mets la dans ton tablier
L'automne est arrivé
Grappes blondes de l'automne
A mûri sur l'espalier
La voici je te la donne
Mets la dans ton grand panier
L'automne est arrivé
Feuille rousse de l'automne
Beau feuillage tout doré
J'en ferai une couronne
Et tu pourras la porter

 


     11 mai
Quelle heure est-il Madame Persil
- Quelle heure est-il,
Madame Persil
- Sept heures et quart,
Madame Placard
- En êtes-vous sûre,
Madame Chaussure
- Evidemment,
Madame Piment

 


     12 mai
Sept petits enfants
Sept petits enfants
4 filles et 3 garçons
ont inventé cette chanson :
La première s'appelait Lundi :
elle était vraiment jolie.
La deuxième, c'était Mardi :
elle savait danser sans bruit.
La troisième, Mercredi,
pleurait toujours à midi.
Le quatrième, Jeudi
marchait, marchait jour et nuit.
La cinquième, Vendredi,
avait toujours plein d'amis.
Le sixième, Samedi,
faisait des jardins fleuris.
Dimanche était le dernier.
Il glissait sans s'arrêter
de nuage en arc-en-ciel
au milieu du ciel.

 


     15 juin
À papa
Mon coeur me dit
Qu'aujourd'hui, c'est fête
Mais quelle fête?
La fête des mamans ? Non !
La fête des rois ? La fête d'un roi !
Mais lequel ?
Le roi de mon coeur :
C'est mon papa à moi !
Bonne fête, Papa !

 


     19 mai
Bonjour mon pti amour
Bonjour, Mon p'tit amour.
S'il te plaît, Mon p'tit bébé.
Merci, Mon p'tit chéri.
Pardon, Mon p'tit mignon.
Coucou, mon p'tit loup.
A tout à l'heure, Mon p'tit cœur.
A bientôt, Mon p'tit oiseau.
Au revoir, Mon p'tit canard.
Bonne nuit, Mon p'tit ami.
A demain, Mon p'tit lapin.

 


     14 fevrier
C'est aujourd'hui la Saint Valentin
C'est aujourd'hui la St-Valentin
J'offre un cadeau à tous mes copains
Un message d'amour, un mot d'amitié
Mon plus beau sourire, ma bonnne humeur
et ma gaité, et ma gaité

 


     21 mai
Denis et Marion
Au son du violon, de l'accordéon
Denis et Marion se sont mariés
La tata Emma avait mal aux bras
Tonton Marius était plein de puces
La d'moiselle d'honneur avait mal au coeur
Et son cavalier avait mal aux pieds
Les petites cousines en robe de mousseline
Et les p'tits cousins s'tenaient par la main
Et les vieux parents suivaient en boitant
Et versaient des pleurs qui f'saient mal au coeur
Au son du violon, de l'accordéon
Denis et Marion se sont mariés.

 


     24 mai
J'ai cueilli la fleur des champs
J'ai cueilli la fleur des champs
Je l'effeuille dans le vent
Un pétale pour mon papa
qui me soulève dans ses bras
Un pétale pour ma maman
Qui m'endort en me berçant
C'est la fleur de mon amour
Je veux la garder toujours.

 


     26 mai
J'aime papa
J'aime papa, j'aime maman
Mon p'tit chat, mon p'tit chien, mon p'tit frère
J'aime papa, j'aime maman
Et mon gros éléphant
J'aime pas beaucoup
Mon cousin Nicolas,
La s'maine dernière
I' m'a chipé mes billes
Et m'a cassé mes beaux sabots de bois

 


     30 mai
Je suis un petit garçon
Je suis un petit garçon
haut comme une table
Bien souvent insupportable
Mais quelquefois mignon
On dit quand je suis mignon
"Viens que je t'embrasse !"
Mais quand je suis grognon
"Qu'on m'en débarasse !"

 


     28 juin
L'hospitalité récompensée
Un enfant revêtu de noir,
S'en allait sur la route un soir;
Il passa devant la maison
d'un fermier généreux et bon.
«Où vas-tu, cher enfant dis-moi?
Il est tard et je crains pour toi.
La nuit vient, le vent souffle fort,
Tu ne peux demeurer dehors.»
- Ah! Monsieur, je suis sans parents,
Délaissé, je m'en vais errant.
J'ai marché depuis ce matin,
J'ai grand froid et je meurs de faim.
«Viens chez moi, j'ai du feu en plein,
Viens chauffer tes petites mains,
Viens manger d'la bonne soupe aux choux,
Du bon pain, du pain de chez nous.»
- En entrant sous ce toît béni,
L'orphelin, tout heureux sourit.
Il s'assit tout près du foyer,
Attendant le temps de souper.
«Viens t'asseoir au bout de la table,
Viens manger du pain d'habitant,
Pour dessert du sirop d'érable
Que l'bon Dieu donne à tous les ans.»
- En voyant toutes ces bontés,
L'humble enfant se mit à pleurer;
Se tournant vers son bienfaiteur,
Il lui dit avec tout son coeur:
«Oh! Monsieur, que vous êtes bon!
Quel grand coeur vous avez au fond!
Le bon Dieu dans son Paradis,
Vous regarde et puis vous bénit.»
- Quand vint l'heure de se coucher,
Un beau lit était préparé;
L'orphelin se mit au repos,
Épuisé, il dormit bientôt.
«Mes enfants dit le père ému,
Ce bambin ne partira plus;
Il sera comme un fils pour moi,
Remplaçant notre cher François.»
- Le matin, on courut au lit;
Mais l'enfant était disparu;
Sur les draps, il avait écrit:
«Grand merci! Votre ami Jésus!»

 


     26 juin
La devinette
Oh ! Papa ! Toi qui sais tout
Toi qui lis dans tous les livres
Et même dans le journal,
Où les lettres sont si fines,
Oh, Papa ! Devine ! Devine !
Ses yeux sont deux billes de verre,
Ses oreilles, feuilles de chou,
Il a mis la peau de son père
Avec son nez en caoutchouc
Il fait peur aux petits enfants
Qu'est-ce que c'est ?
C'est l'éléphant !
Il dit tout ce qu'on lui fait dire
Il est vert. Il parle du nez.
Il nous demande avec colère
Si nous avons bien déjeuné
Oh ! Père, tu le reconnais ?
C'est un père, le perroquet !

 


     14 juillet
Le droit des enfants
J'ai le droit, le droit d'être logé,
J'ai le droit, le droit d'être nourri,
J'ai le droit, le droit d'être soigné,
J'ai le droit, de dormir dans un lit,
J'ai le droit, d'avoir une famille,
J'ai le droit, à une identité,
J'ai le droit, le droit d'avoir un nom,
J'ai le droit, d'avoir une vie privée.
Pas le droit de traîner dans les rues,
Pas le droit d'être battu,
Pas le droit, le droit d'être mal vêtu.
J'ai le droit à la citoyenneté,
J'ai le droit, une nationalité,
J'ai le droit, le droit d'égalité,
J'ai le droit, d'être en sécurité,
J'ai le droit, le droit d'être protégé,
J'ai le droit, le droit de m'exprimer,
J'ai le droit, le droit d'être respecté,
J'ai le droit, le droit d'être aimé.
Pas le droit de ma faire travailler,
Pas le droit de me faire exploiter,
Pas le droit, le droit d'être agressé.
J'ai le droit, à une éducation,
J'ai le droit, le droit d'être entendu,
J'ai le droit, le droit d'information,
J'ai le droit, le droit d'être reconnu,
J'ai le droit, le droit de m'instruire,
J'ai le droit, le droit de penser,
J'ai le droit, le droit aux loisirs,
J'ai le droit, le droit de rêver.
Pas le droit à la malnutrition,
Pas le droit à la condamnation,
Pas le droit, le droit d'exclusion.
J'ai le droit, le droit de liberté,
J'ai le droit, le droit d'égalité,
J'ai le droit, à la fraternité,
J'ai le droit, le droit de vivre en paix,
J'ai le droit, le droit d'être un enfant,
J'ai le droit, de grandir doucement,
J'ai le droit, un jour d'être parent,
C'est le droit, c'est le droit des enfants.

 


     25 mai
Les petits enfants en ce jour charmant
Les petits enfants en ce jour charmant
ont pour leur maman un beau compliment.
Le mien n'est pas grand, trois mots seulement :
je t'aime maman bien, bien tendrement

 


     24 juin
Ma grand-mère est enfermée
Ma grand-mère est enfermée
Dans une boîte de chicorée
Quand la boîte s'ouvrira
Ma grand-mère en sortira!

 


     21 juin
Ma main est une fleur
Mes doigts sont des pétales.
Je t'aime, Un peu, Beaucoup,
Passionnément, A la folie, Pas du tout.
Pas du tout ! Vilaine petite fleur !
Moi je sais bien que maman m'aime de tout son cœur

 


     14 juin
Oh mon papa
Oh ! mon papa, si beau, si doux, si généreux
Oh ! mon papa que j'aimais son sourire
Oh ! mon papa je trouvais au fond de ses yeux
Toutes les joies que les enfants désirent
Il me prenait sur ses genoux, ah ! quel bonheur
Il me parlait et m'amusait des heures
Oh ! mon papa, si beau, si doux, si merveilleux
Il comprenait la moindre de mes peines
Et il calmait mes larmes dans un seul baiser
Lui si gentil qu'il me manque aujourd'hui
Oh ! mon papa, si beau, si doux, si merveilleux
Il comprenait la moindre de mes peines
Et il calmait mes larmes dans un seul baiser
Lui si gentil qu'il me manque aujourd'hui.
Oh ! mon papa.

 


     19 juin
Roudoudou n'a pas de femme
Roudoudou n'a pas de femme
Il en fait une avec sa canne
Et l'habille d'une feuille de chou
Voilà la femme de Roudoudou
Roudoudou part en avion
Avec sa femme et son cochon
Il arrive en Angleterre
Avec un sac de haricots verts

 


     12 juin
Tout doucement
Tout doucement à petits pas
un pour maman un pour papa
on marche on marche on marche
on court ? on trotte, on galope... STOP !
Demi tour !
Tout doucement à petit pas
un pour maman un pour papa

 


     15 juillet
Toute la famille
Toute la famille se réveille,
ouvrez ouvrez les volets
toute la famille se réveille
la journée va commencer
Papa fait sa gymnastique
un, deux, trois, quatre,
Maman met de la musique
les enfants attrapent le chat !
Toute la famille se réveille,
ouvrez ouvrez les volets
toute la famille se réveille
la journée va commencer
Papa démarre la voiture
Un, deux, trois quatre,
Grand mère fait des confitures
Les enfants attrapent le chat !
Toute la famille se réveille,
ouvrez ouvrez les volets
toute la famille se réveille
la journée va commencer
Grand père est parti à pied
Un, deux, trois, quatre,
La confiture est brûlée
Les enfants attrapent le chat !
Toute la famille se réveille,
ouvrez ouvrez les volets
toute la famille se réveille
la journée va commencer

 


     17 juillet
3 petits moustiques m'ont piqué
3 petits moustiques m'ont piqué
1 sur le front
1 sur le nez
et le troisième au bout du pied
3 petits boutons m'ont poussé
1 sur le front
1 sur le nez
et le troisième au bout du pied
Me voilà tout défiguré, c'est l'été...

 


     20 octobre
A l'intérireur d'une citrouille
A l'intérieur d'une citrouille
Vivait un papillon volant
Très amoureux d'une grenouille
Qui se plaignait d'un mal de dent
Oh là là que j'ai mal aux dents
Oh la coquine, la coquine, la coquine
Oh là là que j'ai mal aux dents
Oh la coquine, la coquine, la coquine dent !

 


     19 juillet
Anneton vole
Hanneton vole, vole, vole,
Ton mari est à l'école
Il m'a dit : Si tu volais
Tu aurais de la soupe au lait
Il m'a dit : Si tu ne voles pas,
Tu auras la tête en bas !
Hanneton vole, vole, vole,
Hanneton, vole donc

 


     21 juillet
Barbapou
Y'avait dans mon village
Un vieux qu'on appelait
Pou.
Il avait une barbe,
Qui était pleine de poux
Barbapou.
Barbapou, barbapou, barbapou, barbapou.

 


     24 juillet
Beau lézard
Beau lézard tu dors
Beau lézard aux yeux d'or
Beau lézard tu te dores au soleil d'or...


Comment va Miss Terre
Comment va Miss Terre?
Par le hublot des navettes
Interplanétaires
On voit de jolies planètes
Tiens voilà la terre !
Royale en manteau de brume
Bleue éperdument.
Si belle que la pauvre lune
En a mal aux dents.
Refrain 1
Comment va miss monde,
Miss terre, ma terre
Si petit à côté d'elle,
On la croirait éternelle
Dans ses nuageux frous-frous,
Mais qu'y a-t-il dessous ?
Sous les ailes des mirages
Et des gros Airbus,
Les sapins jouent pas si sages
Aux montagnes russes.
A voir banquises et lagunes
Sables d'or, volcans bleu cendre,
Les étoiles supplient la lune :
Est-ce qu'on peut descendre ?

 


     26 juillet
C'est le criquet
Cric, crac,
Cric, crac,
C'est le criquet
qui fait du crochet,
Tric trac
Tric, trac,
C'est le traquet
Qui fait du tricot

 


     28 juillet
Escargot de Bourgogne
Escargot de Bourgogne montre moi tes cornes
Si tu ne me les montre pas je te mets la tête en bas !
Colimaçon borgne, montre moi tes cornes
Si tu ne me les montre pas je te fais cuire à la casserole !
Escargot de Bourgogne montre moi tes cornes
Si tu ne me les montre pas je le dirai au Maître
qui te coupera la tête
Je le dirai au loup qui te coupera le cou !

 


     30 juillet
Il fait beau dehors
Il fait beau dehors
Monsieur l'escargot dort
Un nuage passe.
Il pleut sur la route
Il pleut sur le chemin
Monsieur l'escargot sort
Une corne dehors
Et deux cornes dehors

 


     28 aout
La chenille
- "Où vas-tu,
Toute dodue,
Chenille poilue?"
- "Filer un joli cocon
Tontaine, ton ton,
Pour devenir
Tontaine, ton ton,
Pour devenir
Un papillon."

 


     26 aout
La fourmi
La fourmi m'a piqué la main
La coquine, la coquine,
La fourmi m'a piqué la main
La coquine elle avait faim
Miam,
La fourmi m'a piqué la joue
La coquine, la coquine
La fourmi m'a piqué la joue
La coquine elle voulait un bisou
Bisou

 


     24 aout
La mouche
Une mouche compte ses pattes
deux et deux ça m'en fait quatre
Quatre et deux ca m'en fait six
Quand je fais de l'exercice
Et quand je marche au plafond
Six pattes ca m'est bien utile
Comme je plains les poissons
Les poissons et les reptiles
Je ne sais pas comme ils font

 


     22 aout
La petite araignée
- Je suis une petite araignée
J’ai bien envie de te piquer
Je monte sur ta jambe
Mais elle ne me plait pas
Je ne vais pas te piquer là..
- Je suis une petite araignée
J’ai bien envie de te piquer
Je monte sur ta jambe
Je vais jusqu’au genou
Mais il ne me plait pas
Je ne vais pas te piquer là ..
- Je suis une petite araignée
J’ai bien envie de te piquer
Je monte sur ta jambe
Je vais jusqu’au genou
Je glisse sur ta cuisse
Mais elle ne me plait pas
Je ne vais pas te piquer là ..
- Je suis une petite araignée
J’ai bien envie de te piquer
Je monte sur ta jambe
Je vais jusqu’au genou
Je glisse sur ta cuisse
Tombe dans ton nombril
Mais il ne me plait pas
Je ne vais pas te piquer là ..
- Je suis une petite araignée
J’ai bien envie de te piquer
Je monte sur ta jambe
Je vais jusqu’au genou
Je glisse sur ta cuisse
Tombe dans ton nombril
Remonte jusqu’au cou
Mais il ne me plait pas
Je ne vais pas te piquer là ..
- Je suis une petite araignée
J’ai bien envie de te piquer
Je monte sur ta jambe
Je vais jusqu’au genou
Je glisse sur ta cuisse
Tombe dans ton nombril
Remonte jusqu’au cou
Je vais jusqu’au menton
Et là, j’ai une bonne idée,
Je sais où je vais te piquer,
Ce sera sur le bout de ton nez!!!

 


     21 aout
La puce
La puce a de l'astuce
Papa n'en a pas
C'est pourquoi c'est pourquoi
Papa est piqué la puce pas


Caramel, mel mel
Au chocolat la la
La rose est si belle
Violette violette
La rose est si belle
Qu'on la cueillera
Violette vous êtes belle
Sortez mademoiselle !

 


     17 aout
Le petit ver tout nu
Qui a vu, dans la rue,
Tout menu,
Le petit ver de terre
Qui a vu, dans la rue,
Tout menu,
Le petit ver tout nu
C’est la grue
Qui a vu
Tout menu
Le petit ver de terre
C’est la grue
Qui a vu
Tout menu
Le petit ver tout nu
Et la grue
A voulu
Manger cru
Le petit ver de terre
Et la grue
A voulu
Manger cru
Le petit ver tout nu
Sous une laitue
Bien feuillue
A disparu
Le petit ver de terre
Sous une laitue
Bien feuillue
A disparu
Le petit ver tout nu
Et la grue
N’a pas pu
Manger cru
Le petit ver de terre
Et la grue
N’a pas pu
Manger cru
Le petit ver tout nu

 


     15 aout
Ouvre la porte
Ouvre la porte dit l'araignée
Il fait trop chaud dans le grenier
Ferme la porte dit la souris
Il fait trop froid pour mes petits


Une fourmi de dix-huit mètres
Une fourmi de dix-huit mètres
avec un chapeau sur la tête
ça n'existe pas, ça n'existe pas
Une fourmi traînant un char
plein de pingouins et de canards
ça n'existe pas, ça n'existe pas
Une fourmi parlant français
parlant latin et javanais
ça n'existe pas, ça n'existe pas
eh ! et pourquoi pas !

 


     14 aout
Perle grise, doigts de fée
Perle grise, doigts de fée,
Bonjour Madame l’araignée,
Votre ouvrage de dentellière
Retient la mouche prisonnière
Voulez-vous la délivrer,
Vous serez récompensée?...
"Ta, ta, ta," dit l’araignée
La mouche est mon déjeuner,
Hors de question qu’elle s’enfuit
Ce soir j’ai trop d’appétit.
Perle grise, doigts de fée,
Pitié Madame l’araignée,
Votre ouvrage est si joli,
Cette mouche le détruit,
Transformer de la dentelle
En mangeoire c’est trop cruel,
Votre passoire à lumière
Fait de vous une meurtrière
Perle grise, doigts de fée,
Est-ce ce que vous voulez?...
"Ta, ta, ta", dit l’araignée
Je ne peux vous écouter,
Les flatteries ne coûtent rien
Tant pis si je meurs de faim
Votre mouche écervelée
A l’instant sera mangée
Et ma toile réparée,
Une autre viendra s’y jeter.

 


     11 aout
Sauterelle
Sauterelle au bord des champs
Saute avec tes ailes vertes!
As-tu des petits enfants?
J'en ai 3, 4, 5, 6, 7,
Ils ont tous des ailes vertes
8, 9, 10, 11,
En pension chez le grillon


Un pou une puce
Un pou une puce sur un tabouret
Qui jouaient aux cartes, au jeu de piquet
Le pou a triché
La puce en colère passe par derrière
Et lui tire les ch'veux en disant "mon vieux"
Tu n'es qu'un pou vieux
autre version
Une puce, un pou, assis sur un tabouret
Jouaient aux cartes, la puce perdait
La puce en colère, attrapa le pou
Le flanqua par terre, lui tordit le cou
Madame la puce, qu'avez-vous fait là ?
J'ai commis un crime, un assassinat.

 

 

     1 mai
À la ronde du muguet
À la ronde du muguet
Sans rire et sans parler
Le premier qui rira ira au piquet


Une mite ou deux
Une mite ou deux
ça mange, ça mange
une mite ou deux
ca mange à qui mieux mieux :
les fourrures et les visons
les vestons, les pantalons
les manteaux et les jupons
les chaussettes et les chaussons
les bonnets, les édredons
tout en laine ou en coton...
Une mite ou deux
ça mange, ça mange
une mite ou deux
ça mange à qui mieux mieux !

 

     22 mars
Bonjour les oisillons
Bonjour oisillons
Vive les chansons !
Coucou les fleurs
Vive les couleurs
C'est le printemps
Réveillez-vous
C'est le printemps
Qui vient chez nous !

 


     15 septembre
C'étaient deux champignons
 Il était deux petits champignons,
Qu'étaient mignons mignons, mignons,
Et qu'avaient vu le jour en mêm'temps,
Un matin de printemps
En grandissant au pied d'un sapin
Comme voisins, voisins,voisins
Ils vir'nt qu'ils étaient deux champignons
L'une fille et l'autre garçon
Ils dirent: pour simplifier tout,
comm'nous avons les mêmes goûts
Que rien ne peut nous diviser
On va s'épouser
- Et voià pourquoi
Le muguet des bois
Sonne et carillonne
Et voilà pourquoi
Le muguet des bois
Sonne partout à la fois
Digue, digue digue dindon!
Pour les noces des champignons!
- Au bois les oiseaux de tous côtés,
S'mir'nt à chanter, chanter, chanter,
Et chacun en habit de gala
S'en fut cahin-caha,
Sur la mousse les deux champignons,
Toujours mignons,mignons, mignons,
Ecoutaient un vieux corbeau tout noir
Figé sur son perchoir
Il disait : mes pauvres enfants,
Avec vos mines d'innocents
Les amateurs de champignons
Demain vous cueill'ront!
- Et voilà pourquoi
Le muguet des bois
Sonne et carillonne
Et voilà pourquoi
Le muguet des bois
Sonne partout à la fois
Digue,digue, digue, dindon!
Pour le trépas des champignons !
- C'est alors qu'un furet du pat'lin,
Qu'était malin, malin, malin,
Avec la terr'glaise du sentier
Est vc'nu les barbouiller ... (parlé) oh!
A leur pied il mit un écriteau
Portant ces mots en gros, très gros:
Ne les touchez pas, c'est dangereux,
Champignons vénéneux!
Comme on n'osa pas les cueillir,
Tous deux en paix ont pu vieillir
Et chaqu'soir ils font la leçon
Aux p'tits champignons
(parlé) Mes enfants fait's comm'nous...(rires)
- Et voilà pourquoi
Le muguet des bois
Sonne et carillonne
Et voilà pourquoi
Le muguet des bois
Sonne partout à la fois
Digue,digue, digue dindon!
Pour le bonheur des champignons !

 

     18 decembre
Le sapin
Là-bas, dans la forêt, il y avait un joli sapin. Il était bien placé, il avait du soleil et de l'air ;
autour de lui poussaient de plus grands camarades, pins et sapins. Mais lui était si impatient de grandir
qu'il ne remarquait ni le soleil ni l'air pur, pas même les enfants de paysans qui passaient
en bavardant lorsqu'ils allaient cueillir des fraises ou des framboises.
« Oh ! si j'étais grand comme les autres, soupirait le petit sapin, je pourrais étendre largement
ma verdure et, de mon sommet, contempler le vaste monde. Les oiseaux bâtiraient leur nid dans mes branches
et, lorsqu'il y aurait du vent, je pourrais me balancer avec grâce comme font ceux qui m'entourent. »
Le soleil ne lui causait aucun plaisir, ni les oiseaux, ni les nuages roses qui, matin et soir,
naviguaient dans le ciel au-dessus de sa tête.
L'hiver, lorsque la neige étincelante entourait son pied de sa blancheur,
il arrivait souvent qu'un lièvre bondissait, sautait par-dessus le petit arbre
- oh ! que c'était agaçant !
Mais, deux hivers ayant passé, quand vint le troisième, le petit arbre était assez grand pour que
le lièvre fût obligé de le contourner.
Oh ! pousser, pousser, devenir grand et vieux, c'était là, pensait-il, la seule joie au monde.
En automne, les bûcherons venaient et abattaient quelques-uns des plus grands arbres.
Cela arrivait chaque année et le jeune sapin, qui avait atteint une bonne taille, tremblait de crainte,
car ces arbres magnifiques tombaient à terre dans un fracas de craquements. Où allaient-ils ?
Quel devait être leur sort ?
Au printemps, lorsque arrivèrent l'hirondelle et la cigogne, le sapin leur demanda :
- Savez-vous où on les a conduits ? Les avez-vous rencontrés ?
Les hirondelles n'en savaient rien, mais la cigogne eut l'air de réfléchir, hocha la tête et dit :
- Oui, je crois le savoir, j'ai rencontré beaucoup de navires tout neufs en m'envolant vers l'Egypte,
 sur ces navires il y avait des maîtres-mâts superbes, j'ose dire que c'étaient eux, ils sentaient le sapin.
- Oh ! si j'étais assez grand pour voler au-dessus de la mer ! Comment est-ce au juste la mer?
A quoi cela ressemble-t-il ?
- Euh ! c'est difficile à expliquer, répondit la cigogne. Et elle partit.
- Réjouis-toi de ta jeunesse, dirent les rayons du soleil, réjouis-toi de ta fraîcheur,
de la jeune vie qui est en toi.
Le vent baisa le jeune arbre, la rosée versa sur lui des larmes, mais il ne les comprit pas.
Quand vint l'époque de Noël, de tout jeunes arbres furent abattus, n'ayant souvent même pas la taille,
ni l'âge de notre sapin, lequel, sans trêve ni repos, désirait toujours partir.
Ces jeunes arbres étaient toujours les plus beaux, ils conservaient leurs branches,
ceux-là, et on les couchait sur les charrettes que les chevaux tiraient hors de la forêt.
- Où vont-ils? demanda le sapin, ils ne sont pas plus grands que moi,
il y en avait même un beaucoup plus petit. Pourquoi leur a-t-on laissé leur verdure?
- Nous le savons, nous le savons, gazouillèrent les moineaux. En bas, dans la ville,
nous avons regardé à travers les vitres, nous savons où la voiture les conduit.
Oh ! ils arrivent au plus grand scintillement, au plus grand honneur que l'on puisse imaginer.
A travers les vitres, nous les avons vus, plantés au milieu du salon chauffé et garnis de ravissants objets,
pommes dorées, gâteaux de miel, jouets et des centaines de lumières.
- Suis-je destiné à atteindre aussi cette fonction ? dit le sapin tout enthousiasmé.
C'est encore bien mieux que de voler au-dessus de la mer. Je me languis ici, que n'est-ce déjà Noël !
Je suis aussi grand et développé que ceux qui ont été emmenés l'année dernière.
Je voudrais être déjà sur la charrette et puis dans le salon chauffé, au milieu de ce faste.
Et, ensuite ... il arrive sûrement quelque chose d'encore mieux, de plus beau, sinon pourquoi nous décorer ainsi.
Cela doit être quelque chose de grandiose et de merveilleux ! Mais quoi ?... Oh ! je m'ennuie ... je languis ...
- Sois heureux d'être avec nous, dirent l'air et la lumière du soleil. Réjouis-toi de ta fraîche et libre jeunesse.
Mais le sapin n'arrivait pas à se réjouir. Il grandissait et grandissait.
Hiver comme été, il était vert, d'un beau vert foncé et les gens qui le voyaient s'écriaient :
Quel bel arbre !
Avant Noël il fut abattu, le tout premier. La hache trancha d'un coup, dans sa moelle ;
il tomba, poussant un grand soupir, il sentit une douleur profonde. Il défaillait et souffrait.
L'arbre ne revint à lui qu'au moment d'être déposé dans la cour avec les autres.
Il entendit alors un homme dire :
- Celui-ci est superbe, nous le choisissons.
Alors vinrent deux domestiques en grande tenue qui apportèrent le sapin dans un beau salon.
Des portraits ornaient les murs et près du grand poêle de céramique vernie il y avait des vases chinois
avec des lions sur leurs couvercles. Plus loin étaient placés des fauteuils à bascule, des canapés de soie,
de grandes tables couvertes de livres d'images et de jouets ! pour un argent fou - du moins à ce que disaient
les enfants.
Le sapin fut dressé dans un petit tonneau rempli de sable, mais on ne pouvait pas voir que
c'était un tonneau parce qu'il était enveloppé d'une étoffe verte et posé sur un grand tapis à fleurs !
Oh ! notre arbre était bien ému ! Qu'allait-il se passer ? Les domestiques et des jeunes filles commencèrent
à le garnir. Ils suspendaient aux branches de petits filets découpés dans des papiers glacés de couleur,
dans chaque filet on mettait quelques fondants, des pommes et des noix dorées pendaient aux branches
comme si elles y avaient poussé, et plus de cent petites bougies rouges, bleues et blanches étaient fixées
sur les branches.
Des poupées qui semblaient vivantes - l'arbre n'en avait jamais vu - planaient dans la verdure et tout en haut,
au sommet, on mit une étoile clinquante de dorure. C'était splendide, incomparablement magnifique.
- Ce soir, disaient-ils tous, ce soir ce sera beau.
« Oh ! pensa le sapin, que je voudrais être ici ce soir quand les bougies seront allumées !
Que se passera-t-il alors ? Les arbres de la forêt viendront-ils m'admirer ?
Les moineaux me regarderont-ils à travers les vitres ? Vais-je rester ici, ainsi décoré, l'hiver et l'été ? »
On alluma les lumières. Quel éclat ! Quelle beauté ! Un frémissement parcourut ses branches de sorte
qu'une des bougies y mit le feu : une sérieuse flambée.
- Mon Dieu ! crièrent les demoiselles en se dépêchant d'éteindre.
Le pauvre arbre n'osait même plus trembler. Quelle torture ! Il avait si peur de perdre quelqu'une
de ses belles parures, il était complètement étourdi dans toute sa gloire ...
Alors, la porte s'ouvrit à deux battants, des enfants en foule se précipitèrent comme s'ils allaient
renverser le sapin, les grandes personnes les suivaient posément. Les enfants s'arrêtaient
- un instant seulement -, puis ils se mettaient à pousser des cris de joie - quel tapage !
- et à danser autour de l'arbre. Ensuite, on commença à cueillir les cadeaux l'un après l'autre.
« Qu'est-ce qu'ils font ? se demandait le sapin. Qu'est-ce qui va se passer ? »
Les bougies brûlèrent jusqu'aux branches, on les éteignait à mesure, puis les enfants eurent la permission
de dépouiller l'arbre complètement. Ils se jetèrent sur lui, si fort, que tous les rameaux en craquaient,
s'il n'avait été bien attaché au plafond par le ruban qui fixait aussi l'étoile, il aurait été renversé.
Les petits tournoyaient dans le salon avec leurs jouets dans les bras, personne ne faisait plus attention
à notre sapin, si ce n'est la vieille bonne d'enfants qui jetait de-ci de-là un coup d'oeil entre les branches
pour voir si on n'avait pas oublié une figue ou une pomme.
- Une histoire ! une histoire ! criaient les enfants en entraînant vers l'arbre un gros petit homme ventru.
Il s'assit juste sous l'arbre.
- Comme ça, nous sommes dans la verdure et le sapin aura aussi intérêt à nous écouter,
mais je ne raconterai qu'une histoire. Voulez-vous celle d'Ivède-Avède ou celle de Dumpe-le-Ballot
qui roula en bas des escaliers, mais arriva tout de même à s'asseoir sur un trône et à épouser la princesse ?
L'homme racontait l'histoire de Dumpe-le-Ballot qui tomba du haut des escaliers, gagna tout de même le trône
et épousa la princesse. Les enfants battaient des mains. Ils voulaient aussi entendre l'histoire d'Ivède-Avède,
mais ils n'en eurent qu'une. Le sapin se tenait coi et écoutait.
« Oui, oui, voilà comment vont les choses dans le monde », pensait-il.
Il croyait que l'histoire était vraie, parce que l'homme qui la racontait était élégant.
- Oui, oui, sait-on jamais ! Peut-être tomberai-je aussi du haut des escaliers et épouserai-je une princesse !
Il se réjouissait en songeant que le lendemain il serait de nouveau orné de lumières et de jouets,
d'or et de fruits. Il resta immobile et songeur toute la nuit.
Au matin, un valet et une femme de chambre entrèrent.
- Voilà la fête qui recommence ! pensa l'arbre.
Mais ils le traînèrent hors de la pièce, en haut des escaliers, au grenier... et là, dans un coin sombre,
où le jour ne parvenait pas, ils l'abandonnèrent.
- Qu'est-ce que cela veut dire ? Que vais-je faire ici ?
Il s'appuya contre le mur, réfléchissant. Et il eut le temps de beaucoup réfléchir, car les jours et les nuits
passaient sans qu'il ne vînt personne là-haut et quand, enfin, il vint quelqu'un, ce n'était que pour déposer
quelques grandes caisses dans le coin. Elles cachaient l'arbre complètement.
L'avait-on donc tout à fait oublié ?
«C'est l'hiver dehors, maintenant, pensait-il. La terre est dure et couverte de neige.
On ne pourrait même pas me planter ; c'est sans doute pour cela que je dois rester à l'abri jusqu'au printemps.
Comme c'est raisonnable, les hommes sont bons ! Si seulement il ne faisait pas si sombre et
si ce n'était si solitaire ! Pas le moindre petit lièvre. C'était gai, là-bas, dans la forêt,
quand sur le tapis de neige le lièvre passait en bondissant, oui, même quand il sautait par-dessus moi ;
mais, dans ce temps-là, je n'aimais pas ça. Quelle affreuse solitude, ici ! »
« Pip ! pip ! » fit une petite souris en apparaissant au même instant, et une autre la suivait.
Elles flairèrent le sapin et furetèrent dans ses branches.
- Il fait terriblement froid , dit la petite souris. Sans quoi on serait bien ici,
n'est-ce pas, vieux sapin?
- Je ne suis pas vieux du tout, répondit le sapin. Il en y a beaucoup de bien plus vieux que moi.
- D'où viens-tu donc ? demanda la souris, et qu'est-ce que tu as à raconter ?
Elles étaient horriblement curieuses.
- Parle-nous de l'endroit le plus exquis de la terre. Y as-tu été ? As-tu été dans le garde-manger ?
- Je ne connais pas ça, dit l'arbre, mais je connais la forêt où brille le soleil, où l'oiseau chante.
Et il parla de son enfance. Les petites souris n'avaient jamais rien entendu de semblable.
Elles écoutaient de toutes leurs oreilles.
- Tu en as vu des choses ! Comme tu as été heureux !
- Moi ! dit le sapin en songeant à ce que lui-même racontait. Oui, au fond, c'était bien agréable.
Mais, ensuite, il parla du soir de Noël où il avait été garni de gâteaux et de lumières.
- Oh ! dirent encore les petites souris, comme tu as été heureux, vieux sapin.
- Mais je ne suis pas vieux du tout, ce n'est que cet hiver que j'ai quitté ma forêt ;
je suis dans mon plus bel âge, on m'a seulement replanté dans un tonneau.
- Comme tu racontes bien, dirent les petites souris.
La nuit suivante, elles amenèrent quatre autres souris pour entendre ce que l'arbre racontait et,
à mesure que celui-ci parlait, tout lui revenait plus exactement.
« C'était vraiment de bons moments, pensait-il. Mais ils peuvent revenir, ils peuvent revenir !
Dumpe-le-Ballot est tombé du haut des escaliers, mais il a tout de même eu la princesse ;
peut-être en aurai-je une aussi. »
Il se souvenait d'un petit bouleau qui poussait là-bas, dans la forêt, et qui avait été pour lui
une véritable petite princesse.
- Qui est Dumpe-le-Ballot ? demandèrent les petites souris.
Alors le sapin raconta toute l'histoire, il se souvenait de chaque mot ; un peu plus,
les petites souris grimpaient jusqu'en haut de l'arbre, de plaisir.
La nuit suivante, les souris étaient plus nombreuses encore, et le dimanche il vint même deux rats,
 mais ils déclarèrent que le conte n'était pas amusant du tout, ce qui fit de la peine aux petites souris ;
 de ce fait, elles-mêmes l'apprécièrent moins.
- Eh bien , merci, dirent les rats en rentrant chez eux. Les souris finirent par s'en aller aussi,
et le sapin soupirait.
- C'était un vrai plaisir d'avoir autour de moi ces petites souris agiles, à écouter ce que je racontais.
C'est fini, ça aussi, mais maintenant, je saurai goûter les plaisirs quand on me ressortira. Mais quand ?
Ce fut un matin, des gens arrivèrent et remuèrent tout dans le grenier. Ils déplacèrent les caisses,
tirèrent l'arbre en avant. Bien sûr, ils le jetèrent un peu durement à terre, mais un valet le traîna
vers l'escalier où le jour éclairait.
«Voilà la vie qui recommence », pensait l'arbre, lorsqu'il sentit l'air frais, le premier rayon de soleil ...
et le voilà dans la cour.
Tout se passa si vite ! La cour se prolongeait par un jardin en fleurs. Les roses pendaient fraîches et
odorantes par-dessus la petite barrière, les tilleuls étaient fleuris et les hirondelles voletaient en chantant :
« Quivit, quivit, mon homme est arrivé ! »
Mais ce n'était pas du sapin qu'elles voulaient parler.
- Je vais revivre, se disait-il, enchanté, étendant largement ses branches.
Hélas ! elles étaient toutes fanées et jaunies. L'étoile de papier doré était restée fixée à son sommet
et brillait au soleil... Dans la cour jouaient quelques enfants joyeux qui, à Noël, avaient dansé autour
de l'arbre et s'en étaient réjouis. L'un des plus petits s'élança et arracha l'étoile d'or.
- Regarde ce qui était resté sur cet affreux arbre de Noël, s'écria-t-il en piétinant les branches qui
craquaient sous ses souliers.
L'arbre regardait la splendeur des fleurs et la fraîche verdure du jardin puis, enfin, se regarda lui-même.
Comme il eût préféré être resté dans son coin sombre au grenier ! Il pensa à sa jeunesse dans la forêt,
à la joyeuse fête de Noël, aux petites souris, si heureuses d'entendre l'histoire de Dumpe-le- Ballot.
« Fini ! fini ! Si seulement j'avais su être heureux quand je le pouvais. »
Le valet débita l'arbre en petits morceaux, il en fit tout un grand tas qui flamba joyeusement sous la chaudière.
De profonds soupirs s'en échappaient, chaque soupir éclatait. Les enfants qui jouaient au-dehors
entrèrent s'asseoir devant le feu et ils criaient : Pif ! Paf ! à chaque craquement, le sapin, lui,
songeait à un jour d'été dans la forêt ou à une nuit d'hiver quand les étoiles étincellent.
Il pensait au soir de Noël, à Dumpe-le-Ballot, le seul conte qu'il eût jamais entendu et
qu'il avait su répéter... et voilà qu'il était consumé ...
Les garçons jouaient dans la cour, le plus jeune portait sur la poitrine l'étoile d'or qui avait orné
l'arbre au soir le plus heureux de sa vie.
Ce soir était fini, l'arbre était fini, et l'histoire, aussi, finie, finie comme toutes les histoires.

 


     16 janvier
La tirelire
Il y avait une quantité de jouets dans la chambre d'enfants.
Tout en haut de l'armoire trônait la tirelire sous la forme d'un cochon en terre cuite ;
il avait naturellement une fente dans le dos, et cette fente avait été élargie à l'aide d'un couteau
pour pouvoir y glisser aussi de grosses pièces. On en avait déjà glissé deux dedans,
en plus de nombreuses menues monnaies.
Le cochon était si rempli que l'argent ne pouvait plus tinter dans son ventre et c'est bien le maximum
de ce que peut espérer un cochon-tirelire. Il se tenait tout en haut de l'armoire et regardait
les jouets en bas, dans la chambre ; il savait bien qu'avec ce qu'il avait dans le ventre il aurait pu
les acheter tous et cela lui donnait quelque orgueil.
Les autres le savaient aussi même s'ils n'en parlaient pas, ils avaient d'autres sujets de conversation.
Le tiroir de la commode était entrouvert et une poupée un peu vieille et le cou raccommodé
regardait au-dehors. Elle dit :
- Je propose de jouer aux grandes personnes, ce sera une occupation !
Le jeu allait commencer et tous étaient invités, même la voiture de poupée bien qu'elle appartînt
aux jouets dits vulgaires.
- Chacun est utile à sa manière, disait-elle ; tout le monde ne peut pas appartenir à la noblesse,
il faut bien qu'il y en ait qui travaillent.
Le cochon-tirelire seul reçut une invitation écrite. On craignait que, placé si haut,
il ne put entendre une invitation orale. Il se jugea trop important pour donner une réponse et ne vint pas.
S'il voulait prendre part au jeu, ce serait de là-haut, chez lui ; les autres s'arrangeraient en conséquence.
C'est ce qu'ils firent. Le petit théâtre de marionnettes fut monté de sorte qu'il pût le voir juste de face.
Il devait y avoir d'abord une comédie, puis le thé, ensuite des exercices intellectuels.
Mais c'est par ceux-ci qu'on commença tout de suite. Le cheval à bascule parla d'entraînement et de pur-sang,
la voiture de poupée de chemins de fer et de traction à vapeur : cela se rapportait toujours à leur spécialité.
La pendule parla politique - tic, tac - elle savait quelle heure elle avait sonné, mais les mauvaises langues
disaient qu'elle ne marchait pas bien. La canne se tenait droite, fière de son pied ferré et
de son pommeau d'argent ; sur le sofa s'étalaient deux coussins brodés, ravissants mais stupides.
La comédie pouvait commencer. Tous étaient assis et regardaient. On les pria d'applaudir, de claquer ou
de gronder suivant qu'ils seraient satisfaits ou non. La cravache déclara qu'elle ne claquait
jamais pour les vieux, mais seulement pour les jeunes non encore fiancés.
- Moi, j'éclate pour tout le monde, dit le pétard.
- Être là ou ailleurs ... déclarait le crachoir.
Et c'était bien l'opinion de tous sur cette idée de jouer la comédie. La pièce ne valait rien,
mais elle était bien jouée. Les acteurs présentaient toujours au public leur côté peint,
ils étaient faits pour être vus de face, pas de dos. Tous jouaient admirablement, tout à fait en avant
et même hors du théâtre, car leurs fils étaient trop longs.
La poupée raccommodée était si émue qu'elle se décolla et le cochon-tirelire, bouleversé à sa façon,
décida de faire quelque chose pour l'un des acteurs, par exemple : le mettre sur son testament
pour qu'il soit couché près de lui dans un monument funéraire quand le moment serait venu.
Tous étaient enchantés, de sorte qu'on renonça au thé et on s'en tint à l'intellectualité.
On appelait cela jouer aux grandes personnes et c'était sans méchanceté puisque ce n'était qu'un jeu.
Chacun ne pensait qu'à soi-même et aussi à ce que pensait le cochon-tirelire, et lui pensait plus loin
que les autres : à son testament et à son enterrement. Quand en viendrait l'heure?
Toujours plus tôt qu'on ne s'y attend ... Patatras! Le voilà tombé de l'armoire. Le voilà gisant par terre
en mille morceaux ; les pièces dansent et sautent à travers la pièce, les plus petites ronflent,
les plus grandes roulent, surtout le daler d'argent qui avait tant envie de voir le monde.
Il y alla, bien sûr ; toutes les pièces y allèrent, mais les restes du cochon allèrent dans la poubelle.
Le lendemain, sur l'armoire, se tenait un nouveau cochon-tirelire en terre vernie.
Il ne contenait encore pas la moindre monnaie, et rien ne tintait en lui.
En cela, il ressemblait à son prédécesseur. Il n'était qu'un commencement.

 


     16 fevrier
Le crapaud
Le puits était très profond et par conséquent la corde était longue, qui servait à monter le seau plein d'eau.
Quand ce seau arrivait jusqu'à la margelle, on avait bien du mal à l'y poser, tant le vent était violent.
Jamais le soleil ne descendait assez bas dans ce puits pour se mirer dans l'eau, mais aussi loin
qu'atteignaient ses rayons, les pierres étaient couvertes d'une maigre verdure.
Une famille de crapauds vivait dans le puits. Ils étaient nouveaux venus, puisque c'est la vieille grand-mère
- encore vivante - qui y était arrivée, la tête la première.
Les grenouilles vertes, établies là depuis bien plus longtemps, et qui nageaient de tous côtés dans l'eau,
les considéraient comme des invités de passage, mais voyaient bien qu'ils étaient un peu de leur espèce.
Les crapauds avaient décidé de rester là, ils se plaisaient à vivre «au sec»,
comme ils disaient des pierres humides.
La mère crapaude avait fait un vrai voyage, et elle s'était trouvée justement dans le seau au moment
où quelqu'un le remontait, mais la subite lumière du jour l'éblouit ; elle tomba du seau, droit dans l'eau,
avec un « plouf » si terrifiant qu'elle dut rester trois jours couchée, les reins presque brisés.
C'est ainsi qu'elle était arrivée là. Elle ne pouvait raconter grand-chose sur le monde extérieur,
mais elle savait - et elle le fit savoir à tous - que le puits n'était pas le monde entier.
Mère crapaude aurait pu raconter davantage, mais si les grenouilles la questionnaient,
elle ne répondait jamais, alors elles ne questionnaient plus.
- Comme elle est grosse et horrible, laide et répugnante, disaient les jeunes grenouilles vertes,
et ses petits deviendront exactement comme elle.
- C'est possible, répondait la mère crapaude, mais l'un d'eux a une pierre précieuse dans la tête,
ou bien je l'ai moi-même.
Les grenouilles vertes écoutaient ce propos, les yeux ronds de surprise, mais comme elles ne désiraient pas
en savoir davantage, elles tournèrent le dos à la vieille et plongèrent jusqu'au fond de l'eau.
Les jeunes crapauds, au contraire, allongeaient leurs pattes de derrière par pure fierté,
chacun d'eux croyant avoir la pierre précieuse, ils tenaient la tête raide et parfaitement immobile.
Ils finirent cependant par se demander de quoi ils devaient être fiers et ce que c'était au juste
qu'une pierre précieuse.
- C'est un bijou, répondit la mère crapaude, si beau et si précieux, que je ne peux même pas le décrire.
On le porte pour son propre plaisir et les autres vous l'envient. Mais ne me demandez plus rien,
je ne répondrai pas.
- Je suis sûr que ce n'est pas moi qui ai ce bijou, dit le plus petit crapaud qui était aussi laid que possible ;
pourquoi, parmi tous, aurai-je quelque chose d'aussi splendide ? Et si cela devait déplaire aux autres,
je n'en aurais aucun plaisir. Non, tout ce que je désire, c'est seulement de pouvoir un jour monter
jusqu'à la margelle du puits et regarder au-dehors, ce doit être magnifique !
- Reste bien tranquille où tu es, répliqua la vieille, tu connais le coin et sais ce qu'il vaut.
Prends bien garde au seau, il pourrait t'écraser. Et si tu réussis à y entrer, tu peux en retomber et
tout le monde n'a pas comme moi la chance de survivre à une pareille chute avec ses quatre membres entiers
- et tous ses oeufs.
- Couac, dit le petit, ce qui répond à Oh ! Oh !
Il avait un immense désir d'être assis sur la margelle du puits et de regarder au-dehors,
une vraie nostalgie de la verdure de là-haut.
Le lendemain matin, comme on remontait le seau plein d'eau, le seau, par hasard, s'arrêta un instant
juste devant la pierre sur laquelle était assis le petit crapaud ; celui-ci trembla, mais sauta dans le seau
et tomba tout au fond. En haut du puits, il fut vidé en même temps que l'eau.
- Quelle horreur, cria un garçon qui se trouvait là, je n'en ai jamais vu d'aussi laid.
Et il lui allongea un coup de sabot. Le petit crapaud aurait été complètement écrasé s'il ne s'était vite caché
au milieu des hautes orties. Il était assis là et regardait les tiges serrées et il regardait aussi vers le ciel,
le soleil brillait sur les feuilles transparentes, il avait l'impression que nous éprouvons, nous autres hommes,
en pénétrant dans une grande forêt où le soleil luit entre les branches et les feuilles des arbres.
- C'est bien mieux ici que dans le puits, dit le petit crapaud. J'aimerais y rester toute ma vie.
Il resta là une heure - et même deux.
« Je me demande ce qu'il peut y avoir dehors, pensa-t-il. Puisque je suis venu jusqu'ici, il faut que je continue.»
Il sautilla aussi vite qu'il le put et arriva sur une route où le soleil brillait, mais où la poussière tomba,
épaisse, sur son dos, tandis qu'il traversait la route.
- Je suis vraiment au sec, ici, peut-être un peu trop. J'ai des démangeaisons.
Il sauta jusqu'au fossé où poussaient des myosotis et des spirées et que bordait une haie de sureau et
d'aubépine, le long de laquelle grimpaient des liserons blancs. Que de couleurs de tous côtés !
Un papillon vint à passer, le crapaud le prit pour une fleur qui s'était détachée pour voir le monde.
Cela lui parut tout naturel.
«Si je pouvais seulement m'envoler comme lui, pensa le petit crapaud. Couac, ce serait merveilleux. »
Il demeura huit jours et huit nuits dans le fossé où il ne manquait certes pas de nourriture.
Au neuvième jour, il se dit :
«Il faut vraiment que je continue, mais que pourrai-je trouver de mieux qu'ici. Peut-être un autre petit crapaud
ou quelques grenouilles vertes. »
La nuit précédente, il avait entendu dans l'air des bruits semblant indiquer qu'il avait quelques cousins
dans le voisinage.
« Que c'est bon de vivre, de sortir du puits, et se reposer dans le fossé humide. Mais il faut continuer,
essayer de trouver un petit crapaud ou quelques grenouilles. Ils me manquent. C'est donc que la nature
ne suffit pas. »
Il traversa un champ et arriva à une mare entourée de joncs. Il regarda les joncs avec intérêt et s'aperçut
qu'il y avait là des grenouilles.
- C'est peut-être trop mouillé pour vous, lui dirent-elles. Etes-vous un mâle ou une femelle ? Qu'importe!
vous êtes en tout cas le bienvenu.
Cette nuit-là, le petit crapaud fut invité à un concert familial, grand enthousiasme et voix faibles.
On ne servit rien à manger, mais à boire à profusion, tout l'étang si l'on voulait ... ou pouvait !
- Maintenant, allons plus loin, se dit le petit crapaud ; quelque chose le poussait à chercher toujours mieux.
Il vit les étoiles, grandes et brillantes ; il vit la lune, il vit le soleil se lever et monter
de plus en plus haut dans le ciel.
- Je suis toujours dans un puits, plus grand peut-être, mais puits tout de même. Il faut monter plus haut,
je suis inquiet et sens une étrange nostalgie.
Quand il y eut pleine lune, la pauvre petite bête se dit :
«C'est peut-être un seau que l'on descend et où je dois sauter pour arriver ensuite plus haut, ou, peut-être,
le soleil est-il un immense seau, combien grand et lumineux ! Nous pourrions tous y trouver place,
il me faut en attendre l'occasion. Comme ma tête me semble claire et brillante, je ne crois pas qu'un bijou
puisse briller davantage. La pierre précieuse, je ne l'ai sûrement pas, mais je ne pleure pas pour cela, non,
allons plus haut, toujours plus près de cette lumière étincelante où tout est joie ! J'en ai un grand désir
et en même temps de l'effroi. C'est un immense pas que je me prépare à faire, mais il est nécessaire.
En avant, droit vers la route ! »
Il fit quelques pas, à sa manière d'animal rampant, et se trouva sur la route. Des gens vivaient là ;
il y avait des jardins fleuris et des potagers. Il se reposa devant un carré de choux.
- Quelle variété de créatures que je n'ai jamais vues ! Comme le monde est grand et beau.
Mais il faut le parcourir et ne pas rester à la même place.
Et il sauta dans le carré de choux.
- Que c'est beau !
- Je le sais bien, dit une chenille verte couchée sur une feuille de chou. Ma feuille est la plus large de toutes,
elle cache la moitié de l'univers, mais je me passe fort bien de cette moitié-là.
Des poules arrivaient et couraient dans le potager. La première avait bonne vue. Apercevant la chenille
sur la feuille, elle lui donna un coup de bec. La chenille tomba à terre où elle se tortillait.
La poule l'examina de côté, d'abord d'un oeil puis de l'autre, car elle ne savait ce que signifiaient
ces contorsions.
« Il n'arrivera à rien de bon », se dit la poule en se préparant à lui donner un autre coup de bec.
Le petit crapaud en fut si effrayé qu'il rampa droit devant elle.
«Ah ! il est accompagné, se dit la poule. Quelle horrible créature rampante ! »
Et elle s'en alla disant :
- Ces petites bouchées vertes ne m'intéressent pas, cela ne fait que vous chatouiller dans la gorge.
Les autres poules furent du même avis et toutes s'en allèrent.
- M'en voilà débarrassée, dit la chenille. Heureusement, j'ai de la présence d'esprit.
Mais comment vais-je remonter sur ma feuille. Où est-elle ?
Le petit crapaud s'approcha d'elle pour lui exprimer sa sympathie et lui dire qu'il était tout heureux
d'avoir chassé la poule par sa laideur.
- Que voulez-vous dire ? demanda la chenille. Je m'en suis débarrassée moi-même en me tortillant.
Vous êtes vraiment affreux à regarder. Et, en tout cas, j'ai le droit de rester à ma place.
Je sens déjà l'odeur du chou, voici ma feuille. Rien n'est plus beau que ce qui vous appartient.
Mais il faut que je monte plus haut.
- Oui, plus haut, dit le crapaud. Elle a les mêmes sentiments que moi, mais elle n'est pas de bonne humeur
aujourd'hui, ce doit être le choc. Nous souhaitons tous monter plus haut.
Le père cigogne était debout dans son nid sur le toit du paysan et claquait du bec, la mère cigogne également.
- Comme ils habitent haut, pensa le crapaud. Pourrait-on monter si haut ?
Deux jeunes étudiants vivaient à la ferme, l'un était un poète et l'autre un naturaliste.
L'un chantait dans ses écrits toutes les créations de Dieu qui se reflétaient dans son coeur,
l'autre s'emparait du fait lui-même et l'examinait comme une vaste opération mathématique ; il soustrayait,
multipliait, désirant connaître à fond les problèmes et en parler avec sa raison et son enthousiasme.
Tous deux étaient d'un bon naturel et très gais.
- Regarde ! voilà un beau spécimen de crapaud, là-bas, disait le naturaliste. Je veux le mettre dans l'alcool.
- Oh ! mais tu en as déjà deux, répliquait le poète. Laisse-le jouir de la vie.
- Mais il est si joliment laid, dit l'autre.
- Evidemment, si nous pouvions trouver la pierre philosophale dans sa tête, je vous aiderais volontiers
à le disséquer.
- La pierre philosophale, répliqua son ami, tu t'y connais donc en histoire naturelle ?
- Mais ne trouves-tu pas que c'est très beau cette croyance populaire qui veut que le crapaud,
le plus laid des animaux, possède souvent dans sa tête le plus précieux des joyaux ?
C'est tout ce qu'entendit le crapaud et il n'en avait compris que la moitié. Les deux amis s'éloignèrent et
il échappa au bocal d'alcool.
« Eux aussi parlaient de pierre précieuse. Que je suis content de ne pas l'avoir, sans quoi quelque chose
de très désagréable aurait pu m'arriver. »
Le jacassement du père cigogne se fit entendre sur le toit de la ferme. Il faisait une conférence à sa famille
et lançait de mauvais regards aux deux jeunes gens.
- Les hommes sont les animaux les plus infatués d'eux-mêmes. Ecoutez leurs jacassements précipités,
et ils ne savent même pas les articuler convenablement. Ils sont si fiers de leur don de parole,
de leur langage. Et quel étrange langage, à quelques jours de vol d'une cigogne ils ne se comprennent plus
les uns les autres. Nous, au contraire, nous pouvons nous faire comprendre partout, même en Egypte.
Et ils ne savent même pas voler. Pour voyager un peu vite, ils ont inventé ce qu'ils appellent
le "chemin de fer" et souvent ils y sont blessés. J'ai des frissons le long du corps et mon bec commence
à trembler quand j'y pense. Le monde pourrait très bien durer sans les hommes. Ils ne nous manqueraient
certes pas, aussi longtemps que nous aurons des vers de terre et des grenouilles. "
- Voilà un beau discours, pensa le petit crapaud. Quel grand homme et comme il siège haut !
Et comme il nage bien ", s'écria-t-il quand le père cigogne étendit ses ailes et s'élança dans les airs.
La mère cigogne se mit alors à parler à ses petits, dans le nid, du pays appelé Egypte, des eaux du Nil,
et de tous les magnifiques marais que l'on trouve dans ce pays lointain. Tout ceci était nouveau pour
le petit crapaud et l'intéressait vivement.
- Il faut que j'aille en Egypte, dit-il. Si seulement la cigogne ou l'un des petits voulait bien m'emmener,
je lui ferai une politesse le jour de ses noces. N'importe comment, je trouverai moyen d'aller en Egypte.
Que je suis heureux ! Le désir que j'éprouve rend certainement plus heureux que la pierre précieuse dans la tête.
Et c'était justement lui, qui avait le joyau : l'éternel désir de s'élever plus haut, toujours plus haut,
il rayonnait de joie et d'amour de la vie.
A ce moment, le père cigogne descendit en vol plané ; il avait aperçu le crapaud dans l'herbe et
il se saisit de lui sans aucune douceur. Il serrait le bec, ses grandes ailes battaient avec bruit,
ce n'était pas du tout agréable, mais le petit crapaud savait qu'il montait très haut, vers l'Egypte,
c'est pourquoi ses yeux brillaient et lançaient des étincelles.
- Couac ! couac !
Mort était le petit crapaud. Et que devenaient les étincelles ? Les rayons du soleil emportèrent
le joyau qui était dans la tête du petit animal.

 


     16 mars
La Princesse De Tronkolaine
IL y avait, une fois, un vieux charbonnier qui avait fait faire vingt-cinq baptêmes.
Il ne trouvait plus de parrain pour le vingt-sixième enfant qui venait de lui naître.
Il trouvait bien une marraine. Comme il allait à la recherche d’un parrain, il rencontra un beau carrosse,
dans lequel il y avait un roi. Il s’agenouilla sur la route, son chapeau à la main. Le roi, en le voyant,
descendit de son carrosse et lui donna une pièce de deux écus.
— Sauf votre grâce, sire, lui dit le charbonnier, ce n’est pas l’aumône que je cherche,
mais bien un parrain pour mon dernier enfant, qui vient de naître, et je n’en trouve point.
— Pourquoi donc cela ? demanda le roi.
— C’est que, sire, j’ai déjà fait faire vingt-cinq baptêmes, et tous mes voisins ont été compères chez moi.
Je trouve bien une marraine.
— Eh bien ! reprit le roi, retournez chez vous ; venez à l’église avec l’enfant et la marraine,
et je serai le parrain, moi.
Et le vieux charbonnier s’en retourna à sa hutte, tout joyeux. On avertit la marraine, et ils se rendirent
à l’église avec l’enfant. Le roi y était déjà à les attendre.
Quand le baptême fut terminé, le parrain donna mille écus au père pour élever son filleul et
l’envoyer à l’école. Il lui donna encore une moitié de platine pour remettre à l’enfant,
qui la lui rapporterait quand il aurait atteint l’âge de dix-huit ans. Puis il partit.
L’enfant avait été nommé Charles.
A l’âge de sept ou huit ans, on envoya Charles à l’école, et il apprenait tout ce qu’il voulait.
Parvenu à l’âge de dix-huit ans, son père lui remit la moitié de platine et lui dit d’aller voir son parrain,
le roi de France, à sa cour, à Paris. Le jeune homme partit, monté sur un beau cheval, et ayant dans sa poche
sa moitié de platine. Il avait vraiment bonne mine. Il rencontra, dans un chemin creux et étroit,
une petite vieille femme, qui lui dit qu’un peu plus loin il verrait, auprès d’une fontaine,
un individu qui l’inviterait à boire ; — « mais, poursuivez votre route, mon fils, et ne buvez pas,
quelque insistance qu’il y mette. »
— C’est bien, grand’mère, je ne boirai pas de l’eau de la fontaine, dit Charles.
Quand il arriva à la fontaine, il vit l’individu assis à l’ombre, comme un voyageur qui se repose un instant,
et il lui dit :
— Jeune homme, venez boire un peu d’eau.
— Merci ! Je n’ai pas soif, répondit-il.
— Venez boire une goutte seulement, vous n’avez jamais bu d’aussi bonne eau.
Il insista tant, qu’il s’approcha pour goûter l’eau de la fontaine. Mais, s’étant mis à genoux,
pour boire à môme le bassin, l’inconnu lui prit sa moitié de platine dans sa poche, sauta sur son cheval
et partit au galop. Charles courut après lui ; mais, hélas ! il ne put l’atteindre, et bientôt il perdit de vue
l’homme et le cheval.
— Hélas ! se dit-il, je n’ai pas obéi au conseil de la vieille femme. Que faire, maintenant ? N’importe !
j’irai à pied ; tôt ou tard, j’arriverai aussi à Paris, et alors nous verrons.
Et il se remit en route.
Quand l’homme de la fontaine, le voleur, arriva à Paris, il demanda aussitôt à parler au roi,
et lui présenta sa moitié de platine. On rapprocha les deux moitiés, et l’on trouva qu’elles se ressemblaient
et s’ajustaient parfaitement ; si bien que le drôle fut le bienvenu auprès du roi,
qui le prenait pour son filleul, et il n’avait rien à faire tous les jours que manger, boire,
faire bonne chère et se promener.
Quelque temps après, Charles arriva aussi. On le prit au palais comme pâtre. Le faux filleul, voyant cela,
eut peur, et chercha les moyens de se défaire de lui et de le perdre. Il dit un jour au roi :
— Si vous saviez, mon parrain, ce que le gardeur de moutons a dit ?
— Qu’a-t-il dit ? demanda le roi.
— Ce qu’il a dit ? Il a dit qu’il était homme à aller demander au Soleil pourquoi il est si rouge,
le matin, quand il se lève.
— Bah ! ce n’est pas possible, à moins qu’il n’ait perdu la tête.
— Il l’a dit, sur ma foi, mon parrain, et je pense qu’il serait bon de l’y envoyer.
On appela le gardeur de moutons auprès du roi.
— Comment ! jeune pâtre, vous avez dit que vous êtes homme à aller demander au Soleil pourquoi il est si rouge,
quand il se lève, le matin ?
— Moi, mon roi ? Comment aurais-je pu dire pareille chose ?
— Vous l’avez dit, car mon filleul me Ta assuré ; il faut que vous accomplissiez ce dont vous vous êtes vanté,
sinon il n’y a que la mort pour vous. Vous partirez demain matin.
Voilà le pauvre Charles bien embarrassé, je vous prie de le croire. Il ne dormit goutte de toute la nuit.
Le lendemain matin, avant de se mettre en route, il fit le signe de la croix, et dit : « A la grâce de Dieu ! »
Il se dirigea vers le levant. Il n’était pas allé loin encore qu’il rencontra un vieillard à barbe blanche,
qui lui dit :
— Où allez-vous comme cela, mon fils, et pourquoi êtes-vous si triste ?
— Ma foi, grand-père, où je vais, je ne le sais guère ; et, si je suis triste, ce n’est pas sans motif.
Le roi m’a ordonné d’aller demander au Soleil pourquoi il est si rouge, quand il se lève, le matin.
— Eh bien ! mon garçon, faites exactement comme je vous dirai, et vous pourrez réussir. Voici un cheval de bois ;
montez dessus, et il vous portera au pays où le Soleil se lève. Vous arriverez au pied d’une montagne très haute ;
vous descendrez alors, vous laisserez votre cheval au pied de la montagne et vous monterez jusqu’au sommet.
Là, vous verrez un beau château. C’est le château du Soleil. Vous n’aurez qu’à entrer et faire votre commission.
— Merci, grand-père.
Charles monta sur le cheval de bois, qui s’éleva avec lui en l’air, et ils se trouvèrent bientôt
au pied de la haute montagne. Charles la gravit seul jusqu’au sommet. Il aperçut alors le palais du Soleil,
y entra sans obstacle et demanda :
— Le Soleil est-il à la maison ?
— Non, lui répondit une vieille femme, qui se trouvait là, — sa mère, sans doute ; — que lui voulez-vous ?
— J’ai besoin de lui parler, grand’mère.
— Eh bien ! si vous voulez attendre un peu, il arrivera sans tarder. Mais, mon pauvre enfant,
mon fils aura grand’faim, quand il arrivera, et il voudra vous manger. Restez tout de même,
car votre mine me plaît, et je l’empêcherai de vous faire du mal.
Bientôt après arriva le Soleil, en criant :
— J’ai faim ! j’ai grand’faim ! ma mère.
— C’est bien, asseyez-vous là, mon fils, et je vais vous donner à manger, lui dit la vieille.
— Je sens l’odeur de chrétien, mère, et il faut que je le mange ! s’écria le Soleil, un instant après.
— Eh bien ! par exemple, si vous croyez que je vais vous laisser manger cet enfant,
vous vous trompez joliment ! Voyez quel charmant garçon !
— Qu’es-tu venu faire ici ? demanda le Soleil à Charles.
— On m’a commandé, Monseigneur le Soleil, de venir vous demander pourquoi vous êtes si rouge, le matin,
quand vous vous levez.
— Eh bien ! je ne te ferai pas de mal, car ta mine me plaît, et je t’apprendrai même ce que tu désires savoir.
La Princesse de Tronkolaine demeure là, dans un château voisin du mien, et il me faut, tous les matins,
me montrer dans toute ma splendeur, quand je passe au-dessus de sa demeure, pour n’être pas vaincu par elle
en beauté.
Le lendemain, le Soleil se leva de bon matin et commença sa tournée, comme d’habitude,
et Charles partit aussitôt que lui. Descendu de la montagne, il retrouva son cheval de bois qui l’attendait.
Il monta dessus et fut ramené en peu de temps à l’endroit où il avait rencontré le vieillard.
Il était encore là qui l’attendait.
— Eh bien ! mon fils, lui dit-il, avez-vous réussi dans votre entreprise ?
— Oui, vraiment, grand-père, répondit Charles, et la bénédiction de Dieu soit sur vous !
— C’est bien ; quand vous aurez encore besoin de moi, appelez-moi et vous me reverrez.
Et aussitôt, il disparut, il ne sut comment.
Quand Charles revint au palais du roi, tout le monde était étonné de voir comme il était content et joyeux.
— Eh bien ! lui dit le roi, me diras-tu à présent pourquoi le Soleil est si rouge, le matin, quand il se lève ?
— Oui, sire, je vous le dirai.
— Et pourquoi donc ?
— C’est que, non loin du château du Soleil, se trouve celui de la Princesse de Tronkolaine,
et il lui faut paraître, chaque matin, dans toute sa splendeur, quand il passe au-dessus du château,
pour n’être pas éclipsé par elle.
— C’est bien, répondit le roi. Et il le renvoya à ses moutons.
Peu de temps après, le faux filleul dit encore au roi :
— Si vous saviez, parrain, ce que le gardeur de moutons a dit ?
— Et qu’a-t-il donc dit encore ?
— Ce qu’il a dit ? Il a dit qu’il est homme à vous amener ici la Princesse de Tronkolaine,
pour que vous l’épousiez.
— Vraiment ? Dites-lui de venir me trouver, tout de suite.
Le pauvre Charles se rendit auprès du roi, fort inquiet.
— Comment ! jeune pâtre, vous avez dit être capable de m’amener ici la Princesse de Tronkolaine,
pour être ma femme ?
— Comment aurais-je pu dire pareille chose, sire ? Il faudrait que j’eusse complètement perdu l’esprit
pour parler ainsi.
— Vous vous en êtes vanté, et il faut que vous le fassiez, sinon il n’y a que la mort pour vous.
Le lendemain matin Charles se remit en route, triste et soucieux. « Si je rencontrais encore le vieillard
de l’autre
fois ! » se disait-il en lui-même. A peine eut-il prononcé ces paroles, qu’il aperçut le vieillard
qui venait à lui.
— Bonjour, mon fils, lui dit-il.
— A vous pareillement, grand-père.
— Où allez-vous ainsi, mon enfant ?
— Ma foi, grand-père, je n’en sais trop rien. Le roi m’a encore ordonné de lui amener à sa cour la Princesse
de Tronkolaine, et je ne sais comment m’y prendre.
— C’est bien, mon garçon. Prenez d’abord cette baguette blanche. Retournez vers le roi, et dites-lui
qu’il vous faut trois bateaux, dont un chargé de gruau, un autre de lard et le troisième, de viande salée.
Le gruau sera pour le roi des fourmis, que vous trouverez dans une île, au milieu de la mer.
Quand vous arriverez dans cette île, vous demanderez : — « N’est-ce pas ici que demeure le roi des fourmis ?
— Si, vous dira-t-on.
— Eh bien, voici un cadeau que j’ai pour lui, » ajouterez-vous, en montrant le bateau chargé de gruau.
Alors, arriveront toutes les fourmis de l’île, et, en un instant, elles videront le bateau.
— « Ma bénédiction soit avec toi ! vous dira alors le roi des fourmis, et si jamais tu as besoin de nous,
appelle le roi des fourmis, et il arrivera aussitôt. » — Plus loin, vous trouverez une autre île,
où demeure le roi des lions. Vous demanderez encore, en arrivant : — « N’est-ce pas ici que demeure
le roi des lions ? — Si, vous sera-t-il répondu, c’est ici. » Et vous ajouterez : — « C’est que voici un cadeau
que j’ai pour lui ; » — et vous montrerez le bateau chargé de lard. Alors, vous verrez arriver des lions,
de tous les côtés de l’île, et, en un instant, le bateau sera vidé. Le roi des lions vous dira aussi : —
« Ma bénédiction soit avec toi ! Si jamais tu as besoin de moi, tu n’auras qu’à appeler le roi des lions,
et j’arriverai aussitôt. » — Enfin, vous arriverez ensuite dans une troisième île, où demeure le roi
des éperviers. En y abordant, vous demanderez :
— « N’est-ce pas ici que demeure le roi des éperviers ? — Si, vous sera-t-il répondu, c’est ici.
— C’est bien, ajouterez-vous, voici un cadeau que j’ai pour lui. » — Et vous montrerez le bateau chargé
de viande salée. Aussitôt, arrivera le roi des éperviers, accompagné de ses sujets, et, en un instant,
le bateau sera vidé. — « Ma bénédiction soit avec toi ! dira aussi le roi des éperviers, et si tu as jamais besoin
de moi, tu n’auras qu’à appeler le roi des éperviers, et aussitôt j’arriverai. » — Le roi, votre parrain,
vous fournira les trois bateaux chargés de gruau, de lard et de viande. Avant de vous embarquer,
faites une croix avec votre baguette blanche sur le sable du rivage, et aussitôt soufflera un vent favorable
pour vous conduire à votre destination. Prenez bien garde à faire tout exactement comme je vous ai dit,
et vous réussirez.
— Merci, et ma bénédiction soit avec vous, grand-père, dit Charles.
Et il partit.
Voilà Charles en mer, avec ses trois bateaux. Il arrive dans la première île, où demeure le roi des fourmis,
et il demande :
— N’est-ce pas ici que demeure le roi des fourmis ?
— Si, c’est ici, lui répond-on.
— Eh bien, voici un cadeau que j’ai pour lui ; allez lui dire, je vous prie, de venir le recevoir.
On avertit le roi des fourmis, et il vint aussitôt, accompagné d’une infinité de fourmis.
En un instant, le bateau fut vidé, et le roi dit alors :
— Ma bénédiction sur toi, Charles, filleul du roi de France. Tu nous as sauvés ; car la famine désolait
mon royaume, et nous allions tous mourir de faim. Si jamais tu as besoin de moi et de mes sujets,
tu n’auras qu’à appeler le roi des fourmis, et j’arriverai aussitôt.
Charles continua sa route, et, pour abréger, il arriva dans l’île où demeurait le roi des lions,
puis dans celle où demeurait le roi des éperviers ; il fit exactement comme lui avait recommandé le vieillard,
et tous lui promirent aide et protection, au besoin. Avant de s’éloigner de l’île des éperviers,
il demanda à leur roi :
— Suis-je encore loin du palais de la Princesse de Tronkolaine ?
— Vous avez encore un bon bout de chemin à faire, lui répondit-on ; mais, vous y arriverez sans mal.
Quand vous arriverez, vous verrez la princesse auprès d’une fontaine, occupée à peigner ses cheveux blonds,
avec un peigne d’or et un démêloir d’ivoire. Prenez bien garde d’être aperçu d’elle, avant que vous l’ayez vue,
car elle vous enchanterait. Elle sera sous un oranger, qui est au-dessus de la fontaine. Allez doucement,
doucement, grimpez sur l’arbre, cueillez une orange et jetez-la vite dans la fontaine. Alors la.
Princesse lèvera la tête, vous sourira, puis vous invitera à descendre et à l’accompagner jusqu’à son château.
Vous pourrez la suivre sans crainte.
— Merci, dit Charles au roi des éperviers. Et il continua sa route.
Il arriva sans tarder au pied du château, — un château magnifique. Il vit la Princesse auprès de la fontaine,
occupée à peigner ses cheveux blonds avec un peigne d’or et un démêloir d’ivoire, sous un oranger ;
Il grimpa sur l’arbre, sans être aperçu d’elle, cueillit une orange et la jeta dans le bassin de la fontaine.
Aussitôt, la princesse leva la tête, et, voyant Charles sur l’arbre :
— Ah ! dit-elle, Charles, filleul du Roi de France, c’est donc toi qui es là ! Sois le bienvenu. Descends et
accompagne-moi dans mon château. Je ne te veux point de mal ; bien au contraire.
Charles la suivit jusqu’à son château. Jamais ses yeux n’avaient rien vu d’aussi beau.
Il y avait quinze jours qu’il était là, au milieu des plaisirs de toutes sortes, quand il demanda, un jour,
à la Princesse si elle consentirait à l’accompagner jusqu’au palais du roi de France ?
— Volontiers, répondit-elle, si vous accomplissez trois travaux que je vous désignerai.
— J’essayerai toujours, dit-il.
Le lendemain matin, la Princesse le conduisit dans un grenier, devant un grand tas de graines de toutes sortes.
Il y avait là des graines de lin, de trèfle, de chanvre, de navet et de chou, mêlées ensemble.
Elle lui dit qu’avant le coucher du soleil, il fallait qu’il eût réuni toutes les graines de même nature
dans un même tas, sans qu’il y eût une graine de nature différente dans aucun des tas. Puis elle s’en alla.
Le pauvre Charles, resté seul, se mit à pleurer, parce qu’il ne croyait pas qu’il fût possible à personne
au monde d’accomplir un pareil travail. Il se rappela alors le roi des fourmis. Il m’avait dit,
se dit-il à lui-même, que, si jamais j’avais besoin de lui et des siens, je n’aurais qu’à les appeler,
et ils viendraient à mon secours. Il me semble que j’ai assez besoin d’eux, en ce moment.
Voyons donc s’il disait vrai :
— Roi des fourmis, viens à mon secours, car j’en ai grand besoin !
Et aussitôt le roi des fourmis arriva.
— Qu’y a-t-il pour votre service, demanda-t-il, Charles, filleul du roi de France ?
Charles lui fit part de son embarras.
— S’il n’y a que cela, soyez sans inquiétude, ce sera vite fait.
Le roi appela alors ses sujets, et aussitôt il arriva tant de fourmis, de tous côtés, que toute l’aire
du grenier en était couverte. Il leur expliqua ce qu’il y avait à faire. Et les voilà toutes au travail.
Quand ce fut fini, le roi des fourmis dit à Charles :
— C’est fait.
Charles le remercia, et il partit avec toutes ses fourmis.
Au coucher du soleil, quand vint la Princesse, elle trouva Charles assis et l’attendant tranquillement.
— Le travail est-il fait ? demanda-t-elle.
— Oui, princesse, c’est fait, répondit Charles tranquillement.
— Voyons cela.
Et elle examina tous les tas. Elle prenait une poignée de chacun et l’examinait de près.
Elle ne trouva en aucun tas une graine dissemblable et qui ne fût pas à sa place. Elle en était tout étonnée.
— C’est bien travaillé, dit-elle ; allons à présent souper.
Le lendemain matin, elle commanda à Charles d’abattre toute une longue avenue de grands chênes,
et elle lui donna pour outils une hache de bois, une scie de bois et des coins de bois.
Tous les arbres devaient être à terre pour le coucher du soleil, le même jour.
Voilà encore notre homme bien embarrassé.
— A moins que le roi des lions ne vienne à mon secours, se dit-il, je ne me tirerai jamais d’affaire, cette fois.
Et il appela le roi des lions.
— Roi des Lions, venez à mon secours, car j’en ai grand besoin !
Et le roi des lions arriva aussitôt.
— Qu’y a-t-il pour votre service, Charles, filleul du roi de France ? demanda-t-il.
Charles lui conta son embarras.
— N’est-ce que cela ? Soyez sans inquiétude alors, ce ne sera pas long à faire.
Le roi poussa un rugissement terrible, et aussitôt il arriva des lions plein l’avenue.
— Allons ! mes enfants, leur dit le roi, déracinez et mettez-moi en pièces tous ces arbres, et vite !
Et les voilà aussitôt de se mettre à l’ouvrage, et de travailler, chacun de son mieux.
Tout était encore terminé, avant le coucher du soleil.
Quand vint la Princesse, elle fut étonnée de voir tous les chênes déracinés et mis en morceaux,
et Charles qui dormait ou feignait de dormir, étendu- sur le dos.
— Ah ! voici, par exemple, un homme ! se dit-elle.
Elle s’approcha de Charles, tout doucement, sur la pointe des pieds, et lui donna deux baisers.
Charles se réveilla.
— Le travail est fait, à ce que je vois, lui dit la Princesse.
— Oui, Princesse, le travail est fait.
— C’est bien. Allons souper, car vous devez avoir faim.
Le lendemain matin, on lui dit d’aller abattre et niveler une grande montagne, beaucoup plus haute
que la montagne de Bré. On lui donna une brouette et une pelle de bois, et le travail devait être terminé
avant le coucher du soleil.
Arrivé au pied de la montagne, Charles restait là à la regarder, et il se disait en lui-même :
— Comment faire cela ? Je n’en viendrai jamais à bout. Mais, le roi des éperviers n’a pas encore travaillé
pour moi. Il faut que je l’appelle ; je n’ai d’autre espoir qu’en lui.
— Roi des éperviers, venez à mon secours, car j’en ai grand besoin !
Et aussitôt le roi des éperviers descendit auprès de lui.
— Qu’y a-t-il pour votre service, Charles, filleul du roi de France ? demanda-t-il.
— La Princesse de Tronkolaine m’a dit qu’il faudra abattre et niveler cette haute montagne,
avant le coucher du soleil, et, si vous ne me venez en aide, je ne sais vraiment pas comment en venir à bout.
— Si ce n’est que cela, soyez sans inquiétude ; cela sera fait, avant le coucher du soleil.
Alors, le roi des éperviers poussa un cri effrayant, et aussitôt les éperviers arrivèrent,
et en si grand nombre, que la lumière du soleil en était obscurcie.
— Qu’y a-t-il à faire, notre roi ? demandèrent-ils.
— Transporter cette montagne de là, de manière qu’à sa place il se trouve une plaine unie ; et vite, vite, mes
enfants !
Et les voilà de déchirer la montagne avec leurs griffes, et de transporter la terre dans la mer.
Si bien que le travail était encore terminé, longtemps avant le coucher du soleil, et personne n’eût dit
qu’il y avait une montagne là, le matin.
Quand la Princesse vint, au coucher du soleil, elle trouva Charles qui dormait, sous un arbre,
et elle lui donna encore deux baisers. Il se réveilla aussitôt, et dit :
— Eh bien ! Princesse, le travail est accompli ; voyez, il n’y a plus de montagne. Maintenant,
j’espère que vous viendrez avec moi au palais du roi de France ?
— De tout mon cœur, répondit-elle, et partons tout de suite.
Et ils se dirigèrent du côté de la mer. Les bateaux de Charles se trouvaient encore là.
Ils s’embarquèrent dessus, et arrivèrent sans encombre en France. Sur la route, ils visitèrent le vieillard,
qui dit à Charles :
— Eh bien, mon fils, avez-vous réussi ?
— Oui, grand-père, et la bénédiction de Dieu soit avec vous !
— C’est bien. Allez, à présent, trouver votre parrain ; vos épreuves et vos peines sont terminées et
vous n’aurez plus besoin de moi.
Quand Charles arriva au palais du roi, accompagné de la Princesse de Tronkolaine, tout le monde fut étonné
de voir comme elle était belle. Le vieux roi en perdit la tête, et voulut se marier avec elle, tout de suite,
quoique la reine sa femme ne fût pas encore morte.
— Non, lui dit la Princesse, je ne suis pas venue ici pour vous épouser, pas plus que le diable qui est ici
avec vous.
— Un diable ici ! où donc est-il ? s’écria le roi.
— Celui que vous prenez pour votre filleul est un diable, et voici votre véritable filleul, dit-elle en
montrant Charles ; celui-ci a eu tout le mal, et c’est à lui qu’est due la récompense, et il sera mon époux.
— Mais comment renvoyer le diable ? demanda le roi.
— Cherchez d’abord une jeune femme nouvellement mariée, et portant son premier enfant. Quand vous l’aurez trouvée,
faites chauffer un four à blanc, et jetez-y le diable. Il se démènera et hurlera de rage,
et fera son possible pour sortir du four ; mais, la jeune femme l’y maintiendra en lui montrant
son anneau de mariage.
On trouva une jeune femme portant son premier enfant ; on chauffa un four à blanc, puis on y jeta le diable.
Celui-ci se démenait et poussait des cris épouvantables, et tout le palais en tremblait.
Mais, quand il essayait de sortir du feu, la jeune femme lui présentait son anneau à la gueule du four
et le faisait reculer. Si bien qu’il dit alors :
— Si j’étais resté ici, une année encore, j’aurais réduit le royaume à un état désespéré.
Mais, il lui fallut crever là.
Alors, Charles fut marié à la Princesse de Tronkolaine. Le vieux charbonnier, sa femme et tous ses enfants
furent aussi de la noce. — C’est là qu’il y eut un festin, alors ! Et un tintamarre et un vacarme et
des bombances éternelles ! Les cloches sonnant à toute volée, la grande bannière sur pied,
et les violons devant!

 


     16 avril
les 3 poils de la barbe d'or du diable
Il se nommait Malo et était jardinier à la cour d’un roi. Mais, comme il était déjà âgé,
il ne travaillait plus guère et avait la surveillance des autres jardiniers de la cour.
Le roi, qui aimait à causer avec lui, quand il venait se promener dans le jardin, lui dit un jour :
— Ta femme est donc enceinte encore, Malo ?
— Oui, sire, et je serai bientôt père pour la sixième fois, car, comme vous le savez, j’ai déjà cinq enfants.
Mais, ce qui m’embarrasse le plus, c’est de savoir où trouver un parrain pour le sixième.
— Eh bien, que cela ne t’inquiète plus ; viens me trouver, quand ton enfant naîtra, et je lui trouverai un parrain.
Huit jours plus tard, Malo alla trouver le roi, et lui dit :
— Il vient de me naître un sixième garçon, sire.
— Eh bien, répondit le roi, c’est moi qui serai son parrain.
Le baptême fut célébré solennellement, et l’enfant fut nommé Charles. Puis, il y eut un grand dîner,
au palais du roi. Vers la fin du repas, le vieux jardinier, qui avait bu un peu plus que d’habitude,
était gai et dit, en levant son verre plein :
— A votre santé, sire, et Dieu fasse la grâce à mon fils nouveau-né d’être uni un jour à la princesse votre fille.
Il y avait quelques jours seulement qu’une fille était aussi née au roi.
Le monarque fut mécontent du souhait de son jardinier, et il le renvoya.
Malo entra chez un grand seigneur.
Cependant, le roi ne tarda pas à regretter son vieux jardinier, et il lui demanda de revenir à la cour,
comme précédemment.
Malo, qui regrettait également les beaux jardins où il avait passé toute sa vie, et les bonnes conversations
avec son roi, revint volontiers. Le roi voulut se charger de l’éducation de Charles, et Malo y consentit facilement.
Le vieux monarque n’avait pas oublié les paroles imprudentes du jardinier, au dîner du baptême,
et il voulait prendre ses précautions, de bonne heure, pour empêcher la réalisation du souhait
qu’il avait exprimé.
Charles fut bientôt exposé sur la grande mer, dans un berceau de verre, et abandonné à la grâce de Dieu.
Le roi attendait son marchand de vin de Bordeaux, qui devait venir lui apporter du vin.
Le marchand de Bordeaux rencontra en mer le berceau où avait été exposé Charles. Il recueillit l’enfant,
admira sa beauté et résolut de l’amener à sa femme et de l’adopter. Dans sa joie et son empressement
à le montrer à sa femme, il fit virer de bord son bâtiment et retourna immédiatement à Bordeaux.
Sa femme fut heureuse du cadeau que lui faisait son mari, car ils n’avaient pas d’enfants,
quoique mariés depuis longtemps. Charles fut dès lors élevé et instruit comme s’il eût été le propre fils
du marchand. On le baptisa de nouveau, dans la crainte qu’il ne l’eût pas été déjà, et le hasard voulut
qu’on lui donnât encore le nom de Charles. On lui donna des maîtres de toute sorte, et il appelait
le marchand et sa femme son père et sa mère, car on le laissa dans une ignorance complète de ses premières années.
Cependant le roi, plusieurs années plus tard, fit un voyage à Bordeaux. Quand il vit Charles,
il admira sa bonne mine et demanda au marchand s’il était son enfant. Le marchand lui raconta comment,
l’ayant trouvé en pleine mer, dans un berceau de verre, il l’avait recueilli et adopté comme son propre enfant.
Alors le roi vit clairement que c’était l’enfant de son jardinier, celui-là même dont il avait
voulu se débarrasser, et demanda au marchand de le lui céder, pour qu’il en fît plus tard son secrétaire.
Le marchand céda l’enfant à son roi, mais à regret.
Le roi, qui ne devait pas retourner immédiatement à Paris, envoya Charles devant et lui donna une lettre
pour la reine, dans laquelle il ordonnait à celle-ci de faire mettre à mort le porteur, dès qu’il arriverait.
Il ajoutait qu’il reviendrait aussi, sans retard, mais qu’il fallait que son ordre fût mis à exécution,
avant son arrivée.
Charles part avec la lettre, ne se doutant pas qu’elle contenait son arrêt de mort. Il loge dans un village,
au bord de la route, et y mange avec trois inconnus, des maltôtiers.
Après souper, on joue aux cartes. Charles perd tout son argent et même sa montre. On se couche.
Les trois maltôtiers étaient dans la même chambre, et Charles était dans un cabinet, à côté.
Il n’y avait qu’une cloison de planches à les séparer, et il entendait leur conversation : — Le pauvre garçon !
dit l’un d’eux, il a perdu tout son argent ; comment pourra-t-il payer son écot et retourner jusque chez lui ?
J’ai pitié de lui ; si nous lui rendions son argent ? — Oui, répondirent les deux autres ; rendons-lui son argent.
Et un des trois alla dans sa chambre pour lui remettre son argent. Il dormait profondément,
car il était très fatigué de sa marche. Sur sa table de nuit, le maltôtier aperçut une lettre cachetée ;
c’était celle que le roi lui avait donnée pour être remise à la reine. Poussé par la curiosité,
il rompit le cachet, lut la lettre et fut bien étonné de ce qu’elle contenait.
— Le pauvre garçon ! pensa-t-il, il porte lui-même l’ordre de le faire mettre à mort, et il ne le sait pas !
Il montra la lettre à ses deux camarades, et ils lui substituèrent une autre lettre, qui recommandait à la reine
de bien accueillir et bien traiter le porteur.
Le lendemain matin, quand Charles se leva, les maltôtiers étaient déjà partis. Il retrouva dans ses poches
son argent et sa montre, et sa lettre était aussi sur sa table de nuit, où il l’avait posée. Il paya son hôte
et se remit en route, sans que rien lui eût fait soupçonner une substitution de lettre. Il marche, il marche,
et finit par arriver à Paris. Il va tout droit au palais royal et remet sa lettre à la reine.
Celle-ci l’accueille on ne peut mieux, le fait manger à sa table et l’emmène avec elle et la princesse,
sa fille, dans ses visites et ses promenades.
Le roi revint au bout d’un mois, et son étonnement fut grand et grande aussi sa colère de retrouver
Charles dans la société de sa femme et de sa fille.
— Comment ! dit-il à la reine, vous n’avez donc pas fait ce que je vous recommandais, dans ma lettre ?
— Vraiment, si, répondit-elle ; voici votre lettre ; relisez-la.
Le roi lut la lettre que lui présenta la reine, et vit clairement qu’il avait été trahi, mais il ignorait par qui.
Charles fut alors envoyé à l’armée, comme simple soldat. C’était un soldat exemplaire.
Il devint promptement officier, et, comme il se comportait vaillamment, dans toutes les rencontres,
et contribuait plus que nul autre à la victoire, il parvint vite aux plus hauts grades, et on ne parlait
que de lui, à l’armée et à la ville. La princesse s’éprit d’amour pour lui, et demanda à son père
de le lui laisser épouser. — Jamais ! répondit le roi. Survint une grande guerre, et le roi de France
était sur le point de perdre une bataille décisive, quand arriva Charles avec ses soldats.
Aussitôt les choses changèrent de tournure, et les Français remportèrent une grande victoire,
au lieu de la défaite désastreuse dont ils étaient menacés.
La princesse demanda de nouveau à son père de lui permettre d’épouser le jeune héros.
— Je le veux bien, répondit-il, cette fois, mais, à la condition qu’il m’apportera trois poils de la barbe d’or
du Diable.
— Et où irai-je chercher le Diable ? demanda Charles.
— En Enfer, parbleu ! Lui répondit la princesse.
— C’est facile à dire ; mais, par où aller en Enfer ?
Il se mit tout de même en route, à la grâce de Dieu.
Après avoir marché longtemps et traversé bien des pays, il arriva au pied d’une haute montagne,
où il vit une vieille femme qui venait de puiser de l’eau à la fontaine, dans une barrique défoncée
qu’elle portait sur la tête.
— Où allez-vous ainsi, l’homme ? Lui demanda la vieille ; ici, il ne vient pas de gens en vie.
Je suis la mère du Diable.
— Eh bien, c’est alors votre fils que je cherche ; conduisez-moi jusqu’à lui, je vous prie.
— Mais, mon pauvre enfant, il te tuera ou t’avalera vivant, quand il te verra.
— Peut-être. Faites que je lui parle, et nous verrons après.
— Tu n’es pas peureux, à ce qu’il paraît ; mais, dis-moi ce que tu as à faire avec mon fils.
— Le roi de France m’a promis de me donner la main de sa fille, si je lui apporte trois poils de la barbe d’or
du Diable, et je pense, grand’mère, que vous ne voudrez pas me faire manquer un si beau mariage pour trois poils
de barbe.
— Eh bien, suis-moi, et nous verrons ; ta mine me plaît.
Et Charles suivit la vieille, qui le conduisit à un vieux château délabré et tout noir.
Aussitôt arrivée, elle se mit à faire des crêpes pour son fils, sur une poêle plus large qu’une meule de moulin.
Bientôt, on entendit un vacarme effroyable.
— Voilà mon fils qui arrive, dit la vieille, cache-toi vite sous mon lit.
Charles se cacha sous le lit, et le fils de la vieille entra aussitôt en criant :
— J’ai grand’faim, mère, grand’faim(2) !
— Eh bien, mange, mon fils ; voilà de bonnes crêpes.
Et il se mit à manger des crêpes, qui disparaissaient comme dans un gouffre.
Quand il en eut ainsi englouti quelques douzaines, il s’interrompit un instant, et dit :
— Je sens ici odeur de chrétien, et il faut que j’en mange.
— Tu déraisonnes, mon fils, dit la vieille ; mange des crêpes et ne songe pas aux chrétiens ;
tu sais bien qu’il n’en vient jamais ici.
Et il engloutit encore quelques douzaines de crêpes, puis il huma l’air et répéta :
— Je sens odeur de chrétien ici, et il faut que j’en mange.
— Laisse-moi donc tranquille avec les chrétiens, lui dit la vieille, et mange des crêpes ou va te coucher,
si ton ventre est plein.
— Oui, bonne petite mère, dit-il, radouci, je suis fatigué et je vais me coucher.
Il se mit au lit, et, un instant après, il ronflait. La vieille s’approcha de lui et lui arracha un poil
de sa barbe d’or. Il se gratta le menton, mais ne s’éveilla pas. Un moment après, la vieille lui arracha
un second poil, puis un troisième. Il s’éveilla enfin et sauta hors du lit en disant :
— Je ne puis pas dormir dans ce lit, mère, il y a trop de puces ; je vais coucher à l’écurie.
— Vas à l’écurie, si tu veux, mon fils ; demain, je te mettrai des draps frais.
Et il sortit pour se rendre à l’écurie.
— Arrive ici, vite, à présent ! dit la vieille à Charles.
Et, lui présentant les trois poils qu’elle venait d’arracher au menton de son fils :
— Voici trois poils de la barbe d’or du Diable. Emporte-les vite, et vas épouser la fille du roi de France.
Charles prit les trois poils, remercia et partit promptement.
Quand il arriva au palais du roi de France, la reine et sa fille étaient à se promener dans le jardin.
Il alla les y trouver, et, dès qu’elle l’aperçut, la princesse lui demanda :
— Et les trois poils d’or de la barbe du Diable ?
— Les voici, répondit-il en les montrant. La princesse courut le dire à son père. Quand le vieux roi vit
les trois poils, il fut pris d’un tel accès de fureur, qu’il se planta lui-même son poignard dans le cœur
et mourut aussitôt.
— Va-t’en au Diable ! dit Charles, en voyant cela.
Rien ne s’opposait plus au mariage de Charles avec la princesse.
Il écrivit au marchand de Bordeaux de se rendre promptement à Paris. Il vint, révéla tout, et l’on sut
alors que Charles était le fils du vieux jardinier du palais et le filleul du roi. On constata aussi
l’accomplissement du souhait du vieux jardinier, lorsqu’il avait dit, en portant la santé du roi,
au dîner du baptême : A votre santé, sire, et Dieu veuille que votre fille et mort fils soient unis, un jour.
Le mariage fut célébré, et il y eut de belles noces, avec des festins, des danses et des jeux
de toutes sortes, pendant quinze jours.
J’étais là cuisinière ; j’eus un morceau avec une goutte, un coup de cuillère à pot sur la bouche, et,
depuis, je n’y suis pas retournée. Mais, avec cinq écus et un cheval bleu, j’y serais encore allée ;
avec cinq écus et un cheval brun, j’y serais allée demain en huit.

 


     16 mai
Le dragon
Il était une fois une très pauvre femme dont le fils s'appelait Richard. Il allait tous les jours à
l'orée du bois cueillir des fleurs pour les offrir à sa maman.
Par un beau jour, alors qu'il cueillait des fleurs, il remarqua une affiche où il était écrit :
"Celui qui tuera le dragon qui menace mon royaume aura ma fille en mariage."
Richard s'empara de l'affiche et retourna chez lui. Il la montra à sa mère. Celle-ci lut
l'affiche et déclara : "Si tu veux sauver ce royaume, il te faudra l'épée magique de ton père !
Il l'a reçue jadis pour avoir sauvé un roi !" Richard se saisit de l'épée et fit ses adieux à sa mère.
Il marcha longtemps...
Enfin, il arriva au royaume et se mit en route vers le château. Arrivé devant la porte il demanda à un garde
de le conduire jusqu'au roi. Celui-ci le reçut gentiment.
"Que faites-vous dans mon royaume ? lui demanda le roi.
-Je suis venu pour tuer le dragon et épouser votre fille ! répondit Richard.
-La grotte du dragon se trouve à la sortie du royaume ! Si tu veux épouser ma fille, tu devras me rapporter
la tête du dragon." Richard s'inclina et sortit.
Il quitta le château et marcha longtemps encore... Enfin, la grotte apparut. Il entra et sortit son épée.
Le dragon était assis. Tout à coup, il entendit du bruit. Surpris, il se retourna et vit Richard.
- Que viens-tu faire dans ma demeure ? s'exclama le dragon en colère.
- Je viens vous tuer pour vous empêcher de terroriser les gens de ce royaume ! Si je suis vainqueur,
j'épouserai la princesse ! répondit Richard.
Le combat commença. Le dragon lança du feu. Richard se battit vaillamment. Après un combat acharné,
Richard lança son épée en plein coeur du dragon. Il lui coupa la tête et retourna au palais avec son trophée.
En le voyant arriver, toute la cour applaudit Richard. Le roi déclara : 
"Tu as tué le dragon ! Tu m'as apporté sa tête, je t'offre ma fille en mariage !"
Quand Richard vit la princesse il ne regretta pas son courage. Les festivités durèrent une semaine.
Richard et la princesse vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.

 


     16 juin
Simbad
Il était une fois un garçon très beau nommé Simbad .Il avait les yeux clairs mais d'un bleu très clair ;
il était blond, grand et fort. C'était le héros du village parce qu'il avait déjà sauvé beaucoup de monde
dans le village. Il aimait aider les autres et il était très intelligent .Il habitait dans un petit village
très joli. Il y avait de belles maisons, des beaux petits jardins, il y avait même une ferme avec des chevaux,
des vaches, des cochons, des chèvres, des veaux... Il y avait un berger qui s'appelait Georges,
il avait plus de cent moutons. Il en avait perdu deux et Simbad les avait retrouvés :
voilà pourquoi on l'appelait le héros.
Il devait retrouver la princesse Clara parce qu'ils devaient se fiancer le 6 avril et la princesse
avait disparu le soir du 5 avril. Il partit dès qu'il apprit la disparition de la princesse Clara.
Il devait trouver l'épée magique cachée derrière la montagne interdite. Le chemin était tout caillouteux.
Plus il se rapprochait plus il faisait sombre, il sentait que cela aller mal finir.
Il arriva à la montagne interdite et vit un monstre à 3 têtes. Pendant de longues heures il se battit
avec le monstre. Enfin il le tua. Il était tout content de pouvoir traverser la montagne interdite. 
En fin de journée il arriva dans la grotte de l'épée magique. Il vit un ours. Il se battit avec lui et le tua.
Il courut vers l'épée magique et se mit en route vers le château de la sorcière Emilia. Arrivé au château
il escalada le mur de la tour là où la princesse Clara était enfermée. Enfin il la sauva et repartit au village.
Quant à la sorcière elle n'était de bonne d'humeur, car son rêve de régner sur toute la terre ne pourra plus
se réaliser.

 


     16 juillet
Les rois de coeur
Il était une fois un grand pays du nom de Mmérie. Le roi qui le dirigeait, Atlas II, avait trois femmes,
très belles. La première année de son règne se passa dans l'harmonie et la paix. Pourtant l'inquiétude
commençait déjà, en sourdine, à ronger le coeur des jeunes épouses. Chacune, en même temps,
portait en son sein un enfant. Un vrai miracle de royauté. Hélas! Chacune d'elles, maintenant,
rêvait de mettre au monde l'héritier du trône.
- Mon enfant revêtira le manteau de royauté et fera de Mmérie le plus grand empire du monde,
murmurait doucement la reine brunette, Reine Tara, à l'oreille de son époux.
- Je vois déjà en rêve mon fils porter la couronne et soulever le sceptre en signe de victoire,
répétait inlassablement celle dont les cheveux blonds lui avaient mérité le nom de Reine Soleil.
- Sire, je sais que notre poupon sera le futur monarque et que vous lui accorderez le pouvoir car
je suis votre favorite, déclarait la rousse, Reine Flavie, cette beauté du diable qui savait si bien séduire
son roi.
Pauvre Atlas II ! Le ciel semblait lui être tombé sur la tête. Tous les jours, la jalousie des femmes grandissait
et la défiance s'installait. Les peurs des trois femmes ombrageaient leur charme et leur élégance.
Les belles manières semblaient un luxe du passé. Certaines mauvaises langues disaient que les reines étaient
devenues de vraies chipies.
Le roi rassembla ses conseillers fidèles. L'un après l'autre, en se donnant beaucoup d'importance,
offrait sa solution.
- Si une des femmes a un fils et que les deux autres accouchent de filles, c'est, sans conteste,
le garçon qui deviendra notre futur roi.
- Non ! Sire, je crois que les filles ont autant de droits à la monarchie que les garçons.
Les temps ont changé et il faut donner chance égale aux deux sexes.
- Simplement, donnons au premier-né le titre de futur héritier ou de future héritière. L'aîné, garçon ou fille,
l'emporte, voilà tout. 
Le roi, las d'écouter tous ces propos, hochait la tête de gauche à droite et de droite à gauche.
Il savait bien que pas une de ces solutions ne pourrait satisfaire ses trois belles femmes. Soudain,
il eut l'idée d'aller consulter son père, le vieux roi Atlas 1er. Même si le vieillard semblait maintenant
épuisé et vaincu, à cause de son âge, il avait conservé un jugement remarquable. De plus, il serait certainement
très heureux d'apprendre qu'il deviendrait trois fois grand-père tout à la fois. 
Tel que prévu, Atlas 1er, futur grand-père, fit couler le meilleur vin afin de célébrer la bonne nouvelle.
Il y avait longtemps qu'il n'avait pas fêté ainsi, mais apprendre qu'il aurait une descendance nombreuse
le rendait ivre de joie. Pris de vin, il arriva néanmoins à écouter les inquiétudes de son fils.
Il lui offrit son conseil. 
- Retourne chez toi et dis à tes épouses que tu choisiras le futur roi en jouant le jeu du hasard.
Si la chance sourit à leur progéniture, eh bien! ce sera grâce à sa bonne étoile. Le destin couronnera
celui ou celle que les dieux préfèrent.
Atlas II connaissait bien ce jeu du hasard. Il fallait le concours du fou du roi. Le fou se plaçait
au sommet de la grande tour et il lançait dix rubans de différentes couleurs dans l'air. Un seul des rubans
était de couleur rouge. La personne  qui recevait le ruban rouge sur la tête devenait la personne
élue à la tâche. Dans ce cas-ci, le ruban rouge déterminerait lequel des enfants porterait la responsabilité
du royaume. Le vieux roi Atlas II ajouta : 
- Tu feras  peur à tes femmes en leur disant que les deux autres nourrissons devront mourir afin d'éliminer
toute rancoeur de l'âme du pays.
En voyant l'horreur sur le visage de son fils, Atlas s'empressa de le rassurer.
- Ne crains rien mon fils. Une mère est prête à tout pour protéger son nouveau-né. Tu verras que tes femmes
s'uniront pour ramener la bonne entente qui régnait jadis entre elles. Avant de te laisser appliquer
ce jeu du hasard, elles résoudront leur problème.
Cette solution était  effrayante mais, parfois, les vieux rois guerriers ont de bien drôles d'idées.
Évidemment, la rumeur précéda Atlas II. Au palais, les femmes furent surprises d'entendre ce que leur beau-père
proposait comme solution à leur tendre époux. Elles se réunirent afin de prévenir les risques que pourraient
encourir leurs bébés. Entre la sécurité des enfants et  la gloire, c'est bien la sécurité qu'elles  choisissaient.
Le désir de lutter pour  un titre  s'effaça par magie.
- Nous devons cesser de nous quereller, disait la Reine-Soleil qui en avait déjà assez de toutes les disputes
et les cris.
- Trois têtes qui règnent, c'est possible. C'est même trois fois mieux.
C'était vraiment nouveau d'entendre la rousse, Reine Flavie, parler avec autant de sagesse.
- Nous allaiterons nos enfants du lait doux de notre harmonie, chantait la brune Reine Tara.
À peine huit jours plus tard, Atlas II arriva chez lui. Il sourit de voir ses trois femmes assises en cercle,
chacune d'elles en train de broder la layette de leur bébé des mots suivants :
MON ENFANT-ROI,
Roi de mon coeur !
Elles comprenaient enfin que le pays de Mmérie était assez grand pour trois couronnes et qu'à Mmérie,
c'était le coeur avant tout qui régnait. Vive les rois!

 


     16 aout
Apprécier ce que l'on a !
Un jour, le père d'une très riche famille amène son fils à la campagne pour lui montrer
comment les gens pauvres vivent. Ils y passent quelques jours sur la ferme d'une famille
qui n'a pas beaucoup à leur offrir.
Au retour, le père demande à son fils. : " as-tu aimé ton séjour? "
" C'était fantastique, papa ! "
"As-tu vu comment les gens pauvres vivent? " demande encore le père.
"Ah oui! " Répond le fils
" Alors qu'as-tu appris?"
Le fils lui répond " J'ai vu que nous n'avions qu'un chien alors qu'ils en ont quatre.
Nous avons une piscine qui fait la moitié du jardin et ils ont une grande crique.
Nous avons des lanternes dans notre jardin et eux ont des étoiles partout dans le ciel.
Nous avons une immense galerie à l'avant et eux ont l'horizon.
Nous avons un domaine mais eux ont des champs à perte de vue.
Nous avons des serviteurs alors qu'eux servent les autres.
Nous achetons nos denrées et eux les cultivent.
Nous avons des murs autour de la propriété pour nous protéger. Eux ont des amis qui les protègent. "
Le père en resta muet.
Le fils rajouta: " Merci Papa de m'avoir montrer tout ce que nous n'avons pas ".
Trop souvent nous oublions ce qui nous est acquis pour nous morfondre sur ce que nous n'avons pas.
Ce qui est un objet sans valeur pour un peut très bien être un trésor pour un autre.
Ce n'est qu'une question de perspective.
C'est à se demander ce qui arriverait si nous avions de la gratitude pour tout ce que nous avons
au lieu d'en vouloir toujours plus.
Apprenez à apprécier ce que vous « avez ». Retrouvez vos yeux et votre cœur d’enfant et
voyez combien il est important d’apprécier ce que vous avez plutôt que de vous soucier
de ce que vous ne possédez pas.

 


     10 janvier
Ce n'est pas un fardeau, c'est mon frère !
Sur un sentier raide et pierreux
j' ai rencontré une petite fille
qui portait sur son dos
son jeune frère.
Mon enfant, lui ai-je dit,
tu portes un lourd fardeau.
Elle me regarde et dit:
Ce n'est pas un fardeau,
monsieur, c'est mon frère.
je restais interdit.
Le mot de cette enfant courageuse
s'est gravé dans mon coeur.
Et quand la peine des hommes m'accable
et que tout le courage me quitte,
le mot de l'enfant me rapelle:
Ce n' est pas un fardeau que tu portes,
c' est ton frère...

 


     10 fevrier
Chiots à vendre !
Un gérant d'une boutique clouait une pancarte au-dessus de sa porte
où l'on pouvait lire " Chiots à vendre ".
Bientôt un petit garçon fut attiré par l'annonce, et demanda "
À quel prix vendez-vous ces chiots". Le propriétaire du magasin répondit, " Autour de $30-$50 ".
Le petit garçon chercha dans sa poche et sortit de la monnaie...
" J'ai $2.37, est-ce que je peux les regarder "?
Le propriétaire du magasin sourit, et siffla. Sa chienne, nommée Lady,
courut hors du chenil, vers l'allée de son magasin, suivie par cinq petits chiots.
Mais un des chiots restait loin derrière... Immédiatement, le petit garçon choisit
le chiot boiteux resté en arrière. Il demanda " De quoi souffre ce petit chien" ?
L'homme expliqua qu'à sa naissance, le vétérinaire lui avait annoncé que le chiot avait
une malformation de la hanche qui le ferait boiter pour le restant de sa vie.
Le petit garçon devint vraiment enthousiasmé et dit " C'est le chiot que je veux acheter "!
L'homme répondit " Non, tu ne peux pas acheter ce petit chien, si tu le veux vraiment,
je te le donne ! " Le petit garçon devint bouleversé. Il regarda l'homme droit dans les yeux et dit
" Je ne veux pas que vous me le donniez. Il vaut tout autant que les autres chiens,
et je vous paierai le plein prix. En fait je vous donnerai $2.37 maintenant et 50 cents
chaque mois jusqu'à ce que j'aie fini de le payer. "
L'homme contrecarra. " Tu ne peux pas acheter ce chiot, vraiment !
Il ne sera jamais capable de courir, de sauter et de jouer. Aime d'autres chiots.
" Alors, le petit garçon se pencha vers le bas, puis il enroula la manche de son pantalon,
et montra une jambe malade, tordue, estropiée, supportée par une grande tige de métal.
Il regarda l'homme et dit, " Je ne cours pas très bien et le petit chiot aura besoin
de quelqu'un qui le comprenne".
À ce moment, l'homme mordit sa lèvre inférieure. Des larmes lui piquaient les yeux...
Il sourit et dit, " Mon garçon, j'espère et prie pour que chacun de ces chiots
ait un propriétaire tel que toi ".

 

 

 

 


     10 mars
La boite à baisers !
Il y a de cela plusieurs années, un père punit sa fillette de 3 ans pour avoir inutilement
dépensé un rouleau de papier doré. À l'époque, l'argent se faisait rare et il ne put supporter
que la fillette utilisa le papier pour décorer une boite à cadeau juste pour occuper
le dessous de l'arbre de Noël. Le lendemain matin, la petite enfant apporta le cadeau à son père
en lui disant : "C'est pour toi Papa ! ".
Embarrassé, son père regretta sa trop vive réaction. Toutefois, celle-ci se raviva
et ne fit qu'empirer quand il découvrit que la boite était vide. Il cria alors à sa fille
"Ne sais-tu pas qu'en offrant un paquet-cadeau, il doit toujours y avoir quelque chose dans la boite ? ".
La fillette regarda son père les yeux pleins d'eau et lui dit: Mais papa, la boite n'est pas vide,
je l'ai remplie de baisers, juste pour toi!". Le père était chaviré. Il enlaça sa fille,
la priant de lui pardonner sa réaction.
Peu de temps après, un accident vint faucher la fillette.
Le père garda longtemps la boite, tout près de son lit.
A chaque fois que le découragement l'assaillait, il prenait la boite,
en tirait un baiser imaginaire et se rappelait l'amour que l'enfant y avait mis.
Au fond, cette fable nous rappelle qu'il est donné à chacun de nous, comme humain,
de disposer d'une telle boite dorée, remplie de l'amour inconditionnel et des baisers de nos enfants,
de nos ami(e)s, de notre famille ou de Dieu. Existe-t-il de plus grands cadeaux ?

 


     10 avril
La fenêtre aveugle
Il était une fois un jeune prince qui vivait avec insouciance dans le palais de son père.
Un jour, il demanda au vieux sage chargé de son éducation :
- Parle-moi de l’argent. Je vois en quoi il est utile. Mais est-il parfois néfaste ?
Le vieil homme emmena le prince dans le grand salon du palais et le fit asseoir face à la vaste baie vitrée
donnant sur la grand-place.
- Que vois-tu, demanda l’ancien ?
- Je vois les enfants qui jouent sur la place, les jeunes filles qui dansent près du lavoir,
le forgeron qui martèle son fer.
Le sage disparut un instant et revint avec un seau et un pinceau.
- Qu’est-ce ? dit le prince.
- Un vernis à base d’argent.
Le vieil homme sortit du palais et recouvrit toute la baie vitrée d’une couche de vernis argenté.
Lorsqu’il rentra, le prince s’exclama :
- Mais il fait sombre, je ne vois plus rien.
Le sage alluma une lampe et demanda :
- À présent, que vois-tu ?
- Je ne vois plus que moi, comme dans un miroir, répondit le prince, je n’arrive plus à voir les autres.
- Tu as la réponse à ta question, dit le vieux sage.
Le prince ordonna à ses serviteurs de nettoyer la baie vitrée. Mais le vernis résistait.
À force de frotter, le verre réapparut, mais entièrement dépoli.
Irrité de ne pouvoir retrouver une vision claire, le jeune prince, dans un accès de colère,
lança la lourde coupe d’argent qu’il tenait à la main contre la vitre qui vola en éclats.
Le prince revit alors avec clarté, limpidité le monde extérieur et les gens sur la place.
Il pouvait aussi entendre les cris des enfants, le chant des jeunes filles et le martèlement du forgeron.
Il pouvait sentir le parfum des épices et la caresse du vent sur son visage.
Il enjamba le cadre vide de la baie vitrée et se fondit dans le mouvement animé de la grand-place.

 


     10 mai
La jarre abimée !
Un porteur d'eau indien avait deux grandes jarres, suspendues aux deux extrémités d'une pièce de bois
qui épousait la forme de ses épaules.
L'une des jarres avait un éclat, et, alors que l'autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source
jusqu'à la maison du maître, l'autre jarre perdait presque la moitié de sa précieuse cargaison en cours de route.
Cela dura deux ans, pendant lesquels, chaque jour, le porteur d'eau ne livrait qu'une jarre et demi d'eau
à chacun de ses voyages.
Bien sûr, la jarre parfaite était fière d'elle, puisqu'elle
parvenait à remplir sa fonction du début à la fin sans faille.
Mais la jarre abîmée avait honte de son imperfection et se sentait déprimée parce qu'elle ne parvenait
à accomplir que la moitié de ce dont elle était censée être capable.
Au bout de deux ans de ce qu'elle considérait comme un échec permanent, la jarre endommagée s'adressa
au porteur d'eau, au moment où celui-ci la remplissait à la source.
"Je me sens coupable, et je te prie de m'excuser."
"Pourquoi ?" demanda le porteur d'eau. "De quoi as-tu honte ?"
"Je n'ai réussi qu'à porter la moitié de ma cargaison d'eau à notre maître, pendant ces deux ans,
à cause de cet éclat qui fait fuire l'eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts, et, à la fin,
tu ne livres à notre maître que la moitié de l'eau. Tu n'obtiens pas la reconnaissance complète de tes efforts",
lui dit la jarre abîmée.
Le porteur d'eau fut touché par cette confession, et, plein de compassion, répondit:
"Pendant que nous retournons à la maison du maître, je veux que tu regardes les fleurs  magnifiques
qu'il y a au bord du chemin".
Au fur et à mesure de leur montée sur le chemin, au long de la colline, la vieille jarre vit de magnifiques
fleurs baignées de soleil sur les bords du chemin, et cela lui mis du baume au coeur.
Mais à la fin du parcours, elle se sentait toujours aussi mal parce qu'elle avait encore perdu
la moitié de son eau.
Le porteur d'eau dit à la jarre T'es-tu rendu compte qu'il n'y avait de belles fleurs que de ton côté,
et presque aucune du côté de la jarre parfaite? C'est parce que j'ai toujours su que tu perdais de l'eau,
et j'en ai tiré parti.
J'ai planté des semences de fleurs de ton coté du chemin, et, chaque jour, tu les as arrosées
tout au long du chemin.
Pendant 2 ans, j'ai pu grâce à toi cueillir de magnifiques fleurs qui ont décoré la table du maître.
Sans toi, jamais je n'aurais pu trouver des fleurs aussi fraîches et gracieuses.
Morale de l'histoire: Nous avons tous des éclats, des blessures, des défauts.
Nous sommes tous des jarres abîmées.
Certains d'entre nous sont diminués par la vieillesse, d'autres ne brillent pas par leur intelligence,
d'autres trop grands, trop gros ou trop maigres, certains sont chauves, d'autres sont diminués physiquement,
mais ce sont les éclats, les défauts en nous qui rendent nos vies intéressantes et exaltantes.
Vous devez prendre les autres tels qu'ils sont, et voir ce qu'il y a de bien et de bon en eux.
Il y a beaucoup de positif partout.
Il y a beaucoup de bon en vous. 

 


     15 fevrier
La légende de la Saint-Valentin !
Il était une fois, dans la ville de Terni, en Italie, un bon évêque qui avait pour nom Valentin.
Malgré l'interdiction dont était frappé le christianisme par l'Empire Romain,
notre évêque exerçait ouvertement son ministère et n'hésitait jamais à dépanner les personnes dans le besoin.
Un jour, l'Empereur apprit la chose et fou de rage, il le fit emprisonner.
Valentin avait domestiqué un pigeon et celui-ci lui était fidèle comme un chien.
Notre oiseau n'eut de cesse jusqu'à ce qu'il trouve la fenêtre de la cellule où était emprisonné l'évêque.
Chaque jour, il visitait son maître et lui apportait des pétales de violettes que Valentin façonnait
en forme de coeur. Dans ces coeurs, il mettait des messages à l'intention de ses amis
et il les attachait ensuite après son pigeon qui s'empressait d'aller leur porter.
C'est ainsi qu'est née l'expression "envoyer un Valentin".

 


     10 juin
L'âne du fermier !
Un jour, l'âne d'un fermier tomba dans un puits. L'animal gémissait pitoyablement depuis des heures,
et le fermier se demandait quoi faire. Finalement, il décida que l'animal était vieux
et que le puits devait disparaître de toute façon, et que ce n'était pas rentable pour lui de récupérer l'âne.
Il invita tous ses voisins à venir l'aider. Ils prirent tous une pelle et commencèrent à boucher le puits.
Au début, l'âne réalisa ce qui se produisait et se mit à brailler terriblement.
Puis, à la stupéfaction de chacun, il se tut.
Quelques pelletées plus tard, le fermier regarda dans le fond du puits et fut bien étonné :
avec chaque pelletée de terre qui tombait sur lui, l'âne se secouait pour enlever la terre de son dos
et montait dessus.
Pendant que les voisins du fermier continuaient à pelleter sur l'animal, il se secouait et montait dessus.
Bientôt, l'âne put sortir hors du puits et se remit à trotter !
La vie va essayer de vous engloutir de toutes sortes d'ordures. Le truc pour se sortir du trou
est de se secouer pour avancer.
Chacun de nos ennuis est une pierre qui permet de progresser. Nous pouvons sortir des puits les plus profonds
en n'abandonnant jamais !
Secouez-vous et foncez !
Rappelez-vous les cinq règles simples pour être heureux :
1. Libérez votre coeur de la haine.
2. Libérez votre esprit des inquiétudes.
3. Vivez simplement.
4. Donnez plus.
5. Attendez moins.
À ne jamais oublier, surtout dans les moments les plus sombres.

 


     10 juillet
L'arbre à soucis
Un jour, j'ai retenu les services d'un menuisier pour m'aider à restaurer ma vieille grange.
Après avoir terminé une dure journée au cours de laquelle une crevaison lui avait fait perdre
une heure de travail, sa scie électrique avait rendu l'âme, et pour finir, au moment de rentrer chez lui,
son vieux pick-up refusait de démarrer.
Je  le  reconduisis chez lui et il demeura froid et silencieux tout au long du trajet. Arrivé chez lui,
il m'invita à rencontrer sa famille. Comme nous marchions le long de l'allée qui conduisait à la maison,
il s'arrêta brièvement à  un petit arbre, touchant le bout des branches de celui-ci de ses mains.
Lorsqu'il ouvrit  la porte pour entrer chez lui, une étonnante transformation se produisit.
Son visage devint rayonnant, il caressa ses deux enfants et embrassa sa femme.
Lorsqu'il  me  raccompagna  à  ma  voiture,  en passant près de l'arbre, la curiosité  s'empara  de  moi
et je lui demandai pourquoi il avait touché le bout des branches de cet arbre un peu plus tôt.
«  C'est mon arbre à soucis », me répondit-il. « Je sais que je ne peux éviter  les  problèmes,
les soucis et les embûches qui traversent mes journées, mais il y a une chose dont je suis certain :
ceux-ci n'ont aucune place dans la maison avec ma femme et mes enfants. Alors, je les accroche à mon  arbre 
à soucis tous les soirs lorsque je rentre à la maison. Et puis, je les reprends le matin. »
« Ce qu'il y a de plus drôle », sourit-il, « c'est que lorsque je sors de la maison le matin pour les reprendre,
il y en a beaucoup moins que la veille lorsque je les avais accrochés. »

 


     10 aout
Larmes de mère !
Un petit garçon demande à sa mère
"Pourquoi pleures-tu ?"
"Parce que je suis une femme"
lui répond-elle.
"Je ne comprends pas" dit-il.
Sa mère l'étreint et lui dit
"Et jamais tu ne réussiras".
Plus tard le petit garçon demanda à son père
"Pourquoi maman pleure-t-elle sans raison ?"
"Toutes les femmes pleurent sans raison"
fut tout ce que son père put lui dire.
Le petit garçon grandit et devint un homme,
toujours se demandant
pourquoi les femmes pleurent aussi facilement.
Finalement il appela Dieu;
quand Dieu répondit au téléphone, il demanda
"Seigneur, pourquoi les femmes pleurent aussi facilement ?"
Dieu répondit
"Quand j'ai fait la femme, elle devait être spéciale.
J'ai fait ses épaules assez fortes
pour porter le poids du monde;
mais quand même assez douces pour être confortables".
"Je lui ai donné une force
intérieure pour endurer les naissances
et le rejet qui vient souvent des enfants."
"Je lui ai donné la force pour lui permettre de continuer
quand tout le monde abandonne
et prendre soin de sa famille
en dépit de la maladie et de la fatigue, sans se plaindre."
"Je lui ai donné la sensibilité pour aimer ses enfants
dans n'importe quelle circonstance
quand ces derniers l'ont blessée très durement".
"Je lui ai donné la force de supporter son mari dans ses défauts
et je l'ai fait d'une de ses côtes pour protéger son coeur".
"Je lui ai donné la sagesse de savoir
qu'un bon époux ne blesse jamais sa femme,
mais quelques fois teste sa force
et sa détermination de demeurer à ses côtés sans faiblir."
"Et finalement je lui ai donné une larme à verser.
Cela est exclusivement à son usage personnel
quand elle le juge bon."
"Tu vois :
La beauté d'une femme n'est pas dans les vêtements qu'elle porte,
ni dans le visage qu'elle montre
ou dans la façon de se peigner les cheveux."
"La beauté d'une femme doit être dans ses yeux,
parce que c'est la porte d'entrée de son coeur
- la place où l'amour réside."
Toutes les Femmes sont Belles.

 


     10 septembre
Le bol en bois !
Un vieil homme fragile s'en alla demeurer avec son fils, sa belle-fille, et son petit-fils de quatre ans.
Les mains du vieil homme tremblaient, sa vue était embrouillée et sa démarche chancelante.
La famille était attablée ensemble pour le repas. Mais la main tremblante de grand-père
et sa mauvaise vue rendait le repas peu agréable. Les pois roulaient par terre, lorsqu'il prenait son verre,
le lait se renversait sur la nappe. Ce qui vint à tomber sur les nerfs du fils et de la belle-fille.
"On doit faire quelque chose avec grand-père" dit le fils. Nous en avons assez du lait renversé,
des bruits lorsqu'il mange et de ramasser la nourriture sur le plancher"
Alors, le fils et sa femme montèrent une petite table dans le coin. C'est là que grand-père ira manger
pendant que le reste de la famille sera à la grande table. De plus, puisque que grand-père a cassé
quelques assiettes, dorénavant il mangera dans un bol en bois.
Lorsque la famille regardait dans le coin, quelques fois ils pouvaient voir une larme sur les joues
de grand-père qui était assis tout seul. En dépit de celà, les seuls mots que le couple avaient pour
grand-père exprimaient la colère et les reproches lorsqu'il échappait une fourchette ou renversait
sa nourriture par terre. Le jeune de quatre ans regardait tout cela en silence.
Un soir avant le souper, le père remarqua son fils qui jouait dans son atelier et il nota des copeaux de bois
sur le plancher. Il demanda gentiment: "Qu'est tu en train de fabriquer?"
Aussi gentiment le fils répondit: "Ah! je fais un bol en bois pour toi et maman pour manger lorsque
je serai grand!"
Les parents furent tellement surpris par ces paroles qu ils étaient incapable de parler. Et puis,
quelques larmes coulèrent sur leurs joues. Ils ne disaient rien mais ils savaient quoi faire.
Ce soir là, le fils pris grand-père par la main et l'amena gentiment à la table familiale.
Pour le reste de ces jours, il mangea ses repas avec la famille et le fils et sa femme ne se troublaient plus
lorsque grand-père échappait une fourchette, renversait son lait ou salissait la nappe.

 

 

 

 


     10 octobre
Le cordon !
Un professeur avait l'habitude, en fin d'études, de donner à ses étudiants un cordon  violet
sur lequel on pouvait lire "Qui je suis fait toute la différence"  imprimé en lettres dorées.
Il disait à chaque étudiant à cette occasion pourquoi il  l'appréciait et pourquoi le cours
était différent grâce à lui.
Un jour, il a l'idée d'étudier l'effet de ce processus sur la  communauté, et envoie ses étudiants
remettre des cordons à ceux  qu'ils connaissent et qui "font la différence".
Il leur donne 3 cordons en leur demandant ceci :
"Remettez un cordon violet à la personne de votre choix en lui  disant pourquoi elle fait
la différence pour vous, et donnez-lui deux autres cordons pour qu'elle en remette un elle-même
et ainsi  de suite. Faites-moi ensuite un compte-rendu des résultats."
L'un des étudiant s'en va, et va le remettre à son patron (car il travaillait à mi-temps)
un gars assez grincheux, mais qu'il appréciait.
"Je vous admire beaucoup pour tout ce que vous faites, pour moi vous êtes un véritable génie créatif
et un homme juste. Accepteriez-vous que j'accroche ce cordon violet à votre veste en témoignage
de ma reconnaissance ?"
Le patron est surpris, mais répond  "Eh bien, euh, oui, bien  sûr..."
Le garçon continue "Et accepteriez-vous de prendre deux autres cordons violets pour les remettre
à quelqu'un qui fait toute la  différence pour vous, comme je viens de le faire ?
C'est pour une enquête que nous menons à  l'université."
"D'accord"
Et voilà notre homme qui rentre chez lui le soir, son cordon  à la veste.
Il dit bonsoir à son fils de 14 ans, et lui raconte :  "Il m'est arrivé un truc étonnant aujourd'hui.
Un de mes employés m'a donné un cordon violet sur lequel il est écrit, tu peux le voir,
"Qui je suis fait toute la différence". Il m'en a donné un autre  à remettre à quelqu'un
qui compte beaucoup pour moi.
La journée a été dure, mais en revenant je me suis dit qu'il y a  une personne, un seule,
à qui j'aie envie de le remettre.
Tu vois, je t'engueule souvent parce que tu ne travailles pas  assez, que tu ne penses qu'à sortir
avec tes copains et que ta chambre est un parfait foutoir... mais ce soir je voulais te dire
que tu es très important pour moi. Tu fais, avec ta mère, toute la différence dans ma vie
et j'aimerais que tu acceptes ce cordon  violet en témoignage de mon amour. Je ne te le dis pas assez,
mais  tu es un garçon formidable !"
Il avait à peine fini que son fils se met à pleurer, pleurer,  son corps tout entier secoué de sanglots.
Son père le prend dans ses bras et lui dit "Ca va, ça va... 
est-ce que j'ai dit quelque chose qui t'a blessé ?"
"Non papa... mais... snif... j'avais décidé de me suicider demain.
J'avais tout planifié parce que j'étais certain que tu ne m'aimais pas malgré tous mes efforts
pour te plaire. Maintenant tout est changé..."

 


     10 novembre
L'écho !
Jn père et son fils se promenaient en montagne.  Soudain, le fils tombe, se fait mal et crie: 
"AAAhhhhhhhhhhh!!!"
 A sa grande surprise, il entend une voix qui répète, dans la montagne:
"AAAhhhhhhhhhhh!!!"
Curieux, il demande:  "Qui es-tu?"
Il reçoit pour toute réponse:  "Qui es-tu?"
Agacé par cette réponse, il crie:  "Peureux!"
Et entend: "Peureux!"
Alors il regarde son père et demande:
"Qu'est-ce qui se passe, papa?"
Le père sourit et répond:
"Mon fils, écoute bien, maintenant."
Et il crie vers la montagne: "Je t'admire!"
La voix répond:  "Je t'admire!"
Il crie encore:  "Tu es un champion!"
La voix répond:  "Tu es un champion!"
Le garçon est surpris mais ne comprends toujours pas.
Alors le père explique:
"Les gens le nomment ECHO, mais c'est en fait la VIE. Cela te renvoie tout ce que tu dis ou fais. 
Notre vie est simplement le reflet de nos actions.
Si tu veux plus d'amour dans le monde, commence par en avoir plus dans ton coeur.
Si tu veux que ton équipe soit plus performante, commence par être plus performant.
Cela marche pour tout dans notre vie. La vie te rendra tout ce que tu lui donneras."
VOTRE VIE N'EST PAS UNE COINCIDENCE.
C'EST LE REFLET DE CE QUE VOUS PENSEZ ET FAITES !

 


     16 septembre
Le génie menteur ou les 7 miroirs de l’âme !
Il y avait une fois un jeune prince qui trouvait les gens autour de lui méchants et égoïstes.
Il en parla un jour à son précepteur qui était un homme sage et avisé et qui confia une bague au prince.
- "Cette bague est magique. Si tu la tournes trois fois sur elle-même, un génie t’apparaîtra.
Toi seul le verra. Chaque fois que tu seras insatisfait des gens, appelle-le. Il te conseillera.
Mais fais attention : ce génie ne dit la vérité que si on ne le croit pas. Il cherchera sans cesse à te tromper."
Un jour, le prince entra dans une violente colère contre un dignitaire de la cour
qui avait agi contre ses intérêts. Il fit tourner trois fois la bague. Aussitôt, le génie apparut:
- "Donne-moi ton avis sur les agissements de cet homme, dit le prince."
- "S’il a fait quelque chose contre toi, il est indigne de te servir. Tu dois l’écarter ou le soumettre."
À ce moment, le prince se souvint des paroles étranges de son précepteur.
- "Je doute que tu me dises la vérité", dit le prince.
- "Tu as raison", dit le génie, "je cherchais à te tromper. Tu peux bien sûr asservir cet homme,
mais tu peux aussi profiter de ce désaccord pour apprendre à négocier, à traiter avec lui
et trouver des solutions qui vous satisfassent tous deux."
Parcourant un jour la ville avec quelques compagnons, le prince vit une immense foule
entourer un prédicateur populaire. Il écouta un instant le prêche de cet homme
et fut profondément choqué par des paroles qui contrastaient violemment avec ses propres convictions.
Il appela le génie.
- "Que dois-je faire ?"
- "Fais-le taire ou rends-le inoffensif", dit le génie. "Cet homme défend des idées subversives.
Il est dangereux pour toi et pour tes sujets." Cela me paraît juste, pensa le prince.
Mais il mit néanmoins en doute ce que le génie avait dit.
-"Tu as raison", dit le génie, "je mentais. Tu peux neutraliser cet homme.
Mais tu peux aussi examiner ses croyances, remettre en cause tes propres certitudes
et t’enrichir de vos différences."
Pour l’anniversaire du prince, le roi fit donner un grand bal où furent conviés rois, reines,
princes et princesses. Le prince s’éprit d’une belle princesse qu’il ne quitta plus des yeux
et qu’il invita maintes fois à danser sans jamais oser lui déclarer sa flamme.
Un autre prince invita à son tour la princesse. Notre prince sentit monter en lui une jalousie profonde.
Il appela alors son génie.
- "Que dois-je faire, selon toi ? "
- "C’est une crapule", répondit le génie. "Il veut te la prendre. Provoque-le en duel et tue-le. "
Sachant que son génie le trompait toujours, le prince ne le crut pas.
- "Tu as raison", dit le génie, "je cherchais à te tromper. Ce n’est pas cet homme que tu ne supportes pas,
ce sont les démons de tes propres peurs qui se sont éveillés quand tu as vu ce prince danser
avec la princesse. Tu as peur d’être délaissé, abandonné, rejeté. Tu as peur de ne pas être à la hauteur.
Ce qui se réveille en toi dans ces moments pénibles te révèle quelque chose sur toi-même. "
À l’occasion de la réunion du grand conseil du royaume, un jeune noble téméraire critiqua à plusieurs reprises
le prince et lui reprocha sa façon de gérer certaines affaires du royaume.
Le prince resta cloué sur place face à de telles attaques et ne sut que répondre.
L’autre continua de plus belle et à nouveau le prince se tut, la rage au cœur.
Il fit venir le génie et l’interrogea.
- "Ôte-lui ses titres de noblesse et dépouille-le de ses terres", répondit le génie.
"Cet homme cherche à te rabaisser devant les conseillers royaux."
- "Tu as raison", dit le prince. Mais il se ravisa et se souvint que le génie mentait.
- "Dis-moi la vérité" continua le prince.
- "Je vais te la dire", rétorqua le génie, "même si cela ne te plaît pas.
Ce ne sont pas les attaques de cet homme qui t’ont déplu, mais l’impuissance dans laquelle tu t’es retrouvé
et ton incapacité à te défendre."
Un jour, dans une auberge, le prince vit un homme se mettre dans une colère terrible
et briser tables et chaises. Il voulut punir cet homme. Mais il demanda d’abord conseil au génie.
- "Punis-le", dit le génie. "Cet homme est violent et dangereux."
- "Tu me trompes encore", dit le prince.
- "C’est vrai. Cet homme a mal agi. Mais si tu ne supportes pas sa colère,
c’est avant tout parce que tu es toi-même colérique et que tu n’aimes pas te mettre dans cet état.
Cet homme est ton miroir."
Une autre fois, le prince vit un marchand qui voulait fouetter un jeune garçon qui lui avait volé un fruit.
Le prince avait vu filer le vrai voleur. Il arracha le fouet des mains du marchand
et était sur le point de le battre lorsqu’il se ravisa.
- "Que m’arrive-t-il", dit-il au génie. "Pourquoi cette scène m’a-t-elle mis dans cet état ?"
- "Cet homme mérite le fouet pour ce qu’il a fait", répondit le génie.
- "Me dis-tu la vérité ?"
- "Non", dit le génie. "Tu as réagi si fortement parce que l’injustice subie par ce garçon t’a rappelé
une injustice semblable subie autrefois. Cela a réveillé en toi une vieille blessure."
Alors le prince réfléchit à tout ce que le génie lui avait dit.
- "Si j’ai bien compris", dit-il au génie, "personne ne peut m’énerver, me blesser ou me déstabiliser.
- "Tu as bien compris", dit le génie. "Ce ne sont pas les paroles ou les actes des autres
qui te dérangent ou que tu n’aimes pas, mais les vieux démons qui se réveillent en toi à cette occasion :
tes peurs, tes souffrances, tes failles, tes frustrations.
Si tu jettes une mèche allumée dans une jarre d’huile, celle-ci s’enflammera. Mais si la jarre est vide
ou qu’elle contient de l’eau, la mèche s’éteindra d’elle-même.
Ton agacement face aux autres est comme un feu qui s’allume en toi et qui peut te brûler, te consumer,
te détruire. Mais il peut aussi t’illuminer, te forger, te façonner et faire de l’autre un allié
sur le chemin de ta transformation. Toute rencontre difficile devient alors une confrontation avec toi-même,
une épreuve, une initiation."
- "J’ai besoin de savoir encore une chose", dit le prince. "Qui es-tu ?"
- "Je suis, moi aussi, ton reflet dans le miroir."

 


     23 septembre
Le pêcheur mexicain
Au bord de l'eau dans un petit village côtier mexicain, un bateau rentre au port,
ramenant plusieurs thons. L'Américain complimente le pêcheur mexicain sur la qualité de ses poissons
et lui demande combien de temps il lui a fallu pour les capturer :
" Pas très longtemps ", répond le Mexicain.
" Mais alors, pourquoi n'êtes-vous pas resté en mer plus longtemps pour en attraper plus? "
demande l'Américain. Le Mexicain répond que ces quelques poissons suffiront à subvenir aux besoins de sa famille.
L'Américain demande alors : " Mais que faites-vous le reste du temps? "
" Je fais la grasse matinée, je pêche un peu, je joue avec mes enfants, je fais la sieste avec ma femme.
Le soir, je vais au village voir mes amis. Nous buvons du vin et jouons de la guitare.
J'ai une vie bien remplie ".
L'Américain l'interrompt : " J'ai un MBA de l'université de Harvard et je peux vous aider.
Vous devriez commencer par pêcher plus longtemps. Avec les bénéfices dégagés, vous pourriez
acheter un plus gros bateau. Avec l'argent que vous rapporterait ce bateau, vous pourriez en acheter
un deuxième et ainsi de suite jusqu'à ce que vous possédiez une flotte de chalutiers.
Au lieu de vendre vos poissons à un intermédiaire, vous pourriez négocier directement avec l'usine,
et même ouvrir votre propre usine. Vous pourriez alors quitter votre petit village pour Mexico City,
Los Angeles, puis peut-être New York, d'où vous dirigeriez toutes vos affaires. "
Le Mexicain demande alors : " Combien de temps cela prendrait-il? "
" 15 à 20 ans ", répond le banquier américain.
" Et après? "
" Après, c'est là que ça devient intéressant ", répond l'Américain en riant.
" Quand le moment sera venu, vous pourrez introduire votre société en bourse et vous gagnerez des millions ".
" Des millions? Mais après? "
" Après, vous pourrez prendre votre retraite, habiter dans un petit village côtier, faire la grasse matinée,
jouer avec vos petits-enfants, pêcher un peu, faire la sieste avec votre femme et passer vos soirées à boire
et à jouer de la guitare avec vos amis. "

 

 

     23 octobre
Le petit garçon qui plantait des clous !
C'est l'histoire d'un petit garçon qui avait mauvais caractère. Son père lui donna un sac de clous
et lui dit qu'à chaque fois qu'il perdrait patience, il devrait planter un clou derrière la clôture.
Le premier jour, le jeune garçon planta 37 clous derrière la clôture.
Les semaines qui suivirent à mesure qu'il apprenait à contrôler son humeur,
il plantait de moins en moins de clous derrière la clôture...Il découvrit qu'il était plus facile de contrôler
son humeur que d'aller planter des clous derrière la clôture...
Le jour vint où il contrôla son humeur toute la journée. Après en avoir informé son père,
ce dernier lui suggéra de retirer un clou à chaque jour où il contrôlerait son humeur.
Les jours passèrent et le jeune homme pût finalement annoncer à son père qu'il ne restait plus aucun clou
à retirer de la clôture.
Son père le prit par la main et l'amena à la clôture. Il lui dit: "Tu as travaillé fort, mon fils,
mais regarde tous ces trous dans la clôture. Elle ne sera plus jamais la même.
À chaque fois que tu perds patience, cela laisse des cicatrices exactement comme celles-ci.
Tu peux enfoncer un couteau dans un homme et le retirer, peu importe combien de fois tu lui diras être désolé,
la cicatrice demeurera pour toujours. Une offense verbale est aussi néfaste qu'une offense physique.
Les amis sont des joyaux précieux. Ils nous font rire et nous encouragent à réussir.
Ils nous prêtent une oreille attentive, nous louangent et sont toujours prêts à nous ouvrir leur coeur.

 


     23 novembre
L'épicerie du paradis !
Je marchais sur le chemin de la vie, il y a déjà longtemps. Un jour j'ai vu une affiche sur laquelle j'ai lu
"Épicerie du paradis". Comme j'approchais, la porte s'ouvrit et je me trouvai à l'intérieur.
J'ai vu des légions d'anges un peu partout. Un d'entre eux me donna un panier et me dit:
"Mon enfant, achète avec soin. Tout ce dont un chrétien a besoin est dans le magasin;
tout ce que tu ne peux apporter aujourd'hui, tu reviendras le chercher demain."
Premièrement j'ai pris de la PATIENCE; l'AMOUR était dans la même rangée.
Un peu plus loin il y avait de l'ENTENTE, ce dont tu as besoin partout où tu vas.
J'ai pris aussi une boîte ou deux de SAGESSE, un sac ou deux de FOI. Je ne pouvais oublier l'ESPRIT SAINT,
il y en avait partout. Je me suis arrêté pour prendre de la FORCE, du COURAGE aussi pour m'aider à gagner
la course de la vie.
Bientôt mon panier était rempli, mais j'ai pensé que j'avais aussi besoin de GRÂCE.
Je n'ai pas oublié le SALUT, qui était gratuit; j'en ai pris assez pour nous sauver toi et moi.
Ensuite je suis allé au comptoir pour payer ma facture, car je croyais bien avoir tout pour faire
la volonté de Dieu. Comme je remontais l'allée, j'ai vu la PRIÈRE et je n'ai pas pu m'empêcher d'en mettre
dans mon panier, car je savais qu'en sortant je rencontrerais le PÉCHÉ.
PAIX et JOIE étaient en abondance sur la dernière tablette; CHANTS et HYMNES étaient tout près;
alors je me suis servi. Enfin j'ai dit à l'ange: "Combien te dois-je?" Il sourit et répond:
"Apporte ça partout où tu vas". Je souris encore et je dis: "Combien?" Il me répond en souriant:
"Mon enfant, Jésus a payé ta facture il y a très longtemps."

 


     7 septembre
L'homme qui aimait les étoiles de mer !
Un de nos amis marchait sur une plage mexicaine déserte, au coucher du soleil.
Peu à peu, il commença à distinguer la silhouette d'un autre homme dans le lointain.
Quand il fut plus près, il remarqua que l'homme, un indigène du pays, ne cessait de se pencher
pour ramasser quelque chose qu'il jetait aussitôt à l'eau. Maintes et maintes fois, inlassablement,
il lançait des choses à tour de bras dans l'océan.
En s'approchant encore davantage, notre ami remarqua que l'homme ramassait les étoiles de mer
que la marée avait rejetées sur la plage et, une par une, les relançait dans l'eau.
Notre ami était intrigué. Il aborda l'homme et lui dit: "Bonsoir, mon ami. Je me demandais ce que vous étiez
en train de faire."
"Je rejette les étoiles de mer dans l'océan. C'est la marée basse, voyez-vous, et toutes ces étoiles de mer
ont échoué sur la plage. Si je ne les rejette pas à la mer, elles vont mourir du manque d'oxygène."
"Je comprends, répliqua notre ami, mais il doit y avoir des milliers d'étoiles de mer sur cette plage.
Vous ne pourrez pas toutes les sauver. Il y en a tout simplement trop. Et vous ne vous rendez pas compte
que le même phénomène se produit probablement à l'instant même sur des centaines de plages tout le long
de la côte? Vous ne voyez pas que vous ne pouvez rien y changer?"
L'indigène sourit, se pencha et ramassa une autre étoile de mer. En la rejetant à la mer, il répondit:
"Ça change tout pour celle-là!"

 


     7 octobre
Le roi et le jardin !
Il y avait un jour un roi qui avait planté près de son château toutes sortes d'arbres,
de plantes et de fleurs et son jardin était d'une grande beauté. Chaque jour, il s'y promenait:
c'était pour lui une joie et une détente.
Un jour, il dût partir en voyage. À son retour, il s'empressa d'aller marcher dans le jardin.
Il fut désolé en constatant que les plantes et les arbres étaient en train de se dessécher.
Il s'adressa au pin, autrefois majestueux et plein de vie, et lui demanda ce qui s'était passé.
Le pin lui répondit: " J'ai regardé le pommier et je me suis dit que jamais je ne produirais les bons fruits
qu'il porte. Je me suis découragé et j'ai commencé à sécher."
Le roi alla trouver le pommier: lui aussi se desséchait...Il l'interrogea et il dit:
" En regardant la rose et en sentant son parfum, je me suis dit que jamais je ne serais aussi beau
et agréable et je me suis mis à sécher."
Comme la rose elle-même était en train de dépérir, il alla lui parler et elle lui dit:
"Comme c'est dommage que je n'ai pas l'âge de l'érable qui est là-bas et que mes feuilles ne se colorent pas
à l'automne. Dans ces conditions, à quoi¨bon vivre et faire des fleurs? Je me suis donc mise à dessécher."
Poursuivant son exploration, le roi aperçut une magnifique petite fleur. Elle était toute épanouie.
Il lui demanda comment il se faisait qu'elle soit si vivante. Elle lui répondit: " J'ai failli me dessécher,
car au début je me désolais. Jamais je n'aurais la majesté du pin, qui garde sa verdure toute l'année;
ni le raffinement et le parfum de la rose. Et j'ai commencé à mourir mais j'ai réfléchi et je me suis dit:
" Si le roi, qui est riche, puissant et sage, et qui a organisé ce jardin, avait voulu quelque chose d'autre
à ma place, il l'aurait planté. Si donc, il m'a plantée, c'est qu'il me voulait, moi, telle que je suis."
Et à partir de ce moment, j'ai décidé d'être la plus belle possible!"

 


     7 novembre
Les ailes de la vie !
Un homme trouve le cocon d'un papillon. Un jour, il voit une petite ouverture apparaître
et il passe plusieurs heures à observer le papillon qui essaie de sortir par le petit trou.
Puis soudainement, le papillon ne semble plus faire de progrès. C'est comme s'il était à la limite de sa capacité
et qu'il ne pouvait pas aller plus loin. L'homme décide donc d'aider le papillon.
Il prend des ciseaux et coupe le reste du cocon. Le papillon en sort ensuite facilement.
Mais il se produit quelque chose d'étrange. Le corps du papillon est gonflé et ses ailes sont ratatinées.
L'homme continue à observer le papillon et s'attend à ce qu'à tout moment, les ailes grandissent pour soutenir
le corps qui se contractera avec le temps. Mais cela ne se produit pas. Le papillon passe en effet le reste
de sa vie à se traîner, avec un corps gonflé et des ailes déformées. Il n'arrive jamais à voler.
Ce que l'homme, dans son empressement et animé par des sentiments de compassion, n'avait pas compris,
c'est que la constriction exercée par le cocon et la lutte exigée du papillon pour sortir par la petite
ouverture étaient les moyens prévus par Dieu pour pousser le liquide du corps du papillon vers ses ailes
pour qu'il soit prêt à prendre son envol une fois sorti du cocon. Parfois, les luttes sont exactement ce dont
nous avons besoin dans la vie.
Si Dieu nous permettait de traverser la vie sans obstacles, nous deviendrions infirmes.
Nous ne serions pas aussi vigoureux que nous aurions pu l'être. De plus, nous ne pourrions jamais
prendre notre envol.
J'ai demandéla force... Et Dieu m'a donné les difficultés pour me rendre fort.
J'ai demandé la sagesse... Et Dieu m'a donné des problèmes à résoudre.
J'ai demandé la prospérité... Et Dieu m'a donné un cerveau et des muscles pour travailler.
J'ai demandé de pouvoir voler... Et Dieu m'a donné des obstacles à surmonter.
J'ai demandé l'amour... Et Dieu m'a donné des gens à aider dans leurs problèmes.
J'ai demandé des faveurs... Et Dieu m'a donné des potentialités.
Je n'ai rien reçu de ce que j'ai demandé...
Mais j'ai reçu tout ce dont j'avais besoin

 


     7 decembre
Le serment du prince
Il y avait un temps où seuls les mérites donnaient la légitimité du pouvoir. Au temps de cette histoire.
Un roi mit ses trois fils à l'épreuve pour découvrir lequel était digne du trône. Allez, leur dit-il,
car un roi sans reine n'est qu'un pauvre hère et trouvez l'épouse qui portera couronne avec vous.
Avant que l'aube ne se lève, les trois frères sont déjà lancés au grand galop et hument le vent.
Une semaine est à peine écoulée que le premier revient en grande pompe avec trois mille chameaux chargés d'or
et d'argent et la princesse du royaume voisin.
Ayant appris par la rumeur publique le succès de son aîné, le deuxième mise sur les qualités de l'esprit et
ramène au palais de son père une poétesse célèbre pour ses élégies et sa beauté.
Rassurés sur le destin des deux premiers, c'est le troisième fils que nous suivrons désormais à la trace
car le plus fin limier ne peut être à l'affût de plus d'un gibier à la fois. Notre prince monté sur
un alezan poussif et bien croupé ne tarde pas à poursuivre son chemin à pied: son instinct l'entraîne où
un homme à cheval ne passe pas, au travers des taillis et des sous-bois, par-delà les marais, les ronces
et les torrents. Après de longs jours passés dans l'obscurité verte de la forêt, il débouche dans une contrée
défrichée aux champs soigneusement labourés entre les haies. A peine a-t-il eu le temps de s'interroger sur
ce pays et ses habitants qu'une horde de singes se jette sur lui et l'entraîne plus mort que vif dans les geôles
d'une grande bâtisse qui semble un palais.
Après quelques jours de captivité et d'intense observation à la lucarne de sa geôle, il s'aperçoit que cet étrange
pays est habité de créatures fort besogneuses, habiles de leurs mains et qui agissent en tout comme des hommes
- à la seule différence que leur langage n'est constitué que de cris aigus, de jappements, de ricanements et
de grognements. Quelques êtres humains se trouvent néanmoins mêlés à leur troupe - de toute évidence,
des prisonniers comme lui-même. S'enfuir paraît impossible, vu l'extrême vigilance des geôliers.
Le prince sait trop bien que si on peut tromper l'attention des hommes, celle des bêtes ne se laisse pas déjouer.
Une nuit, alors qu'il commence vraiment de désespérer, lui parvient le murmure d'une voix de femme:
«Prince, accepteriez-vous de m'épouser?» Il croit d'abord à un rêve, ou à une hallucination - mais comme,
nuit après nuit, la voix se refait entendre et répète mezza-voce la même phrase, il doit se plier à l'évidence
qu'il a affaire à une femme. Et quelle femme! Le timbre de sa voix est le plus envoûtant qu'il ait jamais entendu,
à la fois familier et étrange, doux et rauque. Un froissement de failles qui lève en lui des mémoires anciennes et
le fait pleurer. Il s'éprend si profondément de celle qui lui parle qu'il finit une nuit par répondre:
«Oui, je suis prêt.»
Quand il a dit ces mots, il sent qu'un sceau brûlant est apposé sur son cœur.
Le lendemain, des gardiens viennent le chercher, le laver, le parer richement et le ceindre
comme il est d'usage pour un époux. On l'amène au palais dans la salle de cérémonie qui croule
sous les magnolias et les lis. Tout est préparé pour des noces. Un prêtre et deux témoins se tiennent là.
Et sous un dais criblé d'étoiles une svelte silhouette l'attend dissimulée sous d'épais voiles.
La cérémonie se déroule comme le veut la tradition - et à l'instant où, pour prononcer les mots
qu'on attend d'elle, la fiancée écarte les dentelles, le sang du prince se glace.
C'est à une guenon qu'appartient cette voix enchanteresse!
Un instant, tout en lui n'est qu'épouvante et fuite, puis il se reprend: «J'ai fait serment de l'épouser.»
Il avance d'un pas et, vidé de sang, blême, appose son seing sous le contrat.
Aussitôt la guenon se métamorphose en femme. Et cette femme est si belle que la création entière
avec ses étoiles et ses oiseaux et ses nuages n'est plus qu'un écrin destiné à la mettre en valeur.
Le jeune homme tombe à genoux.
«Mon prince, lui dit-elle, nous sommes tous ici des êtres humains pris sous le joug d'une malédiction
que nous valut notre inconstance - et nous attendions notre libération de la source de toute délivrance:
la fidélité d'un homme à sa parole donnée.»
Le soulagement du roi au retour de ce fils qu'il a cru mort et disparu et sa joie à écouter le récit
de son épopée ne se peuvent décrire. Et quand, devant la cour réunie, le vieux souverain prend la parole
pour dire: «De tous les joyaux de cette terre, la loyauté et la fidélité sont les plus précieux.
Que le trône revienne de droit à celui qui, dans la pire épreuve, a tenu son serment ne surprendra personne»,
on aurait entendu un duvet de cygne voleter. Car aucun cœur n'est assez endurci pour ignorer que,
depuis le début des temps, l'espoir des mondes créés repose tout entier sur l'homme et la femme
qui se gardent fidélité au cœur même des naufrages et de la mort.

 

     7 janvier
Les baguettes
Cela se passait dans un vieux village chinois. Vivait là un sage fort avancé en âge.
Il avait au moins quatre-vingt-dix ans. Tout le monde l'aimait beaucoup et l'appréciait pour
ses judicieux conseils. De nombreuses personnes venaient de loin pour le consulter et
certaines payaient une fortune pour obtenir ses avis.
Notre sage savait fort bien qu'un jour, il devrait mourir comme tout le monde. Il se demandait
ce qu'il y avait de l'autre côté et à quoi pouvait ressembler le Ciel. Tous les livres saints en parlaient
beaucoup et sa curiosité était piquée. Il avait hâte de savoir.
Un soir d'automne, notre vieux sage s'éteint dans la paix, entouré de tout le village qui le vénérait.
Sa dernière parole fut :
"Je verrai enfin le Ciel dont j'ai rêvé si souvent."
Les gens du village lui firent des funérailles comme jamais on n'en avait vu dans ce petit coin de pays.
Des foules accoururent, venant d'aussi loin que le soleil couchant.
Notre vieux sage, dit la légende chinoise, arriva enfin au Ciel. Il aperçut une immense porte dorée et
magnifiquement ornée. Tout heureux, il s'en approcha et tenta d'ouvrir la porte. Alors apparut devant lui
quelqu'un qui lui dit :
"On n'entre pas au Ciel si facilement."
Le sage répliqua aussitôt :
"Que dois-je faire pour y entrer ?" Le gardien ajouta :
"Tu devras subir une épreuve, viens et suis-moi."
"Je n'ai aucune crainte," ajouta le sage, "je sais que je réussirai."
Il suivit donc le gardien qui l'amena dans une grande salle où des gens attendaient en cercle autour
d'un immense et appétissant plat de riz. Il prit la place qu'on lui assigna dans le cercle.
Le gardien s'adressa à tous : "Vous avez tous vu le plat de riz. Nous vous remettons deux baguettes
correspondant à la distance qui vous sépare du plat (environ 2 mètres). Vous n'avez pas le droit d'user de magie
ou de supercherie pour déplacer le plat. Je vous souhaite un bon repas." Le gardien se retira à l'écart et
observa les personnes.
La solution...
C'est uniquement en nourrissant la personne qui est en face de lui que le vieux sage pourra survivre,
son voisin faisant de même.
Fin de l'histoire :
Le vieux Sage ayant été généreux et sage toute sa vie, comprit immédiatement ce qu'il devait faire.
Il prit les baguettes et partagea le repas avec ses voisins. Le gardien lui ouvrit les portes
et le vieux sage entra au Ciel par la grande ouverture auréolée de lumière et de dorure.
Il avait trouvé la réponse sans hésiter ayant partager toute sa vie. Dieu attendait son vieil ami
dans sa belle lumière de tendresse...

 


     7 fevrier
Les brownies !
Bien des parents ont beaucoup de difficulté à expliquer à leurs adolescents pourquoi certaines musiques,
films, livres et revues ne sont pas une matière acceptable qu'ils peuvent apporter à la maison pour écouter
ou voir.
Un parent a eu une idée originale qu'il est bien difficile de réfuter. Le père écouta toutes les raisons
que ses enfants donnaient pour vouloir voir un certain film de catégorie "R". Il mettait en vedette
leurs acteurs préférés. Tous leurs amis avait déjà vu le film. Mème les membres de leur Église disaient
que c'était super. Il avait été classé "R" seulement à cause d'une brève scène de nudité... de toute façon,
on ne voyait presque rien. Il y avait très peu de mauvais language. Les adolescents admirent qu'il y avait bien
une scène où un édifice et un tas de gens explosaient, mais la violence était juste quelque chose de normal.
Ce n'était pas si mal.
Même si le film avait quelques faiblesses mineures, les effets spéciaux étaient fabuleux et
l'intrigue était pleine d'action. Toutefois, même avec les justifications apportées par les adolescents
pour la classification "R", le père ne voulu pas céder. Il ne fournit même pas à ses enfants une explication
satisfaisante pour dire "non". Il dit simplement "NON !"
Un peu plus tard ce-soir là, le père demanda à ses adolescents s'ils aimeraient avoir des brownies
qu'il venait de cuire. Il expliqua qu'il avait utilisé la recette préférée de la famille et
qu'il avait ajouté un petit quelque chose de nouveau. Les enfants demandèrent ce que c'était.
Le père répondit calmement qu'il avait ajouté un peu de crottes de chien.
Cependant, il s'empressa de les rassurer en disant que c'était seulement une toute petite quantité.
Tous les autres ingrédients étaient de qualité gastronomique et il avait pris grand soin de cuire les brownies
à la bonne température et pour la durée précise. Il était sûr que les brownies seraient superbes.
Même avec la promesse de leur père que les brownies seraient d'une qualité quasi parfaite,
les adolescents n'en voulurent aucun. Le père pris un air surpris. Après tout, un seul petit morceau
était la cause de leur entêtement. Il était certain qu'ils auraient eu de la peine à s'en rendre compte.
Pourtant les adolescents tirent bon et ne voulurent pas goûter les brownies.
Alors le père dit à ses enfants que le film qu'ils voulaient voir était juste comme les brownies.
Nos esprits se font prendre en croyant qu'un petit peu de mauvais n'a pas d'importance.
Mais la vérité est que même un tout petit peu de crotte fait toute la différence entre une gâterie et
quelque chose de dégoutant et de totalement inacceptable. Le père continua en expliquant que même si
l'industrie du cinéma voulait nous faire croire que la pluspart des films d'aujourd'hui sont acceptables
pour les adultes et pour la jeunesse, ils ne le sont pas.
Maintenant quand les enfants de ce père veulent faire ou voir quelque chose qu'ils ne devraient pas,
le père leur demande simplement s'ils voudraient avoir quelques uns de ses brownies ...
et les enfants ne demandent jamais plus cette activité.

 


     7 mars
Les deux loups !
Un homme âgé dit à son petit-fils, venu le voir très en colère contre un ami qui s'était montré injuste
envers lui :
"Laisse-moi te raconter une histoire... Il m'arrive aussi, parfois, de ressentir de la haine contre ceux
qui se conduisent mal et n'en éprouvent aucun regret. Mais la haine t'épuise, et ne blesse pas ton ennemi.
C'est comme avaler du poison et désirer que ton ennemi en meure. J'ai souvent combattu ces sentiments"
Il continua :" C'est comme si j'avais deux loups à l'intérieur de moi; le premier est bon et ne me fait aucun tort.
Il vit en harmonie avec tout ce qui l'entoure et ne s'offense pas lorsqu'il n'y a pas lieu de s'offenser.
Il combat uniquement lorsque c'est juste de le faire, et il le fait de manière juste. Mais l'autre loup, ahhhh...!
Il est plein de colère. La plus petite chose le précipite dans des accès de rage.
Il se bat contre n'importe qui, tout le temps, sans raison. Il n'est pas capable de penser parce que sa colère
et sa haine sont immenses. Il est désespérément en colère, et pourtant sa colère ne change rien.
Il est parfois si difficile de vivre avec ces deux loups à l'intérieur de moi, parce que tous deux veulent dominer
mon esprit."
Le garçon regarda attentivement son grand-père dans les yeux et demanda : " Lequel des deux loups l'emporte,
grand-père ?"
Le grand-père sourit et répondit doucement : "Celui que je nourris."
Une fable amérindienne que l'on raconte le soir autour du Feu Sacré.

 


     17 decembre
Les emplettes de Noël !
À la dernière minute, je me suis dépèchée de me rendre au magasin à rayons pour faire mes emplettes de Noël.
Quand j'ai vu tout le monde qu'il y avait, je me suis mise à maugréer. ''Je vais passer un temps interminable ici
et j'ai encore tant de choses à faire. Noël commence vraiment à devenir une corvée. Ce serait tellement bien
de me coucher et de me réveiller seulement après... ''
Mais, je me suis fait un chemin jusqu'au département des jouets et là, j'ai commencé à maugréer contre
les prix des jouets en me demandant si les enfants joueraient vraiment avec. Je me suis retrouvée dans l'allée
des jouets. Du coin de l'oeil, j'ai remarqué un petit bonhomme d'environ cinq ans qui tenait une jolie petite
poupée contre lui...
Il n'arrêtait pas de lui caresser les cheveux et de la serrer doucement contre lui. Je me demandais
à qui était destinée la poupée. Puis, le petit garçon se retourna vers la dame près de lui:
''Ma tante, es-tu certaine que j'ai pas assez de sous? '' La dame lui répondit avec un peu d'impatience:
'' Tu le sais que tu n'as pas assez de sous pour l'acheter''.
Puis sa tante lui demanda de rester là et de l'attendre quelques minutes. Puis elle partit rapidement.
Le petit garçon tenait toujours la poupée dans ses mains.
Finalement, je me suis dirigée vers lui et lui ai demandé à qui il voulait donner la poupée.
'' C'est la poupée que ma petite soeur désirait plus que tout pour Noel. Elle était sûre que le père Noel
la lui apporterait.''
Je lui dit alors qu'il allait peut-être lui apporter. Il me répondit tristement:
'' Non, le Père Noël ne peut aller là où ma petite soeur se trouve maintenant...
Il faut que je donne la poupée à ma maman pour qu'elle lui apporte''.
Il avait les yeux tellement tristes en disant cela. '' Elle est partie rejoindre Jésus.
Papa dit que maman va aller retrouver Jésus bientôt elle aussi ! Alors j'ai pensé qu'elle pourrait prendre
la poupée avec elle et la donner à ma petite soeur''.
Mon coeur s'est arrêté de battre. Le petit garçon a levé les yeux vers moi et m'a dit:
'' J'ai dit à papa de dire à maman de ne pas partir tout de suite. Je lui ai demandé d'attendre
que je revienne du magasin ''. Puis, il m'a montré une photo de lui prise dans le magasin sur laquelle
il tenait la poupée en me disant: '' Je veux que maman apporte aussi cette photo avec elle, comme ça,
elle ne m'oubliera pas. J'aime ma maman et j'aimerais qu'elle ne me quitte pas, mais papa dit qu'il faut
qu'elle aille avec ma petite soeur''. Puis il baissa la tête et resta silencieux. Je fouillai dans mon sac à main,
sortis une liasse de billets et demandai au petit garçon: '' Et si on recomptait tes sous une dernière fois
pour être sûr ? '' '' Ok '' dit-il '' Il faut que j'en aie assez ! ''
Je glissai mon argent avec le sien et nous avons commencé à compter. Il y en avait amplement pour la poupée,
et même plus. Doucement, le petit garçon murmura: '' Merci Jésus de m'avoir donné assez de sous'' .
Puis, il me regarda et dit: '' J'avais demandé à Jésus de s'arranger pour que j'aie assez de sous pour acheter
cette poupée afin que ma maman puisse l'apporter à ma soeur. Il a entendu ma prière. Je voulais aussi avoir
assez de sous pour acheter une rose blanche à ma maman, mais n'osais pas lui demander. Mais il m'a donné assez
de sous pour acheter la poupée et la rose blanche. Vous savez, ma maman aime tellement les roses blanches... ''
Quelques minutes plus tard, sa tante revient et je m'éloignai en poussant mon panier. Je terminai mon magasinage
dans un état d'esprit complètement différent de celui dans lequel je l'avais commençé. Je n'arrivais pas à oublier
le petit garçon. Puis je me suis rappelé un article paru dans le journal quelques jours auparavant qui parlait
d'un conducteur en état d'ivresse qui avait frappé une voiture dans laquelle se trouvait une jeune femme
et sa fille. La jeune fille était morte sur le coup et la mère gravement blessée. La famille devait décider
s'ils allait la faire débrancher du respirateur. Est-ce que c'était la famille de ce petit garçon?
Deux jours plus tard, je lu dans le journal que la jeune femme était morte. Je ne pu m'empêcher d'aller acheter
un bouquet de roses blanches et me rendre au salon mortuaire ou était exposée la jeune dame. Elle était là,
tenant une jolie rose blanche dans sa main, avec la poupée et la photo du petit garçon dans le magasin.
J'ai quitté le salon en pleurant sentant que ma vie changerait pour toujours. L'amour que ce petit garçon éprouvait
pour sa maman et sa soeur était tellement incroyable. Et en une fraction de seconde, un conducteur ivre lui a
tout enlevé...
Maintenant, vous avez deux choix:
1) transmettre ce message à ceux que vous connaissez.
2) effacer ce message et faire comme si cette histoire ne vous avait pas touchée.
Mais si vous le transmettez, peut-être rejoindra-t-il quelqu'un assez tôt pour l'empêcher de conduire
après avoir pris de l'alcool.

 


     7 avril
Les gros cailloux de la vie !
Un jour, un vieux professeur de l'École nationale d'administration
publique (ENAP) fut engagé pour donner une formation sur La
planification efficace de son temps à un groupe d'une quinzaine de
dirigeants de grosses compagnies nord-américaines. Ce cours
constituait l'un des cinq ateliers de leur journée de formation. Le
vieux prof n'avait donc qu'une heure pour "passer sa matière ".
Debout, devant ce groupe d'élite (qui était prêt à noter tout ce que
l'expert allait enseigner), le vieux prof les regarda un par un,
lentement, puis leur dit : "Nous allons réaliser une expérience".
De dessous la table qui le séparait de ses élèves, le vieux prof
sortit un immense pot Mason d'un gallon (pot de verre de plus de 4
litres) qu'il posa délicatement en face de lui. Ensuite, il sortit
environ une douzaine de cailloux a peu près gros comme des balles de
tennis et les plaça délicatement, un par un, dans le grand pot.
Lorsque le pot fut rempli jusqu'au bord et qu'il fut impossible d'y
ajouter un caillou de plus, il leva lentement les yeux vers ses élèves
et leur demanda :
"Est-ce que ce pot est plein?".
Tous répondirent : "Oui".
Il attendit quelques secondes et ajouta : "Vraiment?".
Alors, il se pencha de nouveau et sortit de sous la table un récipient
rempli de gravier. Avec minutie, il versa ce gravier sur les gros
cailloux puis brassa légèrement le pot. Les morceaux de gravier
s'infiltrèrent entre les cailloux... jusqu'au fond du pot.
Le vieux prof leva à nouveau les yeux vers son auditoire et redemanda
: "Est-ce que ce pot est plein?". Cette fois, ses brillants élèves
commençaient à comprendre son manège.
L'un d'eux répondît: "Probablement pas!".
"Bien!" répondit le vieux prof.
Il se pencha de nouveau et cette fois, sortit de sous la table une
chaudière de sable. Avec attention, il versa le sable dans le pot. Le
sable alla remplir les espaces entre les gros cailloux et le gravier.
Encore une fois, il demanda : "Est-ce que ce pot est plein?".
Cette fois, sans hésiter et en choeur, les brillants élèves
répondirent :
"Non!".
"Bien!" répondît le vieux prof.
Et comme s'y attendaient ses prestigieux élèves, il prit le pichet
d'eau qui était sur la table et remplit le pot jusqu'a ras bord. Le
vieux prof leva alors les yeux vers son groupe et demanda : "Quelle
grande vérité nous démontre cette expérience? "
Pas fou, le plus audacieux des élèves, songeant au sujet de ce cours,
répondît : "Cela démontre que même lorsque l'on croit que notre agenda
est complètement rempli, si on le veut vraiment, on peut y ajouter
plus de rendez-vous, plus de choses à faire ".
"Non" répondit le vieux prof. "Ce n'est pas cela. La grande vérité que
nous démontre cette expérience est la suivante: si on ne met pas les
gros cailloux en premier dans le pot, on ne pourra jamais les faire
entrer tous ensuite". Il y eut un profond silence, chacun prenant
conscience de l'évidence de ces propos.
Le vieux prof leur dit alors : "Quels sont les gros cailloux dans
votre vie?"
"Votre santé?"
"Votre famille?"
"Vos ami(e)s?"
"Réaliser vos rêves?"
"Faire ce que vous aimez?"
"Apprendre?"
"Défendre une cause?"
"Relaxer?"
"Prendre le temps...?"
"Ou... toute autre chose?"
"Ce qu'il faut retenir, c'est l'importance de mettre ses GROS CAILLOUX
en premier dans sa vie, sinon on risque de ne pas réussir...sa vie. Si
on donne priorité aux peccadilles (le gravier, le sable), on remplira
sa vie de peccadilles et on n'aura plus suffisamment de temps précieux
à consacrer aux éléments importants de sa vie.
Alors, n'oubliez pas de vous poser à vous-même la question :
"Quels sont les GROS CAILLOUX dans ma vie?"
Ensuite, mettez-les en premier dans votre pot (vie)"
D'un geste amical de la main, le vieux professeur salua son auditoire
et lentement quitta la salle.

 


     7 mai
Les trois fils - Conte africain !
Le Royaume de Sabou avait un puissant chef du nom de Moro. Non seulement Moro était puissant mais en plus
il était détenteur du sceptre de Viziok, un bâton magique permettant de diriger la foudre.
Un jour, Moro sentit la fin de sa vie arriver. Il fit venir ses enfants afin de leur parler :
- Mes fils, écoutez-moi ! Je suis devenu faible, il faut que le plus courageux d’entre vous me remplace.
Pour que je choisisse mon successeur, il faut que chacun me conte son œuvre la plus fantastique.
Le premier de ses fils pris alors la parole :
- Père, tu te souviens lorsque les envahisseurs ont attaqué notre Royaume. Moi seul les ai combattus et
les ai mis en déroute avec pour seule arme mes mains alors qu'ils étaient fortement armés et nombreux.
Le deuxième fils parla à son tour :
- Père, tu te souviens lorsque les lions de la grande forêt ont attaqué notre peuple. Moi seul ai osé
les combattre et les ai mis à mort avec comme seul arme mes poings.
Ce fut alors au tour du troisième enfant de Moro :
- Il est vrai que nous avons été attaqués par des envahisseurs et par des lions. Moi, je ne les ai pas combattus
seul et ni avec mes mains. J'ai pris mes meilleures armes et appelé l'armée ce qui a permis de vaincre
les lions et de repousser nos agresseurs.
Le vieux chef, après l'audition de ses trois enfants réfléchit pendant longtemps et déduit que l'enfant le plus
courageux était celui qui avait dit la vérité c'était à dire son troisième fils.
Moro l'appela et lui dit :
- Puisque tu as dit la vérité, tu es le plus courageux. Je te remets le sceptre de Viziok qui te permettra
de diriger le royaume de Sabou une fois ma fin venue.
Ses deux autres enfants apprirent alors à leurs dépens que dire la vérité est souvent l'acte le plus courageux
qui existe en ce monde.

 


     16 octobre
Les trois portes de la sagesse
Un Roi avait pour fils unique un jeune Prince courageux, habile et intelligent.
Pour parfaire son apprentissage de la Vie, il l'envoya auprès d'un Vieux Sage.
- Eclaire-moi sur le Sentier de la Vie, demanda le Prince.
- Mes paroles s'évanouiront comme les traces de tes pas dans le sable, répondit le Sage.
Cependant je veux bien te donner quelques indications. Sur ta route, tu trouveras 3 portes.
Lis les préceptes indiqués sur chacune d'entre elles. Un besoin irrésistible te poussera à les suivre.
Ne cherche pas à t'en détourner, car tu serais condamné à revivre sans cesse ce que tu aurais fui.
Je ne puis t'en dire plus. Tu dois éprouver tout cela dans ton coeur et dans ta chair. Va, maintenant.
Suis cette route, droit devant toi.
Le Vieux Sage disparut et le Prince s'engagea sur le Chemin de la Vie. Il se trouva bientôt face
à une grande porte sur laquelle on pouvait lire :
"CHANGE LE MONDE"
"C'était bien là mon intention, pensa le Prince, car si certaines choses me plaisent dans ce monde,
d'autres ne me conviennent pas." Et il entama son premier combat. Son idéal, sa fougue et sa vigueur
le poussèrent à se confronter au monde, à entreprendre, à conquérir, à modeler la réalité selon son désir.
Il y trouva le plaisir et l'ivresse du conquérant, mais pas l'apaisement du coeur. Il réussit à changer certaines
choses mais beaucoup d'autres lui résistèrent. Bien des années passèrent.
Un jour il rencontra le Vieux Sage qui lui demande :
- Qu'as-tu appris sur le chemin ?
- J'ai appris, répondit le Prince, à discerner ce qui est en mon pouvoir et ce qui m'échappe,
ce qui dépend de moi et ce qui n'en dépend pas.
- C'est bien, dit le Vieil Homme. Utilise tes forces pour agir sur ce qui est en ton pouvoir.
Oublie ce qui échappe à ton emprise.
Et il disparut. Peu après, le Prince se trouva face à une seconde porte. On pouvait y lire:
"CHANGE LES AUTRES"
"C'était bien là mon intention, pensa-t-il. Les autres sont source de plaisir, de joie et de satisfaction
mais aussi de douleur, d'amertume et de frustration." Et il s'insurgea contre tout ce qui pouvait le déranger
ou lui déplaire chez ses semblables. Il chercha à infléchir leur caractère et à extirper leurs défauts.
Ce fut là son deuxième combat. Bien des années passèrent.
Un jour, alors qu'il méditait sur l'utilité de ses tentatives de changer les autres, il croisa le Vieux Sage
qui lui demanda :
- Qu'as-tu appris sur le chemin ?
- J'ai appris, répondit le Prince, que les autres ne sont pas la cause ou la source de mes joies et de mes peines,
de mes satisfactions et de mes déboires. Ils n'en sont que le révélateur ou l'occasion.
C'est en moi que prennent racine toutes ces choses.
- Tu as raison, dit le Sage. Par ce qu'ils réveillent en toi, les autres te révèlent à toi-même.
Soit reconnaissant envers ceux qui font vibrer en toi joie et plaisir. Mais sois-le aussi envers ceux
qui font naître en toi souffrance ou frustration, car à travers eux la Vie t'enseigne ce qui te reste à apprendre
et le chemin que tu dois encore parcourir.
Et le Vieil Homme disparut. Peu après, le Prince arriva devant une porte où figuraient ces mots :
"CHANGE-TOI TOI-MEME"
"Si je suis moi-même la cause de mes problèmes, c'est bien ce qui me reste à faire," se dit-il.
Et il entama son 3ème combat. Il chercha à infléchir son caractère, à combattre ses imperfections,
à supprimer ses défauts, à changer tout ce qui ne lui plaisait pas en lui, tout ce qui ne correspondait pas
à son idéal. Après bien des années de ce combat où il connut quelque succès mais aussi des échecs
et des résistances, le Prince rencontra le Sage qui lui demanda :
- Qu'as-tu appris sur le chemin ?
- J'ai appris, répondit le Prince, qu'il y a en nous des choses qu'on peut améliorer, d'autres qui nous résistent
et qu'on n'arrive pas à briser.
- C'est bien, dit le Sage.
- Oui, poursuivit le Prince, mais je commence à être las de ma battre contre tout, contre tous, contre moi-même.
Cela ne finira-t-il jamais ? Quand trouverai-je le repos ? J'ai envie de cesser le combat, de renoncer,
de tout abandonner, de lâcher prise.
- C'est justement ton prochain apprentissage, dit le Vieux Sage. Mais avant d'aller plus loin, retourne-toi
et contemple le chemin parcouru.
Et il disparut.
Regardant en arrière, le Prince vit dans le lointain la 3ème porte et s'aperçut qu'elle portait
sur sa face arrière une inscription qui disait :
"ACCEPTE-TOI TOI-MEME."
Le Prince s'étonna de ne point avoir vu cette inscription lorsqu'il avait franchi la porte la première fois,
dans l'autre sens. "Quand on combat on devient aveugle, se dit-il." Il vit aussi, gisant sur le sol,
éparpillé autour de lui, tout ce qu'il avait rejeté et combattu en lui : ses défauts, ses ombres, ses peurs,
ses limites, tous ses vieux démons. Il apprit alors à les reconnaître, à les accepter, à les aimer.
Il apprit à s'aimer lui-même sans plus se comparer, se juger, se blâmer. Il rencontra le Vieux Sage qui lui demanda:
- Qu'as-tu appris sur le chemin ?
- J'ai appris, répondit le Prince, que détester ou refuser une partie de moi, c'est me condamner à ne jamais être
en accord avec moi-même. J'ai appris à m'accepter moi-même, totalement, inconditionnellement.
- C'est bien, dit le Vieil Homme, c'est la première Sagesse. Maintenant tu peux repasser la 3ème porte.
A peine arrivé de l'autre côté, le Prince aperçut au loin la face arrière de la seconde porte et y lut:
"ACCEPTE LES AUTRES"
Tout autour de lui il reconnut les personnes qu'il avait côtoyées dans sa vie ; celles qu'il avait aimées
comme celles qu'il avait détestées. Celles qu'il avait soutenues et celles qu'il avait combattues.
Mais à sa grande surprise, il était maintenant incapable de voir leurs imperfections, leurs défauts,
ce qui autrefois l'avait tellement gêné et contre quoi il s'était battu.
Il rencontra à nouveau le Vieux Sage :
- "Qu'as-tu appris sur le chemin ? demanda ce dernier.
- J'ai appris, répondit le Prince, qu'en étant en accord avec moi-même, je n'avais plus rien à reprocher aux autres,
 plus rien à craindre d'eux. J'ai appris à accepter et à aimer les autres totalement, inconditionnellement.
- C'est bien, dit le Vieux Sage. C'est la seconde Sagesse. Tu peux franchir à nouveau la deuxième porte.
Arrivé de l'autre côté, le Prince aperçut la face arrière de la première porte et y lut :
"ACCEPTE LE MONDE"
"Curieux, se dit-il, que je n'aie pas vu cette inscription la première fois." Il regarda autour de lui
et reconnut ce monde qu'il avait cherché à conquérir, à transformer, à changer. Il fut frappé par l'éclat
et la beauté de toute chose. Par leur perfection. C'était pourtant le même monde qu'autrefois.
Etait-ce le monde qui avait changé ou son regard ? Il croisa le Vieux Sage qui lui demanda :
"- Qu'as-tu appris sur le chemin ?
- J'ai appris, dit le Prince, que le monde est le miroir de mon âme. Que mon âme ne voit pas le monde,
elle se voit dans le monde. Quand elle est enjouée, le monde lui semble gai. Quand elle est accablée,
le monde lui semble triste. Le monde, lui, n'est ni triste ni gai. Il est là ; il existe ; c'est tout.
Ce n'était pas le monde qui me troublait, mais l'idée que je m'en faisais. J'ai appris à accepter sans le juger,
totalement, inconditionnellement.
- C'est la 3ème Sagesse, dit le Vieil Homme. Te voilà à présent en accord avec toi-même, avec les autres
et avec le Monde."
Un profond sentiment de paix, de sérénité, de plénitude envahit le Prince. Le Silence l'habita.
- Tu es prêt, maintenant, à franchir le dernier Seuil, dit le Vieux Sage, celui du passage du silence
de la plénitude à la Plénitude du Silence.
Et le Vieil Homme disparut.

 


     7 juin
Les trois vieillards !
Trois vieillards discutent sur un banc vermoulu dans la fraîcheur d'un soir d'été.
Le premier s'adresse aux deux autres:
"Quelle période magique que celle de l'enfance! Je me levais de bon matin et la rumeur du jour réchauffait
ma poitrine comme un vin d'allégresse. Je me disais : "aujourd'hui, je vais aider mon père dans les champs"
ou "tiens ! Ma mère a peut être besoin que je porte la jarre d'eau à sa place ?"
Croyez-moi, le bonheur est perdu dès que le corps a fini de grandir. Aujourd'hui, je donnerais tout pour retrouver
la vitalité de mes premières années..."
Le second prend la parole et dit:
"Moi, je n'ai jamais été aussi sage que pendant mon enfance. Pas de querelle avec les femmes,
pas de coup bas entre hommes, aucune parole malheureuse, l'unique souci du jour présent.
Croyez moi, le secret de la jeunesse éternelle, c'est l'insouciance du lendemain. Aujourd'hui,
je pense à ma famille, à l'héritage, à la situation de mes fils. Je donnerais tout pour retrouver la tranquillité
d'esprit.
Alors, le troisième vieillard se racle la gorge et parle en ces termes:
"Comme vous, il m'arrive de repenser aux matins de mon enfance lorsque je me disais :
"aujourd'hui je vais ranger la maison, laver le linge ou apprendre mes leçons."
Comme vous, je suis sensible au temps qui passe et à l'indifférence qui était alors la mienne.
Mais contrairement à vous, j'ai compris pourquoi nous étions heureux à l'époque.
Quelle est la condition du bonheur ? Ce n'est ni l'énergie perdue, ni l'insouciance à jamais envolée,
mais la gratitude.
Voici en réalité ce que vous vous disiez chaque matin en vous levant : "Merci de me permettre d'être vivant,
jeune et en bonne santé. Le seul moyen que j'ai d'exprimer ma gratitude, c'est de tout faire le mieux possible
aujourd'hui."
"Le plaisir des bons coeurs, c'est la reconnaissance."
 

 

     7 juillet
Monsieur custodio
Monsieur Custódio était un commerçant de notre ville de Porto, qui fut l'ami de mon père et
que je ne connus que sur ses vieux jours. Petit bonhomme basané à la barbe en collier, riche aujourd'hui,
pauvre demain, et qui paraissait aussi indifférent à la vie qu'à l'argent. En outre, la bonté même.
La caractéristique de sa vie serait celle-ci : ce n'était pas la fortune qu'il recherchait dans le négoce
-c'était le mouvement.
Il ne s'arrêtait jamais, même s'il avait cent mille escudos ou s'il était complètement ruiné
-parce que sa vie fut une suite de hauts et de bas imprévus qui causait la surprise et l'émerveillement
de tout le monde. Et il n'y avait d'ailleurs pas de culbute qui l'arrachât à une placidité qui ressemblait
à de l'indifférence. Son bureau, quand je le connus, était situé sur la Place de D. Pedro, mais à vrai dire,
son bureau c'était tout le pays, parce qu'il n'était jamais chez lui.
Nul ne savait où il se trouvait, ni sa famille, ni ses amis. Il partait sans un sou,
une paire de chaussettes en poche, et était de retour, s'il le jugeait bon, un mois plus tard.
Il courait la province pour affaires. Il va sans dire que les contrôleurs de train, qu'il ne payait pas,
négligeaient de lui demander son billet. C'était Custódio.
Il voyageait toujours en 3ème, parlait peu, plongé dans je ne sais quels plans irréalisables et absurdes.   
Tous les aubergistes savaient son nom et lui faisaient crédit. C'est Monsieur Custódio. Tous les colporteurs,
tous les grands et petits commerçants de la province et de Porto connaissaient cet homme honorable qui, après,
faisait régler tous ses comptes.
Une fois, sa famille resta sans nouvelles de lui pendant trois longs mois.
Ce fut un drame. On vint à savoir plus tard qu'il était allé au Brésil, avec ladite paire de chaussettes en poche
et la même souveraine indifférence, pour y faire des affaires qu'il était seul à connaître, et qu'à Rio de Janeiro,
comme au Portugal, il avait trouvé amis, considération, sympathie : "Mais voyons, c'est lui, c'est Custódio !"
Comme c'était un homme de bien et un homme de coeur, il finit naturellement pauvre, ce qui ne dut guère l'affecter
car, à vrai dire, le but de sa vie ne consista pas à amasser de l'argent, mais à courir le monde,
à faire des projets, à discuter des traites, à signer des contrats et à rêver, surtout à rêver.
A vrai dire, je crois que Custódio fut un grand poète.
 

 
 
     7 aout
Redevenir un enfant !
Par la présente, je veux donner ma démission du monde des adultes. J'ai décidé d'accepter de reprendre
les responsabilités d'un enfant de huit ans.
Je veux aller au McDonald en pensant que c'est un restaurant 4 étoiles. Je veux croire que les M&Ms sont meilleurs
que l'argent parce qu'on peut les manger. Je veux installer, avec mes amis, sous un grand chêne,
un kiosque de limonade par une belle journée ensoleillée de l'été.
Je veux remonter dans le temps jusqu'au moment où ma vie n'était que couleur, table de multiplication
et rimes de gardienne alors que rien ne me dérangeait parce que je ne savais rien et que je m'en foutais.
La seule chose qui importait était d'être heureux car j'étais tout à fait inconscient des choses qui pouvaient
me tracasser et me choquer.
Je veux croire à nouveau que le monde est juste, que les gens sont honnêtes et bons. Je veux croire
que tout est possible. Je veux être inconscient des complexités de la vie pour m'attarder, m'émerveiller et
m'exciter avec toutes les choses simples de la vie.
Je veux revivre simplement, ne plus voir mes journées consister en pannes d'ordinateur, en montagne de travaux
à faire, en nouvelles négatives, en comptant les journées où je pourrai vivre normalement dans le mois en comptant
l'argent que j'ai à la banque et tout ça à travers le mémèrage quotidien, la maladie et la perte d'êtres chers.
Je veux croire au pouvoir du sourire et des caresses, à un monde gentil, à la vérité, à la justice, à la paix,
au rêve, et à l'imagination en créant de petits anges avec la neige sur le point de tomber.
Donc... voici mon carnet de chèque, mes clefs d'auto, mes cartes de crédit, mes comptes à payer
et ma lettre de démission. Je me retire officiellement du monde ses adultes.
Et si vous voulez en discuter avec moi, vous devrez être vite sur vos patins parce que voyez-vous... "TAG",
vous êtes touché !
Envoyez ce petit message à une autre personne que vous aimez, question d'ensoleiller un peu sa journée,
en lui rappelant les choses les plus simples de la vie...

 


     16 novembre
Renseignement svp !
Lorsque j'étais très jeune, mon père a eu l'un des premiers téléphones dans notre voisinage.
Je me rappelle très bien la vieille boîte en bois, bien polie fixée au mur et le petit récepteur noir,
bien lustré, accroché sur son côté.
J'étais trop petit pour atteindre le téléphone, mais j'étais habitué à écouter avec fascination ma mère lui parler.
J'ai, par la suite découvert qu'en quelque part, dans ce merveilleux appareil, vivait une personne fantastique
- son nom était "Renseignement SVP" et il n'y avait rien qu'elle ne savait pas. "Renseignement SVP" pouvait fournir
le numéro de n'importe qui en plus de l'heure exacte.
Ma première expérience personnelle avec ce "génie dans une bouteille" s'est produite un jour
où ma mère était partie chez une voisine. Je m'amusais au sous-sol et, je me suis donné un violent
coup de marteau sur un doigt. La douleur était terrible, mais il ne semblait pas y avoir de raisons pour que
je crie. J'étais seul et personne ne pourrait m'entendre et me réconforter.
Je faisais les cent pas autour de la maison, en suçant mon doigt pour finalement arriver devant l'escalier.
Le téléphone !!! Rapidement, j'ai couru chercher le petit tabouret dans la cuisine et je l'ai traîné jusque devant
le téléphone. Je suis monté dessus, j'ai décroché le combiné et l'ai placé contre mon oreille. "Renseignement SVP"
dis-je dans le microphone, juste au-dessus de ma tête.
Un click ou deux et j'entends une petite voix claire me dire "Renseignement".
Je dis alors, "Je me suis fait mal au doigt", "Est-ce que tu saignes ?" m'a demandé la voix. Je lui réponds "Non",
"je me suis frappé le doigt avec un marteau et ça fait très mal". Elle me demande alors " Peux-tu ouvrir
la boîte à glace ?" Je lui répondis que oui je pouvais. "Alors, prend un petit morceau de glace
et pose le sur ton doigt" me dit-elle.
Après cette expérience, j'ai appelé "Renseignement SVP" pour n'importe quoi. Je lui ai demandé de l'aide
pour ma géographie et elle m'a dit où se trouvait Montréal. Elle m'a aidé aussi avec mes mathématiques.
Elle m'a dit que le petit écureuil, que j'avais trouvé dans le parc, la journée précédente,
devait manger des fruits et des noix.
Un peu plus tard, mon petit canari est mort. J'ai donc appelé "Renseignement SVP" et lui ai raconté ma triste
histoire. Elle m'a écouté attentivement et m'a dit les choses usuelles qu'un adulte dit pour consoler un enfant,
mais j'étais inconsolable. Je lui ai demandé "Pourquoi les oiseaux chantent si merveilleusement
et procurent tellement de joie aux familles, seulement pour finir comme un tas de plumes dans le fond d'une cage ?"
Elle a probablement ressenti mon profond désarroi et me dit alors, d'une voix si calme "Paul, rappelle-toi
toujours qu'il existe d'autres mondes où on peut chanter". D'une certaine façon, je me sentais mieux.
Une autre fois que j'utilisais le téléphone : "Renseignement SVP" "Renseignemens" me répondait la voix,
maintenant devenue si familière. Je lui demande alors, "Comment épelez-vous le mot réparation ?".
Tout ça se passait dans la ville de Québec. Alors que j'avais 9 ans, nous sommes déménagés à l'autre bout
de la province, à Baie-Comeau. Je m'ennuyais terriblement de mon amie. "Renseignement SVP" appartenait
à cette vieille boîte en bois de notre maison familiale, et, curieusement, je n'ai jamais songé à utiliser
le nouvel appareil téléphonique étincelant, posé sur une table, dans le corridor, près de l'entrée.
Alors que je me dirigeais vers l'adolescence, les souvenirs de ces conversations de mon enfance
ne m'ont jamais quitté. Souvent, lors des moments de doute et de difficultés, je me rappelais ce doux sentiment
de sécurité que j'avais à cette époque. J'appréciais maintenant, la patience, la compréhension et la gentillesse
qu'elle a eue à consacrer de son temps pour un petit garçon.
Quelques années plus tard, alors que je me dirigeais au Collège, à Montréal, mon avion devait faire une escale
à Québec. J'avais donc près d'une demi-heure entre le transfert d'avion. J'ai donc passé 15 minutes au téléphone
avec ma soeur, qui vit toujours à Québec. Ensuite, sans penser vraiment à ce que je faisais, j'ai composé le "0"
et dit "Renseignement SVP". Miraculeusement, j'entendis alors cette même petite voix claire que je connaissait
si bien, "Renseignement".
Je n'avais rien prévu de tout ça, mais je m'entendis lui dire, "Pouvez-vous m'aider à épeler le mot "réparation" ?".
Il y a eu un long moment de silence. Ensuite, j'entendis une voix si douce me répondre : "Je suppose que ton doigt
doit être guéri maintenant. " Je me mis à rire et lui dit "C'est donc toujours vous". Je lui dit " Je me demande
si vous avez la moindre idée comme vous étiez importante pour moi pendant toutes ces années". "Je me demande"
dit-elle, "si tu sais combien tes appels étaient importants pour moi. Je n'ai jamais eu d'enfant
et j'étais toujours impatiente de recevoir tes appels". Je lui ai dit comment, si souvent, j'ai pensé à elle
au cours de ces dernières années et je lui ai demandé si je pourrais la rappeler, lorsque je reviendrais visiter
ma soeur. "Je t'en prie, tu n'auras qu'à demander Sally" me répondit-elle.
Trois mois plus tard, alors que j'étais de nouveau à Québec. Une voix différente me répondit "Renseignement".
J'ai donc demandé à parler à Sally. "Êtes-vous un ami ?" me demanda la voix inconnue. Je lui répondis
"Oui, un vieil ami". J'entendis la voix me dire "Je suis désolé d'avoir à vous dire ça, Sally ne travaillait
plus qu'à temps partiel ces dernières années parce qu'elle était très malade. Elle est morte il y a cinq semaines
déjà". Avant même que je n'ai le temps de raccrocher, elle me dit "Attendez une minute. M'avez-vous dit
que votre nom était Paul? " Je répondis "Oui". "Et bien, Sally a laissé un message pour vous.
Elle l'a écrit, au cas où vous appelleriez. Laissez-moi vous le lire". Ce message disait
"Dites lui que je crois toujours qu'il y a d'autres mondes où on peut chanter. Il saura ce que je veux dire".
Je lui dis donc merci et raccrochai. Je savais ce que Sally voulait dire.
Ne sous-estimez jamais l'influence que vous pouvez avoir sur les autres.
La vie de qui avez-vous touché aujourd'hui ?

 


     20 septembre
Oublie ça !
Une vieille légende indienne raconte qu'un brave trouva un jour un oeuf d'aigle et le déposa dans le nid
d'une « poule de basse-cour ». L'aiglon vit le jour au milieu d'une portée de poussins de basse-cour
et grandit avec eux.
Toute sa vie l'aigle fit ce qu'une poule de basse-cour fait normalement. Il chercha dans la terre des insectes
et de la nourriture. Il caqueta de la même façon qu'une poule de basse-cour. Et lorsqu'il volait,
c'était dans un nuage de plumes et sur quelques mètres à peine.
Après tout, c'est ainsi que les poules de basse-cour sont censées voler.
Les années passèrent. Et l'aigle devint très vieux. Un jour, il vit un oiseau magnifique planer dans un ciel
sans nuage. S'élevant avec grâce, il profitait des courants ascendants, faisant à peine bouger
ses magnifiques ailes dorées.
"Quel oiseau splendide !" dit notre aigle à ses voisins.
"Qu'est-ce que c'est ?"
"C'est un Aigle, le roi des oiseaux," cacqueta sa voisine. "Mais oublie ça. Tu ne seras jamais un aigle."
Ainsi l'aigle n'y pensa jamais plus.
Il mourut en pensant qu'il était une poule de basse-cour.

 


     20 novembre
Qui prend soin de votre parachute?
Charles Plumb était pilote de chasse dans la marine américaine au Vietnam. Après 75 missions de combat,
son avion fut abattu par un missile sol-air. Il s'éjecta de son appareil et atterrit avec son parachute
dans une zone contrôlée par l'ennemi.
Il fut capturé par les communistes vietnamiens et passa 6 ans en prison. Il survécut à l'épreuve et donne
aujourd'hui des conférences sur les leçons à tirer de son expérience.
Un jour, Plumb et sa femme étaient assis dans un restaurant, lorsqu'un homme se leva d'une autre table et
s'approcha de lui pour lui dire : « Vous êtes Plumb! Vous étiez pilote de chasse au Vietnam
sur le porte-avion Kitty Hawk. Votre avion a été abattu! « Comment donc le saviez-vous? » demanda Plumb.
« Je me suis occupé de votre parachute », répondit l'homme.
Plumb eut le souffle coupé par la surprise et exprima toute sa gratitude. L'homme fit un geste de la main
et dit : «N'est-ce pas que ça a marché? »
Et Plumb lui assura : « Et comment! Si votre parachute n'avait pas fonctionné, je ne serais pas de ce monde
aujourd'hui. »
Plumb n'arrivait pas à dormir cette nuit-là, car il pensait sans cesse à cet homme. Il se demandait
à quoi il ressemblait dans un uniforme de marine : un béret blanc, une bavette dans le dos
et un pantalon à pattes d'éléphant. Combien de fois il avait pu le voir sans même lui dire
« Bonjour, comment ça va? » ou quelque chose de ce genre. Car voyez-vous, Plumb était pilote de chasse
alors que cet homme n'était qu'un marin.
Plumb pensa à toutes ces heures que le marin avait passées, au coeur du navire, à plier soigneusement
des parachutes sur une longue table de bois, ayant à chaque instant entre les mains le destin d'une personne
qu'il ne connaissait pas.
Aujourd'hui, lors de ses conférences, Plumb demande à son auditoire :
«Qui prend soin de votre parachute? »
Nous avons tous quelqu'un pour nous apporter ce dont nous avons besoin pour passer la journée.
Plumbraconte aussi que lorsque son appareil fut abattu en territoire ennemi, il eut besoin de différents types
de « parachutes » -- il eut besoin de son « parachute physique, mental, émotionnel et spirituel ».
Il puisa dans toutes ces ressources pour rester en vie.
Parfois, en raison des vicissitudes de la vie quotidienne, nous oublions ce qu'il y a de vraiment important.
Nous oublions de dire « Bonjour », « S'il vous plaît », ou « Merci », ou de féliciter une personne qui vient
de connaître un grand événement. Nous oublions, aussi, de faire un compliment ou simplement une gentillesse
uniquement pour le plaisir de le faire.
Au cours de cette semaine, ce mois-ci ou cette année, retrouvez les gens qui « prennent soin de votre parachute ».
Je vous adresse ce message pour vous remercier à ma façon d'avoir aidé à « prendre soin de mon parachute »!!!
Et j'espère que vous l'enverrez à tous ceux qui ont « pris soin du vôtre »!
Parfois, on se demande pourquoi des amis continuent à nous envoyer des histoires drôles sans nous écrire
un seul mot. Peut-être parce que, quand on est très occupé et qu'on a envie, malgré tout, d'entretenir la relation,
on envoie des histoires drôles. C'est, aussi, une façon de montrer qu'on pense toujours à vous,
que vous comptez beaucoup, qu'on vous aime toujours.
C'est pour cela qu'on vous envoie une histoire drôle.
La prochaine fois, donc, que vous en recevrez une, sachez que cela signifie qu'on a pensé à vous aujourd'hui
et que votre ami(e) à l'autre bout de son ordinateur voulait juste vous envoyer un sourire.

 

 

 

 


     20 janvier
Un homme et son chien !
Un homme et son chien marchent le long d'une route. L'homme admire le paysage quand tout d'un coup
il réalise qu'il est mort. Il réalise aussi que son chien est mort depuis des années. Il se demande
où le chemin les conduit.
Ils approchent d'une grosse roche blanche qui ressemble à une bille. Ils avancent encore. Elle est fendue
et un lumière éblouissante en jaillit.
Puis, ils voient une route en or pur et une porte grandiose. À l'entrée, un homme est assis à une table.
Le voyageur lui demande:
- Où sommes-nous?
- Au Paradis
- Wow! Avez-vous de l'eau?
- Bien sûr! Entrez!
- Est-ce que mon chien peut entrer?
- Désolé, nous n'acceptons pas les animaux.
L'homme réfléchit et reprend le chemin. Après une longue marche, il croise une route de terre qui conduit
à une porte de grange qui donne l'impression de n'avoir jamais été fermée. Il n'y a pas de clôture.
Accoté sur un arbre un homme lit un livre.
- Excusez-moi monsieur, est-ce que vous avez de l'eau?
- Bien sûr, il y a une pompe à l'intérieur.
- Est-ce que mon ami peut venir?
- Bien sûr, il y a un bol près de la pompe.
Ils franchissent la porte et voient une vieille pompe avec un bol par terre. L'homme remplit le bol,
prend un gorgée et donne le reste au chien. Quand ils eurent fini de boire, il se retourne...
- Comment appelez-vous cet endroit?
- Le paradis.
- L'homme que nous avons rencontré un peu plus tôt dit la même chose.
- Ah vous parlez du chemin en or et de la porte en perle? Non, c'est l'enfer.
- Ça ne vous fâche pas qu'ils utilisent votre nom?
- Non, comme ça, ils éliminent les gens qui abandonnent leurs amis.

 

     23 janvier
Fleur de grenade
Le radjah Anarbara avait été heureux pendant sept ans, grâce aux vertus de son épouse.
La mort, jalouse de tant de bonheur, lui ravit GulianarGulianar, ainsi se nommait-elle.
Ce mot signifie Fleur de Grenade. Mais en quittant ce monde, elle y laissa deux charmants enfants.
Anarbara portait depuis un an le deuil de son épouse chérie, lorsqu'il reçut d'un prince voisin un message
ainsi conçu : "Mon frère, ma fille Sunkasi vient de terminer le deuil de son époux et si elle te plaît,
je m'empresserai de t'accorder sa main."
Anarbara épousa la jeune veuve. Tout alla bien pendant trois mois, puis tout changea :
les deux pauvres enfants devinrent pour leur belle-mère l'objet d'une aversion profonde.
Un jour elle les avait battus si fort qu'ils avaient la tête enflée et les mains en sang.
Leur père s'en aperçut et leur demanda qui les avait mis dans cet état.
- C'est maman, répondirent-ils tous deux ensemble, comme s'ils n'avaient qu'une seule voix ;
elle nous bat tous les jours, et pourtant nous bien obéissants.
Ces paroles lui inspirèrent quelque aversion contre son épouse. Pendant plusieurs jours il refusa de la voir :
elle prit le parti de faire disparaître les deux petits enfants auxquels elle attribuait le malheur
d'avoir déplu à son mari. Elle les confia à un intendant en lui donnant l'ordre de les emporter
dans la forêt et de les mettre à mort.
L'intendant prit le petit garçon d'une main, la petite fille de l'autre, et les emmena. Chemin faisant,
il passèrent près du tombeau de leur mère, et lui demandèrent de les laisser dire une prière en cet endroit.
Il y consentit, et le petit garçon dit : "Chère maman, nous avons grand besoin de ton secours."
Et aussitôt apparut une figure lumineuse d'une grande beauté qui planait entre les colonnes du tombeau ;
elle s'approcha des deux enfants, les prit par la main et les conduisit à l'intérieur de l'édifice.
L'intendant retourna au palais et dit qu'il les avait tués ; la marâtre le récompensa magnifiquement.
Mais les deux enfants vivaient dans le tombeau ; avec l'âme de leur mère ; leur dieu protecteur accorda même
à celle-ci de revenir complètement à la vie, afin qu'elle pût s'occuper d'eux.
Le radjah, n'ayant pas vu ses enfants depuis plusieurs jours, demanda de leurs nouvelles à la méchante reine
qui s'empressa de lui en donner :
- Ils sont allés se promener dans la forêt et ils ont été dévorés par un tigre. Hélas !
Elle crut même devoir verser quelques larmes. Le prince, qui l'observait attentivement, vit que ces larmes étaient
feintes, sa colère redoubla et il lui ferma désormais son coeur.
Sunkasi, très fâchée de cette brouillerie avec son époux, fit venir un fakir ou solitaire célèbre ;
elle lui demanda comment elle pourrait récupérer l'affection de son mari. Le fakir lui dit :
- Tu crois que les deux enfants on été mis à mort, il n'en est rien ; tous deux vivent et habitent
le tombeau de leur mère.
Sans perdre une minute, la méchante belle-mère envoya un homme de confiance tuer les deux enfants ;
et commanda à l'homme de lui apporter les petits corps ; elle les enterra dans le jardin, et se réjouit.
Le soir même de son forfait, elle se mit à la fenêtre, pour contempler l'endroit, où ils étaient ensevelis.
Et voilà que, sur cet endroit même, s'élevait un magnifique grenadier, qui portait seulement deux fleurs.
- Quelles belles fleurs ! dit la reine, je vais les couper, pour en orner ma chevelure.
Elle descendit au jardin et étendit le bras pour cueillir les fleurs , mais, chose étrange,
les fleurs se dérobaient et fuyaient sa main.
Cela lui ayant donné à penser : elle commanda qu'on abattît l'arbre et qu'on le brûlât.
Les jardiniers exécutèrent aussitôt cet ordre. Le lendemain matin, à la même place, l'arbre était là
avec ses deux fleurs.
Elle eut envie de ces fleurs ; elle étendit la main, les fleurs lui échappèrent de nouveau ;
elle commanda que  l'arbre fût abattu et brûlé, on obéit ; l'arbre reparut. La reine s'indiga de cette résistance.
Elle alla trouver le radjah et lui dit :
- Seigneur, n'êtes-vous pas le maître absolu dans toute l'étendue de votre empire, et tout ne doit-il pas
vous céder?
- Explique-toi plus clairement, répondit Anarbara.
- Je veux dire qu'il y a dans votre jardin un grenadier d'une très faible hauteur, dont les branches sont
à portée de main. Eh bien ! il est impossible d'en cueillir les fruits.
- Tu espères par ces paroles me décider à descendre au jardin. Tais-toi, laisse-moi à ma douleur.
Et, en disant ces mots, le radjah tourna le dos à sa femme.
- Puissant seigneur, dit la princesse sans se déconcerter, vous croyez peut-être que je suis assez audacieuse
pour vous raconter un mensonge ; mais accordez-moi seulement la grâce de venir à cette fenêtre,
et vous serez témoin de la vérité.
Anarbara fit ce qu'on lui demandait : la reine descendit au jardin, s'approcha de l'arbre, étendit la main vers
les fruits, et comme auparavant, les fruits s'éloignèrent d'elle.
Le radjah, voyant que sa femme avait dit la vérité, descendit à son tour, et étendit les mains sur les deux fruits,
et à son grand étonnement, à la stupéfaction de la reine, les fruits, au lieu de fuir, se détachèrent
eux-mêmes de la branche et tombèrent dans ses mains.
- Ces fruits sont d'une beauté merveilleuse, dit le prince ; pourtant on dirait qu'ils ne sont pas tout à fait mûrs.
J'attendrai quelques jours encore.
Il retourna dans son appartement et posa les deux grenades sur une tablette à côté de son lit.
Comme il ne dormait pas et que la fièvre lui donnait une soif ardente, il prit une des grenades et
ouvrant son couteau, il se préparait à en fendre l'écorce.
- Papa, je t'en prie, fais bien attention, pour ne pas me blesser.
Cette voix partait de l'intérieur du fruit. Il la reconnut : c'était la voix de sa fille.
Il ouvrit le fruit avec la plus grande précaution, et la fillette en sortit, pour se jeter au coup de son père
bien-aimé.
Il délivra son petit garçon de la même manière.
Après quoi il renvoya la méchante reine, et ayant averti son beau-père de tout ce qui s'était passé,
il le somma de la punir.
Et celui-ci, qui était un prince oriental, n'y manqua pas.

 


     23 fevrier
Conte oriental
Il y avait en Orient un roi réputé par sa sagesse ; il se nommait Cyrus. Ayant un fils inique,
qui devait lui succéder, il voulut le faire instruire dans toutes les sciences. Pour cela il rassembla
dans un grand festin tous les sages de l'Inde et leur donna de beaux présents. Lorsqu'ils voulurent s'en aller,
le roi leur dit :
- Choisissez parmi vous mille sages.
Ils en choisirent mille.
Le roi dit encore :
- Choisissez encore cent sages parmi ces mille.
Et ils les choisirent. Le roi leur dit encore :
- Parmi les cent, choisissez-en sept.
Ils les choisirent. Voici quels étaient leurs noms : Sendabar, Hippocrate, Apollonius, Lokman, Aristote,
Biber et Oman. Et Sendabar fut choisi dans ces sept-là.
Sendabar était le plus savant de tous, et les autres éprouvaient de la jalousie à son égard.
Ils cherchaient à le perdre ; ils dirent au roi que son fils n'apprendrait de Sendabar qu'à se taire et à méditer.
"Son instruction, disaient-ils, est comme le brouillard, le tonnerre et les éclairs sans pluies ;
cela réjouit d'abord le laboureur, mais sa terre reste stérile."
Sendabar répondit :
- Ne savez-vous pas que la sagesse dans l'homme est comme le musc et l'ambre ! Sitôt que l'on fait couler goutte
à goutte de l'eau sur ces parfums, leur odeur se manifeste ; c'est ainsi que l'occasion prouvera que j'ai bien agi.
Aristote(1) répliqua :
- Il y a trois choses auxquelles on ne peut se fier avant que l'évènement ne les ait rendues certaines :
c'est la navigation avant de rentrer au port, la guerre avant de conclure la paix, la maladie avant de renvoyer
le médecin. De même il nous est impossible de louer Sendabar avant d'avoir vu son ouvrage.
A ces mots d'Aristoste, Sendabar s'irrita et dit au roi :
- Si j'instruis ton fils de manière qu'il surpasse en sagesse mes six compagnons, tu m'accorderas la demande
que je ferai alors, et si cela n'est pas, tu prendras mes biens et ma vie.
Et Sendabar instruisit le jeune homme pendant sept ans.
Les sages eurent peur alors, et se dirent entre eux : "Nous devons convenir que Sendabar est sage,
et qu'il a tenu parole", mais l'un deux suborna une esclave du roi. Elle prétendit que le prince conspirait
contre son père pour le détrôner et le mettre en prison. Aussitôt le roi commanda de couper la tête au jeune homme
e de la lui apporter. Sendabar parut devant le roi et lui dit :
- Seigneur, qui peut résister à l'astuce des trompeurs et à l'esprit d'une femme ? Vous aussi vous y avez succombé.
Permettez que je vous raconte un des traits de leurs inventions.
- Parle, lui dit Cyrus.
Sendabar dit :
- Dans le pays des Maures, il y avait un marchand extrêmement riche, qui envoya son fils sur mer
pour aller acheter du bois d'aloès. Le jeune homme arriva au pays de cet arbre. Comme il parcourait le marché,
il rencontra un fripon qui lui dit :
"- Je connais beacoup ton père, nous sommes de grands amis, tu ne logeras pas ailleurs que chez moi.
"Le jeune homme accepta sans méfiance. Après cela l'homme sortit et alla trouver d'autres fripons :
"- Apprenez, leur dit-il, que j'ai dans ma maison un négociant. Venez et voyons ce que nous pourron tirer de lui.
"Deux d'entre eux achetèrent du bois d'aloès pour une pièce d'or, puis ils firent du feu avec ce bois,
dont l'odeur se répandit dans toute la maison ; ensuite ils dirent au jeune homme :
"- Vois-tu, nous avons tant de ce bois que non en faisons du feu toute l'année.
"Le jeune homme fut fort content d'apprendre cela. L'homme qui l'avait emmené lui dit :
"- Avec ton argent, j'achèterai du bois d'aloès et plusieurs charges d'autres marchandises ; donne-moi cette somme,
et comme je connais le pays, j'aurai tout cela à bon compte. Attends-moi devant la mosquée.
"Le jeune homme, par précaution, lui demanda un reçu et lui remit tout son argent. Puis tous deux partirent.
Quelques temps après, il trouva son homme sur la place, et celui-ci feignit de ne pas le reconnaître.
"- Je n'ai jamais vu ni ton père ni toi.
"Comme le jeune homme se désolait de sa perte, une vieille femme le tira par la manche et lui dit :
"- Raconte-moi la cause de ton chagrin. Peut-être pourrai-je te venir en aide.
"Quand elle eut tout appris, elle l'emmena chez elle, et lui donna à manger ; puis elle appela son fils,
et lui dit :
"- Prends ce jeune homme et conduis-le dans la demeure du vieillard chez lequel ces fripons vont pour le consulter.
Ils lui apportèrent du vin et des légumes et lui racontent ce qu'ils on fait dans le jour, et lui leur donne
des instructions.
"Le jeune homme fit ce que la vieille lui disait, et ayant été introduit secrètement par le fils de la vieille,
il écouta attentivement les fripons.
"Le principal d'entre eux dit au vieillard :
"- Mon maître, j'ai rencontré un Maure. A peine l'ai-je vu, que je lui ai enlevé tout son argant contre un reçu
où je lui promets de lui acheter du bois d'aloès et d'autres marchandise. Ne pourrai-je pas acheter
de tout cela seulement de quoi remplir un sac ?
"Le vieillard répondit :
"- Tu as mal fait. Que feras-tu s'il te dit : Remplis-moi mon sac de puces, de manière qu'il y en ait juste
la moitié de mâles et la moitié de femelles ?
"Le filou répondit :
"- Cela ne lui viendra jamais à l'idée.
"Le jeune Maure entendit ces propos et sortit. Aussitôt il amena son homme devant le cadi, et celui-ci condamna
l'homme à remplir le sac de ce que le jeune marchand demanderait :
"- Que te faut-il ? demanda le filou.
"Le Maure répondit :
"- Je viens du pays de Sedjilmessa, où il n'y a plus une seule puce, c'est pourquoi je veux que tu remplisses
mon sac de puces, moitié mâles, moitié femelles.
"L'autre dit :
"- Je remplirai plutôt ton sac de dattes.
"- Non, je veux des puces, dit le jeune homme.
"Et comme l'autre ne put tenir son marché, il fut condamné à payer au jeune homme une somme double de celle
qu'il lui avait volée. Et en plus il reçut quarante coups de bâton sur la plante des pieds."
Sendabar, ayant terminé cette histoire, dit au roi Cyrus :
- Tu vois bien que c'est par le conseil d'une femme que le jeune homme reprit son argent. Et si elles savent
faire le bien, pourquoi ne feraient-elles pas le mal ?
Le roi dit alors aux sages :
- Quel parti faut-il prendre à l'égard de cette femme ?
Les uns dirent :
- Il faut lui couper les mains.
Les autres :
- Il faut lui crever les yeux.
Et Aristote dit :
- Il faut la mettre à mort.
Alors la femme se leva et dit :
- Je ressemble à ce renard qui vint dans une ville pour voir des poulets ; des habitants le virent et
lui firent la chassse. Il s'enfuit, mais il ne put sortir, car la porte de la ville était fermée.
Alors il pensa : - Si les chiens m'aperçoivent, ils me mettront en pièces. C'est pourquoi il faut que j'aille
me placer devant la porte de la ville comme si j'étais mort, et aussitôt que cette porte s'ouvrira devant
quelqu'un je m'enfuirait.
"Il alla donc se placer devant la porte et fit le mort. Un homme le vit et dit :
"- Ce serait une bonne affaire que de rentrer chez moi avec l'oreille gauche de ce renard : les sorcières
ne pourront entrer chez moi.
"Il tira son couteau et coupa l'oreille gauche. Quant au renard il supporta cela sans bouger.
"Vint un autre homme qui dit :
"- C'est une bonne chose qu'une dent de renard pour pendre au cou d'un enfant.
"Il arracha dont une dent au renard qui supporta ce nouveau mal sans donner signe de vie.
"Survint encore un autre homme qui dit :
"- C'est un excellent remède contre la peste, que le coeur du renard.
"Lorsque le renard entendit ces derniers mots, il se leva et s'enfuit, car il pensa qu'il ne pouvait souffrir
ce dernier accident.
"Moi aussi je suis dans la position du renard. Quand vous avez dit : Il faut lui couper les mains,
il faut lui percer les yeux, j'ai souffert tout cela, mais lorsque vous avez dit : elle doit mourir,
alors j'ai raconté ma parabole en votre présence, pour que vous preniez conseil de votre miséricorde."
Et le roi lui pardonna, puis il dit à Sendabar :
- Demande-moi tout ce que tu voudras, car tu as rempli le devoir dont tu t'étais chargé.
Sendabar répondit :
- Je ne demande qu'une chose : c'est que tu ne fasses pas à ton prochain ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît,
et que tu aimes ton peuple comme toi-même.

 


     20 fevrier
Les chats de Whittington
Dick Whittington était un pauvre petit orphelin, qu'une vieille cuisinière avait recueilli
pour en faire son domestique et son souffre-douleur. C'était lui qui allumait le feu, lavait la vaisselle
et tournait la broche des rôtis. En échange, il recevait une maigre nourriture, quantité de surnoms,
tel que vaurien, paresseux, fainéant, et un nombre encore plus considérable de horions et de taloches.
L'unique consolation et le seul bonheur de Dicks, c'était de jouer avec un chat qu'on lui avait donné,
un gentil petit chat qu'il élevait et nourrissait de son mieux. Ce chat, la vieille cuisinière ne pouvait
le souffrir, et elle parlait à tout moment de le jeter à l'eau.
Un soir que la vie du pauvre animal était plus menacée que de coutume, Dick s'enfuit de la maison, avec,
bien entendu, son cher compagnon douillettement abrité dans ses bras.
Un passant eut pitié de lui, lui donna l'hospitalité, à lui et à son chat, et, le lendemain,
lui proposa d'embarquer sur un vaisseau à destination de l'Afrique.
Dick Whittington, qui avait toujours eut de l'ambition, et qui, paraît-il, avait même entrevu dans ses rêves
les plus hautes destinées, accepta l'offre avec empressement.
"Mais il te faut une pacotille, mon garçon, lui dit ce bienfaiteur. Qu'apporteras-tu et qu'auras-tu à échanger
chez les Africains.
- Hélas ! je ne possède rien... Je n'ai que mon chat...
- Eh bien, emmène-le, ton chat ! Il te portera peut-être bonheur !"
Ce personnage ne croyait pas si bien dire.
On était en mer, on naviguait depuis plusieurs semaines, quand une tempête s'éleva et fit échouer le vaisseau
contre une île, dont l'histoire n'a pas conservé le nom. Cette île était infesté de rats, au point que le blé
n'y pourrait pousser ; ces animaux le mangeait en herbe, dès que la tige était hors de terre.
Il était difficile à Dick Whittington de trouver meilleure occasion pour vanter les talents de son chat et
demander qu'on le mît à l'épreuve. C'est ce qui eut lieu, et le chat fit un si grand massacre de rats,
que le roi de l'île, enthousiasmé, voulut à tout prix garder dans son palais ce précieux quadrupède.
Dick lui fit comprendre qu'un seul chat contre tant de rats était insuffisant, et il s'offrit d'en aller chercher
d'autres en Angleterre.
"Bien volontiers ! dit le roi ; mais, en attendant, je garde toujours celui-ci, et je te l'achète son pesant d'or.
- Et les autres ?
- Les autres te seront payés le même prix !" répliqua le souverain de cette île que les rongeurs rendaient
inhabitable.
Dick tint parole au roi, et le roi ne manqua pas non plus à ses engagements.
Les chats que Dick alla chercher et qu'il introduisit dans l'île, en quantités innombrables,
lui furent payés tous au poids de l'or, ce qui permit à notre héros de revenir s'établir à Londres
et de prendre place parmi les plus riches négociants de la Cité. Le lord-maire étant venu à mourir, en 1397,
on élut Dick Whittington pour le remplacer, et cette élection se renouvela à trois reprises.

 


     20 mars
Le Loup
Il était une fois un loup
Maigre comme un clou,
On sait qu'un loup
Mange beaucoup,
Beaucoup !
Or, depuis trois longues journées
Qui lui semblèrent trois années,
(Oui, trois années !)
Dans les bois il allait rôdant,
Et n'avait rien mis sous sa dent
Qu'une vieille carcasse
De bécasse.
C'est que l'hiver était venu,
L'hiver avait mis au sol nu
Un grand manteau de neige blanche ;
Les oiseaux perchaient sur la branche,
Et les petits lapins peureux,
Cachés dans leurs terriers bien creux,
Restaient blottis sous terre,
Près de leur mère.
"Eh bien ! se dit le loup tout bas,
Ce soir je ne jeûnerai pas,
Je connais là-bas,
Au bord d'un village,
Derrière un grillage,
Des poules que je veux manger.
Foin du danger !"
Le soir venu, tout d'une haleine,
Le bandit traverse la plaine.
Tout dort au village :
Voilà le grillage ;
Voilà les poulets
Grassouillets.
Entre les barreaux peu d'espace...
Mais il passe
Notre loup
Maigre comme un clou.
Il est dans la place.
Vite en chasse !
Ah ! pauvres petits poulets
Grassouillets !
Pauvre, pauvre maman poule,
Toute en boule,
Qui dort avec ses tout petits...
Tous engloutis !!!
Il mange, remange encore.
Sa faim d'ogre carnivore
S'adoucit.
Nom d'un loup ! Oh ! quelle fête !
Mais la vengeance s'apprête...
Il grossit !
Il se lèche les babines.
Il savoure les chairs fines,
Et croque tout jusqu'aux os.
Mais, perdu par sa folie,
Ivre de joie, il oublie
Les barreaux.
Si bien que, quand, repu de sang et de chair fraîche,
Il s'efforce à sortir par le même chemin,
Il ne peut passer par la brèche,
Il faut attendre au lendemain.
Le matin les gens s'éveillèrent,
Tous les chiens aboyèrent,
L'odeur du loup flottant dans l'air.
Des fagots l'enfumèrent,
Des bâtons l'assommèrent,
Et les chiens en hurlant dévorèrent sa chair.
Quant à son âme, c'est le diable qui l'emporte !
Diable de sort !!!
MORALITÉ   
Gardez-vous, jeunes gens, d'entrer par une porte,
Sans savoir comment on en sort.

 


     24 mars
Le Lys d'Argent
Ceci se passait il y a bien longtemps, - si longtemps que les hommes en ont perdu le souvenir,
- dans des régions très lointaines, - si lointaines que jamais les savants n'en ont parlé dans leurs livres.
Dans ce pays était venu s'établir un vieillard de moeurs singulières ; maigre, vêtu d'une longue houppelande grise,
il se promenait parfois dans la campagne sans prendre garde aux villageois. Tout en marchant, il se parlait
à lui-même, et gesticulait, hochant la tête, remuant les bras. Il passait presque toutes ses journées enfermé
dans sa bibliothèque ; assis dans une chaise de bois sculpté, il s'entourait de vieux livres poussiéreux
qu'il lisait avec avidité ; il avait des livres partout, sur tous les meubles, dans tous les coins,
jusqu'au plafond, et certains d'entre eux étaient si grands, si lourds, que deux hommes n'auraient pas pu
les soulever. Pendant la nuit, le vieux Tridoctus (c'était son nom), montait sur le toit de la maison.
Et de là, il regardait le ciel à travers une immense lunette, à la grande stupéfaction de ses voisins.
Tridoctus ne parlait à presque à personne, sauf à un petit enfant de dix ans, nommé Simplex.
Ce garçonnet était fils d'un brave bûcheron. Mais, au lieu d'aller au bois avec son père, au lieu d'aider
sa mère au jardin, au lieu de jouer avec les camarades de son âge, il s'asseyait sur le pas de la porte,
et regardait dans le vague pendant des heures entières, sans proférer une parole.
"C'est un innocent !" disaient les villageois.
Et ils le plaignaient, le méprisant un peu. Tridoctus le prit en amitié.
"Heureux, cet enfant ! disait-il. Si son esprit est fermé aux choses qui l'entourent,
il voit ce que nous ne voyons pas. Et sans doute il parle avec les anges !"
C'est ainsi que le vieux savant devint l'ami du petit enfant : celui-ci, toujours rudoyé par ses parents
qui se croyaient déshonorés d'avoir un tel fils, aimait beaucoup le vieillard, et écoutait avec joie les contes
qu'il lui faisait.
Un soir, assis sous un grand chêne, Tridoctus lui contait une merveilleuse histoire. Symplex suivait
avec un ravissement naïf, le récit du vieux savant. Celui-ci, tout entier à ce qu'il disait,
ne s'aperçut pas qu'il avait d'autres auditeurs. Le bûcheron et sa femme, beaucoup de marmots,
une grande partie des gens du village, s'étaient doucement approchés, curieux d'entendre ce que pouvait bien dire
à l'innocent le singulier personnage. Or, voici ce que contait Tridoctus :
"Tout là-bas, vers le Nord, dans la direction qu'indique l'étoile polaire, il est un pays étrange
que les hommes ne connaissent pas. Les fleurs y sont plus belles qu'ici, les nuits plus étoilées,
les printemps plus tièdes ; dans les buissons toujours verts, les oiseaux gazouillent sans fin,
et les ruisseaux  chantent sous les grands arbres, contre les rochers et leurs rives, des chansons cristallines.
En ce pays est une fleur que nul vivant n'a vue encore, le Lis d'Argent. Celui qui le cueillera sera pour toujours
riche et heureux. Mais la fleur est réservée à quiconque n'a jamais menti, à quiconque n'a jamais péché,
à celui dont l'âme ignore le vice, dont l'esprit ignore le mal. Pour tout autre, la fleur qui donne bonheur
et richesse demeure à jamais introuvable."
Comme le vieillard achevait ces mots, il entendit derrière lui des murmures et des exclamations.
Il se retourna brusquement, et se leva, courroucé.
"Ah ! vous m'écoutiez ! s'écria-t-il. Faites votre profit de ce que vous avez entendu, si vous voulez.
Mais soyez sûrs que nul parmi vous ne découvrira le Lis merveilleux !"
Et, lançant un regard de défi aux villageois, Tridoctus s'éloigna majestueusement, et remonta sur le toit
de sa demeure, pour considérer les étoiles.
Les paroles qu'il avait prononcées firent une impression profonde sur les cerveaux campagnards. Tout d'abord,
une incrédulité générale les avait acceuillies. Mais peu à peu, à force d'y penser, les paysans finirent
par se dire qu'il n'en coûtait pas bien cher de tenter l'aventure, et, qu'après tout, un homme qui passait
ses journées à lire dans les vieux livres et ses nuits à contempler la lune, devait savoir des choses ignorées
des autres humains.
Tant et si bien qu'un beau jour l'aubergiste du village, un rusé compère, se mit en route vers le nord.
"J'ai bien quelques péchés sur la conscience, se disait-il, mais, bast ! ce n'est pas cela qui mempêchera de
trouver la fleur merveilleuse, si vraiment elle existe !"
Durant trois jours et trois nuits l'aubergiste marcha allègrement. Il arriva enfin dans un pays magnifique,
qui répondait entièrement à la description qu'avait faite Tridoctus. Il marcha encore, la joie au coeur,
croyant tenir déjà le Lis tant désiré. Et, tout à coup, il aperçut devant lui la fleur d'argent, qui se dressait,
fine et brillante, à l'entrée d'une grotte.
"Le voilà ! s'écria-t-il. Le voilà !"
Et, la main tendue, il se précipita... Hélas ! Lorsqu'il arriva près de la grotte, le Lis avait disparu.
Il eut beau chercher, il ne le retrouva pas, et du s'en retourner comme il était venu.
"Ce n'est pas étonnant, dirent les paysans, à qui il raconta piteusement son aventure, ce n'est pas étonnant
que tu n'aies pas pu cueillir la fleur : voilà quarante ans que tu nous voles tous. Mais nous !... Tu verras !"
Et, l'un après l'autre, tous les villageois partirent. Tous ils traversèrent ces contrées souriantes
où les oiseaux chantaient des chansons douces. Tous, ils aperçurent la fleur, et voulurent l'arracher.
Mais toujours le Lis d'Argent disparaissait devant eux, car tous, durant leur vie, avaient commis des fautes :
pour obtenir la fleur, il fallait avoir, sinon l'âme d'un ange, au moins l'âme d'un saint.
Simplex songeait, lui aussi, à ces pays étranges.
"J'irai ! se dit-il enfin. J'irai, moi aussi, dans la direction qu'indique l'étoile ; je chercherai le Lis d'Argent,
 et, si je peux le cueillir, je serai bien heureux de l'admirer."
Ses parents se moquèrent de lui lorsqu'il leur annonça sa résolution.
"L'innocent, qui voulait réussir là où des hommes avaient échoué ! Quelle sottise !"
Mais Tridoctus hocha la tête avec satisfaction.
"Va ! lui dit-il. Car celui-là n'a point fait le mal qui rêve toujours à des choses lointaines. Va avec confiance,
enfant... Qui sait ?"
Simplex partit. Il marchait joyeusement sous le soleil ; il ne sentait pas la fatigue, car l'espèrance le soutenait.
 La route lui sembla courte et belle, si courte qu'il fut tout étonné lorsqu'il se trouva en présence de la fleur
 cherchée,
"Le Lis !" murmura-t-il à voix basse.
Au même instant, une mélodie lente et grave s'éleva dans l'air pur. Qui chantait ainsi ? Peut-être les oiseaux,
peut-être les ondes claires du ruisselet, peut-être le vent dans les grands arbres. Le Lis d'Argent rayonnait
d'une lumière surnaturelle ; des rayons semblaient sortir de ses pétales blancs, et son coeur d'or brillait
comme une pierre précieuse.
Simplex s'agenouilla, et pria. Il pria et écouta longtemps la musique, et longtemps regarda la fleur.
Lorsque le chant se fit plus vague et plus lointain, il s'approcha lentement, se pencha vers le Lis, et,
doucement le cueillit. De nouveau la mystérieuse mélodie s'éleva vers le ciel bleu.
Eperdu de joie, l'enfant s'éloigna, tenant contre son coeur le Lis merveilleux, et refit en sens contraire
la route parcourue. Lorsqu'il arriva dans son village  natal, il éleva la fleur au-dessus de sa tête,
tout en marchant. Des campagnards qui passèrent l'aperçurent ; stupéfaits, ils s'arrêtèrent, puis se mirent
à pousser de grands cris.
"L'innocent qui l'a cueilli ! L'innocent qui l'a cueilli !"
Bientôt tous les habitants du hameau furent rassemblés autour de l'enfant.
"Mais comment as-tu pu l'arracher ? demandait l'aubergiste avec aigreur et dépit.
- Je ne sais pas, répondit Simplex. J'ai vu le Lis, qui resplendissait comme resplendissent les auréoles
des saints ; j'ai entendu les anges qui chantaient, et j'ai pleuré en priant Dieu. Puis je me suis approché,
et j'ai étendu la main. Et, de nouveau, j'ai entendu chanter les anges du ciel. Jamais je n'oublierai
ce que j'ai vu et entendu.
- Tout de même, disaient les villageois, tout de même, qui aurait pu penser que ce serait l'innocent qui
cueillerait le Lis d'Argent, la fleur qui donne bonheur et richesse ?
- Les sages devaient le penser !" répondit une voix grave.
Les paysans se retournèrent : c'était Tridoctus qui venait d'arriver et qui avait parlé.
"Ah ! continua-t-il, vous êtes fiers de la petite flamme de votre intelligence ; vous jugez tout, vous pesez tout,
vous voyez tout, et vous méprisez l'innocent ! Mais faites taire votre orgueil : car sa part peut-être
est plus belle que la vôtre.
"Il comprend mal les hommes, mais il comprend Dieu ; et, s'il ne peut s'occuper des choses humaines,
c'est que son âme tout entière contemple les choses célestes. C'est pourquoi le Seigneur lui accorde parfois
ce qu'il refuse à ses autres créatures : il lui fait entendre la musique des anges, il lui montre la lumière
des cieux. Inclinez-vous donc devant lui, car il est sans tache, sans mensonge et sans vice, et rappelez-vous,
pour ne l'oublier jamais, cette parole du Christ :
"Bienheureux les pauvres d'esprit, car le royaume du ciel leur appartient !"

 


     20 avril
Conte d'Alsace
Sur les rives du Rhin, dans notre vieille Alsace, là-bas, au cher pays vers lequel se tournent tous les yeux dans un regard mêlé de larmes et d'espérances, on a gardé profond et vivace le souvenir de la patrie.
Souvent, aux jours de grandes fêtes, les jeunes filles aux longues tresses d'or envient le temps où leurs mères, plus heureuses, étoilaient le large ruban noir d'une cocarde tricolore et, furtivement, prennent la chère relique dans le tiroirs aux souvenirs et l'essaient devant la glace ; mais en cachette, après avoir tiré les rideaux, car si le bourgmestre venait à passer... Puis le soir, à la veillée, quand le sarment pétille dans l'âtre, que 'aïeule file sa quenouille au coin de la cheminée et que les petits sommeillent sur les genoux de leurs mères ou gazouillent dans leur berceau - charmant babil de l'enfant qui s'endort et continue avec les anges sa petite conversation du soir - les vieillards secouant gravement la cendre de leurs grosse pipes, devisent tout bas des anciens jours, et racontent parfois quelque touchante histoire, quelque glorieuse aventure où l'on parle de nous de la France !
Ils disent que, la nuit, quand la plaine est déserte, que tout dort au village et dans les alentours, on entend résonner, mêlées à la plainte du vent à travers les branches, les fanfares des clairons ; et que dans le lointain, au flanc des vertes collines, passent des escadrons dans des éclairs de feu et de fumée. Puis ils disent aussi, qu'aux murs des citadelles, où flottent tout le jour, comme un vivant affront, les étendards allemands, dès que les douze coups de minuit on gravement tinté au cloche de la cathédrale de Strasbourg, on voit partout briller, malgré les sentinelles, les trois couleurs de nos drapeaux.
Une toute petite Alsacienne, Francette, la mignonne fille du grand Fritz et de la blonde Lisbeth, croyant de tout son coeur à ces touchantes légendes, résolut de passe une nuit dans le Champ du Combat là-bas, près du petit bois, pour voir, elle aussi, ces fiers soldats français que son aïeul et son grand oncle entendaient pendant leurs longues insomnies, et dont il lui semblait, par les nuits claires de juin, voir l'ombre se profiler sur les rideaux de son lit d'enfant.
Or, un soir, voyant ses parents endormis, elle se glissa furtivement hors de sa chaumière, sans bruit, ses petits sabots à la main ; puis sous la pâle clarté de la lune, pris sa course vers le Champ du Combat. Et là, l'oreille au guet, les yeux grands ouverts, la mignonne attendit.
C'était par une nuit merveilleuse et sereine, où les grillons chantaient dans les blés endormis tout émaillés de fleurs, où les coccinelles s'assoupissaient au sein des roses, où le papillon sommeillait au coeur des grands lis, tandis que, là-haut, les étoiles d'or se penchaient sur la plaine pour voir les vers luisants, leurs frères de taillis, se poster dans les mousses vertes afin d'éclairer les sentiers assombris. Dans le bois tout chantait, la brise en passant baisait le front rosé des petites centaurées ; le zéphir, dans les rameaux, murmurait doucement sa chanson aux jeunes feuilles, le rossignol lançait ses trilles sonores, et là-bas, sur l'étang, les larges nénuphars se miraient dans l'eau claire, tandis que le ruisseau jaseur caressait, en riant, les cailloux blancs et roses de son lit.
Minuit sonna. Les grands yeux bleus de Francette se fermaient doucement. Appuyée contre une vieille roche toute moussue, elle sentait ses petites idées devenir confuses, sentiment vague et charmant qui tient de la veille et du rêve.
Tout à coup, une vive clarté l'environna, rougeoyant les coteaux, flamboyant dans les branches ; un bruit sourd qui augmentait en se rapprochant, fit résonner le sol, se répercutant dans tous les échos de la colline. Et dans la nuée lumineuse, voici que passèrent, au grand galop, des régiments entiers : cuirassiers resplendissants, hussards chamarrés de brandebourgs, dragons, lanciers. Puis tête haute, nos braves petits fantassins, tous drapeaux et clairons en tête. Et quand le dernier bataillon défila devant elle, le porte-drapeau se détacha du groupe, descendit dans le Champ du Combat, s'approcha de Francette, ébahie, charmée, et, dans ses petits bras, déposa le drapeau. Un étendard superbe, tout en soie, frangé d'or, dont les trois couleurs ondoyaient victorieusement dans la brise douce et parfumée de cette tiède nuit d'été. En même temps les cloches du village et celles des églises voisines sonnaient à toutes volées ; les fleurs tricolores étoilant les blés se dressaient joyeusement comme pour dire : "Et nous, ne portons-nous pas aussi les trois couleurs de la Patrie ?"
Francette se baissa et, de ses petites mains cueillis, en les baisant, coquelicots, bleuets, marguerites, dont elle couronna glorieusement la hampe dorée du drapeau. Et les clairons sonnaient la charge, les tambours battaient, mêlant leurs roulements graves aux hennissements des chevaux ; tandis que les oiseaux gazouillaient doucement sous les rayons de la lune attendrie.
Mais, tout à coup, le coq chanta, l'aube blanchit le contour des collines... et Francette ouvrit les yeux. Autour d'elle plus rien, ni cavaliers, ni fantassins ; dans ses bras, point de drapeau ; mais seulement une grosse gerbe tricolore où les blanches marguerites faufilaient leurs collerettes entre les barbes des bleuets sous les larges pétales transparents des coquelicots. Et comme de ses yeux encore ensommeillée, la mignonne interrogeait l'horizon, là-bas, dans la direction de Strasbourg, elle crut voir un bel ange qui, rapide, remontait au ciel emportant le drapeau dans ses bras, et qui, au moment de disparaître, se retourna vers le Champ du Combat, disant : "Adieu, Francette." Et la petite Alsacienne, pieusement, répondit : "A bientôt, France !"

 


     20 mai
Les Rêves
Trois petits amis eurent une fois chacun un rêve qu'ils se racontèrent ainsi :
L'aîné commença : "Je me trouvai, je ne sais comment, dans le jardin du Paradis terrestre. Le parfum des fleurs me pénétrait. Un ruisseau sautillait et glissait entre les roseaux, allant, par cent détours, se perdre dans un verger. Là, les arbres ployaient sous leurs fruits, les branches s'abaissaient devant moi et je n'avais qu'à étendre la main pour me rassasier. Les oiseaux chantaient, invitant au repos pour les écouter. J'étais heureux ; mais en me regardant dans une source, je me vis grandi, avec des moustaches comme un homme. Le temps passait vite en ce lieu : pourtant, au bout de l'horizon, un parc m'attirait. J'y courus. Un palais merveilleux s'élevait. Des seigneurs, des belles dames, vinrent à ma rencontre et m'invitèrent à leur table. Comme eux, je portais de riches vêtements et, ce qui me paraissait fâcheux, des cheveux gris. Au moment où le maître du palais me montrait ses trésors, la bonne m'a éveillé...
- Quel dommage, dirent les autres enfants ; il serait agréable de réaliser un rêve semblable !"
Le second parla à son tour : "A moi, mes amis, il me semblait que j'avais des ailes et que je volais d'étoile en étoile. Les unes, scintillantes comme des escarboucles ; les autres, vaporeuses comme des nuages, tournaient dans l'espace, plus nombreuses que les grains de sable de la mer. J'entendais une musique invisible ; mon esprit grandissait et savait toutes chose par inspiration. J'admirai ce spectacle de toutes les forces de mon âme. A la fin, un voile sombre a passé sur mes yeux et m'a caché ma belle vision.
- C'est attristant ! firent les enfants ; ton rêve devait être plus grand que le premier.
- Mon rêve et bien humble et bien pauvre, commença le troisième. Je passais dans les champs couverts de neige, tout en jetant du pain aux petits oiseaux affamés. Dans le sentier, un enfant chétivement vêtu est venu à moi. Il grelottait si fort que je retirai ma veste pour le couvrir et l'emmener à la maison.
"Nous avons couru ensemble afin d'arriver plus vite ; mais bientôt la fatigue l'a forcé de s'asseoir au bord du chemin. Je l'ai porté sur mes épaules : il me semblait si léger que je ne sentais pas ma peine. Mais à notre porte, lorsque j'ai revu sa figure, je suis tombé à genoux. C'était l'Enfant Jésus, oui, le Christ ! Il m'a embrassé, relevé, et a placé sa main sur mon coeur. J'ai senti comme une flamme l'embraser. Tout riait en moi. Je n'avais rien et j'étais riche pourtant. J'aimais tout le monde comme ma mère ! Je voulais suivre le Seigneur, mais il m'a montré la maison en me disant : "Ici est ton devoir." Une grande lumière l'a aussitôt entouré et enlevé au Ciel, toujours vêtu de ma veste. J'étais si sûr de mon rêve que j'ai été étonné, ce matin, de retrouver mes habits à leur place.
- Voici le meilleur rêve, conclurent les enfants. Nous, nous avons entrevu l'existence heureuse ou la satisfaction de notre esprit ; toi, tu as eu le rêve qui contente le coeur et que tu pourras remplir durant ta vie : les pauvres ne manqueront jamais à notre charité."

 


     23 avril
Compère l'Ours et le Renard Roux
De tous temps les renards ont été fourbes et paresseux, mais jamais on n'en vit de plus paresseux et plus fourbe que le Grand Renard Roux. C'était un rusé coquin, capable des plus mauvais tours. Compère l'Ours en fit la triste expérience.
Depuis quelques semaines déjà le Renard faisait maigre chère, quand il rencontra un beau matin compère l'Ours.
"Ah ! bonjour, mon cousin, lui cria-t-il d'un air d'autant plus joyeux qu'il lui savait en réserve un gros fromage et un pot de miel. Comment allez-vous ?
-Pas trop mal, répondit en grognant compère l'Ours, quoique ma vue baisse un peu. En outre, je vis bien seul, je m'ennuie..."
De trouver l'Ours ainsi disposé, le Renard suffoquait de joie, et sans plus tarder il lui proposa son amitié. Il lui fit valoir que son imagination fertile en ruses de toutes sortes compenserait largement le partage d'un pot de miel et d'un fromage, et qu'à s'associer, c'est encore lui, compère l'Ours, qui ferait une bonne affaire.
L'Ours n'y trouva rien à redire, et ce fut marché conclu. Quant au pot de miel et au fromage, il fut entendu qu'on les réserverait en vue de quelque fête. Pour l'instant, c'est à l'imagination du Renard qu'il fallait avoir recours.
"Fort bien, dit le Renard, cherchons donc une idée.
"Compère l'Ours, dit-il au bout d'un moment, en posant sa patte sur son front, je ne me sens pas à mon aise, tout d'un coup. Je crois que je ferais bien d'aller voir le docteur. Qu'en pensez-vous ?
- Je pense, répondit l'Ours, que c'est en effet prudent."
Et le Renard partit chez le médecin. Mais le cabinet du médecin, dans sa pensée, n'était autre chose que le garde-manger où compère l'Ours avait serré ses provisions. Le Grand Renard Roux y dévorât une partie du miel, puis dormit au soleil dans une pièce de foin. Il revint ensuite à la maison.
"Eh bien, demanda l'Ours, comment vous sentez-vous ?
-Beaucoup mieux, je vous remercie, dit le Renard.
- Et la médecine était-elle amère ?
- Au contraire. C'était même assez bon.
- Et le docteur vous en a-t-il donné une forte dose ?
- Mais oui. A peu près la valeur d'un demi-pot de miel.
- N'importe, gémit compère l'Ours, c'est toujours un bien grand ennui que d'avoir affaire au médecin.
Quelques jours se passèrent, et le Grand Renard Roux, un beau matin, ayant brossé son chapeau et peigné les poils de sa tête, dit qu'il allait à un baptême chez son beau-frère ; mais l'église n'était pas bien loin, car, cette fois encore, il ne dépassa pas le garde-manger où il dévora tout ce qui restait du miel, en léchant le pot par-dessus le marché.
"Et tout s'est-il bien passé au baptême ? demanda compère l'Ours quand le Renard fut rentré.
- Mais oui, assez bien.
- Et qu'y avait-il pour le dîner ?
- A peu près la moitié d'un pot de miel.
- Eh bien ! on a dû avoir faim à ce baptême," observa compère l'Ours pour répondre quelque chose.
Or un beau dimanche que les oiseaux chantaient dans les arbres et les criquets dans les roseaux, compère l'Ours dit, en prenant une prise :
"C'est fête aujourd'hui, nous allons manger le pot de miel et le fromage, et nous demanderons à grand-père le Bouc de venir dîner avec nous.
Le Renard se gratta l'oreille et regarda compère l'Ours du coin de l'oeil.
"Fort bien, répondit-il.
"Allez-vous-enAllez-vous-en inviter grand-père le Bouc tandis que j'irai au garde-manger chercher les provisions.
"Voyons, se dit le Renard, une fois arrivé, le calcul est simple : le fromage et le pot de miel appartiennent à tous deux, à lui et à moi, ils m'appartiennent donc à moi."
Et sans plus de façon, il s'installa et, ayant déjà mangé le miel, il dévora tout le fromage.
Quand il revint à la maison, il trouva grand-père le Bouc se chauffant les pattes au coin du feu, tandis que compère l'Ours aiguisait le couteau à pain sur le seuil de la porte de la cour.
"Ah ! bonsoir, grand-père le Bouc, quelle bonne nouvelle ?
- Mais aucune, si ce n'est que nous allons faire un bon dîner.
- Et que fait compère l'Ours ?
- Il aiguise le couteau à pain.
- Ah ! oui, je sais, et quand il l'aura aiguisé, il vous coupera les deux oreilles qu'il fera rôtir pour le dîner. Ah ! ah ! ah !"
A ces mots, grand-père le Bouc fut saisi d'une grande frayeur et prit ses jambes à son cou.
Le Grand Renard Roux s'en fut alors trouver compère l'Ours dans la cour.
"Eh bien, vous avez fait là une jolie besogne en invitant grand-père le Bouc, lui dit-il. Il vient de se sauver avec le pot de miel et le fromage, et il ne nous reste plus qu'à serrer notre ceinture d'un cran."
A cette nouvelle le sang de compère l'Ours ne fit qu'un tour. Il se précipité à la poursuite de grand-père le Bouc en criant :
"Arrêtez, arrêtez ! N'emportez pas les deux ; laissez-m'en au moins la moitié !"
Il parlait des gourmandises du dîner, mais le Bouc, croyant qu'il s'agissait de ses oreilles, trottait si vite que le gravier volait sous ses pas.
"Eh bien ! fit le Renard, quand l'Ours, suant et soufflant, eut renoncé à poursuivre le Bouc, je me demande ce que vous feriez maintenant si vous n'aviez pas la ressource de mon intelligence.
-Il faut en effet que vous nous sortiez de là, dit compère l'Ours avec un gros soupir.
- Attendez ! répondit le Grand Renard Roux. Auprès de la maison du fermier Jean, à une lieue d'ici, se trouve un garde-manger tout plein de saucisses, d'andouilles et de galettes. Je crois que nous pourrions aller voir de ce côté-là."
Et ils partirent, bras dessus bras dessous. Les deux chenapans eurent vite fait de trouver le garde-manger. Malheureusement la porte était fermée.
Le Renard avisa une lucarne assez haut placée.
"Voyons, dit-il à compère l'Ours, aidez-moi à atteindre cette fenêtre, j'entrerai par là et je vous passerai les friandises à mesure."
Compère l'Ours donna le pied au Grand Renard Roux et, hop ! celui-ci glissa dans la salle des provisions comme une carpe dans l'eau.
Naturellement il commença par dévorer tout ce qu'il trouva. Entre temps il criait à compère l'Ours.
"Hé ! compère, que voulez-vous que je vous passe d'abord, les saucisses ou les galettes ?
- Chut ! chut ! répondit l'Ours ; parlez moins haut.
- Oui, oui, hurla le Renard, les saucisses ou les galettes ?
- Mais taisez-vous donc, reprit l'Ours. Vous allez ameuter toute la ferme. Prenez ce que vous avez sous la main, et surtout faites vite.
- Oui, oui ! disait le Renard, si fort que son gosier était sur le point d'éclater ; puisque je vous dit que j'ai tout sous la main. Décidez-vous !"
Mais compère l'Ours n'eut pas à se décider, car le fermier arrivait avec ses gens et trois gros chiens.
"Ah ! ah ! dit le fermier. Voilà compère l'Ours qui vient me voler mes saucisses et mes andouilles ! Je ne vais pas le manquer."
Et l'on poursuivit le pauvre Ours jusque sur la colline, où il reçug la plus belle volée de bois vert de toute sa vie.
"Tandis qu'on poursuit compère l'Ours par ici, se disait pendant ce temps le Renard, je vais filer par la fenêtre qui donne derrière la ferme !"
Or on avait mis sur cette fenêtre une trappe pour prendre les rats : le Grand Renard Roux n'en savait rien. Il va pour sauter et clic ! la trappe se referme, le prend par la queue, et il reste suspendu !
Et pour comble de malheur, voilà le fermier Jean qui revient, car il avait entendu le Renard pousser un cri, et il fut vite là avec tout son monde et ses trois gros chiens.
"Fermier Jean, supplia le Renard, ne me faites pas de mal. Ce n'est pas moi le voleur ; c'est compère l'Ours.
- Oui, oui, répondit le fermier ; compère l'Ours a été corrigé comme il méritait ; chacun son tour !"
Alors le Grand Renard Roux fit des efforts désespérés pour retirer sa queue. Crac ! la queue se rompit et, criant et hurlant, il décampa aussi vite qu'il put avec le fermier Jean, les hommes et les chiens à ses trousses.
Le Grand Renard Roux mit de longs mois à se guérir des coups de bâton et des morsures de chien que lui avait valus sa fourberie.
En outre, privé de sa queue, ornement sans lequel les renards n'osent pas se montre, il dut se retirer du monde et, nourri de racines et d'eau, il termina misérablemant sa vie au fond d'un terrier.
Quant à l'Ours, il avait juré qu'à l'avenir il ne s'associerait plus jamais avec un coquin de l'espèce des renards.

 


     16 decembre
PICCOLO
A la ferme du Chêne-Vert, Jean gardait les chevaux, Pierre gardait les vaches, Louis gardait les moutons, Jacques gardait les dindons, les chiens gardaient les poules contre les renards et rôdeurs, la vieille maman gardait la maison, soignait la laiterie, faisait les repas. Seul, Piccolo ne gardait rien.
Et de cette inutilité, Piccolo souffrait : il eût voulu garder quelque chose. Il était rêveur, il chantait des chansons jolies, il était adroit de ses doigts, seulement, il était si distrait qu'on ne lui voulait confier quoi que ce fût pour y veiller.
Cependant Piccolo dit un jour :
"Je garderai bien quelque chose."
Il coupa une branche à la haie voisine, arracha les feuilles, sauf les deux petites vertes à la pointe, et cette houlette à la main, il s'en alla par le chemin, cherchant moutons, oies, ou que sais-je, mais quelque chose qu'il pût garder.
Sur le vieux mur de terre battue coiffée de chaume, grimpait un escargot. Sa coque couleur de pierre était si grosse, que l'escargot allait tout doux comme un bon vieux, laissant pourtant derrière lui un chemin blanc et plus luisant que l'argent.
Piccolo prit entre ses doigts cet escargot qui se blottit en sa coquille.
Et sur la haie, face au vieux mur, au bord du champ, il aperçut encore un escargot, tout blanc celui-là ; puis plus bas sur l'herbe verte, il vit une troisième bestiole à la coquille jaune.
Il les ramassa tous les deux aussi :
"Ça, se dit-il, avec ces trois animaux-là, je vais me faire un troupeau." Il les plaça tous trois à terre, non dans la poussière du chemin, mais sur l'herbe ras qui encadre le ruban de la route.
Les trois escargots, comme quelqu'un qui s'éveille et s'étire, risquèrent peu à peu leurs corps hors de la coquille, et se remirent à glisser lentement, mais sûrement, marchant à leur manière, marchant fort bien sans pieds ni jambes.
Et Piccolo, sa baguette à la main, se mit à les regarder et à les garder, par malice ou par naïveté, pour garder, lui enfin, quelque chose à son tour.
Du reste il les garda fort mal, non qu'il laissât s'échapper une des trois coquilles, la marche lente des escargots les privant de la fuite, mais parce qu'il savait qu'il pouvait les rattraper d'un pas ou deux facilement ; il s'assit sur un tas de pierres, se mit à siffloter un air, regarda une voiture qui se montrait au loin, si bien qu'un gros corbeau - croa, croa - s'abattit sur le sol, et de trois coups de son gros bec - croa, croa -eut vite gobé les escargots, tout le troupeau de Piccolo.
Mais le corbeau avait fait sottement croa, croa ; Piccolo le regarda, comprit la chose, et saisissant un gros caillou, crac, d'un seul coup, adroit ma foi, frappa l'oiseau qui tomba et trépassa. Piccolo le saisit ; d'un coup net de son couteau, il lui ouvrit le ventre : les trois escargots gobé tout crus et d'un seul coup étaiten encore vivants, blottis au fond de leurs coquilles.
Piccolo les retira, les rinça au ruisseau, et les reposa sur l'herbe, reprenant sa baguette, retrouvant son troupeau qu'il n'avait même pas pu garder une heure.
Les trois escargots à nouveau se détendirent, sortirent doucement de leurs coquilles leurs corps souple ; mais Piccolo se mit à ouvrir grands les yeux quand, sous sa vue, les escargots grossis, enflés, devenus femmes, se dressèrent tout droits avec trois sourires et trois "merci".
Le gros gris était devenu une grande et belle fées, vêtue de gris avec des pavots dans sa chevelure sombre, d'où un léger crêpe de deuil tombait vers le sol ; le blanc était maintenant une adorable fée, blonde et rose et jolie ; et la troisième coquille zébrée était aussi une exquise fée dont la robe d'or et d'argent traînait somptueuse sur le sol, dont les doigts lourds de bagues éblouissaient les yeux de Piccolo, silencieux.
La première dit :
"Bonjour, Piccolo ; je suis la fée Dictame et je suis prête à te servir."
La seconde ajouta :
"Bonjour, Piccolo ; je suis la fée Splendide, ta servante à ton gré."
Et la troisième conclut :
"Bonjour, Piccolo ; je suis la fée Aurale, prête à exaucer tes souhaits."
Elles lui racontèrent que, vaincues par le génie des gouffres, elles avaient vu leurs palais changés en ces coquilles, grise, blanche et striée, tandis qu'elles-mêmes étaient métamorphosées en escargot, et que le génie leur faisait porter sur leur dos leurs demeures d'autrefois.
Aujourd'hui le charme était rompu, Piccolo les avait sauvées toutes trois, les avait arrachées au sorcier à jamais vaincu, et toute leur puissance était reconquise, grâce au bon berger d'un nouveau genre, à ce gardien ne gardant rien.
Piccolo les remercia chaleureusement, il ne se sentait pas de joie d'une aussi douce aubaine, et se promit, dès qu'il pourrait, bon coeur au fond, de faire profiter les siens du pouvoir de ses nouvelles amies.
Alors, les trois fées, Dictame, Splendide et Aurale, prirent leurs trois coquilles, vides maintenant, et les donnèrent à Piccolo pour talisman.
"Quand tu auras besoin de l'une d'entre nous, porte la coquille à ton oreille, parle, et écoute ce que tu entendras : ce sera notre réponse ; compte sur nous. Adieu, l'ami."
Et Piccolo ne vit plus rien que trois petits tourbillons de poussière, qui s'en allaient en tournant et s'éparpillèrent dans l'air.
Il resta là un bon moment, puis, réfléchissant, mit ses coquilles en poche, sa langue aussi, et son mouchoir à grands carreaux par-dessus, et en garçon prudent, se garda bien de raconte son aventure.
Un matin, Piccolo dit aux siens :
"Puisque je n'ai rien à garder ici, que chaque rôle est distribué, je veux aller chercher fortune à la ville prochaine, et j'ai bon espoir de revenir bientôt parmi vous, pour vous donner à tous ce que je désire."
Tous lui répondirent :
"Piccolo, nous te souhaitons bon voyage, bonne santé, bon retour ; à bientôt, n'est-ce-pas ? car en ton absence, nous ne t'oublierons pas et t'aimerons comme autrefois."
Les ayant donc embrassés à tour de rôle, de tout son coeur, Piccolo, ses trois coquilles dans sa poche, s'en alla tout droit, sans regarder en arrière, à la ville, qu'il supposait être au bout du chemin.
Il marcha trois jours, se reposant dans les chaumières hospitalières qu'il rencontra, et arriva enfin devant deux tours gardant l'entrée de la ville forte. On le laissa passer sans le fouiller et sans l'interroger : il avait si bonne mine ; et Piccolo se mit aussitôt à regarder autour de lui, cherchant s'il ne voyait pas quelque marchand ou quelque industriel à qui il pourrait offrir ses services.
Il fut frappé de suite de la grande tristesse qui avait envahi tous les visages. Les gens, sur le pas de leur porte, au seuil des boutiques, avaient des airs lugubres ; les rues étaient silencieuses, les bambins eux-mêmes ne jouaient pas, ne riaient pas, ne couraient pas, ne se battaient pas.
Piccolo sentit son coeur se serrer, mais voulant savoir ce que cette tristesse voulait dire, il s'approcha, son bonnet à la main, d'une brave femme qui tricotait silencieusement, et lui parla :
"Oh là, bonne mère, quel chagrin vous mine et vous absorbe ? Ne pourrais-je pas vous consoler ou vous guérir ? J'ai, Dieu merci, quelque savoir et quelque force, avec aussi quelque pouvoir."
La bonne femme répondit :
"Oh ! mon ami, se pourrait-il, vous ignorez notre misère, vous arrivez de loin, sans doute ?
- Trois jours de route, lui répondit le bon Piccolo.
- Ah ! mon garçon, apprenez donc que la méchante fée Maligne a ravi la santé de notre chère princesse Cyclamen, que la fée Hideuse a volé sa beauté, et que la fée Rapace a dérobé sa dot, la veille même de ses noces ; que le prince, son futur époux, épouvanté, s'est sauvé ; que notre roi se meurt de peur, et que la reine en fait autant, et que la princesse ne survivra jamais à ses parents."
Et la bonne femme pleurait à chaudes larmes, et Piccolo sentit qu'il s'attendrissait à son tour, qu'il allait en faire autant.
Il remercia la bonne femme, remit sa toque, et se fit indiquer le chemin du palais. Il frappa trois coups avec le lourd marteau de fer, toc, toc, toc. Un hallebardier vint lui ouvrir.
"Mène-moi à ton roi," dit Piccolo d'un ton assuré.
Le hallebardier fit bonne mine à Piccolo ; il le mena au sire qui pleurait en un coin. Piccolo mit genou à terre, baisa le manteau du roi et lui dit :
"Sire, je sais votre peine et viens vous consoler : foi de Piccolo, dans trois jours, trois mois ou trois ans, votre fille épousera le prince son fiancé, elle aura retrouvé sa santé, sa beauté, sa fortune."
Le roi du coup s'était dressé.
"Ah ! mon ami, si tu fais cela, ce sera toi qu'elle épousera. Serment de roi."
Et dans sa joie, faite d'espoir, tant Piccolo avait d'assurance, il appela à grands cris : "Cyclamen, Cyclamen, Cyclamen !"
La triste princesse, appuyée sur le bras de sa mère, arriva.
"Cyclamen, ma fille, nous sommes sauvés."
Piccolo à nouveau avait mis un genou en terre, il baisai la main des deux femmes, et sans rien dire, les regardant de son oeil doux, leur fit un signe de patience et d'espérance et s'en alla.
Piccolo appela, suivant ce qui avait été convenu avec les fées : "Dictame, Dictame !" et portant à son oreille la coquille grise de l'escargo, il entendit d'abord comme un bruissement de mer lointaine, puis, parmi ce houhou très doux, la voix caressante de Dictame répondit :
"Piccolo, que faut-il, que veux-tu ? Me voici."
Piccolo répondit :
"Ma bonne fée, venez, venez."
Dictame était déjà devant lui.
En quelques mots, il lui conta la misère de Cyclamen et la pria de l'aider à sauver la princesse.
"La fée Maligne, répondit Dictame, est méchante et habile, il te faut grand courage et grande présence d'esprit pour l'affronter et pour la vaincre. N'oublie pas que si tu es le plus faible, tu souffriras à ton tour, comme Cyclamen, de ses sortilèges et de ses poisons."
Piccolo n'avait pas peur, il le montra en redressant sa tête assurée.
"Eh bien, soit ! reprit la fée, va et tâche de ceuillir au jardin de Maligne une pêche rose que tu verras pendue à un arbre rabougrie et désséché, au milieu de son parc, elle a ravi à Cyclamen le duvet rose de ses joues pour en parer ce fruit maudit ; prends cette pêche et rapporte-la à la princesse : avec elle la santé lui sera rendue.
"Mais songe que, partout, derrière les arbres, les buissons, dans tous les coins, Maligne cache des lutins, des poudres mystérieuses, et à chaque objet elle lui donnait un avis, un conseil.
Impatient, Piccolo voulut partir.
Il arriva à la porte de Maligne, que deux cyprès bordaient tristement ; il entra dans le jardin toujours ouvert et aperçut, au milieu de la pelouse, l'arbre sec, et à la branche la pêche convoitée.
Il s'avançait la main tendue, quand un lutin saisit son bras de ses griffes et de ses dents. Piccola faillit crier, mais dans sa poche il prit un talisman de Dictame, frotta doucement le lutin qui s'endormit, et lâcha prise. Il fit un pas, mais un autre à sa jambe s'accrocha bientôt, et fu vaincu de même.
Il fit un pas, et se sentit saisi à la gorge : vite une gorgée du liquide de sa gourde, et la poigne qui l'étouffait lâcha prise. Il fit un pas, une nuée de génies se mirent à le secouer de toutes parts, il grelottait comme une feuille au vent d'automne : il prit ses petits grains de plomb, et les lutins s'enfuirent épouvantés. Il fit un pas, il prit la pêche et la plaça dans sa poitrine.
Il fallait repartir. Il fit un pas, un lutin d'un coup de poignard lui perça la veine du poignet, mais Piccolo étendit sur la plaie un voile rose, et le sang s'arrêta. Il fit un pa et fut dehors.
Il  n'avait pas eu peur, il n'avait pas crié.
Il se rendit au palais, fit prier Cyclamen de bien vouloir le recevoir. Il prit alors la pêche et, avec un couteau d'or, la partagea en trois parts, en donna une à Cyclamen, une à son père, une à sa mère, et conserva précieusement le noyau pour le planter en son jardin. Et cela fait, sans attendre ni merci, ni repos, il repartit en son logis.
Alors il appela, selon la convention :
"Splendide, Splendide !"en portant à son oreille la coquille blanche de l'escargot.
Et il entendit une voix caressante qui répondait :
"Piccolo, que faut-il ? Que veux-tu ? Me voici."
Piccolo répliqua :
"Ma bonne fée, j'ai besoin de vous, venez."
Or, Splendide était là, radieuse, éblouissante.
En quelques mots il lui conta la douloureuse aventure de Cyclamen, la priant de l'aider à rendre à la princesse sa beauté disparue.
"La fée Hideuse, reprit Splendide, est puissante et astucieuse ; ne sens-tu nulle peur ? Ne sens-tu aucune faiblesse ? Songe que si elle était la plus forte, tu serais à ton tour à jamais répugnant et laid."
Piccolo la regarda d'un oeil clair et hardi.
"C'est bon, dit Splendide ; va droit à la demeure de Hideus, entre par la porte ouverte qu'encadrent deux affreux arbres foudroyés, son jardin est accessible à tous ; au milieu de la pelouse, tu verras un rosier, ou plutôt un buisson affreux, où seule un rose exquise fleurite et embaume l'air. Hideuse à volé la beauté de Cyclamen pour en parer cette rose : cueille-la et la princesse est sauvée. Mais songe que de tous les coins, sur la tête, à droite, a gauche, en arrière, des démons au service de Hideuse te guettent et te harcèleront. Pour te défendre, voici quelques talismans."
En les lui confiant, elle lui apprenait le pouvoir de chacun.
Pressé d'accomplir son devoir, Piccola remercia la féee et prit le chemin indiqué. Il franchit le seuil, et aperçut aussitôt la rose resplendissante en cette terre déserte. Il fit un pas, et soudain mille lutins avec leurs lances lui piquèrent les joues. Il s'arrêta, prit dans sa poche un talisman de poudre blanche, et les lutins s'envolèrent aussitôt. Il fit un pas, une vieille horrible se dressa devant lui ; la figure de Piccolo n'eut pas un pli de peur ni de dégoût.
Il fit un pas : un diablotin lui lança dans les yeux une poignée de graviers pour l'aveugler, mais Piccolo ouvrit un talisman en forme de feuille de palmier, qui le garantit des projectiles et aussi de mille flèches que cent démons décochaient sur ses joues.
Il fit un pas vers la rose.
Il n'avait eu ni peur, ni recul, ni dégoût, ni défaillance.
Il sortit du jardin et se rendit au palais. Il pria Cyclamen de bien vouloir le recevoir et remit à la princesse la belle fleur, et aussitôt que Cyclamen eut senti le parfum enivrant, ses yeux s'ouvrirent limpides et bleus, ses cheveux se déroulèrent d'or et de soie ; elle était belle comme autrefois.
Et ses deux vieux parents, le roi et la reine, dont les narines respirèrent un peu du parfum puissant, reprirent un peu de jeunesse et de beauté ; peut-être était-ce aussi de joies, en voyant leur fille sauvée à nouveau.
Piccolo était reparti, discret et prompt.
Il appelait déjà la troisième fée, son amie " "Aurale ! Aurale !" et dans la coquille striée une voix d'or répondit : "Piccolo, me voici !" tandis qu'Aurale apparaissait, resplendissante.
"Il faut, lui dit-elle, quand elle eut écouté sa plainte, aller ravir à la fée Rapace le lingot d'or qu'elle a chaché en son taudis.
"Tu entreras par la porte close, mais que ceci saura faire ouvrir (elle lui remit une clé d'or), tu verras en face de toi, dans une pièce nue et sordide, une caisse en fer ; là est caché le lingot d'or. Pour ouvrir cette caisse, voici un mot, retiens-le bien, et songe que mille démons sont au service de la fée Rapace. Sois le plus fort et le plus fin, sinon tu deviendras à jamais l'être le plus méprisable de ce monde."
Piccolo n'avait pas peur ; il dit merci et s'élança.
Quand il présenta la clé d'or, la porte s'ouvrit toute grande. Rapace obséquieusement le salua. Il fit un pas vers le coffret de fer, et trois lutins, avec des cartes à la main, lui proposèrent de jouer avec lui, pour gagner de l'argent.
Piccolo toucha le talisman que la fée lui avait remis, et les trois gnomes disparurent. Il fit un pas et, à ses côtés il aperçut, presque à ses pieds, une parure précieus, un diamant merveilleux : du pied Piccolo le repoussa avec mépris. Il fit un pas, et trois démons sautèrent à ses poches, cherchant à le dévaliser. Piccolo les laissa faire, faisant toujours un pas, un pas.
Il  n'aimait  ni les bijoux, ni le jeu, ni le gain. Il s'empressa de toucher le coffret de fer, écrivit le mot secret du bout du doigt, sur la porte lourde, et le coffret s'ouvrit. Piccolo prit le lingot d'or.
Il se rendit au palais et remit à Cyclamen sa fortune ravie, si bien que cette fois, comme avant, Cyclamen, était bien portante, belle, riche.
Le roi retint Piccolo ; lui, du reste, ayant accompli sa tâche jusqu'au bout ne songeait plus qu'à s'éloigner.
"Tu as ma parole, dit-il, voici la princesse, ton épouse.
-Princesse, avant tout, répondit Piccolo, en s'inclinant, dites-moi si votre coeur approuve la promesse de votre père, je lui rends sa parole si votre réponse ne m'est pas favorable."
Sans dire un mot, Cyclamen lui tendit la main et le front, et ce furent là leurs fiançailles.
Devenu roi à son tour, Piccolo fit venir ses parents : il donna à Jean qui gardait les chevaux, le commandement des troupes ; à Pierre qui gardait les vaches, la haute main sur l'agriculture ; à Louis qui gardait les moutons, la garde des enfants et la direction des écoles ; à Jacques qui gardait les dindons, il donna la police de la ville, et la vieille maman, avec le vieux roi et la vieille reine, gardèrent tous trois le logis.
Et Piccolo garda le pouvoir ; il devenait du coup gardien de tous les autes, lui qui avait toujours rêvé de garder quelque chose.

 


     23 mai
La Pantoufle de Tag-conte norvégien
Sten Ekman et sa femme Johanna marchaient lentement, silencieux, la tête basse. Bien paisible, la petite Asta dormait entre les bras de sa mère : ce berceau-là, heureusement, ne pouvait lui être enlevé !
Les deux époux venaient de vendre un porc, leur dernier. Quoiqu'ils eussent lutté désespérément contre l'acheteur, il avait fallu céder l'animal à bas prix, à cause de sa maigreur. La somme qu'il rapportait était insuffisante pour satisfaire Stenkil Bjorn, leur propriétaire, qui refusait de les garder un jour de plus s'ils ne payaient d'abord intégralement leur loyer.
Stenkil Bjorn était aussi inhumain que riche ; nul espoir de l'attendrir ne subsistait au coeur des époux. En vain, ils cherchaient ce qu'ils pourraient vendre encore pour compléter la somme... Les quatre murs de leur humble ferme n'étaient-ils pas nus, le buffet vide... vides aussi la grange, la cave et le grenier ? Les mauvaises récoltes et la maladie leur avaient enlevé leurs dernières ressources.
Après les tristesse de l'adieu à la maison où ils coulèrent d'heureux jours, où ils rêvèrent de mourir, leur faudrait-il donc aller se louer chacun de son côté dans quelque métairie voisine, ne plus vivre de la bonne vie familiale ?
Ah ! que Stenkil Bjorn était cruel ! Il n'ignorait pourtant pas qu'un délai de quelques mois eût sauvé les Ekman, que, passé la moisson, ils se fussent acquittés !... Travailleurs, sobres, économes l'un et l'autre, ils méritaient qu'on leur vînt en aide !...
Oui, Stenkil était cruel, mais les deux époux étaient trop généreux, pour nourrir des sentiments de vengeance contre leur propriétaire et lui souhaiter du mal !...
Asta dormait toujours. Le pas lent des parents se traînait sur la route, le ciel pâle se voilait de gris.
Malgré le profond chagrin qui les absorbait, ils remarquèrent, dès l'entrée du village où habitait Stenkil Bjorn, l'animation inaccoutumée qui y régnait. Des paysannes allaient et venaient, effarées, mystérieuse ; d'autres fermaient leur porte ; d'autres s'entretenaient bruyamment par groupes...
Ils ne s'informèrent pas du sujet de ce mouvement, et comme ils étaient peu connus en cet endroit, personne ne les arrêta pour les renseigner... Ils arrivèrent chez Stenkil, ferme superbe, en bois travaillé, avec un large balcon, découpé à jour comme une dentelle.
Les troupeaux mugissaient aux étables, mais dominant leurs voix graves, des cris, des sanglots s'échappaient de la maison.
Timides, ils entrèrent. Quoi qu'il y eût, ne fallait-il pas remettre au propriétaire le peu d'argent qu'ils avaient réalisé, et tenter encore une fois de l'attendrir, implorer un délai ?
Stenkil s'avança vers eux... Sur son froid visage, se lisait un désespoir profond. Bien qu'ils ne connussent pas la cause de sa peine, les solliciteurs eurent une lueur d'espoir : ils pensèrent que le chagrin de cet homme l'inclinerait à la pitié... Mais non.
"Allez au diable, répondit-il durement, sans leur laisser le loisir de s'expliquer ; que demain, dès le chant du coq, la ferme soit libre."
A quoi bon supplier davantage ?
Dans la grande salle qu'ils traversèrent pour sortir, ils virent dame Frédérika, femme de Bjorn, qui sanglotait et gémissait, assise sur un banc où deux robustes servantes la maintenaient de force.
"Mon enfant, mon beau petit Ragnar, où es-tu ?" criait-elle.
Soudain apercevant la mignonne Asta, toujours endormie sur l'épaule de sa mère :
"Oh ! cria-t-elle, pourquoi n'est-ce pas celle-là, plutôt que le mien !..."
Sten et Johanna tressaillirent, et leurs yeux s'emplirent de larmes devant cette douleur sans pareille.
Ils croyaient que le fils de Bjorn était mort ; mais ils apprirent bientôt que le petit Ragnar avait disparu depuis le matin, enlevé, soit par un voleur, soit, disait-on, par quelque méchant génie - car notre récit se passe au temps lointain où la terre et les airs passaient encore pour être habités par les génies et les fées.
Les pauvres sans asile se trouvèrent riches, en regardant leur cher beau trésor que la mère serrait plus près d'elle, et Sten dit :
"Les malheureuses gens !... ah ! que notre peine est minime, comparée à la leur !..."
Pour revenir chez eux, les Ekman traversèrent une forêt... Ils se hâtaient...
"La jolie perle brillante !" dit tout à coup Johanna en se baissant.
Sur la mousse, elle ramassa une merveilleuse petite chose, non point une perle comme elle le croyati, mais une pantoufle de clair cristal, si légère elle-même, qu'elle était accrochée à un brin d'herb qui ne penchait même pas sous la charge... Pâle d'émotion, Sten regardait.
"Oh ! ma femme, ne vois-tu pas que c'est là le soulier d'un elfe (ainsi nomme-t-on en Norvège les petits génies de l'air), qui l'a perdu en dansant... Grâce à ton heureuse trouvaille, nos misères vont finir... Notre fortune est faite !
- Oui, répondit-elle joyeusemetn, si un elfe perd sa pantoufle, il ne refuse rien à qui la lui rapporte... Mais ce génie, où le trouverons-nous ?
- Eveillons les échos voisin qui ne refuseront pas de le prévenir."
Sten réunit ses deux mains en cornet et cria à pleine voix :
"Pantoufle...
-Pantoufle ! répétèrent les échos...
-Trouvée..., cria Sten quand le dernier son fut éteint.
-Trouvée ! redirent les échos complaisants.
La forêt vibrait encore, lorqu'aux oreilles des deux époux résonna un tintement de clochette, entrecoupé de joyeux éclats de rire, en même temps qu'à leurs pieds la mousse s'imprégnait d'une lumière, d'où surgissait le génie. Il n'était pas plus long qu'un doigt de la petite main d'Asta ; il était beau à miracle, avec ses yeux brillants, son teint rose, sa chevelure blonde.
Un de ses pieds était chaussé d'une pantoufle semblable à celle que venait de trouver Johanna.
"Je m'appelle Tag, dit-il, d'une voix frêle, mais claire... Demain, dès que l'Aurore glissera à travers les nuages, je dois soutenir la traîne de son long manteau rose, et la suivre jusqu'au palais de la Fée du Jour, dont chaque matin elle entrebaîlle la porte du feu... Imaginez-vous la mine que j'eusse faite, un pied chaussé et l'autre nu... Il m'eût fallu ou mourir de confusion, ou consentir à vivre au fond de la forêt, en la seule société des bêtes fauves.
"Notre pouvoir réside en ces deux pantoufles, que nous recevons en venant au monde et que nul ne peut remplacer, et je cherchais vainement celle-ci depuis trois heures... Je veux que votre récompense soit merveilleuse... Venez avec moi au royaume des elfes : parmi tous mes trésors, vous choisirez... Mais rendez-moi d'abord ma pantoufle," ajouta-t-il gaiement !
Johanna lui rendit le mignon bijou, qu'il chaussa aussitôt...
Ses lèvres s'arrondirent et exhalèrent un léger souffle... Alors la forêt disparut, sans que Johanna et Sten comprissent si elle s'était évanouie, ou bien si, à la suite de Tag, ils avaient franchi l'espace avec une vitesse prodigieuse.
Maintenant, ils étaient au bord du lac, sur les eaux duquel s'ébattaient par milliers d'étincelants génies, fleurs vivantes, papillons lumineux, semblait-il.
"Que pas une syllabe ne s'échappe de votre bouche, leur recommanda Tag, ou bien les elfes vous retiendraient à jamais parmi eux."
Il dit, et s'élança sur le lac, suivi de Sten et de Johanna portant sa fille, qui, plus éveillée à présent qu'un petit coq au matin, ouvrait et refermait ses doigts menus pour saisir les capricieux papillons voletant autour d'elle.
Portés par une puissance surnaturelle, ils descendirent mollement au fond de l'eau et arrivèrent secs, reposés, dans un royaume merveilleux d'où les maisons étaient en diamants.
Ils serraient bien leurs lèvres afin que n'en sortît nul cri d'admiration.
Tag les conduisit en son palais, et là, il leur montra des pierreries, il leur offrit les honneurs, la royauté qu'ils ne voulurent point ; la science qu'ils dédaignèrent aussi, ne comprenant pas ce qu'ils en pourraient faire.
Eblouis, silencieux, ils ne se hâtaient point de choisir.
Et pourtant, ils étaient fixés : ils désiraient tous deux la fortune, non pas qu'ils fussent ambitieux ou avares, mais parce que toujours leurs peines étaient venues de la pauvreté, et aussi parce que l'argent, ils le savaient, fait éclore le bonheur, lorsqu'il coule d'une main charitable.
"Eh bien ?" interrogea Tag souriant.
Ils allaient enfin désigner un tas d'or, lorsque des cris d'enfants arrêtèrent leur geste...
A quelques mètres, couché sur le sol, un enfant pleurait, beau bébé de l'âge d'Asta. Ils s'approchèrent et reconnurent Ragnar, l'enfant disparu de Stenkil Bjorn, leur inhumain propriétaire.
Leurs yeux interrogèrent le génie.
"Oh, dit celui-ci en fronçant ses sourcils, ne vous inquiétez pas de ce marmot ; son père est un vilain homme, sa mère, une femme méchante ; tous deux m'ont chassé par leur méchanceté de leur maison dont j'étais le génie protecteur, et où, depuis des siècles, je veillais au bon état des étables et de la cuisine.. J'ai fait leur fortune, mais, puisqu'ils se montrent ingrats, je me venge..."
Aux yeux des parents d'Asta, les merveilles environnantes se voilèrent ; leur imagination les reporta soudain vers la grande salle où Frédérika se désespérait, appelant son fils.
Une même pensée leur vint sans qu'ils se fussent consultés, sans qu'ils eussent imploré la clémence de Tag, puisqu'ils ne pouvaient prononcer un mot... Johanna se pencha sur le bébé, l'enleva de son bras libre et le serra contre la petite fille. De tous les trésors de Tag, c'est celui-là qu'ils choisisssaient.
La nuit était noire, quand les époux Ekman frappèrent à la porte de Stenkil Bjorn... Johanna entra, marchant droit à la salle où pleurait toujours la mère, et posa le petit sur ses genoux en disant :
"Le voilà !..."
Quel cri de bonheur !... Les pauvres gens en furent réchauffés jusqu'au fond de l'âme, et quoiqu'ils regrettassent la fortune perdue, ils pensèrent qu'ils avaient bien agi.
Quand l'heureuse famille de l'enfant retrouvé voulut enfin remercie les sauveteurs, ceux-ci étaient loin. Point encore rendus, bien las, ils allaient sous le ciel sans étoiles, le coeur davantage serré à mesure qu'ils approchaient de leur demeure.
Mais quand ils entrèrent chez eux, écoutez ce qu'ils virent :
Le feu brillait dans l'âtre, un souper était servi, plus copieux qu'ils n'en eurent jamais... Dans les étables, vides le matin, on entendait de sonores mugissements.
Stupéfaits, il se demandait qui les fêtait ainsi, doutant presque que ce fût là leur humble ferme, lorsque, jaillie dans l'âtre, d'une pluie d'étincelles, la forme d'un elfe qu'ils connaissaient bien leur expliqua le mystère... Le feu arrêta ses crépitements, et la voix cristalline du génie dit joyeusement :
"Où demeure Tag, ne saurait régner le froid, l'obscurité et la misère... Je suis bien ici, j'y resterai cent ans au moins... Vite à table et bon appétit."

 


     20 juin
Le buisson qui marche
Un grand-père raconte à son petit-fils, appelé Poum, une aventure qui lui arriva, en Algérie, lorsqu'il était jeune soldat.
"Cette nuit-là, conta le grand-père, on me plaça en sentinelle dans un endroit découvert, derrière un roc qui m'abritait. On ne voyait sur la terre noire que de rares bouquets immobiles, des arbustes épineux. Le sergent me dit à voix basse :
"Comptez-les ! Combien en voyez-vous ?"
Je dis :
"Un, deux, trois ; j'en vois trois."
Le sergent fit :
"Remarquez bien leur place et rappelez-vous leur nombre. Si, à un moment de la nuit, vous en apercevez un quatrième, tirez dessus ! Ouvrez l'oeil et le bon !"
Le sergent partit et me laissas seul. Je t'assure, Poum, que cela me semblait bien singulier. J'avais entendu parler des ruses des Arabes, et la nuit dernière, la sentinelle qu'on avait placée de l'autre côté du camp, avait été égorgée. Je me dis : "Attention, il ne s'agit pas de s'endormir !" Et tu peux croire si je les regardais fixement, ces diables de buissons...
Si encore j'avais pu bouger ! Mais la consigne ! Tant il y a, qu'au bout de deux ou trois heures, comme on ne venait pas me relever, mes yeux commencèrent à se brouiller. Et tu sais, Poum, s'endormir devant l'ennemi, c'est un cas de conseil de guerre ! Je me mets donc à me pincer, je relève de temps en temps mes paupières avec le doigt, je me mords le pouce, je compte jusqu'à cent, et tout à coup, Poum, en regardant les buissons qui à cinquante mètres de là, semblaient me narguer...
Là, le grand-père prit un temps et Poum, d'attention, eut l'air de gober la lune.
- En regardant ces buissons, je me dis : "Il y en avait bien trois. Trois, oui ! Était-ce trois ou quatre ? Parbleu ! trois, j'en suis sûr. A moins que, ce petit, là-bas, je ne l'aie pas compté pour un !" Et voilà du temps qui s'écoule, la nuit qui se fait de plus en plus noire encore, et c'était légèrement long ! Mes paupières de nouveau redevenaient lourdes, je me pris la langue entre les dents et je serrai de toutes mes forces.
Ah ! ça ! est-ce que j'ai la berlue ? Il me semblait que je connaissais bien la place exacte de mes buissons. Et, d'abord, c'était quatre. J'aurai dû compter ce quatrième...
On dirait qu'il est plus près ! Attention, là ! serait-ce un de ces diables qui veut me jouer un tour ?...
Ah ! cette fois, j'ouvrais l'oeil sans avoir besoin de tabac à priser, car c'est ça qui réveille, Poum ! Et je constate bien la place de mes quatre buissons, et je retiens ma respiration, et je reste en arrêt, le doigt sur la détente de mon fusil...
Poum eut l'angoisse de l'homme qui avale une arête ; c'était sa salive qui ne passait plus.
- Le quatrième buisson, car c'est quatre décidément !... OH ! oh ! voilà qui est louche ! Est-ce que tu as vu des buissons qui marchent ? Non, n'est-ce pas ? Eh bien, il n'y avait pas de vent, et celui-ci remuait imperceptiblement, oh ! il fallait faire bien attention pour s'en apercevoir. Mais il rampait positivement, il rampait... Ah ! ah ! cela me donna envie de rire. Ah ! gredin, tu rampes ? Attends, attends un peu : Doucement, doucement, j'épaulai mon fusil, je visai au bas du buisson, je pris mon temps, et boumoûoûoufrrboumoûoûoufrr !! C'est comme un coup de tonnerre qui se prolonge pendant cinq minutes, tandis que je m'élance à la baïonnette ! Ah ! Poum, si tu avais vu ! Fauché, le buisson ! gisant le paquet de branches, et à côté, râlant, qui ? Un grand diable d'Arbi (1), presque nu, avec un couteau entre les dents, qu'il serrait en se roulant dans des convulsions de rage. Je l'ai achevé d'un coup de baïonnette, Poum, et le lendemain j'étais nommé caporal.

 


     23 juin
On était en 1786, une troupe joyeuse d'enfants prenait ses ébats sur la grade place d'un village de la Haute-Vienne, nommé Pierre-BuffièrePierre-Buffière. C'était à la sortie de la classe ; déjà les parties s'organisaient, avec les appels et les cris ordinaires. L'un voulait jouer aux billes, l'autre au cheval fondu, un troisième penchait pour les barres. Une fillette de neuf ans, à l'air déjà très raisonnable, qui passait par là, voulut essayer de les mettre d'accord ; mal lui en prit.
"Holà ! Tiennette ! de quoi te mêles-tu ? cria l'un.
- De ce qui me plaît.
- Va donc plutôt raccommoder ton jupon que tu as déchiré en cherchant des prunelles dans les buissons, au lieu d'aller à l'école.
- Ça, c'est mon affaire et non la tienne, Mathieu.
- Eh bien ! mêle-toi également de ce qui te regarde, clama un troisième, un gros garçon nommé Michel, dont tous les autres avaient peur. Allons, file !"
Déjà il avait pris la fillette par les épaules et se disposait à la malmener, lorsque ses camarades  lui crièrent :
"Prends garde, Michel, voilà Guillaume !"
Celui qu'on appelait ainsi accourait en effet et, quoique d'apparence plus délicate, se ruant sur le gros garçon, lui criait :
"Veux-tu lâcher Etiennette ! qu'est-ce qu'elle t'a fait ?"
Michel, assailli par le nouveau venu, lâcha la petite, qui se sauva chez elle. C'était tout ce que voulait Guillaume ; pourtant la bataille n'en continuait pas moins, et elle allait devenir générale, lorsqu'une voix cria du bord de la route :"Hé ! voilà un régiment !"
Le silence se fit, comme par enchantement, et l'on entendit en effet les sons d'une marche guerrière.
Bientôt, tout le village fut en émoi. Les femmes du village, surprises au milieu de leur travail, avaient laissé les bêtes en liberté, si bien qu'au bout de quelques minutes, un troupeau de moutons, affolé par le bruit, vint se jeter dans les jambes des chevaux, mettant le désordre dans toute la troupe. Un cheval se cabra et jeta son cavalier par terre, d'une façon si malheureuse qu'en l'aidant à se relever on s'aperçut qu'il avait la jambe cassée en deux endroits.
Une halte fut ordonnée aussitôt, et le chirurgien-majour, mettant pied à terre, s'approcha du blessé.
Celui-ci pestait et criait comme un beau diable :
'"Satanés moutons ! me voilà bien. Au moment où une campagne va s'ouvrir, je vais être forcé de rester à l'ambulance, pendant que les camarades seront à la fête.
- Diable ! dit le chirurgien, son examen terminé, c'est la jambe que je t'ai déjà raccommodée, mon ami, mais cette fois je crois qu'il faudra la coupe.
- Eh bien, dépêchez-vous, major, dit le soldat, et que la besogne soit vite faite."
Sur un signe du chirugien, quelques soldats transportèrent le blessé dans la première chaumière qui se trouva sur leur chemin, et ils le déposèrent sur un lit.
Les enfants, curieux, comme toujours, suivaient le triste cortège ; mais le chirurgien les empêcha de pénétrer à l'intérieur.
Un seul trouva moyen de s'y glisser ; il est vrai qu'il entrait chez lui. C'était un garçon de huit à neuf ans, aux cheveux blonds, aux yeux très vifs. Il se plaça adroitement près de la table, où se trouvèrent bientôt étalés toute sorte d'instruments, la charpie, les bandes.
Le major, assisté de deux aides, se mit à la besogne, sans avoir remarqué la présence du petit bonhomme.
L'opération faite, sans que l'amputé ait jeté un cri, le chirurgien demanda :
" Des bandes maintenant.
- Les voici," répondit une petite voix.
Tournant la tête, le praticien dit avec humeur :
"Que fait cet enfant ici ? emmenez-le.
- Non, répondit la voix devenue plus ferme, je veux voir jusqu'à la fin.
- Cela t'amuse donc, petit ? demanda le soldat.
- Non, mais cela m'étonne de voir un soldat couper une jambe, sans trembler, et l'autre se laisser faire sans crier."
Cette fois le chirurgien, étonné de la riposte, se retourna et demanda :
"Comment t'appelles-tu, mon garçon ?
- Guillaume.
- Que fait ton père ?
- Il écrit beaucoup de choses sur des feuilles de papier ; il plante les choux et les salades dans le jardin, et il va aussi ramasser du bois mort dans la forêt. Tout cela fait qu'il n'a pas le temps de s'occuper de moi.
-Hé, voilà bien des choses qui ne s'accordent guère ; enfin, si cela lui rapporte ?...
- Pas grand'chose, puisque maman dit que nous sommes trop pauvres pour payer le maître d'école, et je voudrais tant savoir lire !...
- Que comptes-tu donc faire, lorsque tu sauras lire ?
- Je veux devenir médecin.
- Alors si je t'apprenais à lire, que me donnerais-tu ?
- Rien maintenant, puisque je suis pauvre, mais je vous servirais, je vous obéirais, je préparerais les instruments, les bandes, la charpie. Oh ! je serais si heureux.
- Malheureusement, mon cher petit, tu ne sais pas que, dans une heure, je vais partir très loin, dit le major touché, malgré lui, de cette idée fixe chez un enfant aussi jeune.
- Eh bien, emmenez-moi ! supplia Guillaume.
- Et ton père, et ta mère ? Tu veux donc les quitter ?
- Je reviendrai quand je saurai lire.
- Petit ingrat !" fit une voix derrière l'enfant.
Il se retourna et vit son père qui venait prendre des nouvelles du blessé ; car, ainsi que nous l'avons dit, c'était dans la chaumière du père de Guillaume qu'on avait transporté le soldat. Cet homme était un ancien avocat au parlement ; ayant, pour de graves raisons, dû abandonner sa place, il se trouvait obligé de vivre dans ce village, en plantant lui-même ses choux et ses salades, ainsi que le disait monsieur son fils.
"Major, je vous prie d'excuser le bavardage de cet enfant, dit le nouveau venu.
- Monsieur, dit le chirurgien, votre enfant ne m'a nullement gêné et ses discours m'ont étonné, venant d'un garçon aussi jeune. Je puis me tromper, mais ma conviction est que ce petit vous fera honneur un jour.
"Parlons maintenant, reprit-il, du camarade que je vais être obligé de vous laisser : je suis persuadé que les soins ne lui manqueront pas ; mais vous n'êtes pas riche...
- Peu importe, monsieur, s'empressa de répondre l'ancien avocat, ce soldat est notre hôte, vous n'avez rien à craindre."
Après quelques recommandations dernières, le major, se tournant vers le jeune garçon, qui ne perdait pas un seul de ses mouvements, lui donna une caresse en lui disant : "Adieu, mon petit Guillaume !"
Il sortit ensuite de la chaumière et se disposait à sauter sur son cheval, tenu en bride par un soldat, lorsqu'il se sentit tiré par son habit. En même temps une petite voix disait :
"Vous savez, monsieur, que c'est convenu, vous m'emmenez avec vous.
- Mais pas du tout, il n'y a rien de convenu, mon petit, je n'ai pas dit oui."
Le major rejoignit le régiment déjà en marche.
Un instant Guillaume demeura immobile sur le seuil ; puis, prenant une résolution soudaine, il dit à mi-voix :
"Adieu, mon père ! adieu, maman !... vous me reverrez quand je serai riche !..."
Et voilà Guillaume de nouveau sur la place du village, passant près de ses petits camarades, sans même les regarder.
Mais il ne tarda pas à être rejoint par une fillette de son âge, qui, l'ayant vu partir, si décidé, courait derrière lui, en criant :
"Guillaume !... Guillaume ! Où vas-tu ? attends-moi, réponds-moi. J'ai à te parler...
-A quoi bon ? je n'ai pas le temps, ne me retarde pas, Etiennette, je pars loin, loin, adieu !..."
Cependant, Etiennette, jetant ses deux bras autour du cou de son petit ami, s'écria à travers ses sanglots :
"O Guillaume, que tu es méchant de me faire tant de peine !... Dis-moi que ça n'est pas vrai, ce que tu viens de dire, que tu ne veux pas partir.
- Rien de plus vrai, au contraire ; j'en ai assez d'être pauvre et de rester ignorant... et maintenant, adieu ! laisse-moi. Aie bien soin de ma mère ; va tous les matins la voir, faire ses commissions.
- Je te le promets !"
Lorsque l'enfant disparut au tournant du chemin, Etiennette, à bout de courage, n'essaya pas de le poursuivre ; s'asseyant sur le talus de la route, elle cacha sa figure dans son tablier et se mit à pleurer à chaudes larmes.
Les deux enfants, étant voisins, avaient été élevés ensemble, absolument comme frère et soeur. Leurs jeux étaient communs, et que de fois Guillaume avait pris, ainsi qu'on l'a vu, la défense de la fillette contre les méchants garçons du village.
Guillaume avait le coeur gros en la quittant, mais il avait continué de courir et avait rejoint le major.
"Comment ! c'est toi, petit, que me veux-tu encore ? dit celui-ci en le reconnaissant.
-Je veux vous suivre, ne me repoussez pas !...
- Voilà un enfant qui a de la volonté, ce sera un homme, remarqua un officier ; il mérite que l'on s'intéresse à lui."
Le chirurgien réfléchissait.
"Bah ! je n'ai pas de famille, dit-il enfin, cette bonne action me tente... Allons ! viens, petit !... Qu'on l'aide à monter en croupe derrière moi. Je m'arrangerai pour faire prévenir ses parents."
Lorsque Guillaume fut installé près de son nouvel ami, celui-ci reprit :
"J'espère bien que si je t'apprends à lire, de ton côté tu apprendras à m'aimer un peu ?
-Oh ! pour ça, je le sais déjà," répliqua l'étonnant petit homme.
Le major n'eut jamais à regretter ce bon mouvement.
Guillaume, mis au collège par ses soins, fit des progrès surprenants. Ce n'était pas un enfant ordinaire ; pour lui, les obstacles n'existaient pas ; il voulait arriver et il arriva, car il avait la décision qui fait tout surmonter.
Maintenant voulez-vous savoir le nom de cet enfant ? Il s'appelait Guillaume Dupuytren, et il fut l'un de nos plus célèbres chirurgiens français.

 


     20 juillet
La goutte d'eau
Vous savez ce que c'est qu'une loupe ? un grand verre rond qui grossit les objets et les fait paraître cent fois plus volumineux qu'ils ne le sont en réalité. Quand on la tient à la main, et qu'on s'en sert pour regarder une goutte d'eau prise dans l'étang, on voit des milliers d'animaux extraordinaires qui s'y meuvent. On ne se douterait pas, à l'oeil nu, de leur présence dans l'eau et pourtant ils s'y trouvent en vie, cela n'admet pas de doute. On dirait une grande terrine pleine de crabes qui montent les uns sur les autres et sont si voraces qu'ils s'arrachent les bras et les jambes et tous les appendices, ce qui n'ôte rien à leur gaieté, car ils paraissent s'amuser beaucoup.
Or, il y avait une fois un homme que tout le monde appelait Cribble-CrabbleCribble-Crabble, et c'était bien son nom. Il voulait toujours avoir la meilleure part de tout, et quand on ne la lui donnait point, il se l'appropriait par sorcellerie.
Un jour, il s'assit à sa table et prit son verre grossissant et se mit à considérer une goutte d'eau qu'il avait prise dans le fossé. Non, vous n'avez pas idée de ce qui grouillait là dedans. Tous ces milliers d'infusoires allaient, venaient, couraient, sautaient, bondissaient, se saisissaient, de déchiraient, s'entredéchiraient.
- C'est affreux, s'écria le vieux Cribble-CrabbleCribble-Crabble, comme si l'on ne pouvait vivre en paix et en repos tous ensemble, et s'entendre pour que chacun reste tranquillement chez soi ou tout au moins ne dépasse pas le seuil de sa porte !
Il réfléchit et réfléchit longtemps comment il s'y prendrait pour mettre ces animalcules à la raison, et voyant qu'il n'y réussirait point par les bons conseils, il se dit :
- Je vais les mettre en couleur, comme cela, ils seront plus reconnaissables.
Il versa donc dans la goutte d'eau un peu de liquide rouge qui avait l'apparence du vin, mais c'était en réalité du sang de sorcière de la plus fine qualité, dont une seule goutte valait un gros écu. Aussitôt, tous les petits animaux se colorèrent si vivement que l'on eût dit d'une ville indienne où les rues sont pleines de Peaux-Rouges tout nus.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda en ce moment en entrant un sorcier qui n'avait pas de nom, ce qui le rendait encore plus mystérieux.
- Si tu peux le deviner, répondit Cribble-CrabbleCribble-Crabble, je te le donne, mais ce n'est pas facile, quand on ne le sait pas.
Le sorcier qui n'avait pas de nom prit la loupe et regarda à son tour.
Jamais il n'avait eu sous les yeux un spectacle pareil. Il voyait tout une population de gens sans habits, sans chemise, aussi nu que des vers, et plus nombreux que les habitants de la plus grande ville. C'était hideux, et ce qu'il y avait de plus hideux encore, c'était de les voir se jeter les uns sur les autres, s'étreindre, se renverser, se piétiner, se mordre, de déchirer tour à tour. Ceux qui étaient dessous montaient dessus, ceux qui étaient dessus retombaient dessous.
- Voyez, voyez, il a la jambe plus longue que la mienne. Crac ! la voilà arrachée.
En voilà un qui a une petite excroissance derrière l'oreille, une toute petite excroissance bien innocente, mais assez grande pour attirer l'attention des autres. En un clin d'oeil on se rue sur lui, on lui enlève l'excroissance et on la mange. En voici un autre qui se blottit dans un coin avec la timidité d'une jeune fille et n'ose pas faire un mouvement de peur de se trahir. Mais on l'aperçoit et des centaines de furies s'emparent de la pauvre jeune fille, la mettent en pièces et la dévorent.
- C'est très extraordinaire ! dit le sorcier qui n'avait pas de nom.
- Oui, mais qu'est-ce que c'est ? demanda Cribble-CrabbleCribble-Crabble, le devines-tu ?
- Le deviner, répondit l'autre, rien n'est plus facile. C'est évidemment une grande ville, Paris, Berlin, Londres, New-YorkNew-York. Une des quatre ?
- Non, dit Cribble-CrabbleCribble-Crabble en souriant, c'est une goutte d'eau qui vient du fossé.
Au même moment on entendit dans la rue un vacarme. Cribble-CrabbleCribble-Crabble mit le nez à la fenêtre et vit deux gamins qui se battaient à grands coups de poing.
- Ils ne sont pas plus sages que les animalcules de la goutte d'eau, dit-il.
Et il alla se replonger dans ses études.

 


     23 juillet
Cupidité
Il était joyeux, la figure bouffie d'aise, son petit oeil gris pétillant, son crâne ivoirin avait même une teinte rosée qui contrastait avec sa couronne de cheveux très blanc, tant le sang lui affluait aux joues.
Il arpentait vivement le petit salon d'acajou, tendu en reps grenat, un meuble laid, affreux, faisant des écarts de poitrine en homme qui a bien gagné sa journée, jetant ça et là des regards dédaigneux sur ces pauvres fauteuils et ces chaises piteuses. Et dans sa promenade impatiente, s'arrêtant tous les dix pas, pour souffler bruyamment.
Tout à coup, on sonna. Vite, il alla ouvrir.
- Monsieur Staffe ?
- Ah ! c'est vous ! répondit-il d'une voix pressée. Tenez.
Il fit entrer au salon un gros homme, bedonnant, haut en couleur, parlant rogomme, puant la brocante à plein nez.
- C'est ça les meubles ? interrogea ce dernier, en enfonçant le poing dans le canapé... Camelot rembourrée en noyaux de pêche... Ensuite.
M. Staff le conduisit dans la chambre à coucher, autre vieillerie, puis dans la salle à manger.
- Quoi que vous en disiez, monsieur Rouchy, ça vaut encore son prix.
- Bon ! bon ! reprit le marchand de meubles, j'en vends de meilleurs que ça et pour moins d'argent que vous n'avez payé. Est-ce tout ?
- Non, répondit M. Staffe, il y a encore une pièce.
Et il introduisit Rouchy dans une chambre tendue en perse bleue à fleurettes blanches garnie d'une commode, d'une armoire à glace, d'un lit en pitchpin et de deux causeuse ; un nid d'oiselle, bien pauvre, mais d'une fraîcheur éclatante, d'une attirante séduction.
Au mur, en face du lit, une bibliothèque étagère : trois rayons garnis de livres ; et sur la cheminée une potiche achetée aux magasins du Louvre, de laquelle un lis émergeait avec fierté d'une touffe d'héliotrope.
Le Juif, l'air gouailleur, détaillait cette retraite, essayant les fauteuils, fouinant sur la commode, sur le marbre de la cheminée, lisant à mi-voix le titre des volumes avec des intonations goguenardes, Rouchy murmurait :
- Pas cher... Pas cher... vous avez bien mal meublé votre colombe, monsieur Staffe.
- Eh ! eh ! ma fille s'en contentait, monsieur Rouchy, répondit M. Staff.
Rouchy haussa les épaules. Sans façon, il s'assit sur le lit virginal, chastement drapé, et dansa sur le matelas.
- Si elle s'en contente, c'est qu'elle n'est guère douillette, ricana Rouchy. Enfin !... Et combien voulez-vous de ce bazar ?
- Hum ! hum ! fit M. Staffe.
Et il compta sur ses doigts, supputant un à un les chiffres de son estime à mi-voix.
- Deux mille francs, dit-il enfin.
- Deux mille francs ! exclama Rouchy en se redressant brusquement. Y a rien d'fait.
- Combien offrez-vous donc ?
- Deux cents francs, répondit Rouchy.
- Deux cents francs ! deux chambres à coucher, un salon, une salle à manger et une batterie de cuisine !
- Ta, ta, ta, ta... un tas de vieilleries dont je ne tirerai pas trois cents francs au détail... Deux cents francs, pas un sou de plus.
- Mais...
- Si ça ne vous va pas, adressez-vous à mon voisin, vous verrez s'il est plus large.
- Donnez au moins cinq cents.
- Jam' de lav' !... Tout ce que je puis faire, c'est de régler comptant... sur le vu de la dernière quittance du propriétaire et si le terme est payé d'avance.
- Il est payé ! riposta orgueilleusement M. Staffe.
- Alors, affaire conclue ?
- Il le faut bien, nous partons dans une heure.
- Pour l'Amérique ? goguenarda Rouchy.
- Non, pour Toulouse. Une vieille parente veut nous avoir près d'elle.
Rouchy ne répondit pas. Il compta dix louis à M. Staffe.
- Dans dix minutes j'envoie mes hommes.
- Entendu.
Annette était rentrée, en plein déménagement. A la vue de ces hommes qui bouleversaient la maison, elle avait ressenti un grand serrement de coeur.
Elle avait courut droit à son père, inquiète.
- Qu'est-ce donc ?... Quel malheur... Que veut dire ?
Et lui, redevenu radieux, l'attira dans un coin, et calma ses transes.
- Nous partons... une affaire impérieuse... Un malheur ! tu verras. Là-bas, nous nagerons en plein bonheur. Nous sommes riches.
- Riches ! répéta-t-elle, stupéfaite par la magie de cette fortune instantanée.
- Oui, riches... Je t'expliquerai tout cela plus tard, en route... Pour le moment tu n'as que le temps... Jette un peu de linge et des vêtements de rechange dans cette malle...
- Mais, elle ne contiendra jamais tout !
- Tout ? qui parle de tout ? Ne prends que ce qu'il faut pour un voyage de quelques jours...
Annette obéit tristement, navrée de voir ces vieilleries au milieu desquelles elle était née, s'en aller, brutalisées par les gens de Rouchy.
A présent la malle était pleine, fermée.
Le petit appartement vide montrait la nudité des murs aux papiers passés et lacérés dans une location de cinq ans.
Annette n'avait plus que son chapeau à mettre et son water-proof à prendre.
- Allons dépêchons ! disait M. Staff, qui devenait nerveux.
- Voilà, mon père...
Tout à coup la porte s'ouvrit violemment, et un homme entra.
- Monsieur Bertin ! s'écria Annette.
Sans lui répondre, M. Bertin sauta au collet de M. Staffe, s'écriant d'une voix haletante :
- Vous êtes un voleur... un voleur... un voleur !...
Il secoua M. Staffe comme un prunier, lui serrant durement la cravat au point de l'étrangler. Puis brusquement :
- Mes trois cent mille francs...
M. Staff, qu'il venait de lâcher, voulut dire un mot.
- Mes trois cent mille francs, ou...
Et il ajouta rudement :
- Les agents sont à la porte.
M. Staff ne répondait pas. Très pâle, il regardait M. Bertin avec des yeux fixes, striés de lueurs étranges, des yeux de fauves décidés à ne pas lâcher leur proie.
Affreusement angoissée, Annette s'approcha de lui. Et d'une voix douce qui tremblait :
- Vous avez pris trois cent mille francs à M. Bertin...
M. Staff demeura muet.
- Oui, mademoiselle, oui... il a guetté le moment... pour sûr depuis près de trois ans... C'est horrible, voyez-vous... il avait toute ma confiance... il tenait ma caisse... répondit M. Bertin.
- Rendez ! prononça durement Annette.
- Rendre !... Allons donc ! s'écria le caissier en se précipitant sur son patron.
Annette se jeta entre eux, répétant encore :
- Rendez !...
- Jamais.
- Soit ! dit-elle, c'est moi qui vais appeler les agents.
- Tu dénoncerais ton père !
- Je n'ai plus de père... et, heureusemetn, ma mère est morte.
M. Staff ne broncha pas. Il serrait convulsivement ses bras contre sa poitrine, comme pour défendre le produit de son vol.
Lentement Annette s'approcha de la fenêtre et l'ouvrit ; puis se tournant vers son père :
- Rendez !... ou sur la mémoire de ma mère, j'appelle.
Alors, blême, la rage au coeur, le fiel crevé, M. Staffe desserra son bras, déboutonna sa redingote, tira un gros portefeuille de sa poche et le tendit à M. Bertin. Celui-ci eut un cri de triomphe.
- J'échappe à la faillite...
Et il compta les billets, fièvreusement.
- Il y adeux cents francs de trop, dit-il à M. Staff. Les voici.
- Qu'est-ce que vous voulez que je fasse de ça ? répondit brutalement ce dernier en repoussant violemment sa main.
M. Bertin ouvrit la bouche pour répondre. Un sanglot lui coupa la parole. La fière jeune fille pleurait. Doucement il s'approcha d'elle.
- Mademoiselle... je suis sauvé, grâce à vous !... Votre père ne sera pas inquiété... Mais comme je ne puis le reprendre, si vous vouliez me le permettre, pour attendre des jours meilleurs...
- Merci, monsieur, dit-elle avec simplicité. Les deux cents francs qui nous appartiennent suffiront...
Et fléchissant les genous, d'une voix étranglée :
- Merci pour votre générosité envers mon père.
A présent, ils étaient seuls. Le père farouche. La fille sévère et désolée à la fois.
Annette voulut parler. M. Staff lui jeta un coup d'oeil courroucé. Puis, oscillant sur lui-même, il s'effondra sur la malle, la tête entre ses mains, désolé.
- Père, fit doucement Annette en posant la main sur son épaule, du courage ! Il est des faiblesses qui se pardonnent...
- Ruiné ! Ruiné !
- Ruiné ? reprit-elle, nous n'avions rien.
M. Staff eut un ricanement lugubre.
- Ni avant, ni après.
- Si dit-elle, il nous rest l'honneur.
M. Staff releva la tête.
- L'honneur... et deux cents francs... Triste blague ! J'aime mieux trois cent mille francs.
- Père, je t'en supplie...
- Tais-toi... Tu es cause de tout. Sans toi ! je le tuais et  nous avions le temps de partir.
- Oh ! fit-elle.
Et elle tomba à ses genoux, suppliante, le priant avec des larmes et des explosions tendres ; mais lui, de plus en plus farouche, la repoussait avec des violences croissantes, son reproche à la bouche : L'honneur, une blague...
Une blague ! Elle priait toujours. Elle cherchait à l'embrasser étroitement. A la fin, féroce, il la repoussa si rudement qu'elle tomba.
Lorqu'elle se releva, du sang coulait de son front. Elle revint près de M. Staff.
-Une fille pardonne à son père, j'ai pardonné.
- Grand merci.
- Mais une honnête femme ne consent pas à porter le nom d'un voleur.
Monsieur Staff ricana.
- Non, jamais ! dit Annette en marchant droit à la fenêtre. Non, jamais !
Et d'un élan violent, elle s'élança en murmurant :
- Ma mère !
Il y eut en bas un grand bruit mat.
Annette était morte.

 


     20 aout
Coyote et le soleil
C'était au temps où il se passait sur terre des choses que nous avons peine à comprendre aujourd'hui.
Dans ce temps-là, le pays de l'Ouest, que traverse la Sierra Nevada, était plongé dans une obscurité profonde. Le soleil n'y brillait jamais, et, parce qu'il n'y avait pas de soleil, on n'y trouvait ni fleurs, ni fruits, ni chansons, ni gaieté : tout y était triste, morne et lent.
C'est là que vivait un grand chasseur. Il s'appelait Coyote. Entraîné par la chasse, il s'aventura un jour loin, très loin, et arriva dans une région qui lui sembla merveilleuse. Là, le soleil éclairait la terre pendant le jour, la lune brillait pendant la nuit. Il y avait des fruits et des fleurs sur les arbres, dans les buissons, et jusque sur le bord des rivières et des étangs ; les plumes des oiseaux étaient de couleurs éclatantes : bleu, jaune, rouge, Ceux-ci chantaient dès l'aube jusqu'au crépuscule, et les enfants et les femmes chantaient aussi.
Revenu chez lui, Coyote raconta au vieux chef ce qu'il avait vu, mais le vieux chef, qui ne pouvait s'imaginer de telles chose, ne le crut pas ; aussi Coyote, dont le cerveau se trouvait de nouveau peu à peu engourdi par l'obscurité, Coyote en vint à douter lui-même de ce qui était arrivé.
Voulant toutefois en avoir le coeur net, il décida, un beau matin, d'essayer de retourner vers ce pays enchanteur, pour s'assure que ce qu'il avait raconté de si bonne foi existait vraiment.
Il reprit don le même chemin, traversa les montagnes, les forêts, la grande prairie. Il revit les fleurs, les fruits, les oiseaux, les enfants heureux et le soleil qui semblait présider une fête continuelle. Plus de doute. Tout cela était réel. Ce n'était ni un rêve, ni une invention.
Revenu dans ses montagnes obscures, il raconta donc, de nouveau, son histoire.
Il la raconta à tous ceux qui voulaient l'entendre, mais nul ne pouvait comprendre. On le croyait un peu fou et on commençait à le tourner en ridicule.
Coyote, lui, ne pouvait oublier. Le souvenir de cette lumière brillante, de cette douce chaleur et de la gaieté devenait une obsession. Non seulement il pensait au soleil pendant le jour, mais il croyait le voir même pendant la nuit.
N'y tenant plus il partit de nouveau, résolu à rapporter chez lui cet astre merveilleux, capable de faire de si belles chose. Pour la troisième fois, il quitta ses montagnes.
Arrivé au bout de son voyage, il se cacha dans un buisson et, de là, pendant plusieurs jours, épia soigneusement ce qui se passait.
Il découvrit que, pendant la nuit, le chef du village gardait le soleil chez lui. C'est d'ailleurs chez qu'il gardait aussi la lune.
Un soir donc, Coyote, voyant revenir la femme du chef, se transforma en branche d'arbre bien sèche, après s'être placé au beau milieu du chemin, à quelques pas de la demeure.
La squaw se baissa, ramassa la branche et l'emporta.
"Voilà, pensa-t-elle, de quoi allumer mon feu."
C'était exactement ce que souhaitait Coyote.
Une fois dans la place, il se tint bien tranquille, mêlé au bois qui devait servir le lendemain à l'aube. Il vit entrer le chef. Celui-ci tenait à la main le soleil qu'il posa près de lui, à la place de la lune que sa femme emporta pour l'accrocher dans le ciel, comme elle le faisait chaque soir.
Tout était tranquille. Bientôt le chef, fatigué par une journée de chasse, s'endormit. Sa femme rentra, se coucha à côté de lui et s'endormit à son tour.
Lorsqu'il fut certain que tous deux étaient plongés dans un profond sommeil et ne pouvaient pas l'entendre, Coyote reprit sa forme primitive, saisit le soleil, sortit de la hutte le plus doucement possible et, une fois dehors, se sauva à toutes jambes.
Malgré ces précautions, il avait dû faire un peu de bruit en partant, car le chef se réveilla. Il s'aperçut immédiatement du vol, sortit en hâte, appela ses hommes, qui tous se mirent à la poursuite du voleur. Mais Coyote courait si vite que l'on finit par perdre sa trace.
Revenu dans ses montagnes, il montra le soleil à ses amis et au chef de la tribu. Ni celui-ci, ni aucun autre d'ailleurs, n'avait jamais rien vu de semblable. Le chef toucha du pied la boule éblouissante et demanda :
- A quoi cela peut-il servir ?
- Cela va servir à nous donner de la chaleur et de la lumière, répondit Coyote. Nous allons le faire marcher haut dans le ciel, afin que toute la terre puisse en profiter.
Et Coyote monta sur la plus haute des montagnes. Il lança le soleil au-dessus des nuages et lui ordonna de traverser le soleil de l'Est à l'Ouest pendant le jour.
C'est depuis ce temps-là que le soleil nous prodigue à tous ses rayons, sa chaleur et sa lumière.

 


     23 aout
Pour douze oranges
Le 1er novembre 1755, Dona Maria Corazon, la veuve d'un opulent armateur de Lisbonne, assistait, dans les arènes de cette ville, à des courses de taureaux. Assise à l'une des meilleures places, elle suivait avec une attention passionnée les péripéties du dramatique combat. Mais juste au moment où le matador allait enfoncer son épée entre les cornes de la bête - moment solennel et que l'assistance entière attend en frémissant - voilà qu'une petite marchande d'oranges, fillette de treize ans qui se nommait Juana, descendit les gradins d'un pas agile, et, s'approchant de Dona Maria, lui dit : "Voulez-vous des fruits, belle dame ?" La veuve repoussa doucement l'enfant, et, les regards fixés sur l'arène, elle murmura : "Non, non, tout à l'heure !". Puis, comme Juana insistait, la spectatrice perdit patience, et, se retournant brusquement, fit rouler d'un coup d'éventail les oranges de la vendeuse. Cette action ne dura qu'une seconde, mais il n'avait pas fallu plus de temps au matador pour abattre le taureau. L'animal gisait privé de vie, et le cirque retentissait d'applaudissements frénétiques. La course était finie ; le public quittait l'enceinte.
Dona Maria, personne vive mais bonne, chercha Juana, qu'elle connaissait bien, car souvent, par charité, elle lui achetait ses denrées. Déjà elle se sentait triste et honteuse de s'être montée violente, et elle avait hâte de réparer ses torts. "Où donc, pensait-elle, est la pauvrette ?" La pauvrette avait disparu. A son tour, la riche dame s'éloigna,et, montant dans son carrosse, elle rejoignit le superbe hôtel qu'elle habitait sur les bords du Tage.
Dès qu'elle fut rentrée, elle appela son intendant.
"Eh bien ! Pérez, toujours pas de nouvelles ?
- Pas de nouvelles.
- Depuis combien de temps le San Salvador est-il en route ?
- Voilà vingt-huit mois que notre navire est parti.
- Faut-il vingt-huit mois pour aller aux Indes et revenir ?
- Assurément non.
- Alors ?...
- Alors, Madame, le doute n'est plus possible. Un naufrage...
- Douce Vierge, combien je plains les matelots !... De si braves gens !
- Et un si beau vaisseau tout neuf ! Une cargaison pareille ! Vous aviez ordonné au capitaine de rapporter des épices, des cuirs, des étoffes orientales, de bois précieux, de la poudre d'or... Que sais-je ?
- Fi ! ne parlez pas de cela, Pérez ! Je ne regrette, moi, que mes courageux marins ; je pleure sur eux, sur leurs femmes, leurs enfants...
- Oui, oui, cela est triste. Mais comment oublierai-je, moi votre intendant, que, si le San Salvador avait eu une heureuse traversée, votre fortune était presque doublée ?
- Ah ! j'ai bien assez d'argent !... Vous me donnerez la liste de tous ceux qui se trouvaient à bord du navire, et j'indemniserai les familles des victimes. Maintenant, donnez des ordres pour que ma voiture se tienne à la porte. Je sors. Je vais dîner chez Sa Seigneurie le Gouverneur."
Tandis que l'on causait ainsi dans l'hôtel de Dona Maria, la petite Juana parcourait les quais de la ville, et, tout en offrant des oranges aux gens qui flânaient le long du fleuve, elle se demandait intérieurement : "Pourquoi cette dame, d'ordinaire si affable, a-t-elle renversé mon panier ? Lui aurai-je déplu sans m'en douter ? J'en serai fâchée, car je l'aime bien."
Des larmes mouillaient les yeux de l'enfant, mais elle les refoulait vite pour sourire aux chalands, qu'elle abordait avec beaucoup de grâce et de politesse.
Elle papillonnait ainsi d'un groupe à l'autre, lorsque tout à coup - oh ! ce fut une stupeur que les mot sont impuissants à exprimer ! - le sol trembla, craqua, se fendit. Une formidable secousse agita la cité entière ; de profondes crevasses s'entr'ouvrirent sous les pieds des promeneurs, et beaucoup y furent engloutis... Le Tage soulevé lança contre son rivage des vagues énormes et furieuse. Alors les vaisseaux, dont les chaînes se brisent, tourbillonnent, se heurtent et sombrent. Des milliers de maisons croulent à la fois. Les clochers vacillent, penchent et s'abattent ; les frontons des édifices, entraînés par la chute des colonnes, sont précipités à terre.
Un fracas prodigieux accompagne cette ruine soudaine. La poussière des décombres obscurcit l'air. On entend des cris déchirants, des appels, des lamentations. Ceux qui sont sains et saufs, pétrifiés par l'épouvante demeurent à la même place, haletants, demi-morts.
Cette horrible tremblement de terre qui détruisit plus de la moitié de Lisbonne, et qui coûta la vie à 30 000 personnes, avait épargné Juana, qui, le premier instant de terreur et d'égarement passé, se dirigea vers son logis. Elle avançait, glissant entre les pierres éboulées, les poutres tombées des toits, les arbres déracinés. Quel spectacle !... Aux débrit des murailles étaient mêlés des meubles ou plutôt des fragments de meubles. Le feu qui brûlait dans les âtres avant la catastrophe, commençait, en maints endroits, à se communiquer aux boiseries et aux chevrons qui jonchaient les rues, et les flammes rougissaient le nuage que formait la poussière.
Pourtant la marchande d'oranges continuait son chemin : elle était brave et résolue !
Mais la voilà qui s'arrête, palpitante... Devant un hôtel effondré, près d'une voiture aplatie sous le poids d'un chapiteau de marbre, elle aperçoit une femme gisante. "Dona Maria" s'écria-t-elle. Elle approche. Dieu soit loué ! la bonne dame respire encore et ne semble même pas blessée. La fillette devine que le cataclysme s'est produit juste au moment où Dona Maria entrait dans son carosse, et qu'elle s'est évanouie de peur. La marchande d'oranges cherche de l'eau ; elle finit par en trouver ; elle baigne le visage de la veuve, et lui prodigue des soins si dévoués, si actifs que bientôt elle ouvre les paupière. "Où suis-je ?" bégaye-t-elle. Peu à peu elle se souvient de ce qui est arrivé, elle comprend qu'un désastre inouï, une convulsion du sol a bouleversé Lisbonne, elle reconnaît Juana.
"Suis-je donc sauvée ? demande-t-elle faiblement.
- Oui, oui, vous l'êtes.
- Par toi, mon enfant. Mais où irai-je à présent ? Mon logis, hélas ! n'est plus que cendres...
- Le mien est à deux pas d'ici, et sûrement il n'est point démoli. Pouvez-vous marcher, Madame ?
- Essayons."
Elle se lève péniblement.
"Appuyez-vous sur moi, dit la fillette. Je suis très forte, vous verrez."
Lentement et après beaucoup de pauses, on atteint une humble cabane en planches construite au centre d'un terrain vague. La chaumière était nue, mais propre. Elle ne renfermait qu'un seul meuble : un lit, ou plutôt une paillasse sur un cadre en bois. Dona Maria s'y étendit, et sa gentille compagne dormit à ses pieds, enveloppée dans une vieille natte.
Durant trois jours, la veuve n'eut pas assez de forces pour sortir. Dès qu'elle se sentit remise de ses émotions :
"Adieu, dit-elle à sa jeune hôtesse en l'embrassant avec tendresse. Je me rends chez mon banquier qui garde chez lui toutes mes valeurs, tout mon argent... Fasse le ciel qu'il vive encore, et qu'il me soit possible de te récompenser !..."
Une semaine s'écoula sans que la fillette entendit parler de Dona Maria ; elle ne s'expiquait pas ce silence qui tourmentait beaucoup son âme tendre. Un matin, on frappa enfin à la porte de la hutte, et une femme âgée, voûtée, misérablement vêtue, dit :
"Venez avec moi, ma belle, chez une personne qui vous attend.
- Oh ! volontiers. Laissez-moi seulement prendre ma corbeille et mes oranges, car je tâcherai d'en vendre en rentrant. Partons !"
Conduite par l'inconnue, Juana traverse la ville en deuil, longe des rues dévastées et fumantes encore, et de tous côtés l''image de la désolation et de la mort s'offre à ses regards ; elle pénètre après son guide dans une demeure d'apparence modeste située sur une place étroite encombrée de ruines.
"C'est ici, au troisième. Montez, mon enfant."
L'esclier était raide et noir. Juana dut franchir les degrés à tâtons, et finit, tout en haut, par distinguer une porte. Elle la poussa. "Ah ! Dona Maria, je vous revois !" Elle s'élance, joyeuse ; elle embrasse son amie qui sanglote et se tait.
Alors la petite marchande jette les yeux autour d'elle ; elle remarque l'exiguïté de la chambre, la simplicité du mobilier.
"Eh quoi, Madame, vous si riche, vous qui possédiez un hôtel et des chevaux, vous vous êtes logée ainsi ?
- Hélas ! le sort m'a réduite à cela. Ma maison n'existe plus.
- Mais votre banquier, chez qui vos valeurs étaient en dépôt ?...
- Il a été écrasé par la chute de son toit, et les murs de l'édifice qu'il habitait jonchent la terre.
- On pratiquera des fouilles, et l'on découvrira peut-être...
- Un incendie s'est élevé parmi les décombres, et à tout consumé.
- Alors... alors... vous êtes complètement ruinée ? s'écria Juana.
- Je suis ruinée !
- Mais j'ai entendu dire que vous aviez envoyé un navire aux Indes...
- Il est perdu.
- Qu'allez-vous faire ?
- Je l'ignore."
La fillette réfléchit une minute, puis, naïvement, elle demanda :
"Si vous veniez avec moi, Madame ?
- Où ?
- Vendre des oranges ! Voyez, j'en ai vingt-quatre. En voici douze pour vous : acceptez-les avec ma corbeille. Moi, je trouverai bien un autre panier. Nous nous associerons ; les bénéfices seront commun, et ma cabane en planches nous abritera toutes deux."
Et la fillette choisissait déjà les fruits les plus beaux et les plaçait sur les genoux de la veuve. Cette preuve d'affection, d'exquise bonté toucha tellement Dona Maria qu'elle se leva, entoura l'enfant de ses bras et la couvrit de caresses. Elle lui expliqua ensuite qu'elle ne voulait point accepter son offre ; qu'elle chercherait un moyen de subsister, mais que celui-ci ne s'accordait ni avec ses goûts, ni avec son âge.
Triste et désappointée, Juana la quitte. Elle erre sur les promenades ravagées, tâche de débiter sa marchandise, mais personne n'écoute ses invitations ni ses prières. Vraiment il s'agissait bien d'oranges !
"On ne m'achètera rien aujourd'hui !" murmure-t-elle, et elle s'engage sur les quais pour regagner sa hutte.
Bientôt elle fut obligée de ralentir sa marche. Un groupe de curieux était réuni devant un gros vaisseau que l'on amarrait à la berge. Les assistants s'émerveillaient, et l'on entendait mille exclamations de joie et d'étonnement : "Le San Salvador ! Le San Salvador ! - Est-ce croyable ! - On le prétendait naufragé ! Le voilà ! - C'est lui ! Sa cargaison vaut un million au moins. - Pourquoi a-t-il subi tant de retard ?"
On interrogeait les gens de l'équipage, et ils fournissaient des renseignements. "Nous avons séjourné trois mois au Cap, à cause d'une sérieuse avarie... Les tempêtes nous ont lancés hors de notre route... Les calmes plats nous ont beaucoup nui... Qu'importe, à cette heure ! Nous somme de retour, et le chargement est intact..." Oh ! que le coeur de Juana battait vite ! Elle s'approcha d'un spectateur, et, timidement :
"Monsieur, fit-elle, à qui appartient le San Salvador ?
- A Dona Maria Corazon.
- Est-elle avertie de l'entrée au port de son navire ?
- Oui, oui. Pérez, qui était son intendant avant le tremblemetn de terre et qui connaît son domicile actuel, a couru lui annoncer la chose."
La petite fille bondit de joie.
L'enfant oubliait sa propre misère ; elle soupa gaîment d'un morceau de pain, et s'endormit tranquille en répétant : "Ses larmes sont séchées... Tant mieux ! Tant mieux !"
Le lendemain, dès les premières lueurs du soleil, elle arrangea sa corbeille, et, comptant avoir meilleure chance que la veille, elle se disposa à sortir. Mais à peine eut-elle franchi le seuil; qu'elle recula fort étonnée. Dona Maria était devant elle.
"Ah ! ma chérie, ma chérie, si tu savais !...
- Je sais tout. Le San Salvador est à Lisbonne.
- Tu te figures mon bonheur, n'est-ce pas ?
- Je me le figure et le partage.
- Je reconnais là ta tendresse... Mais, dis-moi, lorque tu m'as offert douze oranges, combien en avais-tu ?
- Vingt-quatre.
- Et si, au lieu d'avoir vingt-quatre oranges, tu avais possédé d'immenses trésors, n'aurais-tu pas voulu m'en céder la moitié, ne m'aurais-tu pas engagée quand même à m'associer avec toi ?
- Bien sûr !
- Alors, mon enfant, je prétends imiter ton exemple. Tu t'es dépouillée à mon profit : je ne serai pas moins généreuse que toi, et ma richesse deviendra la tienne. Suis-moi ! Je suis veuve, sans famille, sans héritier. Suis-moi ! Je t'aime et je t'adopte. Tu ne me quitteras plus, désormais, et tu m'appelleras ta mère. Suis-moi, ma fille !"
Et Dona Maria emmena l'enfant, à la fois confuse et ravie ; elle la fit soigneusement instruire et la rendit la plus heureuse des créatures. Souvent, lorsque Mlle Juana Corazon passait en calèche, vêtue d'une robe élégante, les badauds de Lisbonne se poussaient du coude et chuchotaient :
"Vous voyez cette belle personne dans cette voiture ? Elle est millionnaire, et ce luxe qui l'environne, cette opulence princière, devinez un peu pour combien elle se l'est procurée ?... Vous ne devinez pas, hein ? - Pour douze oranges, Monsieur, pour douze, parole d'honneur !"

 


     13 septembre
Histoire de sorcier - Hier... en 1892
Une riche marchande, nommée Gertrude, était veuve et se trouvait à la tête d'une maison importante et d'une nombreuse famille ; mais, depuis la mort de son mari, qui avait été un homme actif et laborieux, elle voyait chaque jour augmenter ses dépenses et diminuer ses revenus ; enfin, les choses allaient de telle sorte, que tout à coup, elle fut prise de la terreur de voir le bien de ses enfants fondre dans ses mains.
Dame Gertrude était d'un esprit simple et craignant Dieu, mais sans haute portée dans les idées ; aussi, ne sachant comment faire pour sortir de ce mauvais pas, elle se résolut à aller consulter un sage ermite qui était retiré sur le versant d'une montagne située tout à côté du pays qu'elle habitait. Elle le trouva se chauffant au soleil et plongé dans une méditation profonde.
Notre marchande le salua respectueusement, lui demanda pardon de venir l'importuner, et lui exposa le but intéressé de sa visite.
- Qui est-ce qui veille sur votre maison ? lui demanda le sage après avoir écoutée avec une grande attention.
- C'est une brave et honnête femme, qui a toute autorité sur mes commis, mes servantes et mes valets, répondit dame Gertrude.
- Et qui tient votre caisse ? enfin, qui balance vos recettes et vos dépenses ? demanda encore l'ermite du même ton.
- Depuis la mort de mon mari, c'est un caissier que j'ai pris pour cela, mon père, fit la riche marchande, fort surprise de devoir subir cet interrogatoire.
- Attendez un peu, dit alors l'ermite en se levant et sans paraître remarquer la surprise de sa visiteuse, je vais aller vous chercher un remède souverain contre les maux qui vous affligent.
Il revint quelques instants après avec une petite baguette de coudrier entre les mains, et, la donnant à dame Gertrude :
- Tenez, lui dit-il, prenez ceci, et, pendant un an, vous porterez trois fois dans la journée, de plus, une fois de très grand matin et une autre fois le soir très tard, cette baguette de coudrier dans la cave, dans la cuisine, dans les celliers, dans les greniers, dans les écuries, enfin dans tous les endroits de votre maison qui contiennent une part de vos richesses, car vous savez que le coudrier a le dont de faire découvrir les trésors ; il vous aidera donc à conserver les vôtres. De plus, il faudra que vous restiez avec elle durant une heure, chaque après-midi, dans le bureau où travaille l'homme chargé de vos dépenses et de vos recettes : et je suis convaincu qu'avant peu vous m'apporterez des remerciements pour l'infaillible recette que je viens de vous donner, car cela n'a jamais manqué son effet.
Dame Gertrude qui connaissait la sagesse de l'ermite et qui savait fort bien qu'il n'eût pas commis l'inconvenance de s'amuser à ses dépens, partit triomphante avec sa baguette dont elle fit usage sur-le-champ, et dont elle se trouva très contente, car ce talisman lui fit découvrir tout d'abord, dans la cave, l'improbité d'un valet qui lui volait son vin ; puis, dans l'écurie, la paresse des palefreniers, qui laissaient les chevaux sans être étrillés jusqu'au milieu du jour ; et enfin, continuant la promenade ordonnée, la négligence de sa fille de basse-cour qui avait oublié de traire les vaches.
- Ouais ; se dit-elle, le bon ermite a bien raison, sa baguette est vraiment merveilleuse, et je veux continuer à m'en servir comme il  me l'a ordonné. Ce qu'elle fit résolument ; et, dès le lendemain elle chassa plusieurs servantes qu'elle avait surprises faisant bombance au lieu de travailler ; aussi le travail n'en alla-t-il pas plus et sa maison fut-elle soulagée d'autant. Ce jour-là aussi elle songea, en allant dans le bureau pour y faire sa station ordonnée, qu'elle s'ennuierait beaucoup moins en employant l'heure qu'elle devait y rester à examiner les comptes de la maison que si elle la passait inoccupée. C'était une chose qu'elle avait toujours négligé de faire jusque-là ; aussi le caissier fut-il saisi non seulement de stupeur, mais encore de frayeur, quand elle lui demanda de lui montrer ses livres, car il s'y trouvait de nombreuses erreurs tout à fait au désavantage de la riche marchande.
Dame Gertrude s'en aperçut aussitôt, et, entrant dans une violente colère, elle chassa le caissier sur l'heure ; force lui fut donc de prendre sa place provisoirement d'abord ; mais remarquant que ce travail lui causait peu de peine et lui rapportait de grands profits, elle se décida à le remplir toujours ; de même, elle congédia la surveillante de la maison, dont la baguette de coudrier remplissait si bien l'office.
Un an se passa ainsi, et quand Dame Gertrude fit le bilan de sa caisse, elle s'aperçut que cette fois, c'étaient ses dépenses qui étaient moindres et ses recettes beaucoup plus considérables. Enchantée de cette découverte, la bonne femme reconnaissante s'en alla remercier l'ermite du miracle qu'il avait opéré chez elle.
Celui-ci la reçut souriant affectueusement, car on s'attache toujours aux gens que l'on oblige.
- Et faites-vous sans la moindre peine les visites que je vous ai commandé de faire ? lui demanda-t-il avec bonté.
- Oui, certes, mon père, et je n'y trouve pas le plus léger ennui, au contraire ! répondit avec empressement dame Gertrude ; car, même quand je suis souffrante, je ne manque pas un seul jour de promener de la cave que grenier la baguette magique que je dois à votre générosité, et ma santé elle-même s'en est trouvée fort bien, je vous assure !...
L'ermite se prit à sourire de plus belle en entendant la riche marchande parler ainsi.
- Laissons-là cette plaisanterie, ma fille, lui dit-il enfin en lui pressant les mains avec une gravité affectueuse, car cette baguette n'est rien par elle-même et je vous ai fait croire à sa fausse vertu que pour vous décider, en frappant vivement votre imagination à surveiller vos affaires au lieu de vous en rapporter à autrui ; car ce qui ruinait votre maison, c'était le désordre, et ce qui l'enrichira et la rendra prospère à jamais, ce seront l'ordre et la vigilance dont vous avez pris l'habitude, grâce à ma baguette de coudrier.
Adieu, ma chère enfant, n'oubliez pas mes avis, ni la baguette de l'ermite.

 


     13 juin
Pour la fête de Papa
Voici quinze jours que la maison a pris des airs mystérieux. On y complote et cachotte dans tous les coins. A chaque instant, on est arrêté par une porte close, et l'on trouve fermés des tiroirs qui d'habitude ne le sont jamais. Que se passe-t-il donc ? - C'est bien simple, la fête de papa n'est pas loin, et les enfants préparent leurs surprises. Dans un vieux tiroirs se dissimule un paquet soigneusement ficelé, et, derrière cette porte qui ne veut pas s'ouvrir, quelqu'un s'est mis en cellule pour achever une superbe carte géographique.
Voyant tous ses frères et soeurs affairés, Bébé n'a pas voulu demeurer en reste. Depuis plusieurs jours, il disparaît à ses heures, et personne n'a jamais pu savoir où il se cache. Il a trouvé dans le grenier, derrière le pigeonnier, un petit réduit où il va, lui aussi, travailler pour papa. Que peut-il bien avoir sur le chantier ? C'est son secret à lui...
Mais la veille du grand jour est arrivée. Les enfants sont allés dormir en recommandant à la vieille Lisette de les réveiller de très bonne heure pour surprendre papa dès son réveil. Quant à Bébé, il a grimpé sur les genoux de Lisette, lui a donné deux gros baisers, et lui a dit à l'oreille : "Moi, tu me réveilleras de très bonne heure... mois un quart."
Le lendemain, au petit jour, tout ce jeune monde s'habille en hâte, s'agite et se presse à la porte de papa, prêt à entrer au premier signe. Enfin, une petite oreille collée à la serrure croit avoir entendu du bruit dans la chambre. C'est le moment : et tous, chargés de bouquets, de boîtes, de travaux d'art, font irruption dans la pièce. On couvre de fleurs le lit paternel et l'on y entasse les présents. Puis, au déballage de ces précieux objets, ce sont des embrassades, des exclamations sans cesse renouvelées.
Jusqu'ici Bébé n'a pas encore donné. Il se tient à l'écart et, les mains derrière le dos, il observe ce qui se passe. Une fois le mouvement apaisé, il s'avance un peu timide et, sous l'oeil étonné de ses aînés, présente un rouleau de papier gris passablement chiffonné... et une lettre.
En dépliant le papier, papa y trouve une tapisserie multicolore, sans forme précise, ni dessin, d'un effet inénarrable.
Quant à la lettre, elle porte comme adresse des pattes de mouches, et, à l'intérieur, quatre pages pleines des mêmes signes, ainsi que plusieurs pâtés. Bébé, soit dit tout bas, est absolument illettré. A la vue de ces cadeaux, les grands frères rient aux éclats, et l'enfant, interloqué, fond en larmes.
Mais papa, très ému, soulève entre ses bras, le pauvre petit, l'embrasse tendrement et lui dit : "Merci, cher Bébé, console-toi, ne pleure pas, ton cadeau me fait un plaisir immense ; je ferai faire des pantoufles avec ta jolie tapisserie, et, je garderai ta lettre dans mon portefeuille ; car je sais lire cette écriture-là. Tu as voulu m'écrire que tu m'aimais ; et c'est là aussi ce que tu as cousu dans ta tapisserie, avec de la laine rouge, bleue, verte et jaune. Cela suffit. Plus tard, tu m'offriras, comme tes frères, des ouvrages plus parfaits et des voeux écrits en style soigné. Puisses-tu y dire toujours avec le même coeur : "J'aime mon papa !"

 


     13 octobre
La bobine merveilleuse
Notre impatience fait souvent notre malheur.
Un petit prince fut un jour réprimandé sévèrement par son précepteur. Le soir, il songeait tristement qu'on est bien malheureux d'être enfant parce qu'il faut obéir. Il aurait voulu être déjà un homme.
Tout en pleurant, l'enfant s'endormit. Le lendemain en s'éveillant, il vit à côté de lui une jolie bobine de soie qui brillait aux rayons naissants de l'aurore. Surpris, il allait la saisir, quand de la bobine une toute petite voix s'échappa et murmura les paroles suivantes : "Prends garde, enfant, prends garde ! Le fil merveilleux qui s'enroule autour de moi représente la suite de tes jours. Vois-tu, à mesure que les instants s'écoulent, ce fil se déroule et se dévide. Hier, tu souhaitais pouvoir à ton gré hâter ta vie. Je t'en donne le pouvoir. Mais rappelle-toi que ta main, qui peut dévider ce fil tout entier en instant, ne pourra en pelotonner de nouveau un seul brin."
Le petit prince regarda la bobine sans oser y toucher. Puis il s'enhardit et il tira un petit bout de fil seulement de manière à passer un jour et il se revit près de s'endormir dans le lit où il venait de s'éveiller : "Un jour, pensa-t-il, ce n'est pas assez, je veux grandir et être homme !"
Saisissant la bobine, il se mit à tirer le fil et il se vit devenu jeune homme, avec la barbe au menton. Il était roi ; des conseillers et des courtisans l'entouraient et lui parlaient des affaires de l'Etat.
Ce fut d'abord une grande joie pour lui. Puis il voulut être marié, avoir des enfants... et déjà il se voyait père de famille. Enfin, impatient de voir ses enfants grandir, de nouveau il tire le fil de la bobine et ses années passent emportées dans un tourbillon. Après chaque désir rassasié, il en voyait renaître un autre, plus ardent, et de nouveau la bobine tournait entre ses doigts et de nouveau le fil se dévidait.
Or, il arriva qu'un jour, derrière le fil de soie, le bois doré de la bobine se montra tout à coup. Le roi en fut surpris et effrayé ; il osait à peine regarder le fil qui se déroulait tout seul, lentement. Que n'eût-il pas donné pour pouvoir pelotonner de nouveau un brin de fil sur la bobine qu'il regardait avec tristesse !
La petite voix se fit encore entendre.
"Ô prince ! les jours passés ne reviennent point. Tu as dépensé ta vie follement ! Elle te paraît vide : c'est que tu ne l'as point remplie de bonnes actions ; elle te paraît malheureuse : c'est que tu n'as point su l'employer utilement. Ton impatience, au fond, c'était de la paresse, c'est pour échapper à la tâche journalière que tu as voulu vivre vite. Va, si tu n'es pas heureux, c'est que tu ne l'as pas mérité."

 


     13 novembre
L'âme du licencié Garcia
Avant que d'entendre l'histoire de ma vie, écoute, ami lecteur, un conte que je vais te faire.
Deux écoliers allaient ensemble de Penafiel à Salamanque. Se sentant las et altérés, ils s'arrêtèrent au bord d'une fontaine qu'ils rencontrèrent sur leur chemin. Là, tandis qu'ils se délassaient après s'être désaltérés, ils aperçurent par hasard auprès d'eux, sur une pierre à fleur de terre, quelques mots déjà un peu effacés par le temps et par les pieds des troupeaux qu'on venait abreuver à cette fontaine. Ils jetèrent de l'eau sur la pierre pour la laver et ils lurent ces paroles castillanes : "Aqui esta encerrada el alma del licenciado Pedro Garcias : ici est enfermée l'âme du licencié Pierre Garcia."
Le plus jeune des écoliers, qui était vif et étourdi, n'eut pas achevé de lire l'inscription, qu'il dit en riant de toute sa force : "Rien n'est plus plaisant ! Ici, est enfermée l'âme... Une âme enfermée !... Je voudrais savoir quel original a pu faire une si ridicule épitaphe !" En achevant ces mots, il se leva pour s'en aller. Son compagnon, plus judicieux, dit en lui-même : "Il y a là-dessous quelque mystère, je veux demeurer ici pour l'éclaircir." Celui-ci laissa donc partir l'autre, et, sans perdre de temps, se mit à creuser avec son couteau tout autour de la pierre. Il fit si bien qu'il l'enleva. Il trouva dessous une bourse de cuir qu'il ouvrit. Il y avait dedans cent ducats, avec une carte sur laquelle étaient écrites ces paroles en latin : "Sois mon héritier, toi qui as eu assez d'esprit pour démêler le sens de l'inscription, et fais un meilleur usage que moi de mon argent." L'écolier, ravi de cette découverte, remit la pierre comme elle était auparavant, et reprit le chemin de Salamanque avec l'âme du licencié.
Qui que tu sois, ami lecteur, tu vas ressembler à l'un ou l'autre de ces deux écoliers. Si tu lis mes aventures sans prendre garde aux instructions morales qu'elles renferment, tu ne tireras aucun fruit de cet ouvrage ; mais si tu le lis avec attention, tu y trouveras, suivant le précepte d'Horace, l'utile mêlé avec l'agréable.

 


     13 decembre
Les deux avares
Vous saurez que l'Araca, un vieux "brûle-sardines" qui aurait, pour épargner, partagé un poil par le milieu, ouït dire un jour, qu'au village voisin, un certain Pied-de-Lampe était le roi des épargneurs.
Il est toujours bon d'apprendre. L'Araca, le lendemain matin, vint donc trouver le fameux Pied-de-Lampe pour le questionner un peu sur l'épargne.
Pied-de-Lampe, justement, venait de se lever, et de ses doigts crochus, pour débrouiller ses cheveux, il se peignait avec les ongles.
- Bonjour !
- Bonjour.
- Vous ne me connaissez peut-être pas, lui dit l'Araca, je suis l'Araca.
- L'Araca ! diable, si ! lui fit Pied-de-Lampe, j'ai entendu parler de vous, qui, paraît-il, êtes un maître pour faire courir la brouette. (Pratiquant l'usure)
- Tout à votre service, reprit l'Araca. Voici donc pourquoi je venais. On m'a appris l'autre jour que, vous non plus, compère, vous ne gaspillez point le vivre, et - vous savez que la Vieille ne voulait jamais mourir, parce que toujours elle apprenait, - je suis ici pour l'honneur, l'avantage en même temps, de faire votre connaissance et pour m'instruire dans cette grande science qui s'appelle l'épargne.
- Tout à votre service ! répliqua Pied-de-Lampe, en lui touchant la main ; vous n'avez pas déjeuné ?
- Non.
- Eh, bien, compère, vous déjeunerez avec moi ; et, si vous le permettez, je vais sortit un moment pour acheter quelque pitance.
- Je vous accompagnerait, lui dit l'Araca, car, si cela ne vous fait rien, j'apprendrai ainsi à marchander.
- Allons.
- Allons.
Et nos deux grigous, traînassant la savate, partent pour le marché. En passant devant le fournier : (boulanger)
- Il est bon aujourd'hui, votre pain ?
- Ah ! dit Gâte-Pâte, aujourd'hui nous avons bien pétri : quand vous goûterez le pain, voyez-vous, c'est un beurre...
Et, se tournant vers son compagnon :
- Qu'en dites-vous ? fit Pied-de-Lampe, tout en ricanant de côté, puisque le beurre est meilleur que le pain, si donc nous allions acheter du beurre ?
- Allons acheter du beurre.
Et, zou ! patin, patan, ils vont chez dame Greset, la marchande de beurre :
- Bonjour, dame Greset, nous voudrions un peu de beurre... Il est bon, aujourd'hui, votre beurre ?
- Mon beurre ? Voyez, tâtez-le ; c'est fin comme de l'huile !
- Qu'en pensez-vous ? fit ce finaud de Pied-de-Lampe à son collègue l'Araca, puisqu'il paraît que l'huile est plus fine que le beurre, si nous allions acheter de l'huile ?
- Sus ! Allons acheter de l'huile !
Et ils entrent chez tante Bougnette :
- Bonjour, tante Bougnette, nous voudrions un peu d'huile... Votre huile est bonne au moins ?
- Mon huile ? Regardez-là : c'est limpide, c'est clair comme de l'eau de roche.
- Tiens ! dit Pied-de-Lampe, sommes-nous pas des nigauds ? Puisque la bonne eau est plus claire que l'huile, eh ! allons déjeuner à la fontaine !
Et, cela dit, tous deux allèrent, de ce pas, boire à la grande fontaine ; et il déjeunèrent de cette façon.

 


     13 janvier
L'histoire du sufficit
Ce devait être peu avant le jour de l'orage sous le moulin, Monseigneur faisait sa tournée pastorale. Il allait à Ambert où tous les curés des environs l'attendaient pour la confirmation, quand ; sur le grand chemin, au lieudit Chez-Servy, une roue de son carrosse se rompit. Les chemins d'alors n'étaient pas ferrés et unis comme ceux de maintenant : des bourbiers où l'on enfonçait jusqu'au moyeu et des pointes de rochers à s'y rompre le col.
On alla quérir le charron du Monestier. Le temps passa, midi approchait ; il fallut que Monseigneur montât pour y aller dîner au village qui dominait sur la butte.
M. le curé se trouvait à Ambert pour la cérémonie, Monseigneur arrivant ainsi, c'était pour la servante le feu à la cure. Elle court tout effarée chercher le magister. Mon Barthélemy vint dans un grand trouble, toucha la main que le prélat lui présentait, ignorant, bonnes gens, qu'il lui fallait baiser l'anneau - "Il ne voit pas souvent des évêques, le bonhomme", fit Monseigneur à son grand vicaire - mais tourna son compliment de si naïve façon qu'il lui fut souri très indulgemment.
- Ne soyez point en soin. Je suis plus que satisfait d'un si bon accueil. Pourriez-vous seulement nous faire préparer un frugal repas ?
Barthélemy salue, s'en va conférer avec la gouvernante plus effarée que jamais à l'idée de préparer le dîner de Monseigneur. On décide de faire appel aux talents de Poule-Courte, qui demeurait porte à porte.
Elle arrive, pointant au bout de nez fouineur au mitan de sa face de pleine lune et, prenant de l'importance, calcule toutes choses. Finalement, elle propose de faire sauter une omelette, de rôtir un poulet, d'ajouter à cela un fromage de chèvre, et pour le fruit, des poires tapées et des noix sèches. Barthélemy va en porter les paroles au prélat.
- Mais cela va, cela va très bien. Une omelette, un poulet, du fromage, des noix et sufficit. (Cela suffit en latin)
- Eh ? Monseigneur, plaît-il ?
- Et sufficit répète Monseigneur avec un sourire.
Le magister de faire un salut bien profond et de retourner à la cuisine.
- Quoi ? qu'est-ce qu'il y a ? Monseigneur n'est peut-être pas content ?
- Il est content, pauvre Dorothée, seulement il demande encore du sufficit.
- C'est plus d'une fois que j'ai préparé des dîners d'évêques, de marquis et même de maréchaux des logis chef, dans de grandes maisons où je faisais une telle cuisine que les voisins se nourrissaient en léchant les murs. Jamais, au grand jamais, personne ne m'a demandé du sufficit. Au demeurant, c'est du latin, cela : les femmes n'ont pas à mordre au latin. Ca vous regarde, Barthaut : allez me quérir ce sufficit ; je l'accommoderai, en sauce ou autrement, si bien que rien plus.
Barthélemy ne savait déguiser nulle chose, même quand il y allait de son intérêt. Il confessa ignorer tout du latin, ce qui le fit mépriser de la Poule-Courte. Celle-ci le poussa hors de "sa" cuisine, lui répétant qu'il eût à satisfaire Monseigneur.
Le pauvre maître d'école sortit sur le coudert (la place) en se vouant à tous les saints du paradis. Enfin, il eut une inspiration : "Gaspard sait le latin comme celui qui l'a fait. Il me tirera de peine !" Un des gamins qui jouaient au saute-l'âne sur la place part tout courant pour le bourg de Saint-Amand, lequel n'est pas à trois quarts de lieue du Monestier par la traverse.
Gaspard arrivé, le magister lui déduit la chose sur le coudert même, le regardant avec les yeux qu'on fait à un homme qui tient votre salut dans sa manche.
- Quoi, c'est là que le bât vous blesse ? C'est pour ça que vous me faites venir si grand train de chez moi où j'ai laissé des pois au lard sur la table ? Un sufficit ? Sachez que c'est une queue d'âne, et ne me tarabustez plus la cervelle.
- Une queue d'âne, mon enfant ? Monseigneur peut-il avoir affaire d'une queue d'âne ? Comment veux-tu ?...
- Que vous êtes bon ! Est-ce à vous de savoir le pourquoi de la chose ? Il doit vous suffire que Monseigneur l'ai demandé. La soumission, l'obéissance ne sont-elles pas de toutes les vertus les plus recommandables ? Je m'en doute qu'il veut justement voir si vous lui obéirez sans réflexion.
Sur ce chapitre il prêcha si bien que, bientôt, le magister s'inquiéta seulement de se procurer la queue requise.
- Hé, n'y a-t-il pas là l'anichon gris de la Poule-Courte ? Tandis qu'elle fricote, je m'occupe de la bourrique. Puis vous mettez le sufficit dans un grand plat de faïence à fleurs, le plus beau que vous puissiez trouver, vous l'apportez vous-même sur la fin du repas, couvert d'une serviette blanche, et voilà Monseigneur content de son bedeau !
Tout alla de la sorte. On dressa le couvert fort proprement dans la salle à manger dont les fenêtres donnaient sur la verte allée d'Ambert, pays d'agréable représentation où la Dore fait cent tours parmi les prairies et les bocages au pied des belles montagnes. L'omelette était dure comme une couverture doublée ; le poulet, un coq d'assez mauvaise vie, pour avoir trop couru sur la place, coriace comme un vieux corbeau. Monseigneur achevait de casser quelques noix poudreuses quand Barthélemy apporta le plat qu'il découvrit avec révérence.
- Qu'est-ce là ? demanda Monseigneur en considérant la queue d'âne.
- C'est le sufficit, Monseigneur. Votre Grandeur me pardonnera si la queue n'est pas plus grosse ; il n'y a pas beaucoup d'ânes en nos petits pays.
Ce disant le pauvre regardait humblement du côté du grand vicaire, lequel sautait tout cramoisi sur sa chaise ; sans doute parce que le sufficit n'était pas de ces beaux, de ces grands... Mais Monseigneur, devinant la simplicité du bonhomme, apaisa d'un geste son compagnon. Il fit asseoir le Barthaut près de lui et le confessa si finement que le pauvre déballa tout le paquet. Et quand Monseigneur se leva pour partir, il se dit charmé de ce naïf entretien.
- Vous ne savez pas le latin, mais ne regrettez pas de n'avoir point cette science. Je vous donne ma bénédiction de grand coeur, et, de retour à Clermont, je vous enverrai un petit souvenir.
De fait, un mois après, Barthélemy reçut un ballot par le roulage. Et quand l'ayant ouvert, il y trouva des livres, - il avait dit à Monseigneur sont goût pour la lecture,- il fut le plus surpris et le plus ravi des hommes.

 


     13 fevrier
Les Korrigans d'Irlande
Dans un district éloigné d'Irlande, mais où ? je ne m'en souviens plus, était un village appelé Knockgrafton, et près du village se trouvaient les ruines d'un vieux château entouré d'un fossé, connu depuis les temps les plus reculés pour être hanté par les fées et les sylphes.
Dans le village de  Knockgrafton vivait un bon petit bossu qui s'appelait Lusmore. Tout le monde l'aimait pour son humeur aimable et joyeuse ; puis la nature l'avait doué de bons poumons et de goût pour la musique.
Un certain jour tout ensoleillé Lusmore était étendu sur le bord du fossé, faisant un somme. Bientôt de douces voix l'éveillèrent, ces voix semblaient venir du fond de l'eau. Il se dit que c'était là le chant des fées, et ce chant était bien simple, rien de plus que "lundi, mardi, lundi, mardi," et toujours ainsi, à l'infini. Lusmore écouta quelques instants, puis il se fatigua de ce refrain, et, saisissant une courte pause, il se mit à chanter lui-même aussi haut qu'il put, mais d'un ton mélodieux : "et mercredi aussi." A peine eut-il chanté qu'ils se sentit emporté en tournoyant au fond du fossé où il vit une grande salle pleine de lutins qui dansaient et chantaient.
Ils répétèrent les mots de Lusmore et vigoureusement chantèrent : "lundi, mardi, et mercredi aussi." Puis, ils conduisirent Lusmore à une place d'honneur et deux des plus forts lutins s'approchèrent, et, avec une scie faite de beurre, ils coupèrent sa bosse, et alors ils chantèrent tous :
Lusmore, Lusmore,
Ne pleure ni ne déplore
La bosse que tu eus,
Sur ton dos elle n'est plus.
A terre voilà qu'elle dort.
Lusmore, Lusmore.
Le petit Lusmore s'aperçut alors avec étonnement qu'il n'était plus courbé en deux comme auparavant, mais qu'il se tenait bien droit et était très grand en se redressant il frappa presque sa tête contre le plafond.
Après beaucoup de réjouissances et de festins, les sylphes se reposèrent de leurs fêtes. Lusmore s'endormit ; et, lorsqu'il se réveilla, il se retrouva sur le bord du fossé. Il se leva, frotta ses yeux, tâta son dos et vit que, bien vrai, il n'avait plus sa bosse. Tout réjoui, il s'en retourna et raconta à tous ses voisins comment il avait dansé et chanté avec les lutins, et comment ils lui avaient enlevé sa bosse.
L'histoire se répandit vite et tout le voisinage vint voir Lusmore et le féliciter de sa bonne fortune.
Maintenant, il y avait un autre bossu de Knockgrafton connu sous le nom de Jack Madden un chenapan de mauvaise mine que personne n'aimait. Sa mère était une vieille sorcière envieuse, qui ne faisait que gémir parce que la bosse de son fils n'avait pas été enlevée comme celle de Lusmore. Elle conseilla à son fils d'aller s'asseoir sur le bord du fossé, et là, bien sûr, il entendit les fées chanter leur refrain avec l'élégante addition de Lusmore : "lundi, mardi, et mercredi aussi."
Alors Jack, qui était aussi dépourvu de goût que de voix, pensa que si Lusmore avait plu aux fées en ajoutant un jour à leur chanson, il pourrait, lui, ajouter tous ceux de la semaine, et, sans attendre une pause, sans s'inquiéter d'aller en mesure, il commence à entonner d'une voix rauque et forte : "Jeudi, vendredi, samedi, dimanche."
Or les fées n'ont pas seulement l'oreille très juste et un goût exquis pour le rythme et la mesure, mais aussi elles ont une aversion particulière du nom du jour du Seigneur. A peine Jack Madden eût-il commencé son insipide vacarme qu'il se trouva emporté et roulant dans le fossé entouré de fées furieuses. Deux des plus fortes, d'après les ordres du chef, prirent la bosse de Lusmore qui était encore par terre, l'appliquèrent sur le dos de Jack Madden, où elle se colla instantanément comme si elle était de cire. Et alors elles chantèrent toutes :
Jack Madden, Jack Madden,
Tes mots sont très mal venus
Et ton chant bien mal rendu.
Ce château où tu es venu
Attristera ta vie mondaine.
Voilà deux bosses pour Jack Madden.
Aussitôt, elles le repoussèrent à coup de pieds et on le trouva le lendemain matin sur la terre, près du fossé, avec deux bosses au lieu d'une. Telle fut la récompense de l'envie et du mauvais goût.

 


     13 mars
Histoire de l'éléphant blanc
Dans une très vieille ville de l'Inde au joli nom de Patalipoutra, vivait, il y a bien longtemps, un blanchisseur. C'était un homme riche, car il avait une foule de clients qui lui apportaient régulièrement leur linge et tous leurs habits à nettoyer. Dans l'Inde, le soleil est si chaud que l'on est tout vêtu de blanc, ou du moins de couleurs claires, et la fine poussière qui monte du sol desséché salit si fort les vêtements qu'il faut les changer bien souvent ; et cela faisait au blanchisseur beaucoup de travail !
Chaque jour on le voyait, lavant, avec ses aides, dans l'eau du Gange, le fleuve sacré, les beaux saries des dames. Ces saries aux soies si douces, bleus, verts et or, longs de six mètres - les femmes s'y drapent puis s'en recouvrent la tête comme d'un voile - étincelaient en séchant au soleil. Il y avait bien aussi des pièces de cotonnades, mais les couleurs en étaient si fraîches qu'elles mettaient de la gaîté sur le sable où elles s'étalaient.
Et les dhôties, sorte de pagnes blancs que les hommes enroulent autour de leurs hanches, illuminaient la terre de leur clarté.
Quand les clients  étaient pressés, le blanchisseur tendait lui-même le tissu, le tenant par une extrémité alors que son fils aîné tirait sur l'autre. Ils l'agitaient doucement de bas en haut, de haut en bas. En un quart d'heure, le vêtement était sec et les clients étaient si satisfaits qu'ils se pressaient de plus en plus nombreux chez le courageux blanchisseur.
Sa maison basse, avec ses colonnes supportant une terrasse, était d'un goût parfait. Il y avait étendu de beaux tapis et mis de longs coussins confortables, sur lesquels on se reposait, le travail terminé, en bavardant avec des amis, les yeux fixés sur le Gange si large, si imposant en cet endroit.
Mais, comme il s'était enrichi par son travail, il était jalousé par un potier, son voisin. Celui-ci trouvait la maison du blanchisseur trop luxueuse, ses clients trop nombreux. Il s'employait à attirer les passants, installant devant sa porte les objets usuels qu'il confectionnait avec l'argile : des vases où l'eau se tient si fraîche, des assiettes pour recevoir le riz, des gobelets où l'on verse la boisson teintée de plantes aromatiques, de petites veilleuses où dansent les lueurs clignotantes qui éclairent les maisons et ornent les autels des dieux aux jours de fête. Tous ces objets étaient tentants. Et le potier avait, tout comme le blanchisseur gagné la confiance su roi dont il était le fournisseur.
Mais il récoltait moins d'argent que son voisin. Aussi résolut-il de lui jouer un vilain tour afin de le ruiner.
Un jour, il alla donc trouver le roi et lui tint ce langage : "Votre Majesté sait combien il serait glorieux pour Elle d'être le possesseur d'un éléphant blanc. Eh bien, je sais que le blanchisseur mon voisin a un procédé mystérieux qui ferait de votre éléphant royal, d'un gris presque noir aujourd'hui, un éléphant éclatant de blancheur. Votre Majesté serait ainsi le souverain le plus célèbre et le plus envié de l'Inde entière."
Le roi se mit d'abord à sourire, pensant que pareille transformation était chose impossible. Mais le potier avait l'air si sûr d'avoir surpris le secret du blanchisseur qu'il commença à croire pour de bon qu'il pourrait posséder bientôt un éléphant blanc.
Ce pauvre roi, qui n'était pas fort intelligent, désirait d'autant plus vivement être célèbre et admiré de tous !
Il convoqua donc le blanchisseur, et, pour rendre ses ordres plus solennels, il le reçut assis sur son trône, entouré de ses courtisans. Tous attendaient avec la plus grande curiosité la réponse du blanchisseur à la demande extravagante de leur maître.
Quand il se vit enjoindre de blanchir aussitôt l'éléphant royal, le blanchisseur, plein de bon sens, fut très tenté de faire résonner les voûtes du palais d'un énorme éclat de rire. Mais il savait le roi têtu et cruel. Il comprit bien vite qu'il fallait accepter, mais en rendant au potier le méchant tour que celui-ci lui avait préparé.
- Sir, dit-il, c'est chose facile pour moi, ce que Vous me demandez là. Cependant, il me faudrait faire tremper votre éléphant dans une très grande cuve emplie d'eau bien savonneuse. Or, je ne possède, malheureusement, pas de récipient assez vaste pour contenir un aussi gigantesque animal que celui de Votre Majesté. Mon voisin le potier pourra certainement, sur votre ordre, me le construire.
Le roi fit alors revenir en hâte le potier et lui ordonna de fabriquer un vase aux dimensions telles que l'éléphant pût y tenir à l'aise.
Le potier compris qu'à son tour il avait été joué et que le blanchisseur se vengeait cruellement de lui. Il savait, d'ailleurs, qu'il le méritait, et il essaya de sortir avec avantage du cas difficile où il s'était mis.
Il réunit en hâte ses parents et ses amis, les chargeant de lui apporter une énorme quantité d'argile. Ils en recueillirent de leur mieux, partout où ils en trouvèrent, la rapportant dans de larges corbeilles plates qu'ils plaçaient sur leurs têtes. Chaque fois qu'ils arrivaient dans le jardin du potier, ils déversaient leurs charges qui, s'ajoutant l'une à l'autre, formèrent bientôt une petite colline d'argile.
Alors on se mit au travail. Il fallut des jours et des jours pour confectionner une cuve immense, autour de laquelle, quand elle fut terminée, on se mit à danser de joie. Le blanchisseur allait enfin être ruiné !
Sur de longs bâtons que soutenaient leurs solides épaules, cinquante hommes portèrent en triomphe le long et large bassin jusqu'au palais du roi. Le potier avait fait appel, pour cette besogne, aux porteurs qui, dans les temples, soulevaient à la force de leurs bras les colossales statues des dieux, car seul ils lui semblaient assez robustes et assez exercés.
Ils furent accueillis par les félicitations du roi, qui du haut de sa terrasse, les avait regardés venir.
Le blanchisseur fut aussitôt convoquée. Il fit allumer un grand feu au milieu des jardins du palais. La baignoire de l'éléphant fut placée sur les bûches ; les servantes drapées dans leurs saries verts ou rouges, l'emplirent à l'aide de cruches d'eau puisées dans le Gange. La longue procession des femmes allant et venant, du fleuve au palais, dura une journée entière. Enfin la cuve fut pleine et, l'eau commençant à chauffer, on jeta dedans de grandes quantités de savon.
Le lendemain, l'eau était si mousseuse qu'elle ressemblait aux vagues de la mer, frangées d'écume. On laissa le feu s'éteindre, et les serviteurs qui, pour l'entretenir avaient abattu des arbres massifs, prirent leur repos. Au bout de trois jours, l'eau s'étant refroidie suffisamment pour ne pas brûler l'éléphant royal, il arriva conduit par son cornac.
Un peu surpris, car il n'avait jamais connu de bain en dehors des rivières où il aimait se rafraîchir, il consentit tout de même à pénétrer dans cette eau inaccoutumée. Mais en s'asseyant il fit éclater en mille morceaux la cuve d'argile, dont l'épaisseur était trop faible pour supporter un poids aussi considérable. L'eau se mit à couler en longs ruisseaux mousseux, et l'éléphant furieux, tapant de ses énormes pattes, faisait s'envoler par centaines les bulles de savon qui scintillaient comme des miroirs sous le soleil.
Et le potier dut recommencer son oeuvre. Il rassembla de nouveau tous ceux qu'il connaissait, les suppliant de l'aider.
Ils répondirent à son appel, et la cuve qu'ils édifièrent fut cette fois si lourde que deux cents hommes ne purent la porter.
On recommença encore et, en la soulevant les porteurs la brisèrent.
On réussit à en construire une autre, mais l'épaisseur des parois était telle que la chaleur de la flamme ne jamais réchauffer l'eau.
Les tentatives continuèrent ainsi pendant des années. Le potier perdit peu à peu tous ses amis, toute sa fortune. Il fut obligé enfin de renoncer à son entreprise et alla s'humilier devant le roi.
Celui-ci, furieux, le chassa : il ne pouvait lui pardonner de lui avoir fait espérer l'impossible. Ne s'était-il pas, lui, le prince de ce merveilleux pays, rendu ridicule dans l'attente vaine de cet éléphant blanc ?
Seul le blanchisseur avait été assez habile pour imaginer ce moyen vraiment ingénieux de se défendre du potier, en exigeant de lui une chose irréalisable.
Mais, comme il était bon, il eut pitié de la détresse de son méchant voisin ; il le sauva de la misère.
Et le blanchisseur vécut de longues années très heureux, car le roi avait compris la leçon et l'avait choisi pour son conseiller.

 


     13 avril
MATAU
Il y avait une fois à Couflens de Salau un homme qui s'appelait Matau, grand chasseur et grand pêcheur et grand fainéant comme tout pêcheur et tout chasseur. Pour tout bien il ne lui restait de son père qu'un vieux fusil sans poudre, et cela pour nourrir six enfants, une femme et une marâtre. Quand notre homme s'en revenait de la pêche sans poisson ou de la chasse sans gibier, il ne faisait pas bon pour lui rentrer en la maison : femme, enfants, marâtre, tous en avaient contre lui ; cris, reproches, coups, tout y passait :
"Fainéant ! ivrogne ! vaurien !..."
Dieu sait les litanies qu'il lui fallait alors écouter !
Un jour il en voit tant que désespéré il va emprunter une corde à un voisin et va se pendre. Il attache sa corde à la branche d'un pommier et se la passe autour du cou.
"Que fais-tu là ? méchant chrétien, lui crie alors une sorte de singe qui était tapi entre les branches d'un noyer.
- Tu le vois, je suis si malheureux que je veux en finir.
- Tu veux faire comme Judas ? Sors de là va, prends cette bourse et tes affaires s'arrangeront."
Matau prend la bourse, compte les écus : un, deux, trois, cinq, dix, vingt, trente, cinquante... et il y en avait toujours ; plus d'écus que ce que l'on trouverait de grains de millet dans le ventre d'un âne !
Il serre la bourse et prend le chemin de la maison. En route, il trouve une auberge, y entre et demande à souper. Il mange tant de tripes, tant d'oeufs, tand de viandes et de gourmandises qu'il lui faut boire comme un trou et qu'il s'endort.
Pendant qu'il dormait, l'aubergiste, qui s'était avisé que la bourse de Matau produisait de l'argent comme un puits de l'eau, la tire de sa poche et à la place tout doucement en met une autre.
Quand Matau a assez dormi, il se lève et s'en va.
Il arrive chez lui tout joyeux et fier comme s'il portait tout Paris dans sa poche :
"Hé ! toute la marmaille, et toi démon de femme, c'est fini pour vous de crier et de souffrir, vous avez ici une bourse qui vous donnera plus de deniers que vous n'en voudrez !"
""C'est ça la fameuse bourse ?... Plate comme une feuille de noyer !
- Ca la bourse que tu es allé chercher, fripon !
- Tu veux encore te moquer de nous ? Attends un peu !... Attends !..."
Et pim et pam, à force de coups et de claques ils le laissent pour mort.
Matau se relève tout meurtri, va emprunter la corde à un voisn, désespéré, pour aller se pendre. Il attache la corde à la branche d'un pommier et se la passe autour du cou.
"Que fais-tu ici ? méchant chrétien, lui crie alors le singe qui était tapi sur une branche de noyer.
- Tu le vois, je suis si malheureux que je veux en finir.
- Tu veux faire comme Judas alors ? Sors de là, prends ce manteau et tant que tu l'auras, toi et ta famille aurez de quoi manger. Tu n'auras qu'à dire : "Manteau, couvre-toi de tout ce qui est bon à manger." Et le singe lui donne le manteau.
Matau déplie le manteau et lui dit :
"Manteau couvre-toi de tout ce qui est bon à manger."
Aussitôt le manteau se couvre de toute sorte de bonnes choses : des poulets, des gigots, des coques, du vin de Bordeaux, du café et un cochon gras digne d'une noce. Même le cousin du roi n'aurait jamais servi un aussi bon repas !
Quand il a soupé, Matau s'en revient chez lui. Il s'arrête à l'auberge où il avait coucheé la fois précédente et l'aubergiste lui porte à manger :
"Non, non, merci bien, je viens de souper comme un prince."
Et Matau raconte tout ce qui vient de lui arriver, puis il s'en va dormir. Pendant qu'il dort, l'aubergiste lui change le manteau.
D'aussi loin que Matau aperçoit sa femme et ses enfants, il leur crie :
"Maintenant, vous avez fini d'avoir faim et de souffrir, venez, approchez-vous !"
Matau étend son manteau comme le lui avait dit le singe et s'écrie :
"Manteau, couvre-toi de tout ce qui est bon à manger !"
Mais le manteau plein de trous et pièces reste sourd.
"Manteau, couvre-toi de tout ce qui est bon à manger !"
Trois fois Matau répète la même chose et le manteau ne bouge pas ; seuls se voient les trous et les pièces.
"Eh bien ! est-ce là le fameux manteau que tu as porté ? Canaille, tu n'as pas fini de te moquer de nous ! Attends un peu !..."
Et pim et pam, frappe que tu frapperas, ils le laissent pour mort.
Matau pourtant se relève quoique tout estropié et, cahin caha, s'en va emprunter une corde à un voisin pous aller se pendre. Il attache sa corde à la branche du même pommier et se la passe autour du cou.
"Que fais-tu ici ? méchant chrétien, lui crie alors le singe qui était tapi entre les branches du noyer.
- Hé ! Tu le vois bien ! Je suis malheureux que je veux me pendre, et je veux en finir cette fois-ci.
- Et alors, tu n'as pas honte de vouloir faire comme Judas ? Sors de là et prends cette baguette.
- Qu'est-ce que j'en ferai de cette baguette, tout se retourne contre moi ; je suis plus malheureux que les pierres du chemin.
- Quand quelqu'un voudra te toucher, tu n'auras qu'à dire : "Baguette marche !" et tu les verras tous fuir comme des lièvres."
Matau prend la baguette et s'en va. Il arrive à l'auberg, soupe comme un roi et s'en va dormir. Le lendemain matin l'aubergiste lui demande de lui payer le souper et le coucher :
"Baguette, marche !" s'écrie Matau.
Et la baguette saute au visage de l'aubergiste - flip, flap -, elle le frappe aux oreilles, au nez, aux yeux, tant et si bien qu'il en meurt.
Il arrive chez lui. Aussitôt, tous, femme, marâtre et marmaille se mettent à crier car il n'apporte ni viande, ni vin, ni pain :
"Vaurien, chien, va te faire pendre, débarrasse-nous de toi une fois pour toutes, sale pouilleux...
- Baguette, marche !" crie Matau
Et la baguette frappe les jambes des enfants, frappe les oreilles des femmes, - flip, flap -, elle tape sur les caboches, sur les reins, sur les museaux et cela jusqu'à ce qu'ils soient tous morts.
Quand le roi apprit cela, il fit arrêter Matau. Il ordonna qu'il dorme en prison, qu'on lui prenne sa baguette et qu'on le décapite. Et c'est la justice du roi qui l'a fait enterrer dans une terre qui n'est pas sainte, dans une terre en haut de ces montagnes de Couflens de Salau et que l'on appelle "le Pré Matau".
Si vous ne me croyez pas............ Allez voir là-bas !

 


     13 mai
Quitte pour la peur
J'étais dans mon lit occupé de rêveries. J'entends ouvrir la porte,
je vois entrer un inconnu à grande figure blanche. Il m'appelle familièrement par mon nom
et me dit de me lever promptement. Je prend ma robe de chambre en tremblant ; il s'approche de moi,
m'invite par ses gestes pressants à me mettre sur un siège auprès de ma fenêtre. Dès que je suis assis,
je sens qu'il me prend brusquement par le cou et il me le serre fortement ; il me couvre la joue
avec la main gauche, d'un boulet capable de me briser les dents. Une sueur abondante se répand sur tout
mon visage ; je sens les gouttes en tomber de tous les côtés. Cet accident me saisit au point que
j'en perds la respiration et je suis couvert d'écume, sans pouvoir proférer une seule parole ;
l'inconnu m'a défendu de parler ou de crier. Au bout de quelques instants, je le vois se saisir
d'une arme blanche, dont la lame est très reluisante ; il me la porte sur la gorge en sorte
que je ne suis qu'à un demi-doigt de la mort. Je sens couler mon sang et, en bon chrétien,
je recommande tout bas mon âme à Dieu. Ma frayeur fait apparemment impression sur ce mortel flegmatique ;
il prend de l'eau et du vinaigre, dont il m'arrose le visage ; la cuisson que je sens me fait ouvrir les yeux ;
alors mon homme me  saisit par les cheveux et il me lie. Je le vois aussi s'emparer d'une autre arme dont
je crois qu'il veut me brûler la cervelle, mais le feu ne fait que m'effleurer les oreilles.
Il m'empaquette les mais sur une espèce de linceul pour que je ne puisse pas les remuer.
Voyant que je respire toujours, il m'arrache bien des cheveux et paraît vouloir m'étouffer dans un tourbillon
de poussière. J'avais déjà fermé les paupières, mais pour consommer son ouvrage, il prend de nouvelles armes
qui lui restaient encore, et qu'il tire de sa poche : "C'est, me dis-je, le ciseau de la Parque avec lequel
il veut essayer, mais en vain, de couper le fil de mes jours !" J'étais tout tremblant et immobile d'effroi
comme un homme qui n'attend que sa dernière heure. Mon bourreau aperçoit une bourse qui était sur ma commode,
il s'en saisit et me reprend au collet et par les cheveux. A ce dernier trait, j'ouvre les yeux pour
la seconde fois et je m'empare brusquement d'un couteau que je trouve sous ma main. Cet acte d'énergie
lui fait prendre la fuite. Je m'essuie le visage devant le miroir. Peu à peu je me reprends et je m'aperçois
(Eclatant de rire) que mes cheveux étaient frisés, coiffés, pommadés, ma barbe faite.
Mon assassin était un nouveau garçon coiffeur que son maître m'avait envoyé et qui était muet.
Jugez de ma stupéfaction et de ma satisfaction. J'en étais quitte pour la peur, mais entre nous,
c'était une peur bleue.

 


     13 juillet
L'oiseau-mouche
Il y avait une fois, dans la vieille Bretagne, un pays appelé Minor dont les habitants étaient si petits que jamais âme qui vive ne les avaient remarqué.
Minor était gouverné par une fée grande comme le pouce d'un enfant, c'était la plus grande personne du royaume.
La race animale était dignement représentée par des chevaux gros comme des petites souris, des boeufs encore plus petits et des oiseaux comme des moucherons.
Mais, hélas ! Minor avait un fléau, et ce fléau était une race d'oiseaux d'une taille extraordinaire.
Chaque année les récoltes étaient ravagées et dans les vergers les cerises des Minoriens disparaissaient comme par enchantement.
La pauvre reine-fée n'avait pas le pouvoir de détruire elle-même la race des Ravageurs, - comme on l'appelait, - mais elle ordonna une chasse active, et quiconque lui apportait un de ces oiseaux recevait une prime considérable.
Grâce à la prime la race disparut, seul un couple de Ravageurs échappa au massacre en s'enfuyant dans un pays alors inconnu, en Amérique.
Là, il s'est multiplié tout à son aise et nous pouvons admirer aujourd'hui l'oiseau maudit du royaume de Minor : c'est le bijou de la nature, c'est l'oiseau-mouche.

 


     13 aout
Le cheval de Margeot - Vieille légende des Côtes-du-Nor
C'était à Kercabin, vieux château près de Pontrieux, sur lequel il courait de singuliers bruits, et que l'on disait hanté par toutes sortes d'hôtes mystérieux. J'y étais allé veiller ma grand-tante qui se mourait... Nous passâmes la nuit autour de son lit, faisant des lectures pieuses et récitant les prières habituelles des veillées des morts. Nous étions là une vingtaine de personnes.
A une heure très avancée de la nuit, nous entendîmes tous, très distinctement, le pas d'un cheval arrivant au grand galop sur le pavé de la cour. Ma tante, la fille de la défunte, dit aussitôt : "Voilà mon frère le prêtre qui arrive ! Il n'a pas perdu de temps !" Puis s'adressant à un domestique : "Allez le recevoir, Franch Vraz, et mettre son cheval à l'écurie." Deux domestiques sortirent aussitôt. Du haut du perron, ils regardèrent dans la cour et ne virent rien, ni homme ni cheval.
Cependant, ils étaient si certains d'avoir entendu le bruit des sabots d'un cheval sur le pavé de la cour, qu'ils se rendirent à l'écurie, persuadés que le cavalier y avait lui-même conduit sa monture, ou qu'un des chevaux de la maison avait rompu sa chaîne et s'était évadé. Mais ils ne trouvèrent à l'écurie ni cavalier, ni cheval étranger, et aucun des chevaux de la maison ne s'était évadé. Très étonnés de cela, ils vinrent en instruire ma tante, qui répondit tranquillement : "C'est encore le cheval de Margéot !" La veillée continua, et le prêtre attendu n'arriva qu'au point du jour.
Or, voici ce que c'était que Margéot dont je me fis plus tard conter l'histoire, car ces simples mots : "C'est le cheval de Margéot !" avec la circonstance d'un cavalier invisible, me frappèrent d'une étrange façon.
Margéot avait habité le château de Kercabin, il y avait de cela cinquante ou soixante ans. C'était un homme d'une grande force physique, violent et emporté, craint et redouté comme la peste dans tout le pays...
Entre autres crimes, on l'accusait de la mort d'un douanier. Je ne sais quelle raison on donne du meurtre, si Margéot faisait de la contrebande, ou s'il avait quelque sujet de haine et de vengeance contre le douanier ; mais aussitôt le crime commis, il monta dit-on, sur un excellent cheval qu'il avait, et que l'on disait aussi être un présent de l'Enfer, et se rendit à Saint-Brieuc bride abattue. C'était la nuit. Saint-Brieux est à douze ou treize lieues de Kercabin. La justice informa, fit une enquête, et sur quelques indices et de nombreuses présomptions, Margéot fut mis en accusation. Mais grâce à la rapidité et aux jarrets de fer de son cheval il parvint à établir un alibi et fut acquitté. Il mourut peu de temps après, à la grande joie de tout le pays, et quelques vieilles femmes prétendent que deux diables rouges enlevèrent son corps pendant la veillée de mort, et que le cercueil que l'on enterra dans le cimetière de Plouëc était vide.
Depuis lors, la nuit, on entend souvent un cheval arriver bride abattue dans la cour de Kercabin ; et quand les domestiques se présentent pour recevoir le voyageur attardé et mettre son cheval à l'écurie, ne trouvant ni cavalier ni cheval, ils rentrent en maugréant et en disant : C'est encore ce diable de Margéot !

 


     27 septembre
DEMAIN
"Viens, dit une soeur à son frère, viens courir dans les près en fleur. Nous disputerons aux papillons les fleurs odorantes aux corolles de pourpre ou d'azur, et nous en ferons des gerbes qui rempliront notre maison de doux parfums. Allons ; le printemps qui s'en va ne nous offrira plus de journée aussi belle.
- Le printemps n'est pas contenu en un jour, reprit le frère, nous jouirons d'heures non moins agréables que celles de ce moment et demain je serai disposé à une promenade dans la prairie.
- A demain donc," conclut la soeur. Mais, avec l'aube nouvelle, une troupe de moissonneurs parut dans la plaine et bientôt la verte parure des près, tranchée par les faux, se flétrit au soleil.
"Descendons ce soir dans le parc, proposa la soeur. Les rossignols y donnent leur concert et, l'un après l'autre, ils font éclater leur chant dans le silence de la nuit. Viens ; partageons le plaisir de les écouter ; hier, j'étais seule à les entendre et je regrettais ton absence.
- Ce soir ? l'air est bien frais ! Demain la soirée sera plus douce."
Le lendemain l'air était plus frais encore et les rossignols, gardant leurs chansons pour une saison meilleure, se taisaient.
"Ferons-nous aujourd'hui une promenade en mer ? demanda la soeur. La barque est prête ; le vent nous poussera sans fatigue et sans peine et ceux qui, de la rive, regarderont notre esquif aux voiles déployées, croiront voir un oiseau fantastique volant à la crête des vagues.
- Oui, nous irons ; mais nous irons demain. En ce moment, j'ai plus besoin de repos qu'une promenade en mer !"
Pendant la nuit, une tempête s'éleva qui bouleversa l'Océan et jeta sur la grève les débris de la barque brisée.
"Voici nos projets emportés, dit la soeur ; mais ne nous plaignons pas alors que nos voisins sont en deuil. Jean, le pêcheur, est mort et l'océan meurtrier a rapporté son cadavre à sa veuve et à ses enfants désespérés. Allons leur porter nos secours, nos consolations. Ils sont pauvres et, dans leur détresse, ils ont besoin de sentir un appui.
- Attendons, répondit le frère que la première douleur soit apaisée ; en ce moment ils ne nous entendraient même pas."
Ils attendirent, ils attendirent et lorsqu'ils vinrent, les mains pleines pour visiter la veuve, ils trouvèrent le logis désert. Des secours plus prompts que ceux qu'ils apportaient étaient venus enlever au frère et à la soeur l'occasion de faire du bien.
Demain est toujours trop tard.

 


     27 octobre
Le lion, le renard et le mulet (conte Arabe)
Un mulet, s'ennuyant à la ville, alla dans le désert se mettre au service d'un lion, afin de vivre sous sa protection.
Il y était depuis quelques jours, lorsqu'un matin le lion dit au renard, habitant du terrier : "Aujourd'hui je me sens en appétit et nous n'avons pas de gibier ; trouve-moi quelque aliment. - Mangez ce mulet, fit le renard. - Non pas, reprit le lion, ce serait une honte pour nous de trahir notre hôte."
Sans se déconcerter, le renard insinua : "Je vais, seigneur, vous fournir un prétexte suffisant pour le dévorer." Alors l'animal rusé se mit à dire : "Il ne convient pas que les gens de naissance impure s'approchent de la personne des rois ; leur présence à la cour est d'un effet pernicieux pour les sujet. - A qui s'adresse ce langage ? dit le maître. Moi je suis lion, fils de lion. - Et moi, je suis renard, fils de renard," ajouta l'orateur. Cependant le mulet gardait le silence. "Allons, parle !" lui dit le renard. Le mulet répondit : "Ma généalogie et mes titres sont écrits sur mon sabot."
En même temps, le mulet levait un pied pareil à un quartier de rocher, avec un fer garni de clous. A cet aspect, le sire du terrier fit quelques pas en arrière. "Si j'approche mon museau de ce sabot formidable, pensa-t-il, la bête m'assènera une ruade dont je ne me relèverai pas," et il restait immobile. Le lion le poussa et lui dit : "Eh bien ! pourquoi n'avances-tu pas ? Dis- moi ce qui est écrit là. - Excusez-moi, seigneur, fit le renard ; l'écriture est bien fine et les lettres trop embrouillées, je ne saurais la déchiffrer."
Cette réflexion ayant fait rire le lion, il lui dit : "Tu l'as échappé belle, tu as failli être victime de tes beaux conseils." Le mulet fut épargné.

 


     27 novembre
Jean la Fourche - Conte Breton
Un bon vieux grand-père, un soir de Noël, racontait à ses petits-enfants, près du feu rassemblés, l'histoire suivante :
"Dans un petit village breton, non loin de Quimper, habitait, il y a bien longtemps, un riche fermier, le plus cossu des environs, mais avare, avare à tondre, comme dit le proverbe, une puce pour en avoir la peau. Astucieux et méchant, il furetait partout comme un renard, enlevant de ses doigts crochus, ce qu'il pouvait voler sans être vu. Méprisé de tous, Jean la Fourche (ainsi l'avait-on nommé) vivait en vrai loup dans sa grande maison blanche. Sans famille, sans ami, sans même un chien, l'avare se plaisait dans sa morne solitude. Quel plaisir de contempler le soir, à la tremblante lueur d'une chandelle fumeuse, les sacs d'écus au ventre rebondi, - dont le sonore tintement gazouillait une argentine chanson aux oreilles ! Oh ! oui, l'avare l'aimait, cette musique des jaunets d'or et des pièces blanches ! Il restait des heures entières dans le sombre caveau où se cachait sa richesse, il demeurait accroupi sur ses genoux lassés, sans feu, par le froid de décembre ! sans flamme pour égayer la triste demeure léguée par ses pères !
"Un jour pourtant le froid devint si vif, que Jean la Fourche se décida, la mort dans l'âme, à mettre en son foyer glacé quelques gros rondins de hêtre qu'il comptait pourtant bien vendre à la ville voisine.
"Pendant qu'il songeait, près de son maigre feu où fumait un pâle tison, une idée germa en son cerveau d'avare. Un rire silencieux entrouvrit ses lèvres émaciées ; et quittant son escabeau boiteux, il ferma soigneusement la porte de son logis, puis s'assurant que les environs étaient déserts, Jean la Fourche, comme un renard, s'insinua dans l'enclos de son voisin, Jérôme Kernec.
"Le soir tombait déjà, - un triste soir de décembre. Tout à coup une envolée joyeuse des cloches du village ébranla l'air glacé, et comme un écho lointain mille tintement se répercutèrent par les champs et les bois. C'était la veille de Noël ! la veille de la nuit sainte ! Tout le monde étant affairé, nul ne remarqua l'avare qui, sans scrupules ni remords, visitait les coins et les recoins de la propriété de Jérôme.
"Entassés les uns sur les autres, formant une large plate-forme, des fagots, bien secs, protégés par une épaisse couche de chaume, s'étalaient dans l'enclos de Jérôme (un honnête paysan renommé pour sa bienfaisance).
"Et la nuit tombait toujours, de plus en plus noire, se faisant ainsi la complice du vol que méditait Jean la Fourche.
"Juché sur le tas immense, l'avare fébrilement s'emparait des plus beaux fagots, les lançait par-dessus le mur jusqu'en son propre terrain, - non sans jeter un regard furtif, de temps à autre, - pour être certain de n'être pas surpris. En vain sa conscience révoltée lui reprocha son crime, en vain la peur lui tortura-t-elle le coeur ; le démon du mal lui sifflait toujours :
"Prends encore ! prends, le tas est bien assez grand !" Et déjà douze fagots manquaient sur l'amoncellement. Le voleur allait partir quand, à ses pieds, pendant qu'il descendait prudemment de la plate-forme, un énorme fagot vint rouler, laissant voir une grosse branche de chêne arrachée à quelque tronc géant. Un éclair d'envie brilla dans l'oeil gris de l'avare et Jean la Fourche, la sueur au front, chargea sur ses épaules le lourd fardeau ! Il aurait donc, lui aussi, la traditionnelle bûche de Noël ! - Pourtant, la force lui manquant, il allait laisser choir son fagot, quand un homme noir le toucha au bras et, chose singulière, Jean la Fourche ne sentit plus sa fatigue, la bûche énorme ne pesait pas plus qu'une plume sur ses épaules ! Sans se soucier de l'homme noir qui le suivait toujours, le voleur arriva au seuil de sa porte, toujours chargé. Tout à coup une force irrésistible l'enleva de terre. Au moment même une nouvelle sonnerie de cloche lui clama : "Maudit ! va-t'en !" Et il monta ! monta toujours ! poursuivi par les huées des cloches, il monta, les épaules meurtries par ce fagot du diable qui lui broyait les os ! Traversant les étoiles en feu, brûlé par leurs étincelantes clartés, Jean la Fourche monta toujours plus haut dans le vide immense du firmament noir. Et ses plaintes étaient si fortes qu'on entendait sa voix lamentable de la Terre ! Tout à coup un globe géant parut à ses yeux dilatés par la peur.
"Aveuglé par une lumière crue, poussé toujours par la même force, l'avare puni par le ciel même, s'engouffra dans le disque qui n'était autre que la "Lune".
- Mes enfants, continua le bon grand-père, quittez un instant la maison, sortons ensemble et regardons le firmament si clair ce soir : Voyez-vous (vos yeux sont meilleurs que les miens), un être étrange, noir, hérissé qui s'agite dans l'astre des nuits ? Et bien, c'est Jean la Fourche qui se tourne et se retourne comme un damné, portant à perpétuité le bois volé à son voisin ! c'est le voleur et son fagot que vous y voyez, enfants. Mme la Lune est tenace ; elle ne rend pas ce qu'elle prend ! Que ceci, mes chers petits, vous serve de leçon et vous fasse respecter le bien d'autrui ! Sur ce, allons nous coucher et laissons Jean la Fourche se débattre dans la Lune ! Elle ne se laissera pas voler, elle !

 


     27 janvier
Les bossus - Légende Irlandaise
Il y avait une fois un pauvre homme qui était très bon, très laborieux, mais très laid ; il avait une grande bosse sur le dos et le fardeau était si lourd qu'en marchant il avait la tête ployée sur les genoux. Cela le rendait très malheureux et il en pleurait quelquefois de rage. Tous les jours il allait à la ville vendre les paniers d'osiers qu'il tressait. Un soir, qu'il revenait du marché, il se sentit tellement fatigué qu'il fut obligé de s'asseoir au bord de la route sur un tertre. Il avait les yeux pleins de larmes en songeant à son triste sort. Peu à peu, il s'assoupit et rêva qu'il était devenu beau et riche. Tout à coup, une musique étrange le tira de son sommeil. Il lui sembla entendre un chant qui venait du sein de la terre. Les couplets, qu'il ne comprenait pas, se terminait par un refrain bizarre :
Dalouna, Damorta ;
mais ce chant était si mélodieux qu'il ne put s'empêcher de s'y joindre. Alors, il vit s'échapper du tertre une centaine de nains qui l'entourèrent et se mirent à danser en rond, tandis qu'ils répétaient :
Dalouna, Damorta,
Si ta bosse
Est trop grosse
Laisse-la,
Dalouna, Damorta.
Puis soudain, le pauvre homme éprouva un soulagement inexprimable. Le poids qu'il avait sur les épaules avait disparu, et en se regardant de la tête aux pieds dans le ruisseau qui coulait sous yeux, il découvrit qu'il s'était transformé. Le petit bossu était devenu un jeune et beau seigneur, vêtu d'habits magnifiques, l'épée au côté, les poches pleines d'or.
Il ne tira point vanité de son bonheur et mit ses richesses à profit pour venir en aide aux besogneux et aux pauvres de la contrée. Aussi chacun prônait-il ses vertus, disant qu'il n'y avait point d'homme meilleur que lui et que si tous lui ressemblaient, le mal aurait vite disparu de la terre.
Bien des fois il pensait à son passé et il rendait intérieurement grâce aux nains de l'avoir délivré de son affreuse bosse.
La nouvelle de cette miraculeuse guérison courut bientôt tout le pays. Et depuis ce moment, il ne se passa point de jour qu'on ne vînt demander comment s'était opéré le prodige.
- C'est très simple, répondait le beau seigneur à tout le monde. J'ai entendu chanter Dalouna, Damorta et j'ai accompagné le chant : voilà tout.
Or, il y avait, à vingt lieues de là, un autre petit bossu encore plus difforme que ne l'avait été le premier, mais en outre méchant, paresseux, querelleur et si hargneux que tout le monde le craignait plus que le diable. Il battait sa mère et sa tante, donnait des coups de poing à tous ceux qu'il rencontrait et mordait les enfants qui se trouvaient sur son chemin.
- C'est sa bosse qui le rend si mauvais, disait-on.
Et sa mère et sa tante ajoutaient :
- S'il n'avait pas cette difformité qui le met sans cesse en colère, peut-être serait-il doux et bon.
A force de prières elles parvinrent à le décider à se laisser conduire en brouette au tertre habité par les nains. Les voilà donc en route, l'une tirant le brancards, l'autre poussant par derrière. Quand elles furent arrivées à l'endroit merveilleux, elles se mirent à chanter Dalouna ! Damorta ! et, après s'être époumonées, attendirent le résultat de leur invocation : mais leur attente fut vaine. Personne ne répondit à leur appel.
- Les nains veulent sans doute t'entendre toi-même, dirent-elles au petit bossu.
Et elles le supplièrent de chanter. Mais il se jeta sur elles et les assaillit à coups de pied. Puis il reprit sa place dans la brouette.
Tout à coup, il tressaillit. Les nains sortaient du tertre. Ils formèrent un cercle et entonnèrent le refrain :
Dalouna, Damorta,
Si ta bosse
Est trop grosse
Garde-la,
Dalouna, Damorta.
Alors cent d'entre eux apportèrent la bosse qu'ils avaient enlevée au bossu laborieux et bon et la placèrent comme un second étage sur celle du bossu méchant et paresseux.
Et les deux femmes furent obligées de retourner chez elles comme elles étaient venues, avec cette différence que le mauvais diable, au lieu de ne porter qu'une bosse, en avait maintenant deux.

 


     27 fevrier
La légende de l'oiselet
Un homme avait un verger où des ruisseaux d'eau courante entretenaient une herbe toujours verte, et où les oiseaux, attirés par l'agrément du lieu, se réunissaient en grand nombre et faisaient entendre leurs chants.
Un jour que, fatigué, il se reposait dans ce verger, un petit oiseau vint se poser sur un arbre et se mit à chanter délicieusement. L'homme, qui l'avait vu et entendu chanter, tendit un filet et le prit. L'oiseau lui dit : "Pourquoi t'es-tu donné tant de peine pour me prendre et quel profit espères-tu de cette prise ?
- Je ne veux, dit l'homme, qu'entendre tes chants.
- Je ne chanterai, ni pour prix ni pour prière.
- Si tu ne chantes pas, je te mangerai.
- Bouilli, je serai dur ; rôti, je fournirai bien peu. Laisse-moi aller, tu y auras grand profit.
- Lequel ?
- Je te donnerai un conseil de sagesse que tu estimeras plus que la chair de trois veaux."
L'homme, confiant dans la promesse de l'oiseau, le laissa partir. L'oiseau lui dit : "Ne crois pas tout ce qu'on te dit."
Puis il se posa sur un arbre et se mit à chanter dans un doux chant : "Béni soit Dieu qui t'a enlevé ta sagesse ! Si tu avais ouvert mon corps, tu y aurais trouvé une pierre précieuse du poids d'une once."
L'homme se mit alors à pleurer. Mais l'oiseau lui dit :
"Tu as vite oublié l'avis que je t'ai donné. Ne t'ai-je pas recommandé de ne pas croire tout ce qu'on te dit ? Et comment peux-tu croire qu'il y ait dans mon corps une pierre précieuse du poids d'une once quand, tout entier, je ne pèse pas autant ? Après s'être ainsi moqué du vilain l'oiseau s'envola dans les profondeurs de la forêt.

 


     27 mars
L'histoire de Mahurec
Aux beaux soirs d'été, pendant les longues traversées, les matelots aiment à se réunir sur le tillac, et à narrer, sous les étoiles, quelque aventure de leur vie errante, ou une des jolies légendes qu'ils ont apprises dans leur jeune âge... Ils ont alors une habitude : afin de savoir si les auditeurs ne s'endorment pas au bercement des vagues, le conteur dit soudain : Cric !
Et les matelots qui s'intéressent à l'histoire doivent aussitôt répondre : Crac !
Or ce soir-là on donna la parole à Mahurec, qui avait de l'imagination, et qui commença en ces termes :
"L'aventure que je vais vous raconter, mes enfants, ne date pas d'hier. Je naviguais alors sur le Goéland, bon navire marchand, fin marcheur, et qui nous promenait parmi des mers de glace où il faisait si froid, que la fumée des pipes gelait dans l'air - aussi vrai que je suis parmi vous ce soir. - Cric !
- Crac ! répondit l'auditoire en choeur.
- Un jour, continua Mahurec, le capitaine me fait appeler et me dit :
"Mahurec, tu es un garçon habile, et je vais te donner une mission de confiance... Nous manquons d'eau douce... Tu prendras avec toi Cadillac ; vous descendrez tous les deux sur l'île qu'on aperçoit là-bas, et vous me rapporterez cette barrique pleine. Est-ce bien compris ?
- C'est compris, mon capitaine."
Nous voilà donc partis. Nous ramons vers la terre... Cadillac, toujours gai, chantait une chanson de son pays, si bien que, faute d'attention, comme il tenait le gouvernail, il nous mène droit sur un rocher et crève notre barque... Cric !
- Crac ! firent toutes les voix.
Mahurec reprit aussitôt :
"Le capitaine va se fâcher, s'écria Cadillac... Abordons et réparons vite l'avarie !"
Nous tirons la barque à terre, nous l'appuyons la coque en l'air, et, sur le conseil de Cadillac, nous nous mettons à déjeuner pour nous donner des forces.
Le camarade avait pris ses précautions, et je ne sais pas où il avait découvert toutes les friandises qu'il nous servit... Tout à coup, je le vois pâlir.... Il se met à trembler, les mots ne sortent plus de ses lèvres, et tout ce que qu'il peut faire, c'est de me montrer, en étendant le bras, deux ours blancs énormes qui s'avancent tranquillement vers nous...
Je bondis aussitôt, je saisis mon matelot par le bras, et nous nous précipitons derrière la coque, tandis que, sans se presser, les maudits ours arrivent à notre place et achèvent notre déjeuner...
Cadillac était indigné... Il les traitait de voleurs, de bandits, de scélérats. Il avait du reste retrouvé son sang-froid et cherchait un moyen de nous tirer de là.
"J'ai trouvé, s'écria-t-il tout à coup... Attention ! Mahurec.
- J'y suis, matelot, répondis-je.
- Alors... pousse !"
Nous poussons, le canot se renverse, et nos deux ours, se trouvent pris dessous, comme un vulgaire rat dans une souricière. Quelle joie, mes amis !
Nous nous hissons sur la quille, et... Cric !"
Mahurec ne remarqua pas que les "Crac" étaient moins nombreux, et continua :
"Nous nous mettons à danser... Hélas ! notre gaîté ne fut pas de longue durée. Cadillac avait repris sa chanson, lorsque, tout à coup, le canot vacille, et v'lan ! nous voilà tous les deux à terre !
Ah ! nous fûmes vite relevés.. Nous prîmes nos jambes à nos cous... et nous voilà à détaler à toute vitesse... et à grimper aussi haut que nous pûmes sur les pics de glace qui  nous environnaient.
Quand nous nous crûmes en sûreté, nous osâmes enfin regarder, et ce fut un curieux spectacle que celui qui frappa nos yeux.
Les deux ours s'étaient relevés, mais, n'ayant pu se dégager, ils marchaient en portant le canot sur leur dos. Ils semblaient ainsi une énorme tortue à huit pattes, espèce très rare, comme vous savez - puisqu'elle n'existe pas !
Notre pauvre barque disparut bientôt dans le lointain. Jamais nous ne la revîmes - et ce n'est que deux jours après que le capitaine, inquiet sur notre sort, nous envoya chercher...
Mon histoire est finie... Cric !..."
Mais personne ne répondit : "Crac !"
Alors Mahurec, sans s'émouvoir, voyant que tout le monde sommeillait, s'étendit sur le pont, et s'endormit aussi...
Il rêva que l'histoire qu'il avait racontée était arrivée.

 


     22 decembre
Conte de Noël - Vision de Jésus
Voici ce qu'en Bretagne, à Noël, dans les landes,
On conte au coin de l'âtre où brûle un feu de brandes.
Un soir, Jésus, quittant le temple, s'égara,
Et, perdu dans la nuit, il eut peur et pleura.
Il était tout petit, ayant sept ans à peine ;
Mais c'est l'âge où déjà l'enfant connaît la peine.
Il songeait à sa mère, au chagrin qu'elle aurait,
Quand, inquiète et triste, en vain elle attendrait.
Sa tendresse infinie augmentait ses alarmes
Et de ses yeux si doux coulaient d'ardentes larmes.
Autour de lui régnait, morne, silencieux,
Enveloppant la terre et la mer et les cieux,
L'isolement lugubre et le désert livide.
Son esprit s'effarait à cet aspect du vide.
D'affreux pressentiments s'emparaient de son coeur.
Il lui semblait entendre, en un rire moqueur,
Se marier les voix de l'ombre et de l'abîme :
"C'est l'instant, pensait-il, où l'essaim noir du crime
"S'abat, mystérieux, sur l'immense univers,
"Où le mal, se cachant sous les masques divers,
"Rôde, monstre sinistre, en quête d'une proie,
"Où l'enfer déchaîné fait éclater sa joie."
Puis il s'agenouilla, priant avec ferveur :
"O mon Père du Ciel, j' implore ta faveur :
"C'est aujourd'hui Noël, la nuit de ma naissance,
"La nuit où s'accomplit l'oeuvre de ta clémence,
"Quand ton regard plongea dans les obscurités,
"Où, loin de leur vrai Dieu, les mortels emportés,
"Comme le flot tarit séparé de sa source,
"Descendaient au néant sans espoir, sans ressource ;
"Quand, infaillible et bon, pardonnant, tu voulus
"Les sauver et tu dis : ils ne souffriront plus.
"Tu m'envoyas vers eux sur leur glèbe fragile ;
"Tu donnas à mon âme une prison d'argile ;
"Et, messager divin de tes desseins secrets,
"Je viens leur apporter tes éternels secrets."

 


     27 avril
Le joueur de flûte
Il y a au moins cinq cents ans, la ville de Hameln fut envahie par une multitude de rats. Les rats luttaient contre les chiens, tuaient les chats, mordaient les bébés dans leurs berceaux, léchaient la soupe dans la louche même du cuisinier et défonçaient les barils de poissons séchés, avec des cris perçants et aigus. Tout, absolument tout, était dévoré !
Les habitants de la ville, tremblants de peur, n'osaient plus dormir et craignaient de mourir de faim.
Afin d'aviser aux mesures à prendre, le bourgmestre réunit les échevins à l'hôtel de ville. On chercha longtemps le moyen de se débarrasser de ce fléau, mais on ne trouvait rien de satisfaisant.
On entendit alors frapper à la porte de la salle tout doucement. Et voici qu'entre un personnage étrange au teint basané, aux yeux bleus perçants comme des aiguilles, la bouche immense où passaient quand ils parlait d'effrayants sourires. Il était vêtu selon l'ancienne mode d'un habit singulier, mi-jaune, mi-rouge.
"Excusez mes seigneurs ! dit-il en s'avançant, je puis débarrasser votre ville des rats qui l'infestent si vous voulez promettre de me donner mille florins ?
- Mille florins ? Non, cinquante mille !" tel fut le cri unanime du conseil des échevins.
L'homme descendit alors sur la place, et, tirant une flûte de roseau d'un petit sac en cuir qui pendait à sa ceinture, il la porta à ses lèvres. A peine avait-il commencé à jouer un air aux sons bizarres qu'on vit sortir de toutes les maisons, de toutes les caves, de tous les greniers, de tous les trous, des rats à flots, qui débouchaient de toutes les rues et qui formèrent en un instant, un immense troupeau grouillant.
De rue en rue, le joueur de flûte allait, jouant, et les rats, pas à pas, le suivaient en se pressant et se bousculant. Il les conduisit au fleuve Weser où tous plongèrent et périrent noyés. Il n'en restait plus un seul dans le ville de Hameln.
L'homme se présenta alors à l'hôtel de ville pour toucher la récompense promise. Les échevins qui n'avaient plus rien à craindre ni des rats, ni du joueur de flûte, refusèrent de payer, et même se moquèrent de lui.
L'étranger insista pour que la promesse qui lui avait été faite fût honnêtement tenue. On le mit à la porte en l'appelant le beau preneur de rats. Il descendit de nouveau sur la place et de nouveau il porta à ses lèvres sa flûte de roseau. A peine avait-il joué trois notes si douces que jamais musicien n'en avait fait entendre d'aussi suaves, que tous les enfants de la ville arrivèrent en courant avec des cris et des rires joyeux derrière le mystérieux personnage.
Le bourgmestre et son conseil se portèrent aussitôt sur la grand'rue qui mène au Weser, mais le joueur de flûte tourna brusquement vers la montagne.
Quand il fut au pied des grands rochers, on vit s'ouvrir devant lui, un portail merveilleux comme si une caverne se creusait soudain. Le flûtiste y pénétra, les enfants suivirent. On entendit encore quelque temps le son de la flûte, mais il diminua peu à peu et bientôt on n'entendit plus rien.
Et quand tous les enfants furent entrés, la porte de la montagne se ferma pour toujours.

 

 

     27 mai
Le singe
Un vieux singe malin était mort, son ombre descendit dans la sombre demeure de Pluton, où elle demanda à retourner parmi les vivants.
Pluton voulait la renvoyer dans le corps d'un âne pesant et stupide, pour lui ôter sa souplesse, sa vivacité et sa malice ; mais elle fit tant de tours plaisants et badins, que l'inflexible roi des Enfers ne put s'empêcher de rire, et lui laissa le choix d'une condition. Elle demanda à entrer dans le corps d'un perroquet. "Au moins, disait-elle, je conserverai par là quelque ressemblance avec les hommes, que j'ai si longtemps imités. Étant singe, je faisais des gestes comme eux ; et étant perroquet, je parlerai avec eux dans les plus agréables conversations.
A peine l'âme du singe fut introduite dans ce nouveau métier, qu'une vieille femme causeuse l'acheta. Il fit ses délices ; elle le mit dans une belle cage. Il faisait bonne chère, et discourait toute la journée avec la vieille radoteuse, qui ne parlait pas plus sensément que lui. Il joignait à son nouveau talent d'étourdir tout le monde je ne sais quoi de son ancienne profession : il remuait la tête ridiculement ; il faisait craquer son bec ; il agitait les ailes de cent façons, et faisait de ses pattes plusieurs tours qui sentaient encore les grimaces de Fagotin. La vieille prenait à toute heure ses lunettes pour l'admirer. Elle était bien fâchée d'être un peu sourde, et de perdre quelquefois des paroles de son perroquet, à qui elle trouvait plus d'esprit qu'à personne. Le perroquet gâté devint bavard, importun et fou. Il se tourmenta si fort dans sa cage, et but tant de vin avec la vieille, qu'il en mourut.
Le voilà revenu devant Pluton, qui voulut cette fois le faire passer dans le corps d'un poisson, pour le rendre muet ; mais il fit encore une farce devant le roi des ombres, et les princes ne résistent guère aux demandes de mauvais plaisants qui les flattent. Pluton accorda donc à celui-ci qu'il irait dans le corps d'un homme. Mais, comme le dieu eut honte de l'envoyer dans le corps d'un homme sage et vertueux, il le destina au corps d'un harangueur ennuyeux et importun, qui mentait, qui se vantait sans cesse, qui faisait des gestes ridicules, qui se moquait de tout le monde, qui interrompait toutes les conversations les plus polies et les plus solides, pour des riens et les sottises les plus grossières.
Mercure, qui le reconnut dans ce nouvel état, lui dit en riant : "Ho ! ho ! je te reconnais ; tu n'es qu'un composé du singe et du perroquet que j'ai vus autrefois. Qui t'ôterait tes gestes et tes paroles apprises par coeur sans jugement, ne laisserait rien de toi. D'un joli singe et d'un bon perroquet, on n'en fait qu'un sot homme."
O combien d'hommes dans ce monde, avec des gestes façonnés, un petit caquet et air capable, n'ont ni sens ni conduite !

 


     27 juin
Petit Pierre
Petit Pierre avait douze ans. Il était orphelin, et n'avait jamais connu ses parents. A la ferme, où il était domestique, il voyait maître François et sa femme choyer leur garçon, un mauvais garnement, sournois et menteur ; mais lui, personne ne l'embrassait, personne ne l'aimait. Levé avec le soleil, il travaillait toute la journée, et on lui donnait un peu de soupe à manger, une botte de paille pour se coucher ; jamais un regard affectueux, jamais une parole douce. La nuit, bien souvent, au lieu de s'endormir, petit Pierre pleurait. Alors Médor, le bon chien de la ferme, s'approchait doucement et se couchait près de lui, et Pierre l'embrassait éperdument. Ils étaient malheureux tous les deux : tous deux s'aimaient...
Voici qu'un soir, tandis qu'il revenait de la prairie, Pierre entendit des éclats de voix dans la maison. Il entra, étonné. Au moment où il franchissait la porte, son maître se précipita sur lui, et, le saisissant au collet, lui demanda brutalement :
"Qu'as-tu fait de l'argent que tu m'as volé, chenapan ?
- Moi ! s'écria Pierre indigné. Mais je n'ai pas volé, je ne suis pas un voleur ! Je ne vous ai rien pris !
- Tu m'as pris une pièce d'or, un louis tout neuf, vaurien ! Qu'en as-tu fait ?
- Je vous jure, dit petit Pierre d'une voix ferme, que je ne vous ai rien pris !"
Le fermier était pâle de rage ; il secoua brutalement l'enfant.
- On t'a vu ! cria-t-il. Mon fils t'a vu ! Tu entends !
- Oh ! murmura Pierre en se tournant vers celui qui l'accusait ainsi, comment pouvez-vous dire cela ? Vous savez pourtant bien que ce n'est pas vrai !
- Oui, répondit le mauvais garçon, d'une voix sourde, avec un regard méchant, c'est lui qui l'a pris !"
Petit Pierre, sans répondre, se mit à pleurer.
"C'est bon ! s'écria alors le fermier. Tu ne veux pas avouer ! Je te chasse. Va où tu voudras ; je te chasse ! Tu entends ?"
Et il eut un geste de menace terrible. Pierre, éperdu, s'enfuit, sanglotant, la tête dans ses mains. Le voleur, il le connaissait bien : c'était celui-là même qui le calomniait et le faisait chasser, c'était le fils de maître François ; mais dénoncer au fermier le coupable, il n'y fallait pas songer : il se serait trop cruellement vengé. Et Pierre s'en allait par la campagne silencieuse sur laquelle la nuit tombait peu à peu. Le pauvre enfant pleurait.
Il arriva à la forêt. Exténué et frissonnant, il se laissa tomber au pied d'un arbre. De sombres pensées l'assaillaient.
"Oh ! songeait-il, si je pouvais mourir ! Au moins, je ne souffrirais plus ! Au ciel, je reverrais peut-être mes parents ; ils m'aimeraient, eux ! Ici, personne ne m'aime."
Au même instant, Pierre se sentit effleuré par un souffle tiède et haletant ; il étendit la main : Médor était là. Le bon chien avait suivi son jeune maître, et, maintenant il essayait de le consoler et de le réchauffer.
"Ah ! s'écria Pierre avec effusion, viens, mon bon Médor ! Oui, oui, tu m'aimes, toi ! Et tu ne m'appelles pas "voleur". Viens ! Nous allons nous reposer tous les deux."
Et le petit garçon attira vers lui le gros chien qu'il caressa longtemps. A force de pleurer, petit Pierre enfin s'endormit.
Lorsqu'il se réveilla, il était au moins neuf heures du matin, à en juger par la position du soleil. Dans la forêt, au loin, il entendit d'allègres sonneries de cor ; Médor prêtait l'oreille. "Ce sont les habitants du château, lui dit Pierre, comme s'il avait parlé à une personne, ce sont les habitants du château qui chasse le sanglier."
Les sonneries se rapprochaient, de plus en plus éclatantes. Bientôt Pierre vit à travers les arbres des chasseurs à cheval, qui passaient au galop, le cor en bandoulière, le fusil à la main ; il remarqua avec étonnement qu'il y avait parmi eux autant de femmes que d'hommes, et, curieux - insouciant comme tous les enfants qui oublient leurs tristesses pour courir après un papillon, - il appela Médor, et suivit la chasse.
Tandis qu'il arrivait près d'une clairière, il entendit tout à coup un bruit violent et un cri : "Au secours !" Il se précipita à travers les arbres ; il aperçut un cheval emporté qui galopait à toute vitesse ; une jeune fille le montait ; éperdue, meurtrie, elle ne se tenait plus qu'à peine ; bientôt elle allait tomber, se briser contre un rocher, se tuer... Elle était pâle, défaillante, et l'animal bondissait, fuyant toujours.
"Va, Médor ! s'écria l'enfant. Mords-le ! Mords-le ! Le chien se jeta sur le cheval et le mordit au jarret. En même temps, Pierre se précipitait à la tête de l'animal qui s'arrêta une seconde et repartit avec impétuosité dans une direction nouvelle. Mais cet arrêt si court avait permis à la jeune fille de sauter à terre : elle était saine et sauve. Quant à Pierre, n'écoutant que son courage, il avait trop présumé de ses forces ; la secousse terrible qu'il avait reçue l'avait jeté contre un arbre, et il était maintenant étendu sur la mousse, sans connaissance.
Quand petit Pierre revint à lui, il fut tout étonné de se voir couché dans un beau lit, au milieu d'une grande pièce somptueuse, et entouré par plusieurs personnes qu'il ne connaissait pas.
"Il ouvre les yeux !" s'écria une voix douce.
L'enfant se retourna, et reconnut la jeune fille qu'il avait sauvée ; un homme, âgé déjà, mais encore droit, s'approcha et lui sourit avec bonté.
"Comment vous sentez-vous, mon enfant ? demanda-t-il.
- Bien, murmura Pierre faiblement. Mais où suis-je, Monsieur ?
- Chez le comte de Villiers, mon enfant, - chez moi, - répondit son interlocuteur. Vous avez sauvé la vie de ma fille, et je ne l'oublierai jamais. Quoi que vous me demandiez, votre prière sera exaucée.
- Oh ! alors, s'écria Pierre en joignant les mains, alors, Monsieur le comte, gardez-moi comme domestique, et... et aimez-moi un peu, je vous en supplie ! Je serai si heureux !"
Et l'enfant raconta son histoire, ses tristesses, les mauvais traitements que lui faisaient subir ses anciens maîtres ; à maintes reprises, le comte laissa échapper des exclamations indignées, tandis que des larmes perlaient aux yeux de la jeune fille.
"Pauvre enfant ! murmura le comte de Villiers quand Pierre eut fini son récit. Soyez tranquille, vous ne nous quitterez plus, et nous vous aimerons, nous ! Ici on sera bon pour vous, mon enfant, et aussi pour votre brave Médor, qui vous a suivi. Vous avez sauvé ma fille : vous serez de la famille, désormais."
L'enfant ne put répondre qu'en couvrant de baisers et de larmes la main que lui tendait son bienfaiteur.
... Et les années passèrent ; le comte avait élevé Pierre, l'avait fait instruire comme son fils, et le pauvre orphelin était devenu un médecin distingué. Il s'installa alors dans un village, et se mit à soigner les pauvres. A ceux qui l'interrogeaient et qui lui demandait pourquoi, étant assez riche pour vivre à sa guis, il avait choisi de métier pénible, il répondait :
"C'est parce que je puis ainsi apaiser bien des souffrances, et rendre la joie à ceux qui pleurent. J'ai été malheureux, moi aussi : il est juste que j'adoucisse aujourd'hui le sort de ceux qui le sont encore."
Et petit Pierre est devenu plus encore qu'un grand homme : il est devenu un homme de bien.

 


     27 juillet
L'Eté de la Saint-Martin
Dès les premiers jours de novembre, la bise avait soufflé, et les montagnes s'étaient couronnées de neige. Aux rameaux dépouillés des arbres s'accrochaient déjà de petits glaçons, miroitant comme de beaux diamants, sous le pâle soleil, un soleil froid d'hiver.
Le manoir, placé sur un coteau, faisait une tache sombre dans la campagne enveloppée de son linceul d'hermine. Des corbeaux, par bandes, croassaient en traversant le ciel, au-dessus des toits d'où montait une fumée bleue.
Seules, les cheminées des pauvres gens restaient sans feu.
Or un matin, le pont-levis s'abattit et livra passage à un petit garçon, qui se dirigea vers un village dont on apercevait au loin les maisons. Il était emmitouflé dans un manteau de fourrure ; sa coiffure était rabattue sur les oreilles, et ses mains glissaient frileusement dans les manches pour fuir la froidure.
Il portait au bras un panier.
Parfois il s'arrêtait sur le chemin, balayait la neige de son pied, et émiettait du pain.
"C'est la part des oiseaux, murmurait-il. Comme ces petites bêtes doivent souffrir ! Ah ! s'ils osaient venir me trouver au château, comme je leur ouvrirais bien ma fenêtre : il flambe un si bon feu dans ma chambre !"
Puis il allait plus loin et s'arrêtait encore pour jeter la pâture aux rouges-gorges et aux pinsons, qui pépiaient mélancoliquement sur les branches.
Tout à coup, une plainte frappa son oreille... Il courut vite,... vite... et aperçut... Ah ! quel triste spectacle !
Une fillette de son âge était étendue sur un tas de pierres, au bord du chemin. Elle était vêtue d'une chemisette en lambeaux, à travers laquelle on voyait sa chair bleuie par le vent glacé... Ses dents claquaient... et comme elle pleurait, la pauvre !
"Quel malheur ! s'écria le jeune garçon qui lui prenait les mains pour les réchauffer dans les siennes. Pourquoi es-tu dehors par ce temps-là, et presque  nue ? N'as-tu point de robe ?
- Hélas ! murmura l'enfant... Nous sommes si malheureux, chez nous ! Ma mère est au lit, malade...  Nous sommes sans feu ni pain. Comme je sais que la dame du château est bonne, j'allais la supplier de nous secourir ; mais, j'ai les pieds meurtris, et je suis glacée... Je ne puis plus marcher..."
Le petit châtelain n'hésita pas.
"Ecoute-moi, dit-il. Je courais les champs pour donner à manger aux oiseaux. J'avais mis quelques friandises pour moi dans le panier. Prends tout, et porte-le chez toi. Attends encore... Couvre-toi avec ceci."
Et, tout en parlant, il quittait son beau manteau, et le jetait sur les épaules de la fillette.
"Je ne veux pas ! répondait celle-ci. Vous auriez froid.
- Prends ; je marcherai vite pour me réchauffer... Attends ! ajouta-t-il en retirant son bonnet de fourrure, mets encore ceci sur ta tête...
- Je ne veux pas ! Je ne veux pas !"
Mais le petit garçon s'était enfui en disant :
"J'irai te voir."
Alors, la fillette émerveillée s'en fut vers le village.
Et c'était maintenant le petit châtelain qui semblait l'enfant pauvre, car il allait, la tête et les bras nus, entre les haies couvertes de givre et de frimas.
Mais, ô prodige ! pour l'enfant, soudain la brise devint plus tiède, et le ciel s'éclaircit ; comme par enchantement la neige disparut de la terre, et se changea sur les branches en fleurettes blanches ; le printemps semblait renaître...
L'air se parfuma de roses, les bourgeons étaient près d'éclore.
Une fauvette chantait sur un églantier dont les boutons s'ouvraient ; l'herbe s'étoilait des corolles dentelées des marguerites.
Et le gentil garçon revint au château par un sentier de fleurs, sous un soleil rayonnant.
Le petit châtelain s'appelait Martin.
Il fut plus tard évêque de Tours, et son inépuisable charité l'a rendu populaire.
Chaque année, en souvenir de sa bonne action, le miracle se renouvelle, et vers le milieu de novembre, la nature se pare comme au renouveau.
C'est ce que l'on appelle l'Eté de la Saint-Martin.

 


     29 aout
Le grand savant
Il y avait une fois un petit garçon qui était toujours le premier à l'école. Prix de grammaire, prix d'arithmétique, prix d'histoire, prix de géographie, il les avait tous.
Et cela, il faut le dire, enflait bien un peu le pauvre petit et il s'habituait tout doucement à se prendre pour un savant.
Il avait pour voisine une petite fille qui venait souvent jouer avec lui. Elle n'avait pas autant de facilité pour apprendre, mais c'était une bien gentille enfant, aimable et douce avec tout le monde, obéissante avec ses parents.
Notre grand savant s'avisa un beau jour qu'il était nécessaire de s'assurer si cette petite ignorante était digne de sa compagnie, et il voulut se rendre compte de ce qu'elle savait.
La chère enfant étant donc venue le chercher pour lui montrer un beau livre d'images qu'elle avait reçu de sa marraine, il l'accueillit avec un petit air digne et froid.
"Mademoiselle, lui dit-il, je ne demande pas mieux que d'aller jouer avec vous, mais auparavant, je désirerais savoir si vous êtes en état de convertir une fraction ordinaire en fraction décimale."
Elle se met à rire.
"Oh ! je n'en suis pas encore là. Je vais bientôt commencer la division.
- Fort bien ! Vous me direz au moins la différence qui existe entre une proposition principale et une proposition absolue ?
- On nous l'a dit l'autre jour en classe, mais je ne me rappelle plus...
- De mieux en mieux. Je parierais presque que vous ne sauriez pas même me nommer les départements du bassin de la Loire."
Elle demeura muette ; ses connaissances géographiques s'étendaient pas encore au bassin de la Loire.
Après cet examen, le jeune savant estima que son savoir ne lui permettait plus de jouer avec une petite fille aussi ignorante.
"D'ailleurs, ajouta-t-il, les contes et les images ne m'intéressent plus."
La pauvre petite, se mit à pleurer, car il lui semblait bien dur de perdre son compagnon de jeu à cause du bassin de la Loire et de la proposition absolue.
La marraine de la fillette entra à ce moment. Touchée du chagrin de sa chère filleule, elle désira corriger le petit orgueilleux.
"Tu ne sais donc rien, ma chère enfant ? dit-elle à la petite fille. Eh bien ! sauras-tu me dire ce qu'il faut faire pour bien vivre ?
- Oh ! Marraine, cela n'est pas difficile. Il faut être bon avec tout le monde.
- Bien, dit Marraine ; maintenant venez avec moi, mon ami, continua-t-elle en se tournant vers le petit garçon. Vous en savez trop long, c'est vrai, pour fréquenter les petites filles. Ce qui vous convient, c'est la société des savants."
Disant cela, elle le prit par la main et le conduisit dans une des salles de l'Observatoire où se trouvait un grand savant qui étudiait le mouvement des astres.
"Bonjour, maître, dit Marraine ; voici un jeune savant que je vous amène pour faire conversation avec vous."
Le grand homme tendit la main au petit garçon :
"Je vous fais mon compliment, dit-il. Savant, à votre âge ! C'est très beau. Voulez-vous m'aider à trouver une comète que nous attendons depuis un mois ? Je cherche en ce moment ce qui a pu la retarder en route. Nous chercherons ensemble."
Chercher les comètes, c'était un peut trop fort pour notre écolier qui n'était pas allé plus loin que la règle d'intérêt. Il se contenta de rougir.
"Eh bien ! nous traiterons une question d'optique ou d'acoustique, à votre choix."
Le pauvre enfant, tout épouvanté, ne savait plus où se cacher.
"Vous connaissez au moins les logarithmes ?"
Il répondit, en retenant une envie de pleurer, qu'il ne connaissait pas ces bêtes-là, mais qu'il pourrait bien convertir une fraction ordinaire en fraction décimale.
Le vrai savant ne parut pas surpris du tout.
Marraine prit la parole.
"Maître, dit-elle, il y a une petite fille qui dit que pour bien vivre, il faut être bon avec tout le monde. En savez-vous plus long qu'elle là-dessus ?
- A Dieu ne plaise que j'aille m'en vanter ! Elle a dit tout ce qu'il y avait à dire, la chère petite !
- Allons nous-en d'ici, dit Marraine à son compagnon, il n'y fait pas bon pour vous."
Le jeune savant fut ensuite conduit chez un grand historien où il ne tarda pas à comprendre une nouvelle fois qu'il n'était qu'un ignorant.
"Maître, dit encore Marraine, il y a une petite fille qui dit que pour bien vivre, il faut être bon avec tout le monde. Doutez-vous de ce qu'elle dit là ?
- Le ciel m'en préserve !... Il n'a pas à douter de ce qu'elle dit, la chère enfant !"
Et Marraine, après avoir remercié l'historien, ramena à la maison le petit garçon qui avait un peu de mauvaise humeur.
"Et maintenant, dit la bonne Marraine, embrassez ma filleule et allez voir ses images, vous l'avez bien gagné."
Le petit garçon embrassa la petite fille et il alla voir les images qui lui plurent infiniment.
Les vrais savants sont modestes, les ignorants croient tout savoir

 


     27 aout
La souris blanche
Comment la fée des Pleurs fut changée en blanche sourette.
Un jour de printemps et de nouvelle lune, il se fit un grand mouvement dans le royaume des fées. Toutes étaient conviées à une grande fête que donnait, le soir même, la reine des fées à son peuple.
A l'heure convenue, comme vous le pensez bien, ces dames arrivèrent en foule, exactes et empressées, chacune voyageant à sa manière, les unes dans une conque de saphir attelée de papillons, les autres dans une feuille de rose emportée par le vent.
Une fée manquait au rendez-vous. Dès le matin, l'une des suivantes de la reine, Angelina, surnommée la fée des Pleurs, à cause de sa pitié pour toutes les infortunes, était sortie furtivement du palais.
Des cris plaintifs, des cris d'enfant l'avaient éveillée en sursaut, et soudain elle s'était dirigée vers l'endroit d'où venait le bruit ; les cheveux au vent, vêtue d'une robe flottante, or et azur, tenant à la main la baguette d'ivoire, marque de sa puissance...
Après avoir marché longtemps, elle s'arrêta enfin devant une petite cabane, sur la lisière d'une forêt. Il serait inutile de vous en faire la description, car je soupçonne fort que vous croyez la reconnaître, et vous ne vous trompez pas : cette cabane de bûcheron est bien celle de Petit Poucet.
C'était lui, c'étaient ses frères dont les plaintes avaient éveillé Angelina : leurs parents, occupés au loin dans la forêt, y avaient passé la nuit pour être prêts au travail dès l'aurore, et ne les voyant pas revenir à l'heure accoutumée, la jeune famille avait eu grand'peur.
La visite de la fée, que les pauvres enfants connaissaient déjà, ramena pour quelques temps la paix et la joie dans la cabane.
A la chute du jour, Angélina se souvint que la fête allait commencer et voulut partir ; mais tous, la rappelaient et la retenaient par le pan de sa robe, et la bonne fée souriait et cédait.
Cependant, un grillon, venu on ne sait comment du palais des fées, se mit à crier dans l'âtre : "A table, Angelina ! on n'attend plus personne, et le banquet solennel commence. A table ! à table ! car, de mémoire de grillon, jamais on ne vit plus beau festin.
Puis voilà qu'un papillon du soir vint danser autour de la lampe en répétant : "Au bal, Angelina ! la salle est déjà pleine d'harmonie et de lumière. Au bal ! au bal ! car, de mémoire de papillon, jamais on ne vit plus brillante soirée."
Et Angélina voulait partir ; mais les enfants la retenaient avec des cris et des pleurs. "Oh ! ne nous quittez pas encore, disaient-ils ; que deviendrons-nous, bon Dieu ! seuls, la nuit, quand la lampe s'éteindra, quand le loup montrera ses grands yeux à travers les fentes de la porte, et que nous entendrons dans la clairière siffler les vents et les voleurs ?"
Et la bonne fée souriait et cédait toujours. Mais on entendit tout à coup une voix terrible crier : "Angélina ! Angélina !" C'était la reine des fées qui l'appelait, irritée d'une si longue absence.
Épouvantée, Angelina se débarrassa des petites mains qui l'empêchaient de sortir trop vite. Trop vite, hélas ! car, dans son trouble, elle oublia sa baguette, dont le plus jeune des enfants s'était fait, un hochet dans son berceau.
Or, vous saurez qu'une fée qui égare sa baguette est une fée perdue. La pauvre Angélina ne s'aperçut de son malheur qu'à l'explosion de murmures indignés qui salua son retour au palais. Ce fut un grand scandale pour toutes les fées...
La coupable fut traduite devant un tribunal présidé par la reine, et fut condamnée à courir le monde pendant un siècle, sous la forme d'une souris blanche...
Et voilà comme quoi la fée des Pleurs fut changée en blanche sourette.

 


     29 juillet
Tirer le diable par la queue
Dans le pays albigeois, il existait autrefois une abbaye de l'ordre de Saint-Bernard, l'abbaye de Bellecelle. Aux premiers temps de sa fondation, ce monastère était aussi pauvre qu'honnête ; or, il était excessivement honnête ; devinez s'il était pauvre.
La cuisine des frères se ressentait de cette pénurie apostolique. Les repas étaient toujours maigres, alors même qu'ils étaient gras, et la portion congrue de chaque moine était fort incongrue. Or l'établissement comptait vingt-quatre moines. Il en serait venu un vingt-cinquième qu'il eût été une bouche inutile et qu'il eût déploré à jeun l'allusion mensongère du proverbe : Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois.
La distribution de la part qui revenait à chaque Bernardin s'opérait d'une manière bizarre. Dans un coin du réfectoire, au rez-de-chaussée, s'ouvrait un guichet à hauteur d'appui. A ce guichet se tenait attaché un cordon qui recevait une sonnette posée dans la cuisine du premier étage. A chaque appel le frère servant déposait une portion dans un tour, qui, au moyen d'une manivelle assez semblable à celle de la Bibliothèque Royale, le descendait sans encombre au réfectoire.
Selon la mode de cette époque, où les queues des bêtes servaient de poignée à frapper les portes, sous la qualification de tiroir à huis, une queue de mouton était fichée au guichet par où sortait en fractions la subsistance quotidienne des moines.
La vérité de cette histoire nous autorise à trahir le méfait d'un gros chien noir de berger qui vagabondait dans le voisinage. Ce chien, fort éclairé, mal blanchi et pas du tout nourri chez son maître, courait le monde pour étudier les moeurs et les cuisines des environs. Un certain soir il se glissa dans notre abbaye et avisa le stratagème au moyen duquel les frères du couvent se procuraient leur subsistance. Le chien croisa les pattes et réfléchit.
Il réfléchit en tapinois tout le temps que les moines dînèrent ; puis quand tout le monde fut parti, le chien, guidé par son flair encore plus que par son raisonnement, se dirigea vers la corne d'abondance d'où il avait vu sortir tant de choses. Plus rien : la porte était close. Le pauvre animal lécha les abords intérieurs et même, tant il était affamé, il s'accrocha à la poignée du vasistas, c'est-à-dire à la queue de mouton.
Miracle ! la porte cède, le guichet s'ouvre, la sonnette babille et aussitôt un dîner, fumant encore, tombe du ciel. Le chien s'en empare, fait franche lippée, et s'en retourne chez lui.
Qui fut bien penaud ? Certes ce fut le frère Pacôme, le jardinier, quand il arriva un instant après réclamer sa pitance : drelin, drelin, pas de réponse ; din, din, drin ! Maudit cuisinier, je briserai ta sonnette !
Rien ne descendait. Ce que voyant, Pacôme monta.
- Frère Arsène, dit-il, voilà dix minutes que je sonne !
- Et dix minutes que je demande pourquoi.
- Pourquoi ?
- Oui, pourquoi ? repris sans se déranger de son repas le frère cuisinier.
- Par Saint-Bernard ! mais pour obtenir mon dîner.
- Juste Dieu ! Combien vous en faut-il donc ? interrompit l'autre en se levant. Mon frère, réprimez votre voracité antichrétienne et rappelez-vous que parmi les péchés capitaux on compte la gourmandise.
- Vous en parlez fort à votre aise devant cette morue à la bénédictine.
- De l'envie ! Autre péché capital, ajouta le dîneur entre deux coups de dent.
- Frère cuisinier, je vous ordonne de me servir sur l'heure.
- Ah ! de l'orgueil, maintenant. C'est le premier de tous, poursuivit frère Arsène avec un flegme inébranlable.
- Faudra-t-il vous y contraindre ? continua Pacôme de plus en plus exaspéré.
- Mon ami, vous tombez dans la colère, observa doucement le cuisinier.
- Puisqu'il en est ainsi, travaille qui voudra le jardin.
- Bon, la paresse, il ne manquait plus que celui-là.
"Pourquoi vous échauffez ainsi ? Après tout cela ne me regarde point. Réclamez à la communauté et le prieur décidera s'il faut vous donner double ration.
- Comment, double ration ! lorsque vous m'en refusez une seule, la mienne ?
- La vôtre ; mais il y a une heure que je vous l'ai servie sur votre demande. J'y ai même ajouté un plat de pruneaux bouillis, pro regulae indulgentia.
- Faites-moi grâce de votre latin de cuisine.
- C'est tout ce qu'il me reste à vous offrir pour le moment.
- Nous verrons, je vais me plaindre à l'abbé.
- Allez en paix, mon frère, ainsi soit-il.
L'abbé, saisit de la question, ordonna une enquête, fit comparaître le portier, et condamna frère Pacôme à une semonce en quatre points, le prévenant que son juge serait beaucoup plus sévère en cas de récidive.
Le lendemain, le jardinier s'attarda de nouveau pour cause d'un sarclage pressant, et notre chien usurpa la place de son dîner.
Frère Pacôme sonna derechef, sans le moindre résultat, et se résigna, crainte de pire aventure. Son ventre serré jetait les hauts cris. Le surlendemain, même désappointement.
Ma foi, pour le coup, le jardinier n'y tint plus. Après un mûr exament, il se jugea victime de quelque sortilège et augura que l'esprit malin était seul capable de lui jouer des tours de cette nature. Donc, après le repas de la communauté, frère Pâcome, armé d'une faucille, se blottit sous la longue table du réfectoir pour surveiller la disparition subreptice de sa collation.
Les ténèbres grandissaient déjà et peuplaient la solitude de cette vaste salle, quand le guetteur entendit un bruit de pattes derrière lui. Pacôme se sentit saisir par le frisson de la peur, qu'il surmonta d'un signe de croix, divinement bien tracé. Un instant après, il vit se glisser une forme noire dans la direction du guichet. La frayeur est la mère la plus créatrice dont s'inspire l'imagination, et celle-ci, multipliée par celle-là, fit clairement voir à Pacôme des cornes au front, du feu dans les yeux et des ongles ardents aux pattes innocentes de l'animal.
Plus de doute, c'est Lucifer, pensa Pacôme, et s'armant d'un courage que la faim seule pouvait suggérer, le jardinier s'élança sur l'animal en criant : - Vade retro Satanas ! et il donné au hasard un grand coup de sa faucille.
Le monstre poussa un cri de rage, d'effroi, de douleur et disparut ; mais sa queuex était demeurée à la bataille, il avait mangé l'autre. Cet esclandre mit toute la communauté en émoi ; de toutes parts on accourait au réfectoire, et Pacôme triomphant, montra cette infernale queue comme pièce justificative de sa victoire et de son abstinence, et sur l'heure, en présence de l'assemblée, il la cloua en guise de trophée au milieu du guichet, sous le nom de Queue du diable.
L'abbaye de Bellecelle devint riche par la suite, et fit beaucoup d'aumônes en nature ; tous les jours ce guichet livrait passage à la nourriture d'un certain nombre de mendiants ; mais comme ce régal était loin d'être exquis, les pauvres n'y revenaient qu'à la dernière extrémité ; c'est pourquoi ils appelaient l'exercice de cette ressource suprême : Tirer le diable par la queue.

 


     29 juin
Le pain des mécontents
Il était une fois un boulanger qui avait, comme on dit, un caractère du diable. Pour peu que son pain ne fût pas assez cuit ou le fût trop, il entrait dans une colère d'âne rouge, et alors sa femme et sa fille étaient obligée de prendre la fuite.
Un jour qu'il frappait du pied, jurait, tempêtait, il vit apparaître à l'ouverture du four un petit homme noir, fluet, avec des cornes et une longue queue.
- Monsieur le boulanger, dit le diablotin, pourquoi faites-vous tout ce tintamarre ? Parce que votre pain est brûlé et votre fournée perdue ! La belle affaire ! Si vous voulez, nous allons nous arranger et désormais cela n'aura plus lieu.
Le boulanger vit tout de suite que c'était le diable.
- Ah ! vraiment, dit-il, vous croyez ? et que me demanderez-vous pour cela ?
- Peu de chose. Vous me bâtirez une petite niche dans votre four, je surveillerai la cuisson du pain.
- Voilà un singulier mitron, pensa le boulanger, et il ajouta en ricanant : Il aura un singulier goût, ce pain-là, si je vous fais cuire du même coup.
Mais le diable ricana plus fort.
- Apprenez que votre four ne sera jamais qu'une glacière pour moi. Je disais donc que je surveillerais la cuisson de votre pain : il sera si bon qu'on n'en voudra plus manger d'autre. Vous serez le fournisseur de toute la ville, et vous deviendrez en peu temps plus riche que le plus gros richard. Seulement, je vous préviens que...
- Ah ! il y a une condition. Voyons. Vous voulez que je vous vende mon âme ?
- Votre âme, mon brave homme, vous savez bien qu'elle ne vaut pas cher et que je n'aurais qu'à me baisser pour la ramasser dans la boue, quand elle quittera votre corps où elle est si mal logée. Soyez tranquille, et ne me questionnez pas sur mes projets. Cela ne vous regarde pas. Le pain que vous cuirez sera excellent au goût, il fera fureur et, par ricochet, il mettra en fureur ceux qui en mangeront. Or, quand on est en fureur on est bien près de se donner au diable. Vous voyez où je veux en venir.
- Parfaitement. Moi, tout ce que je demande, c'est qu'on m'achète mon pain en le payant plus cher que d'habitude. Le reste m'est bien égal.
Et l'affreux boulanger eut un sourire encore plus diabolique que celui de son interlocuteur.
- Si vous n'avez pas d'autre objection, reprit-il, tope-là, le marché est dans le sac. Justement, voici une nouvelle fournée. Installez-vous à votre aise.
Le diable se fourra dans un coin où il manquait une brique. Il se ramassa sur lui-même, se ratatina, se fit tout petit. Le boulanger enfourna, puis ferma la porte du four et s'en alla à ses affaires qui étaient, suivant sa coutume, de se chamailler avec sa femme et sa fille. Cela lui fit passer le temps jusqu'à l'heure de défourner.
Aussitôt la porte du four rouverte, le petit homme noir se présenta tout guilleret.
- Voilà votre pain cuit comme il ne l'a jamais été. Regardez-moi cette croûte luisante, dorée.
Le pain était si beau, en effet, que tout le monde en voulait. Tout le monde en eut et tout le monde en ressentit les effets.
Non loin de la boulangerie, demeurait dans une cabane Pierre le sabotier. Il était veuf, mais il avait deux amours d'enfants, sages comme des images, deux jumeaux qui s'aimaient tendrement. Quand leur père apporta le beau pain de chez le boulanger, Christophe en coupa une tranche sur laquelle il étendit du beurre, puis il la donna à son frère Jean. Il se fit ensuite une tartine toute pareille et s'assit dans les copeaux, juste en face de Christophe ; après quoi, il mordit dans son pain à belles dents. Son frère en fit autant, car, étant jumeaux, ils réglaient leurs mouvements l'un sur l'autre. Le pain des mécontents dérangea soudain ce bel accord.
- Tu me regardes comme si j'étais une bête curieuse, dit Christophe, je n'aime pas ça.
- Je ne te regarde pas, et, d'ailleurs, si je te regarde, ça ne te regarde pas, répliqua Jean.
- Mon pauvre Jeannot, si tu crois que ça te donne l'air intelligent de me dévisager, tu te trompes. Tu as la mine de ce que tu es.
- Et qu'est-ce que je suis, dis-le voir ?
- Un Jeannot, tiens !
Les deux jumeaux s'empoignèrent aux cheveux.
- Polissons ! s'écria le sabotier qui jusqu'alors n'aurait pu travailler à son aise, s'il n'avait entendu gazouiller ses deux chers bébés ; mauvais drôles, allez vous asseoir chacun dans votre coin et tournez-vous le dos, sinon, j'appelle l'ogre de la cheminée.
Il se remit à la besogne en mangeant son pain, mais il était contrarié, faisait ses sabots de travers et était obligé de les jeter au feu. Plus il en manquait, plus il était furieux ; et plus il était furieux, plus il en manquait. A la fin, il y renonça, alla au cabaret, chercha querelle à tout le monde, fut rossé et rentra chez lui un oeil poché.
Partout où l'on mangea de ce beau pain à la mie si légère, à la croûte si attirante, il n'y avait que disputes, coups de langue et coups de main.
Le boulanger, qui comptait ses écus sur le seuil de sa porte, ne put s'empêcher de rire.
Un de ceux qui avait mangé de son pain l'aperçut. Aussitôt la nouvelle se répandit de tous côtés. Il y eut un rassemblement de mécontents devant la boulangerie.
- A bas le sorcier ! criait-on.
On accourut avec des triques, des pelles, des fourches.
Bref, on traîna le boulanger devant le bailli.
- Hein ! qu'est-ce que vous voulez ? Que l'on pende cet homme ? Volontiers. Branchez-le et qu'il n'en soit plus question.
Il fit appliquer au vendeur de pain vingt coups de bâton entre les épaules ; cet endroit est très sensible.
Le boulanger protesta, mais on ne le tint pas quitte d'un seul vingtième de sa ration.
Quand la sentence fut exécutée, il accourut, le dos tout en sang, conter sa mésaventure à sa femme. La boulangère se moqua de lui.
Alors il démolit son four et en rebâtit un autre où le diable ne logea plus. Il fit bien. Son pain fut moins bon, mais les fronts se rassérénèrent dans le village.

 


     29 mai
Le Grand Duc
Quand mon grand-père était jeune, -il y a plus de cent ans de cela,- on croyait encore aux sorciers, aux loups-garous, aux revenants. C'était le temps où l'on n'aurait pu, au dire des paysans, traverser à minuit un cimetière et passer devant un ossuaire sans entendre une tête de mort interpeller le téméraire, où l'on ne pouvait rentrer chez soi, au clair de lune, par une route déserte, sans avoir à porter pendant deux lieues, au bout d'un baguette de coudrier, un diable pesant comme du plomb qui s'y tenait en équilibre sur un pied fourchu.
Les gens les plus sérieux n'étaient pas affranchis de ces superstitions et les plus braves ne se seraient certainement pas aventurés la nuit dans une maison hantée.
Mon grand-père me racontait souvent des histoires vraies qui témoignaient de ces craintes populaires. Il m'en revient une à la mémoire et je vais vous la dire : mon grand-père m'a affirmé que les faits s'étaient passés sous ses yeux.
Il habitait un château entouré d'un grand bois peuplé de hiboux, de chouettes, de hulottes, de chauves-souris. Un soir, un grand-duc entra dans la grange, et quand vint le jour ; lorsque le garçon d'écurie vint chercher de la paille, la bête regarda l'homme d'un air si terrible, que, poussant un cri, le palefrenier jeta ce qu'il avait dans les mains et s'enfuit, comme s'il avait vu Lucifer en personne. Aussitôt il courut prévenir son maître.
- Il y a dans la grange un monstre d'enfer : les yeux lui tournent dans la tête comme des roues de fer ; si je m'en étais approché, il m'aurait dévoré.
- Imbécile, dit mon grand-père, quand tu dois prendre une fourmi, tu bois d'abord un verre d'eau-de-vie pour te donner du courage, mais si tu trouves une poule morte, tu retournes vite à la maison et prends un bâton pour te défendre. J'irai voir moi-même ce que c'est que ce monstre.
Et mon grand-père y alla en effet, mais il faut croire que, lui aussi, n'avait pas encore dépouillé toute peur du malin, car lorsqu'il eut vu les yeux affreux de la bête énorme, il eut, m'avoua-t-il, la chair de poule comme le palefrenier et s'empressa de battre en retraite. Puis il alla quérir des voisins pour lui prêter main-forte contre un animal dangereux qui s'était introduit dans sa grange, et qu'il fallait mettre à mort pour éviter quelque malheur.
Il y eut alors une panique. Mais on finit, sur la prière de mon grand-père, par s'armer de fourches, de faux et de cognées pour marcher contre le redoutable ennemi. Le bailli, homme prudent, venait derrière à cent pas de distance.
Quand la troupe se fut disposée, sur le marché, en ordre de bataille, elle se dirigea vers la grange, qu'elle cerna.
Alors l'un des plus braves - il avait un sabre - pénétra à l'intérieur, mais revint presque aussitôt, pâle comme la mort : il ne pouvait articuler une seule parole. Deux autres voulurent faire preuve d'audace : ils ne restèrent qu'une seconde dans la grange.
A la fin, un vieux soldat qui avait fait la guerre de Sept ans et pouvait montre quatre blessures, dit :
- Ce n'est pas en allant regarder le monstre que vous le tuerez. Il faut se mesurer à lui. Qu'on aille me chercher ma cuirasse et mon épée.
On les lui apporta en admirant sa vaillance, mais tous lui disaient qu'il risquait sa vie.
Le palefrenier ouvrit, tremblant comme une feuille, les deux portes de la grange, et le guerrier entra.
Il vit le grand-duc qui était allé se percher sur une poutre. Il fit apporter une échelle, et, quand il l'eut dressée et appuyée, on lui cria :
- Courage ! courage !
Plusieurs rappelèrent, à ce moment, les exploits de saint Georges, qui avait tué le dragon, et de saint Michel, qui avait terrassé et écrasé le démon.
Quand le hibou vit que l'homme monté sur l'échelle lui en voulait, ahuri par toute cette foule attroupée hors de la grange, et par l'éclat de la lumière, il ouvrit ses ailes d'une puissante envergure, les battit avec violence, allongea son bec pour se défendre et poussa un cri retentissant.
- Sus ! sus au diable ! criaient les assistants pour stimuler le héros.
- Je voudrais vous voir à ma place, répondit le crâne soldat d'une voix tressaillante.
Il gravit encore deux échelons, puis tout son corps frissonna, il retomba en arrière comme une masse.
Alors il n'y eut plus personne qui parlât de prendre sa place.
- Le monstre, disait-on, a repoussé et peut-être fait périr le plus courageux d'entre nous.
Cependant on ne pouvait laisser toute la région à la merci de cet ennemi. On délibéra longtemps sur ce qu'il y avait à faire. A la fin, le bailli trouva une solution suprême.
- Monsieur le châtelain, dit-il à mon grand-père, vous devez vous dévouer pour la cause commune. Estimez ce qui est dans votre grange, paille, foin, fourrage, blé, en y ajoutant la valeur de la grange elle-même, tout le monde se cotisera pour vous indemniser, mais il n'y a pas d'autre moyen de nous délivrer de ce monstre que de mettre le feu aux quatre coins du bâtiment.
- Je protestai d'abord, dit mon grand-père, mais tous ceux qui étaient là étaient tellement affolés que, si je n'avais consenti, je crois que l'on m'aurait massacré. Je dis ce que ce bâtiment m'avait coûté et ce qu'il contenait. Le bailli en fit le calcul. Tous les assistants s'engagèrent à me rembourser et un acte en règle en fut dressé.
Puis le bailli ordonna de faire flamber la grange.
Il n'en resta pas un éclat de bois, pas un fétu de paille, et le grand-duc fut brûlé avec tout le reste.
- Allez, dans l'endroit, ajouta mon grand-père en concluant, vous y trouverez encore des gens qui vous diront comment le village fut sauvé du démon par le bailli.

 


     29 avril
Pierre le Crédule
Pierre s'ennuyait : il rêvait d'être riche et la fortune ne venait pas à lui.
- J'irai à elle, se dit-il, et le voilà parti.
Tout de suite il eut la chance d'entrer chez un bon maître qui le garda sept ans. Pierre rassembla alors ses économies et témoigna le désir d'aller revoir sa mère et son pays.
- Cela prouve ton bon coeur, lui dit son maître, je veux bien t'en récompenser, prends ce lingot d'or.
Le lingot était aussi gros que la tête de Pierre... Le soleil était brûlant : Pierre fut bientôt las. Il vit passer un beau cavalier bien campé en selle sur sa jument.
Où vas-tu de la sorte, l'homme au lingot ? cria le cavalier.
- Je suis fatigué à mourir, gémit Pierre. Ce poids m'écrase. Ah ! vous êtes bien heureux.
- Il ne tient qu'à toi d'en faire autant, dit l'autre.
"Donne-moi ton lingot et prend mon cheval.
- Soit, dit Pierre.
L'homme mit pied à terre. Pierre sauta en selle.
Mais au premier détour du sentier, la bête sentant qui elle avait sur le dos, se cabre, jette son malhabile conducteur dans le fossé. Heureusement un paysan passait par là, menant sa vache en laisse au marché. Il arrête la jument et veut aider ce piteux cavalier à se remettre à califourchon.
- Ah ! dit Pierre, si ma jument était douce comme votre vache !
- Eh ! repartit le paysan, aimerais-tu mieux ma vache que ta monture ?
- Sans doute, dit Pierre.
- Eh bien ! mon fils, prends-la. Tope, voici la longe.
Le marché fait, chacun s'en va de son côté, Pierre traînant la vache derrière lui, mais au bout d'une demi-heure, il a soif et se dit :
- Je vais traire la bête.
Il tend son bonnet de cuir sous le pis et se met en besogne de presser les mamelles. Point de lait.
La vache s'impatiente et lui décoche de son pied de derrière un coup furieux au visage.
Passe un boucher avec un petit cochon de lait. Il a pitié de Pierre et le ramasse.
- Ah ! dit Pierre, vous êtes bien heureux, d'avoir un cochon au lieu d'une vache.
- Il ne tient qu'à toi d'être heureux de même, dit le boucher. Faisons un échange.
Pierre donne la vache au boucher et s'en va en chantant avec le cochon. Cent pas plus loin il rencontre un grand gaillard qui portait une oie grasse sous le bras.
- Quelle belle bête ! s'écria Pierre, tu as de la chance de la posséder.
- Eh ! dit l'autre, je n'y tiens pas autant que tu le penses. Donne-moi ton cochon et je te la laisse emporter.
Pierre ne se fait pas prier. Il s'enfuit avec l'oie comme un voleur. Il approche enfin de son village et son coeur bat de joie.
A ce moment, il voit venir au-devant de lui un gagne-petit :
- Tiens ! le frère qui porte la soeur ! s'écria le gamin. Et qui t'a donné cette bête-là ?
- Je l'ai eue en échange d'un cochon.
- Et le cochon ?
- Je l'ai eu pour une vache.
- Et la vache ?
- Je l'ai eue pour un cheval.
- Et le cheval ?
- Je l'ai eu pour un lingot d'or.
- Et le lingot ?
- Je l'ai eu pour avoir travaillé sept ans.
- Si tu avais la pierre que voici, dit le gagne-petit, tu n'aurais plus besoin de travailler.
- Comment cela ?
- C'est une pierre magique. Elle exauce tous les souhaits. On n'a qu'à la lancer en l'air.
- Oh ! donne-la moi.
- Que me donneras-tu en échange ?
- Cette oie.
- Affaire faite.
Et le gagne-petit de filer, ne laissant aux mains du crédule qu'une vieille pierre à repasser toute usée.
Pierre lui, au comble de la joie, lance la pierre en l'air. Il était, en cet instant près d'un puits. La pierre y tombe et voilà Pierre privé de son talisman, sans sou ni maille.
Il n'en pleura point, car sa mère, qui l'avait aperçu, s'était élancée vers lui et le serrait contre son coeur.
Et il conta à la bonne femme, en coupant son récit de grands éclats de rire, tout le bonheur qu'il avait eu en une même journée.

 


     5 septembre
Un conte du vieux temps
Mes petits amis, approchez de moi sans crainte, bien que je sois un vieillard à grande barbe blanche, et que je porte une faux avec laquelle se fauchent toutes les oeuvres des hommes quand elles sont parvenues à leur maturité. Vous êtes de gentils bébés, vous êtes encore loin de ce moment, et la nouvelle année que vous inaugurez sera suivie de nombre d'autres, avant que vous entrevoyiez au-dessus de votre lit l'ombre de cette faux. Pour le moment, je la place à mes côtés et je la surveille de manière que vous ne puissiez pas vous blesser en jouant avec elle.
Vous savez que je suis vieux, très vieux. J'ai assisté à la naissance du monde, j'ai vu le firmament se dérouler tout d'un coup comme un rideau de théâtre, et déployer autour du monde nouveau-né un manteau royal semé de millions de pierres précieuses. Alors, j'étais tout jeune, et je parcourais la terre avec le ravissement d'un enfant auquel on a donné un magnifique joujou. Car ce monde, c'était bien un peu de moi qu'on l'avait fait.
Je vieillis peu à peu. Mon corps était toujours aussi droit, mon pas aussi léger, mon regard aussi perçant, mais j'avais appris bien des choses, entre autres celle-ci, que je vais vous apprendre à mon tour, mes jeunes amis, car elle rendra quelques-uns d'entre vous riches, d'autres heureux, d'autres puissants : cette chose importante, mes enfants, c'est que le temps est le seul moyen de bien faire tout ce que vous entreprenez. Appelez-moi quand vous allez prendre une décision importante, et je vous arrêterai un instant sur le chemin où vous devez vous engager et courir. Rappelez-vous ce vers d'un de vos grands poètes
Le Temps n'épargne rien de ce qu'on fait sans lui.
J'assistai à la naissance des premiers hommes, à leurs crimes, à leurs malheurs. Je vis naître dans l'ouest lointain les premières cités, qui bientôt devinrent d'immense et magnifiques entassements d'édifices somptueux, et ce fut alors que l'on commença à soupçonner ma puissance : on me nomma Belus, on m'éleva un temple et on me fit des sacrifices. De là, mon culte passa en Phénicie, en Grèce et à Rome, où je fus toujours considéré comme un Dieu. Mais on fit sur moi les contes les plus ridicules, on me représenta sous les symboles les plus grotesques ; on me donna, par exemple deux têtes dont l'une regarde le passé, l'autre l'avenir, comme si le présent n'était qu'un point entre deux abîmes. Les habitants de Faléries me représentèrent même avec quatre têtes pour regarder les quatre coins cardinaux. Les Grecs me nommèrent Chronos et m'accusèrent d'avoir mangé mes enfants. Cela n'est point une calomnie : je détruis tout ce que j'ai produit : c'est par moi que disparaissent les oeuvres qui ont, grâce à moi, bravé une  longue suite de siècles.
Mes petits amis, je reviendrai vous voir l'année prochaine et pendant bien d'autres années encore ; et quand vous ne serez plus là, ce seront vos neveux, vos petits-neveux, vos arrière-petits-neveux qui se réuniront autour de moi pour écouter mes histoires ou mes conseils. Car je suis éternel, et je survivrai à la destruction de ce monde lui-même, qui sait ? Peut-être pour m'ennuyer sur ses ruines, ou pour y voir ressusciter la vie et la jeunesse.
Alors, mes petits amis, vous serez bien loin et je me dirai avec un sentiment de regret : où sont ces jolis bébés, qui, serrés à mes pieds pendant un de plus beaux jours de l'année 1891, se demandaient entre eux : Quel est et d'où vient cet étrange vieillard qui malgré sa longue barbe blanche, a l'air si puissant et si jeune ? C'est le Temps, mes amis, et voilà des milliers d'années qu'il surprend la même question sur les lèvres des enfants et des hommes.

 

 

     29 mars
Le cocher mystérieux
Il était la bonté même, Petit Jean n'en était pas récompensé, car il n'était heureux : les fermiers de la ferme des Saules qui l'avaient recueilli après la mort de ses parents, n'étant pas riches, se lassaient déjà de nourrir une bouche inutile.
On ne le maltraitait pas, bien sûr, mais on lui laissait voir aisément qu'il était de trop dans la maison. Jean avait le coeur sensible ; il souffrait donc de cet état de choses qui, cependant, loin d'aigrir son caractères, le rendait plus accessible à la pitié. Il portait surtout un grand amour aux animaux.
Un jour, on l'avait envoyé cueillir du bois mort dans la forêt, Petit Jean aperçut un joli écureuil pris au piège : il eut bientôt fait de le délivrer, et il eut aussitôt la joie de voir la gentille bête grimper dans les branches d'un chêne pour y reprendre ses ébats.
Peu après, il rencontra un chevreuil à la patte brisée, qui le regarda d'un air si désespéré que l'enfant, ému, s'approcha de lui, lava la plaie et, avec son pauvre mouchoir en loques, lui banda le membre mutilé.
Un autre fois, ce fut un oiselet tombé du nid, qu'il remit à ses parents affolés, contrairement à ce qu'auraient fait bien des petits de son âge, qui dépouillent les nids au lieu de les regarnir.
Les jours où il lui arrivait de telles aventures, Petit Jean s'en revenait tout joyeux, le coeur plus léger ; si, au logis, on le grondait et si on le malmenait, du moins pouvait-il se dire qu'il avait rendu service à des créatures dans l'embarras. Et cela le consolait.
Or, il arriva qu'un soir d'hiver le fermier des Saules tomba malade, et il s'effraya si fort qu'on chargea Petit Jean d'aller quérir le médecin.
Petit Jean résista un peu ; n'y avait-il pas, pour accomplir cette mission, des valets d'écurie, des garçons de ferme, tous hommes robustes que rien n'effrayaient ?
Le pauvre petit, lui, avait les pieds couverts d'engelures saignantes, qui lui rendaient toute marche excessivement douloureuse. Puis, ayant travaillé toute la  journée, il avait droit à un peu de repos.
D'ailleurs, s'il connaissait la forêt par coeur pendant le jour, il était certain de s'y égarer à ces heures sombres.
Il fallut pourtant obéir. Petit Jean poussa un gros soupir, prit la lanterne qu'on lui présentait, et s'élança en avant, faisant courageusement le sacrifice de sa vie.
Il n'avait guère parcouru plus de deux cents mètres, quand la bise, qui cinglait la ferme, lui raidit tellement les doigts, que la lanterne lui échappa, roula dans la neige et s'éteignit.
Pour guider Petit Jean, il ne restait plus que le pâle reflet du sol ouaté de flocons blancs, et là-haut, dans le ciel sans nuages, une étoile qui brillait à travers les branches dépouillées.
Il fit encore, quelques centaines de mètres, mais il se rendit compte qu'il s'était égaré. Il voulut revenir sur ses pas, s'égara davantage, chercha en vain et, finalement, découragé... s'assit, sur la neige et se mit à pleurer.
Mal vêtu, il grelottait ; ses pauvres pieds se glaçaient dans ses mauvais souliers... Petit Jean crut sa dernière heure arrivée. Il ferma les yeux et attendit.
Soudain, un joyeux tintement de grelots lui fit redresser la tête avec surprise. Venait-il, par hasard, un traîneau dans le bois à cette heure ? Peut-être le voyageur serait-il assez humain pour le prendre avec lui ?
Pourtant Petit Jean n'osait l'espérer. Mais voilà qu'il crut rêver en voyant s'arrêter en effet à deux pas de lui, un ravissant traîneau, attelé de quatre beaux chevreuils tout blancs ; toute blanche aussi, la voiture ressemblait à un nid.
Sur le siège, le plus étrange des cochers tenait les guides : avec la fauve fourrure qui l'enveloppait des pieds à la tête, on eût dit un gros écureuil assis sur ses pattes de derrière, la queue relevée en panache.
"Dieu ! que c'est joli !" ne put s'empêcher de murmurer l'enfant ébloui, car la vive clarté des lanternes, brillantes comme des yeux de loups, lui permettait de tout distinguer comme en plein jour.
Une voix douce, qui lui parut comme un chant d'oiseau, lui répondit :
"Allons, Petit Jean, nous t'attendons. Voici ton traîneau qui va te conduire où tu désires. N'attends pas davantage, cher petit, car la mort s'ensuivrait pour toi."
"Quoi ! c'est pour moi, ce joli traîneau ? Mais qui donc êtes-vous ?
- Ceux que tu as délivrés un jour : tes amis de la forêt, loups, chevreuils, écureuils, oiseaux... Nous te réchaufferons les membres, nous te porterons, et enfin nous tâcherons de te rendre le bien que tu nous as fait jadis."
Petit Jean obéit et prit place dans le nid-traîneau. Il y sentit aussitôt une douce chaleur due aux peaux de bêtes accumulées sur ces jambes, et au vêtement de plumes que lui formaient les oiseaux pressés contre lui jusque sur sa tête.
Il était ravi ; jamais il n'avait goûté autant de bien-être et autant de plaisir qu'en se voyant ainsi choyé et entraîné sous bois sans fatigue.
Il n'interrogeait pas son mystérieux cocher, ayant confiance en lui, sachant que rien de mauvais ne pouvait lui arriver.
Tout à coup il eut faim, et, comme s'il le devinait, l'écureuil lui désigna, du bout de son fouet, un gros panier de provisions que Jean n'eut qu'à ramasser en se baissant.
La singulière promenade durait toujours, vertigineuse et lente tour à tour à travers la forêt.
Jean y voyait suffisamment à présent pour reconnaître les carrefours, les allées, les coins aimés du bois.
Il trouvait tout aussi ravissant maintenant qu'il avait chaud, qu'il était rassasié, et que ses pieds meurtris ne lui faisaient plus mal ; la neige recouvrait le sol d'une ouate épaisse, le givre pendait aux branches et bordait les rares feuilles restées sur leur tige.
"Que c'est donc joli !" s'écriait Petit Jean, mais si haut, qu'il s'éveilla brusquement.
Une voix auprès de lui, mais ce n'était pas celle de l'écureuil dit :
"Alors, petit, tu es content ?"
Interdit, l'enfant osa risquer un oeil. Certes, il avait dormi, il le comprenait bien, mais ne rêvait-il pas encore ?
Un traîneau l'emportait bien, confortablement garni de chaudes fourrures et conduit en effet par un inconnu à l'air bon.
L'attelage se composait d'alertes petits chevaux et non de chevreuils. Tout s'expliqua. Petit Jean était en train de s'endormir du dernier sommeil dans la neige, quand un riche voyageur avait passé, conduisant son traîneau qui, pour un peu, eût écrasé l'enfant.
L'homme avait recueilli le pauvre petit, le mettant au chaud sous les fourrures, et là, un songe délicieux, dans lequel il avait revu tous les animaux qu'il avait jadis secouru, s'était emparé de l'esprit de Jean.
"Quel malheur ! soupira celui-ci. Cette charmante promenade aura donc une fin !... Je croyais avoir affaire à un puissant génie de la forêt qui m'eût gardé toujours !"
Puis, tout à coup, se rappelant sa mission :
"Oh ! monsieur, et le médecin que j'oubliais !..."
Il supplia le conducteur de la mener au bourg.
"Allons, pensa l'homme au traîneau, l'enfant est sans rancune : on le maltraite à la ferme des Saules, et pourtant il ne pense qu'à remplir son devoir. Agissons donc comme il veut."
En route, il questionna Petit Jean dont il connaissait un peu l'histoire, car il possédait une propriété dans le pays ; puis il posa cette question qui remplit de stupeur joyeuse le petit garçon :
"Veux-tu rester avec moi ?
- Toujours ?
- Toujours, ou du moins jusqu'à ce que tu sois d'âge à t'établir.
- Vous ne me battrez pas ?
- Jamais.
- Que ferais-je chez vous ?
- Tu seras élevé avec un enfant de ton âge qui est très bon, mais infirme.
- Je l'aime déjà, murmura Jean.
- Je cherchais justement un petit garçon qui pût lui tenir compagnie et partager ses jeux et ses études...
- Et ce sera moi ?"
Jean tomba à genoux au milieu du traîneau et baisa la main gantée qui tenait les guides ; il se sentait fou de joie.
Mais, soudain inquiet :
"Est-ce que le fermier des Saules voudra me céder à vous ?"
L'homme sourit avec finesse et bonté tout ensemble :
"Il le faudra bien, dit-il. D'ailleurs, il ne peut faire aucune difficulté ; il dépend de moi et me doit une forte somme d'argent."
On atteignit le bourg et la maison du docteur.
Jean sonna et fit sa commission. La servante qui lui ouvrit murmura, à la vue de sa figure extasiée :
"Le beau petit garçon ! Comme il paraît heureux !"
Heureux, oui certes, Jean l'était follement quand il remonta dans le traîneau et que son protecteur lui affirma une fois de pus que tout ceci n'était pas un rêve.
Maintenant la forêt était loin et, au bout de la belle route, blanche, s'apercevait le château où Jean allait devenir l'ami du petit garçon malade, où il serait choyé, gâté, aimé enfin.

 


     29 fevrier
L'âne Merveille
Auprès du joli bourg de Belleville-sur-Saône, qu'habitent un grand nombre de familles enrichies par les vignobles du Beaujolais, un homme étendu sur le bord de la route semblait dormir.
Près de lui, un âne broutait l'herbe maigre. Tout à coup des grelots s'agitèrent au loin ; un bruit de roues se fit entendre ; l'âne dressa les oreilles.
C'était une voiture pleine d'enfants joyeux, conduite par un papa heureux, et qui rentrait au logis. A la vue de l'homme couché près du fossé, le papa, mettant son cheval au pas, car on montait une côte, s'écria soudain :
"Bon ! encore un qui aura bu plus qu'il ne convient, même en ces temps de vendanges ! Heureusement, il a eu l'esprit de ne pas s'allonger en travers du chemin."
A la vive surprise de tous, l'âne releva la tête, regarda sévèrement celui qui venait de parler ainsi, agita les oreilles, et l'on entendit ces mots sortir, un peu confus, de ses longues dents :
"Ami, pourquoi juger témérairement ? Mon maître est un honnête homme qui ne s'enivre jamais. En ce moment, il se repose..."
Mais Aliboron n'en put dire davantage, car les enfants, effrayés, suppliaient leur père :
"Partons ! Oh !... partons, papa !..."
La place fut nette en un instant.
Peu après, trois cyclistes passèrent ; la montée ralentir leur allure ; ils avaient chaud.
"Prière de ne pas écraser mon bon maître qui dort là, tout près," supplia l'âne.
Ma foi !... les cyclistes ne se montrèrent pas plus braves et filèrent vivement sur leur coursier de fer. Puis, ce furent des pensionnaire guidées par une maîtresse d'école, et qui, aux premiers mots prononcés par l'âne, s'enfuirent comme une volée d'oiselets.
Quand l'âne eut arrêté, puis fait repartir ainsi une douzaine de groupes ou de piétons isolés, son maître le rappela :
"Assez, mon ami, cela suffit ; tu as bien travaillé ; j'espère que nous en aurons un bon résultat."
Or, à Belleville, tout le bourg est en émoi. Le bruit se répendait qu'un âne se trouvait proche, lequel parlait comme vous et moi, chose qu'on n'a jamais vue ; n'est-ce-pas ? ou du moins pas depuis cette époque lointaine où La Fontaine fait vivre ses héros.
On se demandait si l'on allait point pourchasser l'animal étrange, et emprisonner l'homme qui intriguait si fort les passants sur la route de Mâcon. Car, sûrement, il y avait du sortilège dans l'affaire...
Bref, le maire s'en mêla.
Il s'apprêtait à sortir, ceint de son écharpe, quand l'objet de tant de rumeurs parut, suivi de l'homme, qui se tenait très ferme sur ses deux jambes.
Les moins braves reculèrent ; les plus courageux formèrent à M. le maire un rempart de leurs corps.
"Que craignez-vous donc, messieurs ? demanda l'inconnu, étonné. Je n'ai pas l'intention de vous faire du mal, mais bien plutôt celle de vous amuser.
- Par quels moyens ?
- Si vous m'y autorisez, monsieur le maire, dès ce soir, sur la place de la Croisée, je donnerai une représentation.
- Avec cet animal ?
- Avec cet animal, qui est mon ami.
- Oui, mais il a effrayé les populations ici présentes, répliqua le maire.
L'homme se mit à rire.
"Parce qu'elles sont trop faciles à effrayer, tout simplement. Mais je peux bien vous jurer, monsieur le maire, que ni cette intelligente bête ni moi, nous n'avons jamais fait de mal, même à une mouche.
- Alors, expliquez-moi par quel prodige votre âne parle, et parle distinctement, quand tous les nôtres sont muets. Un âne qui parle, c'est terrifiant !
- Je veux bien révéler le secret de mon compagnon, s'il le permet, toutefois."
Ici, le forain regarda son âne qui avait compris la question, sans doute, car il inclina la tête et agita les oreilles en signe d'assentiment.
"Il permet, continua l'homme. Je révélerai donc le secret de ce cher ami, mais à vous seul, monsieur le maire, et à la condition que vous ne nous trahirez pas."
Le maire, qui ne se possédait pas de curiosité, jura qu'il serait muet comme un poisson.
Alors, l'entraînant à l'écart, le maître de l'âne parlant lui fit une courte confidence.
Le maire se mit à rire de bon coeur ; ce que voyant, de loin, les bons villageois de Belleville se dirent les uns aux autres :
"Décidément il n'y a pas de danger à recevoir ce brave homme dans nos murs ; nous assisterons à la représentation. Du moment que notre maire est mis en gaîté, cela promet d'être amusant."
La nouvelle du spectacle, laquelle avait déjà fait le tour du bourg, courut jusque dans la campagne avoisinante, et, à part de trop petits enfants et quelques vieillards qui se souciaient peu d'aller voir un âne savant, tout le monde se promit d'y aller assister.
Une bruyante fanfare appela les Bellevillois à la représentation, dès l'heure dit ; cette fanfare, c'était la chanson de maître Aliboron, qui savait braire aussi bien que parler.
On se pressa sur les gradins dressés à la hâte, on s'étouffa preque ; on brûlait d'entendre l'âne merveilleux tenir encore des discours.
Il en tint, mais il ne se borna pas là : son maître lui fit faire mille toures plus étonnants les uns que les autres.
On applaudissait, on criait, on trépignait.
Tout à coup, la grosse voix de l'animal prodigieux s'éleva de nouveau, et, d'un accent ému :
"Merci, mes amis, merci, dit l'âne. Je me souviendrai de Belleville-sur-Saône, charmante petite ville où j'ai reçu le meilleur des accueils. Vous êtes tous des gens intelligents."
Vous devinez qu'on faillit porter en triomphe maître Aliboron et son propriétaire.
Mais tous deux avaient besoin de repos ; ils firent un dîner succulent, l'un à l'écurie, l'autre à l'hôtel de l'Ange Couronné ; et, le lendemain, ils partirent la poche bien garnie, celle de l'homme du moins, prêts à recommencer leurs tours à la station suivante.
Ce n'est seulement qu'après le départ des "artistes" que M. le maire divulgua le mystère : l'homme était un habile ventriloque, tout simplement, qui savait donner l'illusion que son âne parlait.
Mais, comme vous, certainement, déjà les gens de Belleville avaient deviné. Et l'on rit encore, dans le pays, de la naïveté de ceux qui s'y étaient laissé prendre.

 


     5 octobre
Le valet du diable
Au temps jadis vivait un brave homme qui était riche. Il avait beaucoup de domestiques, qui tous se louaient de leur maître. Ils disaient :
- Il n'y a sous le ciel aucun maître qui soit aussi bon que le nôtre. Il nous donne une excellente nourriture, il nous habille bien, nous distribue le travail dans la mesure de nos forces, il ne nous humilie jamais par de rudes paroles. Il n'est pas comme les autres maîtres, qui traitent les domestiques comme si ces derniers étaient du bétail, et plus mal encore. Notre maître veut notre bien, il nous fait du bien, il nous adresse de bonnes paroles. Nous ne saurions en avoir de meilleur.
C'était ainsi qu'ils faisaient son éloge. Le diable vint à soupçonner que ces domestiques vivaient en bonne intelligence avec leur maître, et lui étaient fort attachés ; il s'empara de l'un d'entre eux, qui se nommait Aleb et lui commanda de corrompre ses camarades. Un jour, comme ceux-ci faisaient panégyrique de leur maître, Aleb éleva la voix et dit :
- Vous avez bien tort, frères, de chanter la bonté de notre maître ; nous le servons fidèlement et nous lui témoignons notre reconnaissance. De même qu'il nous veut du bien, nous lui en souhaitons aussi, et nous prévenons ses pensées. Comment la bonne intelligence ne régnerait-elle pas entre lui et nous ? Qu'il en soit autrement, que nous cessions d'être reconnaissants envers lui, et que nous agissions mal, il fera comme les autres, il nous rendra mal pour mal, et fera pis que les autres maîtres.
Les autres domestiques discutèrent là-dessus avec Aleb, et firent un pari avec lui. Aleb se chargea de tourmenter son bon maître, et il y consentit à la condition qu'il perdrait son vêtement de fête, s'il ne réussissait point à indisposer le maître, mais que, s'il y parvenait, les autres domestiques perdraient à son profit leurs vêtements de fête ; le pari fut conclu en ces termes-là. De plus les autres s'engagèrent, sil l'on jetait Aleb dans les fers, à le protéger contre le maître. Aleb promit de commencer dès le lendemain matin à tourmenter le maître.
Aleb avait été établi comme gardien de troupeau de moutons : il surveillait spécialement les béliers de grand prix. Le lendemain, le maître se rendit au parc des moutons avec des étrangers, et leur montra les magnifiques béliers qu'il possédait et auxquels il tenait beaucoup. Le valet du diable fit un signe à ses camarades, comme pour dire : "Cela va bien, je vais commencer à indisposer le maître." Tous les domestiques s'étaient rassemblés et contemplaient par-dessus la clôture. Le diable monta sur un arbre, du haut duquel il pouvait voir à son aise dans le parc, et juger de quelle façon son valet le servirait. Le maître entra dans le parc, montra à ses hôtes les brebis et les moutons et voulut leur faire voir aussi ses meilleurs béliers.
- Ils ne sont pas moins beaux, leur dit-il. L'un d'eux à les cornes enroulées plusieurs fois, et je ne le donnerai pour aucun prix, il m'est plus cher que mes yeux.
Les animaux, effrayés par la présence de plusieurs hommes, se jetèrent de côté et s'enfuirent de telle sorte que les hôtes du maître ne purent regarder le fameux bélier dont il leur parlait. Au même moment, le valet du diable, voyant le bélier séparé du reste du troupeau, lui donne la chasse, le force à se mêler au reste des animaux et de cette façon il réussi à le confondre parmi eux, si bien que les hôtes du maître ne purent voir le fameux bélier. Alors le maître dit à Aleb :
- Aleb, mon cher ami, fais de ton mieux pour attraper ce bélier qui a les cornes enroulées, et pour l'amener devant nous.
Quand le maître eut parlé ainsi, Aleb s'élança comme un lion au milieu du troupeau, empoigna le bélier par la toison, l'attacha par le pied gauche de devant, et le traîna si brutalement que l'animal tomba agenouillé sur les pattes de devant ; Aleb le saisit alors par l'autre patte de devant, et la tordit si fort qu'on entendit un bruit sec : l'animal avait la patte cassée.
Les hôtes poussèrent une exclamation, ainsi que les domestiques. Le diable se mit à s'esclaffer, quand il vit avec quelle audace se conduisait son valet. Le visage du maître s'assombrit, il se pencha en avant, mais il ne vit rien. Les hôtes, de même que les domestiques, gardèrent également le silence ; ils attendaient ce qui allait arriver. Le maître garda le silence un instant encore, puis soudain, comme s'il voulait rejeter un fardeau, il releva vivement la tête et regarda le ciel. Les froncements de son visage s'effacèrent ; il se tourna vers Aleb en souriant avec douceur, et lui dit :
- Aleb, Aleb ! celui qui est maintenant ton maître t'a commandé de me faire mettre en colère ; mais mon maître est plus puissant que le tien, et c'est moi qui ferai souffrir celui qui te commande. Sache donc, Aleb, que tu n'as aucune punition à attendre pour la faute que tu as commise. Tu désirais la liberté, je te la donne dès maintenant, devant ces étrangers ; va-t-en en paix, et retire ton habit des dimanches.
Et le bon maître rentra chez lui, accompagné de ses hôtes.
Le diable, voyant cela, grinça des dents, se jeta en bas de l'arbre, et disparut dans les profondeurs de la terre.

 


     5 novembre
La pince à linge
C'était une pince à linge qui ne pinçait plus rien parce qu'elle était tombée du balcon. D'en bas, elle voyait là-haut ses frères et ses soeurs qui pinçaient joyeusement des torchons, des caleçons, des draps, des serviettes, des chaussettes et de jolis mouchoirs de fil.
Un petit garçon la vit, la ramassa et se pinça le nez avec.
La pince était fière.
Un nez c'est plus joli qu'un mouchoir, c'est plus joli qu'une serviette. Elle pinçait si fort que le petit garçon eut mal. Il voulut enlever la pince mais elle tenait à lui et refusait de la lâcher.
Il se mit à pleurer, il se mit à hurler.
Sa mère accourut, enleva la pince et la mit dans la poche de son tablier. Là, il y avait une clé, une épingle à cheveux, des miettes de pain, une enveloppe froissée, rien de bon à pincer.
Mais le lendemain matin, le pince était de nouveau sur la corde où elle pinçait un beau mouchoir à carreaux. Et, comme il y avait du vent, un petit vent doux qui venait du sud, elle dansait avec le mouchoir et elle était heureuse.

 


     29 janvier
Le chant de l'alouette
As-tu déjà parcouru la campagne, ami lecteur, à l'aube d'un beau jour d'été quand le soleil surgissait, le front radieux, de son lit de pourpre ; quand les blonds épis qui couvrent la plaine ondulaient comme les vagues d'un océan d'or, mollement balancés par la brise ?
Ton oreille attentive écoutait une divine mélodie qui dominait les bruits mystérieux de la nature frissonnante sous le réveil. Tes yeux levés vers le ciel d'où semblaient venir ces chants délicieux distinguaient, perdu dans l'immensité bleue, un point imperceptible, qui se mouvait cependant, tantôt se rapprochant de la terre, tantôt disparaissant dans un flot de lumière pour reparaître quelques instants après. Tu comprenais alors que c'était une alouette matinale et, l'âme ravie, tu ne te lassais pas d'écouter ces chants suaves.
Je veux te dévoiler aujourd'hui un doux mystère et te dire pourquoi cet oiselet a choisi pour égrener sa voix en joyeux trilles l'heure où point l'aurore et la solitude de l'azur immense.
C'était par une matinée, au milieu d'une plaine ensoleillée mais aride de Palestine. Joseph, averti en songe des desseins homicides d'Hérode, avait fui toute le nuit, guidant vers la terre plus hospitalière d'Egypte la Vierge, assise sur un âne, et tenant en ses bras l'Enfant Jésus endormi.
Ils avaient parcouru la plaine en tous sens, cherchant, mais en vain, quelque nourriture qui leur permît de continuer leur route pénible. Harassés de fatigue, mourant de faim, ils s'étaient arrêtés, attendant que le Ciel leur vînt en aide quand, jetant ses notes joyeuse dans le silence qui planait sur l'étendue, une frêle alouette s'approcha de la sainte famille abandonnée.
L'Enfant se réveilla ; un sourire d'une tendresse infinie s'épanouit sur ses lèvres roses ; et de sa douce voix il dit à l'oiseau :
- La plaine est immense, plus aride que le roc brûlé par les rayons du soleil. Où trouveras-tu le grain de blé qui te rassasie ? Tu ne sais donc pas, téméraire, que tu risquas ta vie en venant en ces lieux ?
Mais elle répondit en un gazouillement léger :
- J'ai vu votre douleur et votre abandon. Je suis venue pour vous annoncer qu'il est non loin d'ici un endroit fertile où règne l'abondance et vers lequel je vous guiderai si vous voulez me suivre.
Ce disant, elle prit son essor, tandis que Joseph, animé d'un nouveau courage, conduisait l'âne qui portait Marie en suivant des yeux la route que leur traçait l'alouette dans les airs.
Ils atteignirent bientôt une colline verdoyante d'où s'écoulait une source qui répandait la fécondité, la vie sur son passage. Là, ils purent, après s'être rassasiés, goûter quelques instants d'un repos bienfaisant.
Avant de s'engager sur la route poudreuse, l'Enfant dit à l'alouette :
- Grâce à ton coeur charitable nous avons échappé à la mort la plus cruelle. Je te fais la promesse, en récompense de ton dévouement, de réaliser à l'instant le désir, quel qu'il soit, que tu voudras bien m'exprimer.
Le regard de l'oiseau s'éclaira d'une lueur de joie et de profonde reconnaissance, mais soudain des larmes baignèrent ses beaux yeux limpides, y répandant une infinie tristesse, et ce fut d'une voix agitée par l'émotion qu'elle répondit :
- J'avais une tendre mère que j'adorais mais que je n'ai plus revue depuis le jour maudit où, comme nous chantions parmi les blés mûrs, l'homme cruel lui lança le trait meurtrier et me ravit son cadavre. Accorde-moi dont la grâce de la revoir, ne fût-ce qu'un instant, pour recueillir le baiser suprême qui me fut refusé à l'instant de sa mort.
- Ta prière est exaucée, mignonne alouette, répondit l'Enfant, non seulement je vais te rendre à celle que tu chéris, pour un instant, mais chaque jour quand poindra l'aurore, un rayon de pourpre, glissant parmi les blonds épis, viendra caresser ta paupière close dans ton nid parfumé ; tu voleras vers le ciel, vers ces régions élevées où t'attendra ta mère, où les rumeurs de cette triste terre ne troubleront jamais vos doux entretiens. Quand la mort te guidera définitivement vers elle, tes descendants à leur tour viendront chaque matin se grise avec toi d'amour et de chansons.
Un nouveau sourire éclaira la face divine de Jésus qui pencha sa tête blonde sur le sein de sa mère bien-aimée et s'endormit, reprenant un beau rêve, tandis que Joseph plein d'espérance se dirigeait vers la terre de salut et que l'alouette disparut dans les airs, répandant sa divine mélodie plus suave qu'aucun chant de la terre.
Je possédais dans mon enfance un de ces charmants oiselets enfermé dans une étroite cage que je plaçais sur le bord de la fenêtre. Un jour que le soleil semblait convier tout le monde à la joie et au plaisir et que ma captive restait sombre et muette, blottie au fond de sa prison, je lui demandai la cause de sa tristesse.
Elle me conta ce que je viens de vous rapporter.
- Malgré tous les soins dont tu m'entoures, continua-t-elle, crois-moi, il n'est pas de bonheur plus doux que d'être auprès de sa mère et pour cela il me faudrait l'air, l'azur, cette liberté enfin que tu m'as ravie à jamais !
- S'il en est ainsi, répondis-je aussitôt, le coeur plein de honte, car je me sentais bien coupable, je veux t'accorder à l'instant même ce que tu désires si ardemment, à condition toutefois que tu voudras bien te charger d'un doux message.
- "J'avais une petite soeur dont le regard profond était un reflet du Paradis qu'elle avait quitté. La neige était bien moins pâle que son front noyé sous de flots de cheveux d'or et sa voix résonnait à mon oreille comme le chant d'une harpe céleste. Mais elle ne put rester sur cette terre ; les anges, jaloux de mon bonheur sans doute, l'ont ravie à mon affection. Dis-lui, quand tu la verras trônant parmi les choeurs angéliques, qu'elle fut bien cruelle de m'abandonner ainsi ; porte-lui sur ton aile le baiser d'un frère qui la pleure et dont le plus doux moment sera celui qui le ramènera vers elle !
Elle me le promit. J'ouvris donc la cage d'où elle s'enfuit en chantant.
Le lendemain dès l'aube, je me promenais dans la campagne, triste, en songeant à mon abandon, à la solitude dans laquelle désormais j'étais condamné à vivre, quand l'alouette que j'avais rendue à sa mère vint s'abattre sur mon épaule ; sa voix tendre résonna doucement à mon oreille ; elle déposa son bec tout rose sur mes lèvres pâles et disparut aussitôt.
Je ne devais plus la revoir.
Mais je sais qu'elle a tenu sa promesse ; j'ai compris qu'elle avait porté ce matin-là le baiser que j'imprimai sur son aile à petite soeur qui me le rendit en priant la fidèle messagère de me l'apporter, ce qu'elle fit en posant son bec de fin corail sur mes lèvres pâlies, tandis qu'en son doux langage elle semblait me dire :
- Elle t'attend là-haut.

 


     29 decembre
Le Loup
Un loup qui n'avait vu que des loups, ses semblables,
Et qui n'avait vécu qu'au fond d'une forêt,
Entend parler un jour des êtres raisonnables,
Demande quels ils sont, veut avoir leur portrait.
"Et si, dit-il, leurs moeurs valent mieux que les nôtres,
Je suivrai leur exemple et prêcherai les loups ;
Je deviendrai le plus ardent de leurs apôtres,
Et de leur ressembler me montrerai jaloux."
Le hasard le conduit sur un champ de bataille ;
Il voit marcher corps contre corps, rangs contre rangs,
Des milliers de soldats hachés à la mitraille,
Et, baignant dans leur sang, des morts et des mourants.
"Jamais loups, se dit-il, n'ont fait pareil carnage ;
Aussi, pas besoin d'une comparaison ;
Ces combattants ne sont que des fous plein de rage,
Allons chercher ailleurs les êtres de raison."
Mais un corbeau lui dit : "Ces fous-là sont des hommes.
Ici-bas, sur la terre, il n'est gens plus sensés ;
Du moins on nous l'affirme, et, bêtes que nous sommes,
Nous devons bien le croire ou nous somme censés
L'admettre." Alors le loup : "J'ai la cervelle épaisse
Et ne puis dans vos gens voir que des loups affreux ;
Mais loups pour loups, j'aime mieux ceux de mon espèce :
On ne les vit jamais se dévorer entre eux."

 


     29 novembre
Le miroir
Il y a de longues années de cela, un marchand ambulant de Chitagong laissa par mégarde tomber un miroir de son sac. Il traversait alors une rizière du Bengale et, tout occupé à regarder les beaux et lourds épis de riz se balancer dans le vent, il ne s'en aperçut pas.
Le lendemain le propriétaire du champ commençait la récolte du riz. Vers le milieu de la journée, alors qu'il avait déjà lié plusieurs bottes, il aperçut par terre un curieux objet rond et brillant.
Ce n'était autre que le miroir perdu par le marchand ambulant. Cependant Ibrahim, le propriétaire du champ, s'en approcha avec défiance et curiosité. Le village était fort éloigné de la ville et personne n'avait encore vu de miroir - d'où la méfiance du laboureur. Il ramassa le miroir et qu'elle ne fut pas sa surprise d'y voir le visage d'un homme.
"Ceci est le visage de mon père !" se dit-il avec émerveillement.
Ibrahim était très jeune à la mort de son père et, en grandissant, il avait pris de plus en plus de ressemblance avec son défunt père.
Le fermier n'osait croire ce qu'il voyait. Pourtant son âme naïve et innocente fut vite convaincue. Il se prosterna devant le miroir et le salua comme un fils obéissant qui accueille son père. Ensuite, il porta respectueusement le miroir à ses lèvres et l'embrassa :
- Ô mon père, mon cher père, vous êtes descendu des cieux pour venir me visiter. Vous vous cachiez dans mes champs peut-être depuis des jours et des jours et c'est seulement maintenant que je vous vois !
Ibrahim chantait et dansait de joie. De temps en temps, il regardait le miroir avec tendresse et était heureux de voir que le regard de son père était lui aussi plein de tendresse et de joie.
Puis, le premier moment de joie passée, il se mit à marcher de long en large dans la rizière. Il tenait le miroir à la main et s'adressait à son "père" en ces mots :
- Reconnais-tu notre champ de riz ? L'année dernière la récolte a été abondant, et les profits réalisés m'ont permis d'acheter le champ de notre voisin Ahmad, ce qui a agrandi notre propriété. Cette année, j'ai semé du bon riz et vois, j'ai déjà commencé la moisson qui s'annonce belle. Regarde comme les épis d'or brillent au soleil. Nous aurons bientôt beaucoup de roupies quand j'aurai vendu la récolte au marché.
Tout en parlant, le laboureur s'était dirigé vers sa maison :
- Voici notre maison, mon cher père. Vous la trouverez plus grande qu'auparavant. Je viens d'achever la construction de deux nouvelles pièces. Je vais vous montrer tout ce que j'ai fait pour améliorer l'héritage que vous m'avez laissé. Puisse mon travail vous plaire !
Et le fermier montra avec fierté les trois pièces, le toit de paille tout neuf et les belles couvertures tissées par sa femme. Celle-ci était au marché et Ibrahim, pensant qu'il valait mieux se méfier de la langue bien pendue de sa femme, chercha un endroit pour cacher le miroir avant son retour.
Comme il était assez pauvre, il n'avait pas de coffre dans sa maison. Enfin, il résolut de placer son précieux trésor dans un vase d'argile vide.
Le lendemain Ibrahim alla travailler à son champ comme d'habitude. Mais il revint chez lui souvent pour voir ce qu'il croyait être l'esprit de son père.
Alors après s'être assuré d'être seul, il retirait le miroir, le tenait devant lui et lui parlait tendrement comme il l'aurait fait pour son père. Puis il remettait le miroir dans le vase en disant : "Je dois vous quitte, mon cher père, et vous laisser seul ; n'en soyez pas fâché car je dois travailler et terminer la moisson."
La femme d'Ibrahim, pendant ce temps, commença à être fort intrigué des allées et venues de son mari. Elle le surveilla et le vit retirer un objet rond et brillant du vase.
Fort curieuse, elle y courut dès son départ. Quel ne fut pas son étonnement de voir le visage d'une jeune et jolie femme dans la glace blanche !
Ce n'était qu'un miroir et ce qu'elle voyait n'était autre que son propre visage, mais n'ayant jamais vu de miroir, elle pensa :
- Ainsi mon mari a pris une nouvelle épouse ! Il la tient cachée dans ce vase d'argile pour que je ne la voie pas ! C'est pour cela qu'il est devenu si bizarre, qu'il parle tout seul et ne fait plus attention à moi ! Oh ! mais je lui apprendrai ce qu'il en coûte de me faire un tel affront !
Elle prit long bâton et attendit le retour de son mari avec la ferme intention de lui infliger une bonne punition. Le fermier rentra tard ce soir-là. Plus sa femme attendait et plus sa colère grandissait. Le fermier, lui, ne se doutait de rien. Il rentrait tout content d'avoir bien travaillé toute la journée, si bien même qu'il avait terminé sa récolte. Il rentrait donc heureux à la pensée de retrouver sa maison et de pouvoir annoncer le résultat de la récolte.
Dès qu'il ouvrit la porte cependant, sa femme se précipité sur lui, brandissant son bâton et criant :
- Méchant homme ! Ingrat ! Qu'as-tu fait ? Quelle est cette nouvelle femme qui habite la maison ? Quelle est cette nouvelle épouse ?
Comme Ibrahim protestait, ne comprenant rien aux hurlements de sa femme, celle-ci, de plus en plus hors d'elle, courut au vase et prenant le miroir le lui lance à la tête.
Heureusement il le rattrapa :
- Mais que signifie cela ? Ne vois-tu pas que c'est seulement l'esprit de mon père qui est descendu des cieux pour nous visiter ? Et voilà comment tu traites mon père !
C'était au tour du fermier d'être en colère. Mais la femme lui reprit le miroir des mains.
- Est-ce donc là ton père ? Depuis quant ton père a-t-il les traits d'une femme, et les cheveux longs et depuis quand porte-t-il des colliers et des boucles d'oreilles ?
- Es-tu folle ? répondit Ibrahim, c'est là l'esprit de mon père. Je n'ai jamais eu d'autre femme que toi.
Ibrahim et sa femme poussaient de tels cris que leur voisin vint voir ce qui se passait :
- Que vous arrive-t-il ? Pourquoi cette dispute ? Que vous reprochez-vous ? Jamais encore nous ne vous avions entendu vous disputer et c'est la première fois que j'entends des cris dans votre maison.
La femme lui tendit le miroir :
- Regardez ! Mon mari a pris une nouvelle épouse et la tient cachée dans ce vase d'argile. Regardez cette belle femme et dites-moi ensuite si mon mari n'est pas un homme cruel qui mérite une bonne punition.
La voisin s'approcha du miroir. Comme la femme le tenait toujours, il y vit deux visages :
- Je ne vois pas seulement une femme mais aussi un homme. Et la femme vous ressemble...
- Que racontez-vous là ! C'est seulement le visage de mon cher père, riposta Ibrahim.
Intrigué cependant, Ibrahim se pencha par-dessus leurs épaules. Maintenant trois visages se reflétaient dans le miroir !
- Quelle étrange chose ! La femme ressemble à ma femme et l'homme à mon voisin !
Très excités maintenant, ils poussaient de telles exclamations que bientôt tout le village fut averti que quelque chose d'inhabituel. Tous, les uns après les autres, vinrent voir de près cet objet mystérieux et chacun était émerveillé de voir son propre visage dans le miroir.
Les sages furent consultés, et, après beaucoup de délibérations sur la grande place du village, ils comprirent enfin le rôle du miroir. La nouvelle se répandit alentours et  nombreux furent les curieux qui vinrent à la pauvre maison du laboureur admirer l'objet magique.
C'est ainsi que le miroir, qui avait failli semer la discorde entre Ibrahim et sa femme, les rendit célèbres à dix lieues à la ronde.

 


     29 octobre
Nénuphars
Cela se passait il y a bien longtemps. Tout alors était encore beau et bon sur la terre. On n'y connaissait ni la haine, ni la guerre. Les hommes ne faisaient qu'une grande famille. Ils s'aimaient, ils aimaient les animaux qui vivaient avec eux et ceux-ci aimaient les hommes et ne les craignaient pas. Il n'y avait pas d'hiver avec bourrasques et froid pénétrant, et l'on ne parlait pas encore de foudre ni d'orage.
Les arbres et les buissons étaient toujours couverts de fruits magnifiques que l'on pouvait manger sans risque. Le gibier abondait dans les forêts et le maïs dans la plaine.
Les fleurs parsemaient les prairies, croissaient sur le flanc des montagnes et au bord des rivières. Elles embaumaient l'air de leur parfum et le chant des oiseaux semblait une musique divine.
Les indiens vivaient sur cette terre bénie. Heureux, ils passaient le temps à chasser et s'entraînaient à différents sports. Ils aimaient surtout aller sur les rivières, dans des canots qu'ils construisaient avec soin et patience ; souvent, le soir, les jeunes gens, réunis en groupe, contemplaient le ciel et admiraient les étoiles. Ils pensaient qu'elles étaient les demeures des esprits bons et généreux qui avaient comblé de leurs dons la race rouge.
Un soir, ils s'aperçurent qu'une de ces étoiles semblait s'être rapprochée de la terre. Elle brillait d'un éclat magnifique, à peu de distance du sommet du pic dont la pointe se dressait au-delà des montagnes du Sud.
Ils crurent remarquer qu'elle se rapprochait un peu plus chaque nuit. Intrigués et curieux, ils attendaient impatiemment la fin du jour pour voir où elle apparaîtrait dans le ciel.
Le fait est que bientôt on l'aperçut de moins en moins au Sud et de plus en plus près de la terre des Indiens. Elle finit par se poser au-dessus des grands arbres de la forêt voisine.
Cette approche de l'étoile avait éveillé la curiosité générale. Des jeunes gens partirent en courant afin de la voir de plus près.
A leur retour, ils assurèrent que sa forme rappelait les ailes d'un oiseau. Les sages de la tribu, interrogés à ce sujet, ne surent que répondre.
Peut-être l'étoile était-elle le présage des malheurs qu'on avait autrefois prédits ; mais un astre si beau pouvait-il présager un malheur ?
Plusieurs lunes passèrent ainsi. L'étoile au-dessus de la forêt projetait un éclat de plus en plus brillant, comme s'il en émanait un désir de plus en plus ardent d'attirer l'attention des hommes.
Or, une nuit, un des jeunes Indiens fit un rêve : il vit auprès de  lui une jeune fille d'une beauté sans égale. Elle était vêtue de blanc. Tout autour d'elle, resplendissait de clarté.
- Jeune brave, dit-elle, je trouve si belle la terre de tes ancêtres, avec ses fleurs et ses oiseaux, ses lacs et ses rivières, que j'ai décidé de quitter mes soeurs et de venir habiter parmi vous. Demande aux Sages de la tribu ce que je dois faire pour être des vôtres.
Le jeune homme s'éveilla. Il vit l'étoile qui brillait dans le ciel. Sa clarté était la même que celle qu'il avait vue s'irradiant de la belle visiteuse.
Le lendemain, il raconta aux Sages le rêve qu'il avait fait. Tous comprirent que l'étoile voulait vivre parmi eux.
Cinq jeunes Indiens furent donc choisis parmi les plus beaux et les plus braves. Ils devaient aller à la rencontre de l'étoile.
Ils partirent par les chemins du Sud. Lorsqu'elle commença à descendre vers eux, ils lui souhaitèrent la bienvenue et lui présentèrent le calumet où brûlaient des herbes odorantes choisies pour elle. L'étoile prit le calumet puis, étendant ses grandes ailes blanches, elle suivit ses amis jusqu'au village.
Toute la nuit, et les nuits suivantes on la vit au-dessus de wigwams et des tentes, où elle restait jusqu'à l'aube. Sous les traits de la belle visiteuse précédemment vue en rêve, elle apparut de nouveau au jeune Indien endormi.
- Mon désir le plus ardent, lui dit-elle, est de vivre toujours parmi nous, près de vous, d'être aimée de vous tous, de faire réellement partie de votre existence. Demande aux Sages quelle forme je dois prendre et où je peux me poser.
Les sages tinrent de nouveau conseil. Où pouvait se poser l'étoile ? Au sommet d'un arbre ? au creux d'un rocher ? dans le coeur d'une fleur ?
Indécis, ne sachant quel conseil donner à leur amie, ils lui répondirent que partout elle serait la bienvenue. C'était à elle de choisir l'endroit où elle se sentirait vraiment heureuse.
L'étoile choisit d'abord le coeur de la rose blanche des montagnes ; mais elle se trouvait ainsi loin des hommes, isolée et cachée à leurs yeux. Ce n'était pas ce qu'elle désirait.
Elle devint fleur de la prairie, mais comprit vite son imprudence : les chevaux, qui ne la voyaient pas, la meurtrissaient ou l'écrasaient dans leur course.
Elle se réfugia sur le rocher mais, trop haut perchée, les enfants ne pouvaient la voir ni l'atteindre. C'est alors qu'elle eut l'idée de vivre sur la rivière, dans les étangs et sur les lacs. Elle verrait les petits jouant au bord de l'eau, les jeunes hommes vigoureux conduisant leurs canots. Elle serait avec eux, jeunes et adultes, lorsqu'ils s'ébattraient, en riant de plaisir, dans la fraîcheur de l'onde et elle sourirait aux vieux restés sur le rivage.
"Oui, c'est vraiment là que je serai heureuse", pensa l'étoile. Et le lendemain, à l'aube, on vit des centaines de nénuphars d'une blancheur immaculée, qui parsemaient les cours d'eau et les lacs.
Les Indiens reconnurent immédiatement leur amie et se réjouirent à la pensée de l'avoir toujours parmi eux sous la forme des nénuphars.

 


     29 septembre
Chrisopompe de Pompinasse
Cette Dame, qui donc était Reine, était désespérée. Elle désirait un enfant et ne pouvait en avoir un. Elle avait fait des neuvaines auprès du Bon Dieu.
La population, en grandes processions, avait porté jusqu'au ciel le désir de la Reine. "Bon Dié pas té ka voyié iche pouli" (Le Bon Dieu ne lui envoyait pas d'enfant).
Une vieille femme lui dit :
- Mangez poisson, poisson titiri. Le Bon Dieu bénit les pêcheurs. Vous voyez bien qu'ils ont beaucoup d'enfants. Mangez du poisson titiri, le Bon Dieu vous enverra beaucoup d'enfants.
La Reine mangea du poisson titiri à toutes les sauces : court-bouillon, blaff, "z'accras" (croquettes). Le résultat fut négatif.
Alors elle alla faire une cure à la fontaine Moutte. "Qui boit l'eau de Moutte, à un petit enfant". La Reine n'eut pas de petit enfant. Que faire ? Cependant, elle était bonne, elle était charitable. Elle se promenait triste, triste dans son grand palais. Elle voulait un petit enfant !
Elle était désespérée, si désespérée qu'un jour elle dit :
- J'ai tellement envie d'un petit enfant, que même si c'était le Diable qui me le portait, je le prendrais !
Aussitôt elle vit arriver un Monsieur tout de blanc habillé, qui lui dit :
- Qu'il soit fait selon votre désir. Vous aurez un petit enfant et il sera à vous, à condition de me dire mon nom. Je reviendrais dans six mois. Si vous ne savez pas mon nom à mon retour, nous séparerons l'enfant en deux, moitié pour moitié, l'une pour vous, l'autre pour moi.
La Reine désirait tellement un enfant qu'elle accepta le marché. Et le lendemain, elle trouva dans son lit un joli petit enfant blond qui souriait.
Dans une petite case, une mère et son fils ne savaient comment se tirer de misère. La mère cependant travaillait beaucoup, comme "un mâle boeuf", mais sans profit.
- Pas pléré, lui dit son fils. Nous avons faim, mais pas pour longtemps. Aujourd'hui je pars.
- Où vas-tu, mon fils ?
- Je ne sais pas. Mais "pas ni gros poil" (n'aie pas de chagrin).
Et la mère répondit :
- Pauv' iche moins ! Ian misé raide ! (Pauvre enfant, la misère est dure!). Reste honnête. Surtout ne fais pas de dettes. Les dettes rendent l'homme poltron. Que le Bon Dieu soit avec toi.
Il partit, il marcha, il marcha, il marcha...
Il arriva dans un grand bois, s'y enfonça.
Il sentit une grande chaleur et entendit un bruit de tonnerre. Alors il monta au faîte d'un arbre. De là, il vit le Diable devant un four et qui mettait du bois dans le four. Le Diable chantait :
"Aujourd'hui je cuis mon pain,
"Demain je cuirais ma bière,
"Et dans trois jours le fils de la Reine,
"Car la Reine ne sait pas son nom :
"CHRISOPOMPE DE POMPINASSE."
Quelle révélation !
Il descendit de l'arbre. Son pantalon s'accrocha ; il se retrouva en bas, sali, déchiré. Il courut chez sa mère.
- Iche moins ché, ça qui rivé ou ? (Mon enfant cher, que t'est-il arrivé ?)
- Maman, ne te fais pas de souci, donne-moi du linge propre. "Moins ka rupati" (je repars).
Et il s'en alla directement chez la Reine.
La Reine était bien occupée avec son enfant. Et toutes les portes du palais étaient ouvertes. Les bonnes bavardaient près des bassins.
Il entra et arriva aux pieds de la Reine. Celle-ci surprise, appela les domestiques.
- Domestiques, comme se fait-il que vous laissiez entrer ici les vagabonds ?
Le petit garçon s'approcha de la Reine et murmura de façon à n'être entendu que d'elle :
- C'est pour l'enfant.
Alors la Reine cria aux domestiques :
- Laissez-le, allez-vous-en.
Quand ils furent seuls, le petit garçon dit à la Reine :
- Dans trois jours, le Diable, le Gros Diable, sera ici ! Quel est le nom du Diable ?
La Reine avait complètement oublié le Diable. Elle resta interloquée? Comment ce petit garçon pouvait-il savoir son secret ?
- Son nom ?... Elle chercha... Leron ?... Homère ?...
- Où pas save pièce ? (Vous ne savez pas du tout ?).
Alors le petit garçon grimpa sur les genoux de la Reine, s'approcha de ses oreilles et dit :
- C'est CHRISOPOMPE DE POMPINASSE.
La Reine était contente ! contente ! Elle demanda :
- Cà moins ké ba ou ? (Que vais-je te donner ?)
- Pour aujourd'hui, répondit le petit garçon, donnez-moi à manger.
On lui servit un bon repas. On lui donna à emporter un sac rempli de choux caraïbes, des bananes "tit nain", de la morue, un peu de tafia. On le rhabilla tout de blanc. Et il retrouva sa maman.
En arrivant, il posa d'un seul coup son sac sur la table. Sa figure brillait comme une clarinette neuve.
Chez la Reine, le Diable arrive. L'enfant est déjà à lui.
- Mon nom, dit le Diable !
Euh ! fait la Reine, prenant sa revanche sur le Diable,... Eudor ?... Horace ?... César ?...
Le Diable frétille, "ka fait majô" (fait le conquérant).
- Allons, dit-il, encore une seconde et demie et je fends l'enfant en deux, moitié pour moitié.
Alors la Reine se lève, son enfant dans les bras, regarde le Diable en face, dans "cocos z'yeux" (dans le blanc des yeux), et lui lance en articulant chaque syllabe :
- CHRISOPOMPE DE POMPINASSE.
Le Diable rugit. Et il s'évanouit dans un tourbillon de fumée.
Le petit garçon revint chez la Reine. Celle-ci était très heureuse. Elle l'embrassa, le fit asseoir au salon. Et lui remit un papier, long comme ça,... chiffré, timbré, sur vélin. C'était un acte de donation.
Le petit garçon but, mangea. On l'habilla de neuf, avec une belle casquette blanche. On le mit dans une grande auto : une Cadillac.
ll arriva chez sa mère :
- Maman, nous sommes riches ! Regarde ce papier ; nous avons une belle maison ; une grande propriété !
Aujourd'hui Monsieur est sur la propriété. J'ai été le voir, il fumait un "boutt" (un cigare) devant sa porte. Il cria :
- Je ne reçois pas les vagabonds.
Et il lâcha les chiens...
"Zott pas trouvé y trop comparaison ?" (Vous ne trouvez pas qu'il est trop prétentieux ?)

 


     5 decembre
Les deux guirlandes
La reine de Saba se présente devant le roi Salomon ; elle tenait en mains deux guirlandes de fleurs ; les unes venaient d'être récoltées dans le jardin du palais, les autres étaient le chef-d'oeuvre de l'art. Les plus habiles ouvriers s'étaient surpassés dans ce travail.
Le roi, assis sur son trône, était trop loin pour distinguer quelles étaient les fleurs véritables ; la reine de Saba souriait, Salomon était impatient. N'avait-il pas décrit tous les végétaux depuis le cèdre jusqu'à l'hypose ? Or, cette fois, son amour-propre de botaniste était en défaut.
La cour était soucieuse comme lui.
Tout d'un coup Salomon a souri ; l'éclair de triomphe a brillé dans ses yeux. Il ordonne d'ouvrir les fenêtres de la salle du trône.
Il venait d'observer un essaim d'abeilles volant dans le jardin. Les insectes pénétrent dans la salle, et vont se jeter sur une des guirlandes, pas une abeille ne s'approche de l'autre guirlande.
La reine de Saba applaudit à la sagacité du roi, et les courtisans l'imitèrent.

 


     4 aout
Le jardinier et son maître
Dans son jardin un riche avait
Une source dont l'eau limpide
Venait perdre, après une course rapide,
En un étang ou maint fretin vivait,
Destiné toutefois à mourir pour la table
De ce riche, amateur mais surtout confortable.
C'est Gros-Jean, paysan de peu d'esprit fourni,
Qui des soins du jardin avait fait son affaire.
Or, lui ne faisait pas une chose à demi,
Et pour vivifier les fleurs de son parterre,
Comme il l'avait ouï dire à son meilleur ami,
Il arrosait... oh ! mais, la grasse matinée
Et parfois toute la journée ;
Si bien qu'il en noyait les fleurs ; et qu'à la fin,
A force de puiser dans l'étang de notre homme,
Carpes et rougets un matin
Se trouvèrent à sec, et sur le flanc en somme.
Ce que voyant le châtelain,
Il traita Gros-Jean, Dieu sait comme !
Car on devine son humeur :
- "Halte-là ! lui dit-il, compère !
Foin ! de l'intrépide arroseur !
Sans doute, je veux bien avoir dans mon parterre
Et fleurs et fruits, mais aussi tiens-je à coeur
D'avoir à mon repas du poisson sur la table !"
Et là-dessus voici messire Jean -
Bien plus maladroit que coupable
Qui, voulant réparer l'échec fait à l'étang,
Dépose tout à fait l'arrosoir et vous laisse
Les plantes dépérir par trop de sécheresse.
Le maître revient au jardin,
Et, contrit, voit ses fleurs pour les trois quarts sans vie.
Il entre en fureur, peste et crie.
Gros-Jean explique son dessein.
L'autre que la colère au bout du compte emporte,
Lui dit : "Pardieu ! monsieur le jardinier malin,
N'arrose pas mes fleurs de telle sorte
Que tu laisses ainsi mon cher poisson mourir ;
Mais, d'un autre côté, -car ta bêtise est telle,-
Ne va point par excès de zèle,
Laisser pour mon poisson toutes mes fleurs périr !"
Ce que disait le maître était fort raisonnable.
Pour jouir d'un bonheur parfait,
L'homme sage doit, en effet,
Savoir unir l'utile à l'agréable.

 


     4 juillet
Le petit mas
Il y avait une fois un pauvre pêcheur qui demeurait avec sa femme dans vieux petit mas tout ruiné. Un matin, au premier coup de filet, il pêcha un poisson qui était tout d'or. Ce poisson à peine fût-il hors de l'eau qu'il se mit à parler :
"Si tu me laissais aller, lui dit-il, tu n'aurais qu'à me demander ce que tu voudrais et tu l'obtiendrais.
- Si je te laissais partir, dit le vieux pêcheur, cela est sûr tu ne reviendrais plus et, si ma femme le savait, elle me roueraient de coups.
- Fais ce que je dis et tu t'en trouveras bien."
Le pauvre pêcheur le laissa partir et revint à son petit mas (les mains vides).
"Te voilà gueux ! lui cria sa femme, tu n'apportes rien ?
- J'avais pris un poisson qui était tout d'or ; il m'a dit que, si je le laissais aller, il me donnerait tout ce que je voudrais.
- Et tu ne lui as rien demandé ?
- Non, rien.
- Comment rien ? Retournes-y, et vite, et demande-lui que de ce petit mas il te fasse une jolie maison."
Le pauvre pêcheur obéit, s'en va tout droit à la rivière, frappe des mains comme lui avait dit le poisson et poisson revient sur l'eau.
"Que veux-tu ?
- Je veux que tu me protèges, ma femme m'a grondé de ce que je t'avais laissé partir. Elle demande que de notre petit mas tout ruiné tu fasses une jolie maison.
- Retourne c'est fait."
Le pauvre pêcheur s'en retourna. En tournant le coin, il vit une jolie maison toute neuve, qui avait une tonnelle verte sur le devant et un jardin sur le derrière. Il dit à sa femme : "Tu dois être contente ?
- Contente ! Que veux-tu qu'on fasse d'un morceau de maison comme ça ? Encore si c'était une métairie ! Va-t'en au poisson qui est tout d'or et dis-lui qu'il nous faut une métairie."
Le pauvre pêcheur s'en va de nouveau à la rivière.
"C'est encore moi ; ma femme ne trouve pas que ce soit assez ; elle veut une métairie.
- Retourne-t'en, c'est fait."
Il s'en revint. En tournant le coin, il vit une belle et grande métairie, où il y avait beaucoup de boeufs et de vaches. Il dit à sa femme : "Tu dois être contente ?
- Contente ! pour cette vilaine métairie ! Il vaudrait bien mieux avoir un château. Retourne-t'en vite, et va lui demander un château."
Le pauvre pêcheur s'en va et, (arrivé) à la rivière, frappe des mains. Le poisson revint sur l'eau.
"Tu n'as pas encore contenté ma femme ; maintenant elle veut que de cette métairie tu fasses un château.
- Elle est bien revêche ta femme ; elle me donne assez de peine.
- C'est vrai, mais que veux-tu ? Si tu peux le faire, fais-le.
- Retourne-t'en, c'est fait".
Il s'en retourna. Du tournant il vit un beau château, et sa femme  qui était à la fenêtre pour se distraire. Il lui dit : "Tu dois être contente ?
- Contente ! Il n'y a pas à crier "venez voir" ! Qui n'a pas un château ? Je voudrais avoir quelque chose que personne n'eût : je veux un palais.
- Autant dire alors que tu veux être reine ; tu déraisonnes.
- Je veux un palais. Retourne-t'en, et vite, et le lui demander."
Le pauvre pêcheur s'en alla tout confus de ce qu'il allait demander. Le poisson revint encore.
"Ma femme a perdu la raison, elle veut un palais.
- Ta femme est folle.
- Je le sais bien ; mais si tu peux le faire, fais-le.
- Retourne-t'en, c'est fait."
Le pauvre pêcheur s'en retourne ; quand il fut à l'endroit où le chemin tourne, il vit son vieux petit mas tout ruiné et sa femme assise sur le seuil, qui pleurait.
Dès qu'elle l'aperçut, elle se mit à crier après lui. Le pauvre pêcheur, qui était en colère, prit une gaule et la frappa jusqu'à ce qu'elle eût dit qu'elle était contente.
Je me réveillai et il fit jour.

 


     4 juin
Papillonne
Ah ! ça ma fille, s'écria maître Globulus, en piquant sur un bouchon de liège un magnifique papillon encore vivant, n'auras-tu pas bientôt fini de pleurnicher ainsi toute seule, dans ton coin ?...
Celle à qui s'adressait cette petite admonestation paternelle n'était autre que Myrtille, une adorable fillette d'une dizaine d'années, dont les yeux clairs et bleus comme un matin d'avril, laissaient, malgré les larmes qui les noyaient, apparaître un regard plein de douleur et de bonté.
Les remontrances de son père ne firent qu'accroître le chagrin de l'enfant, et de gros sanglots la secouèrent des pieds à la tête.
"Oh ! père, père, s'écria-t-elle, se peut-il, vous qui êtes si bon pour moi, que vous soyez aussi cruel pour ces inoffensives petites bêtes que sont les papillons ?... Se peut-il que vous vous plaisiez à les martyriser ainsi, sous prétexte d'en enrichir votre collection ?..."
Maître Globulus, qui était un naturaliste enragé, haussa les épaules et éclata de rire.
"Voyons, ma fille, dit-il, comment pourrais-je étudier les papillons, si je n'en attrapais point, et si je ne les collectionnais ensuite, de façon à les comparer entre eux ?... Je t'en prie, mon enfant, calme cet excès de sensibilité, et prouve-moi, en te montrant plus courageuse, que tu es digne d'être la fille du grand savant que je suis !..."
Et, ce disant, l'inlassable collectionneur aligna, dans une des nombreuses vitrines qui l'entouraient, le bouchon sur lequel le beau papillon agonisait lentement, sans même pouvoir se débattre, car ses ailes fragiles, pour éviter d'irréparables brisures, avaient été, comme son corps, transpercées et immobilisées par de longues épingles.
C'est à peine maintenant si on pouvait s'apercevoir, aux battements angoissés de ses minuscules antennes, que le joli petit insecte respirait encore !... Quelques secondes de plus, d'ailleurs, et il exhalait, en un dernier souffle, tout le parfum subtil et pénétrant des dernières fleurs butinées !...
Myrtille ne put supporter cette vue, et, se cachant les yeux de ses deux mains, elle s'enfuit, éperdue, à travers la campagne. Elle courut ainsi, d'une seule haleine, jusqu'au moment où, épuisée par cette course, elle se laissa tomber, à l'entrée d'un petit bois, au pied d'un chêne séculaire.
Lorsqu'elle releva la tête, une jeune femme, d'une beauté merveilleuse, se trouvait devant elle. Sa chevelure semblait faite des rayons du soleil, et la robe légère qui la drapait, de toutes les couleurs insaisissables de l'arc-en-ciel.
La fillette ne put réprime un cri de surprise, en apercevant la belle inconnue, mais son étonnement fut plus grand encore, lorsque celle-ci se pencha vers elle et lui demanda, d'une voix pleine de douceur, la cause de son chagrin.
"Je pleure, répond Myrtille, parce que je pense à tous les jolis papillons que mon père fait si cruellement souffrir !"
La belle dame sourit :
"Mon enfant, fit-elle, je vois avec joie que tu as bon coeur, et je veux te récompenser, pour ta gentillesse et pour ta bonté !... Fais un voeu, exprime un souhait, et ce voeu, ce souhait, sera aussitôt exaucé !...
- Qui êtes-vous donc pour me parler ainsi ? demanda Myrtille tout étonnée.
- Que t'importe mon nom ! répondit la dame. Sache seulement que je suis une fée, et, ce qui vaut mieux, une bonne fée !..."
Cette histoire se passait en effet - le conteur avait oublié de le dire - à cette époque, incertaine et charmante, où les enfants, suivant qu'ils avaient été sages ou méchants, rencontraient sur leur chemin de bonnes ou mauvaises fées !...
Myrtille réfléchit donc quelques secondes à ce qu'elle allait demander, et, le visage éclairé par le plus gracieux sourire :
" Je voudrais, dit-elle, que les papillons qui se trouvent dans les collections de mon père soient tous rendus à la vie et à la liberté !
- Rien ne m'est plus facile que de satisfaire ton généreux désir !... répondit la fée. Tu n'as qu'à rentrer chez toi, et, après  avoir ouvert toutes grandes les portes et les fenêtres de la maison, à chanter trois fois : "Papillon vole !..." Les papillons ressusciteront aussitôt à ton ordre et s'envoleront comme par enchantement.
- Oh ! merci, bonne fée, merci !" s'écria joyeusement Myrtille.
Et, sans même attendre que la belle dame eût disparu dans les profondeurs sombres et verdoyantes de la forêt, elle rentra chez elle, en courant.
On pense si Myrtille avait hâte de suivre le conseil que lui avait donné la fée !... Dans sa joie, elle ne réfléchissait pas au chagrin qu'elle allait causer à son père, fervent collectionneur, en le privant ainsi de ses papillons.
Maître Globulus, lorsque sa fille franchit le seuil de la maison, était justemetn en train de mettre de l'ordre dans sa collection, et il avait ouvert toute la série de vitrines où s'étalaient, ailes contre ailes, les beaux papillons morts.
La fillette, sans avoir l'air de rien, en fit immédiatement autant des fenêtres et des portes ; après quoi, le coeur tremblant d'émotion, elle se réfugia dans un coin de la pièce, et chanta trois fois, comme il était convenu, mais à mi-voix :
"Papillon vole !... Papillon vole !... Papillon vole !..."
Aussitôt, renaissant tout à coup à la vie et échappant comme par miracle aux épingles qui les clouaient, les papillons s'envolèrent de toutes parts, en un essaim multicolore, et ce fut dans la chambre comme une joyeuse ronde diaprée, comme une merveilleuse farandole aérienne de pierreries vivantes... Sous les rayons du soleil qui irisaient leurs ailes, les papillons zigzaguaient et tourbillonnaient, tout heureux, après un aussi long emprisonnement, de reconquérir soudain leur liberté...
"Mes papillons !... Mes papillons !..." s'écriait maître Globulus, suffoqué par la fureur et l'émotion, en voyant ainsi les plus belles pièces de sa collection lui échapper les unes après les autres.
Mais les papillons avaient autre chose à faire qu'à écouter les appels effarés de celui qui avait été leur bourreau, et, par les fenêtres et les portes ouvertes, ils s'empressèrent de prendre leur vol et de gagner la campagne, endormie sous les chauds rayons du soleil d'été.
Cette minute-là fut une minute inoubliable de bonheur pour la jolie petite Myrtille, qui était toute fière, sinon d'avoir joué un tour à son papa, du moins d'avoir accompli, sans intérêt, une bonne action.
Quant aux papillons, pour prouver leur reconnaissance à celle qui les avait sauvés, ils prirent, à partir de ce jour, la gracieuse habitude de lui faire escorte, au cours de ses promenades champêtres. Du plus loins qu'ils apercevaient l'enfant, ils accouraient vers elle avec mille grâces câlines, et rien n'était alors plus joli que de voir Myrtille, épanouie par la joie, courir à travers les pelouses fleuries, au milieu de cet essaim voltigeant.
"Papillon vole !... Papillon !..." répétait-elle en gambadant.
Et les quelques papillons, qui s'étaient oubliés sur le calice des fleurs, prenaient à leur tour leur vol, pour faire à leur petite reine un plus nombreux cortège.
On appela plus dès lors Myrtille, dans tout le pays, que du joli surnom de Papillonne.
Mais les mauvais jours ne tardèrent pas à arriver, et aux beaux mois d'été succédèrent bientôt les mois, plus âpres, de l'automne.
Papillonne, puisqu'elle se nommait maintenant ainsi, n'en continuait pas moins ses promenades à travers champs et forêts, mais elle constatait, avec un gros serrement de coeur, que le nombre de papillons de son escorte diminuait de jour en jour.
"Est-ce que, par hasard, les papillons mourraient aux approches de l'hiver ?" se demanda-t-elle alors, toute songeuse.
Et elle fut bien forcée de répondre : oui, à la question qu'elle s'était posée, car, maintenant que l'hiver était venu et qu'il n'y avait plus de feuilles aux branches et de fleurs dans les prairies, il n'y avait plus de jolis papillons, pour danser gaiement autour de leur petite protectrice.
Or, un après-midi que Myrtille, après avoir erré longuement à travers la campagne désolée, s'était un peu trop éloignée de la maison paternelle, la neige se mit tout à coup à tomber autour d'elle à gros flocons.
"Ah ! mon Dieu ! s'écria la petite fille, aveuglée par la tourmente, je me suis perdue !"
Et, de fait, la rafale, était si violente, et les flocons de neige s'abattaient en tourbillons si épais, qu'il devint bientôt tout à fait impossible à Myrtille de reconnaître la direction à prendre pour rentrer chez son père.
La pauvre enfant, se laissant tomber au bord du chemin, se mit à fondre en larmes, et elle était là à sangloter, depuis quelques seconde, lorsque, tout à coup, la bonne fée qui lui avait déjà apparu une fois, lui apparut de nouveau parmi la tourmente de neige.
"Petite Papillonne, dit la fée, sèche tes yeux et ne pleure plus !... Tu as accompli, il y a quelques mois une bonne action, et, comme toute bonne action est à son heure récompensée, la tienne va l'être aujourd'hui ! Tu as sauvé les papillons ! Les papillons ne l'ont pas oublié : appelle-les, et ils s'empresseront d'accourir à ton secours !..."
Cela dit, la bonne fée disparut, tandis que Myrtille, comme aux beaux jours de l'été, se mit à chanter :
" Papillon vole !... Papillon vole !... Papillon vole !..."
Aussitôt, un prodige merveilleux se produisit. Le soleil apparut tout à coup dans le ciel, et les flocons qui tourbillonnaient se transformèrent immédiatement en de merveilleux papillons éblouissants de couleurs. Myrtille ne réprimer un cri de surprise et se redressa vivement. Mais déjà les papillons s'étaient tous élancés dans la même direction, indiquant à la fillette le chemin qu'elle avait à suivre pour rentrer chez elle.
Les papillons accompagnèrent leur petite reine jusqu'au seuil de sa maison, et lorsqu'ils se furent acquittés de la dette de reconnaissance qu'ils avaient contractéd envers elle, ils reprirent leur vol vers le ciel, redevenu gris, et ils s'y transformèrent de nouveau en flocons de neige.

 


     4 mai
Abeille chez le roi des nains
Abeille, fille de la duchesse des Clarides, s'est aventurée loin du château de sa mère. Elle s'est endormie au bord d'un lac, près du royaume des Nains. Les Nains l'ont emporté dans la montagne et l'on conduite devant leur roi.
- Roi Loc, lui dirent les Nains, nous t'amenons la belle enfant que nous avons trouvée : elle se nomme Abeille.
- Vous faites bien, dit le roi Loc. Elle vivra parmi nous comme le veut la coutume des nains.
Puis s'approchant d'Abeille :
- Abeille, lui dit-il, soyez la bienvenue.
Il lui parlait avec douceur, car il se sentait déjà de l'amitié pour elle. Il se haussa sur la pointe des pieds pour baiser la main qu'elle laissait pendre et il l'assura que non seulement il ne lui serait point fait de mal, mais encore qu'on la contenterait dans tous ses désirs, quand bien même elle souhaiterait des colliers, des miroirs, des laines de Cachemire et des soies de Chine.
- Je voudrais bien des souliers, répondit Abeille.
Alors le roi Loc frappa de sa lance un disque de bronze qui était suspendu à la paroi du rocher, et aussitôt l'on vit quelque chose venir du fond de la caverne en bondissant comme une balle...
C'était le chef des cordonniers.
- Truc, lui dit le roi, choisis dans nos magasins le cuir le plus souple, prends du drap d'or et d'argent, demande au gardien de mon trésor mille perles de la plus belle eau, et compose avec ce cuir, ces tissus et ces perles, une paire de souliers pour la jeune abeille.
A ces mots, Trucs se jeta aux pieds d'Abeille et il les mesura avec exactitude. Mais elle dit.
- Petit roi Loc, il faut me donner tout de suite les beaux souliers que tu m'as promis, et, quand je les aurai, je retournerai aux Clarides, vers ma mère.
- Vous aurez vos souliers, Abeille, répondit le roi Loc, vous les aurez pour vous promener dans la montagne et non pour retourner aux Clarides, car vous ne sortirez point de ce royaume, où vous apprendrez de beaux secrets qu'on n'a point devinés sur terre. Les Nains sont supérieurs aux hommes, et c'est pour votre bonheur que vous avez été recueillie par eux.
- C'est pour mon malheur, répondit Abeille, Petit roi Loc, donne-moi des sabots comme ceux des paysans et laisse-moi retourner aux Clarides.
Mais le roi Loc fit signe de tête pour exprimer que cela n'était pas possible. Alors Abeille joignit les mains et prit une voix caressante.
- Petit roi Loc, laisse-moi partir et je t'aimerai bien.
- Vous m'oublierez, Abeille, sur la terre lumineuse...
"Je ne puis vous ramener à votre mère, mais je lui enverrai un songe qui l'instruira sur votre sort, chère Abeille, et qui la consolera."
- Petit roi Loc, répondit Abeille en souriant dans ses larmes, tu as une bonne idée, mais je vais te dire ce qu'il faudra faire. Il faudra envoyer, chaque nuit, à ma mère, un songe dans lequel elle me verra et m'envoyer à moi, chaque nuit, un songe dans lequel je verrai ma mère.
Le roi Loc promit de le faire. Et ce qui fut dit fut fait. Chaque nuit, Abeille vit sa mère, et, chaque nuit, la duchesse vit sa fille. Cela contentait un peu leur amour.

 


     4 avril
Le conte de la Fleur
Il y avait une fois un homme et une femme qui avaient une ribambelle d'enfants et peu de chose à leur mettre sous la dent. Ils étaient pauvres comme des rats. Un soir, l'homme dit à la femme :
"Que ferons-nous de tous ces marmots ? Nous n'avons rien à leur donner. Il faut aller les perdre."
Le lendemain, le père les conduit loin, bien loin au milieu d'un grand bois, et leur dit :
"Amusez-vous, je viendrai bientôt vous chercher."
Au bout d'un moment passe une belle voiture, avec une belle princesse dedans.
"Comme je me plairais dans cette voiture, dit un des garçons.
- Quel est celui qui a dit cela ?" fait la princesse.
Personne ne répondit.
"C'est celui-ci, fit un valet.
- Eh bien, mon petit, il te faut venir avec moi."
Et la princesse le fit monter dans sa voiture.
"Comment t'appelles-tu ?
- La Fleur.
- Tu as un joli nom. Je vais te conduire dans un magnifique château ; il ne te manquera rien, mais tu seras pas toujours heureux. Tu auras quelques lieues de mauvais chemin."
Quelques temps plus tard, la princesse dit à La Fleur :
"Je vais te quitter, car je dois partir pour un long voyage. Mais d'abord, tu auras deux mauvaises nuits à passer. Il viendra trois homme, qui frapperont à la porte du château ; ils t'appelleront, mais tu ne répondras pas. Ils te feront bien souffrir, mais ne te tuerons pas.
- Tant pis, dit La Fleur. Je souffrirai pour l'amour de vous.
Le soir, entre onze heures et minuit :
"Ho ! La Fleur ! dirent trois voix. Tu es content d'être dans ce château ? Ouvre, ou nous enfonçons la porte."
La Fleur ne souffla mot.
Les trois hommes enfoncèrent la porte et entrèrent.
"Que ferons-nous de La Fleur ? dirent-ils.
- Jouons à la balle avec lui."
Ils cherchèrent des cordes, l'attachent bien et se le renvoient de l'un à l'autre. A peine l'avaient-ils fait sauter trois ou quatre fois que minuit sonna, et tous trois prirent le large.
La princesse arriva à l'aube et appela La Fleur. Mais La Fleur, roué de coups, ne pouvait lui répondre.
Elle entra et le vit qui ne pouvait remuer.
"Pauvre Princesse, je suis mort !
- Pas tout à fait. Je vais te guérir."
Elle le délia, sortit un onguent de sa poche, le frotta bien et l'essuya avec un mouchoir blanc qu'elle lui remit. Il fut guéri.
"Pauvre La Fleur, tu as passé une bien mauvaise nuit : mais il t'en reste une plus mauvaise encore à passer."
Et la princesse le quitta. Entre onze heures et minuit, les trois hommes revinrent.
"Ho ! La Fleur ! Tu es content dans ce château ? Ouvre, ou nous enfonçons la porte."
La Fleur ne souffla mot. Les trois hommes enfoncèrent la porte et entrèrent.
"Que ferons-nous de La Fleur ? dirent-ils.
- Faisons-le cuire à la broche."
A force de chercher ils en trouvèrent une assez grande. Mais à peine embrochaient-ils La Fleur que minuit sonna, et ils prirent le large.
La princesse, cette fois encore, arriva à l'aube et appela La Fleur. Mais La Fleur, tout endolori, ne pouvait pas répondre.
Elle entra et le vit prêt à rendre le dernier soupir
"Pauvre Princesse, je suis mort.
- Pas tout à fait. Je vais te guérir."
Elle le retira de la broche, sortit un onguent de sa poche, le frotta bien, l'essuya avec un mouchoir rouge qu'elle lui remit. Il fut guéri.
"Je te laisse maître de ce château. Moi je m'en vais loin et peut-être ne me reverras-tu jamais."
Elle l'embrassa et s'en alla.
Quelques années passèrent. La Fleur s'ennuyait dans sa solitude. Il lui tardait de revoir la princesse. Il demanda au Vent du Nord s'il n'avait pas ouï parler de la maîtresse de ce château. Il répondit que non. Il le demanda au Vent d'Ouest. Celui-ci n'en sut pas davantage. Il le demanda au Vent du Midi. Et le Vent du Midi lui répondit :
"Je vais te l'indiquer, mais elle est loin, très loin, et elle se marie demain."
Et La Fleur, désolé :
"Si vous pouviez me porter là où est la princesse, vous me feriez grand plaisir : j'aimerais être à ses noces.
- Je ferai ce que je pourrai", dit le Vent du Midi.
Et La Fleur eut l'idée de se fourrer dans une des bottes du Vent, qui étaient plutôt avantageuses. Et en route ! D'un bond le Vent fut à mi-chemin.
"Tu suis, La Fleur ?
- Oui, oui, je suis là."
Le Vent souffla encore un bon coup puis dit : "Nous y sommes." D'une grande bouffée il ouvrit les fenêtres et déposa La Fleur dans la chambre de la princesse. La Fleur se cacha derrière le rideau du lit, après avoir placé son mouchoir blanc sur une petite table au milieu de la pièce.
La princesse sortit de son cabinet de toilette, vit le mouchoir mais n'y fit pas attention. Quand elle fut sortie, La Fleur y mit le mouchoir rouge. La princesse revint, regarda les deux mouchoirs, les prit et s'écria :
"Que veut dire ceci ? Il y a quelque chose de plus ou de moins, dans cette chambre... La Fleur, n'es-tu pas ici ? Réponds-moi !"
Et La Fleur sortit de derrière le rideau, beau et superbe comme un prince.
La princesse épousa La Fleur. Tous deux revinrent au château et y vécurent longtemps heureux.

 

 

     4 mars
Pitô
Il y avait une fois un jeune homme qui était le plus brave garçon du monde, mais aussi le plus niais de son village. Âgé de vingt ans environ, il n'avait aucun goût pour le travail ; tout juste était-il bon pour garder le bétail, et c'est pour cela qu'on le mit gardien du troupeau communal.
Un jour qu'il gardait les moutons dans une jachère, le long d'un ruisseau, il voit arriver deux hommes. Lorsque ceux-ci furent au bord du ruisseau, ils n'osèrent pas le franchir car il avait été grossi par l'orage. Alors l'un d'eux dit à Pitô :
"Tu ne voudrais pas nous passer, pâtre, toi qui peux facilement te déchausser ?
- Vous plaisantez ! Cela va être vivement exécuté !"
Alors il prend l'un après l'autre les deux hommes sur ses épaules et les transporte sur l'autre rive. Les deux hommes, qui avaient remercié du bout des lèvres, s'en allaient sans autre formule.
"Et vous ne me donnez rien en paiement ? demande Pitô à celui qui se trouvait en arrière.
- Il te faut demander à mon compagnon qui est devant moi " répond celui-ci.
Pitô va trouver l'autre homme et ce dernier lui dit :
"Ecoute, brave pâtre, je suis le bon Dieu ; je n'ai aucun argent pour te payer, mais je te donne cette flûte. Chaque fois que quelque chose n'ira pas à ton idée, tu n'auras qu'à jouer de la flûte en disant chaque fois : "Pour l'amour de cette flûte que m'a donnée le bon Dieu, que je me débarrasse de toutes difficultés !" Et alors tout ira bien pour toi..."
Un jour Pitô passait devant le château du roi avec son troupeau au-devant de lui et sa flûte aux lèvres, il se met à jouer de l'instrument et dit ensuite :
"Pour l'amour de cette flûte que m'a donnée le bon Dieu, que la fille du roi ait un garçon !"
Et la fille du roi eut un garçon. Cet enfant parla et marcha aussitôt qu'il fut au monde. Le roi fut fou de colère, et il fit savoir dans tout le pays que le père de cet enfant serait écorché vif. Alors il fit venir au château tous les hommes et jeunes gens de la contrée et demanda au père de l'enfant de se faire connaître. Personne ne dit mot.
"Eh bien, dit le roi, nous allons le découvrir tout de suite !"
Il fait approcher l'enfant, qui tenait une petite boule rouge dans la main, et lui demande de donner cette boule à son père. L'enfant se tourna de tous côtés, et au bout d'un moment il dit :
"Mon père n'est pas ici."
Alors quelqu'un s'aperçoit que Pitô était absent.
"Eh bien, il faut aller le chercher" fit le roi.
Pitô arriva et l'enfant alla lui donner la boule rouge... Le roi fait enfermer sa fille, Pitô et l'enfant dans un tonneau, fait fermer hermétiquement le tonneau et le fait jeter à la mer.
Pitô, qui avait emporté sa flûte enchantée, se met tout de suit à jouer, et dit ensuite :
"Pour l'amour de cette flûte que m'a donnée le bon Dieu, que ce tonneau s'approche du rivage et qu'il s'ouvre !"
Aussitôt le tonneau aborda au rivage, s'ouvrit et tous les trois en sortirent.
Ils n'étaient pas loin du château royal. Pitô saisit alors de nouveau sa flûte, se met à jouer et dit ensuite :
"Pour l'amour de cette flûte que le bon Dieu m'a donnée, que ce tonneau soit un joli château bâti près du château royal et qu'il y ait un pont de verre entre les deux !"
Et il en fut ainsi aussitôt.
Le lendemain matin, en ouvrant sa fenêtre, le roi aperçut ce château nouvellement édifié.
"Et comment se fait-il, s'exclama-t-il, qu'il se trouve un château près du mien avec ce pont de verre qui les relie ? Hier il n'y avait rien !"
Il fait aussitôt ferrer un cheval à glace, pour pouvoir franchir la pont, et va rendre visite à ses nouveaux voisins. Il ne reconnut ni sa fille, ni Pitô. Ceux-ci lui font visiter leur château, puis le promène dans le jardin où se trouvait un magnifique poirier portant six poires en or. Tout en se promenant, Pitô prend sa flûte, se met à jouer discrètement, puis murmure :
"Pour l'amour de cette flûte que le bon Dieu m'a donnée, qu'une des poires en or s'en aille dans la poche du roi !"
Lorsqu'ils eurent fait le tour du jardin et qu'ils repassèrent devant le poirier, le roi s'aperçut qu'il ne portait plus que cinq poires.
"Tiens, dit-il, il en manque une ; il y en avait six quand nous sommes passées tout à l'heure !
- Alors c'est vous qui l'avez volée ! répond Pitô.
- Le roi n'est pas un voleur !
- Nous allons voir cela" fait Pitô.
Il enfonce la main dans la poche du roi et en retire la poire d'or.
"Vous voyez bien que c'est vous le voleur ! Quelle honte si quelqu'un venait à le savoir ! Mais moi je ne dirais rien si vous voulez me laisser épouser votre fille qui est ici à côté de nous."
Alors le roi reconnut sa fille et Pitô.
"Eh bien, qu'il en soit ainsi !" fit le roi.
Et Pitô devint le gendre du roi.

 


     4 fevrier
La nuit des Quatre-Temps
Une fois il y avait une vieille qui avait sept barils de louis d'or. Chaque matin, elle les épandait au soleil afin de les empêcher de moisir.
Voilà qu'un matin passe un jeune homme à cheval qui lui dit :
- Hé ! que faites-vous la vieille ?
- Vieille, vieille ! il y en a de plus vieilles que moi, et il y a beaucoup de jeunes qui voudraient être à ma place, allez !
- C'est possible, mais qu'est-ce que vous épandez au soleil ?
- Hé ! vous le voyez bien : je remue ces farisques-farasques afin qu'elles ne moisissent pas.
- Si vous vouliez me les donner, moi, je vous les démoisirais bien.
- Hé ! pardi ! je vous les donnerais bien, mais il faut que vous me preniez en mariage.
- Eh bien, nous nous marierons. Je viendrai vous quérir la nuit des Quatre-Temps."
Cette vieille avait avec elle une jeune nièce. Un soir elle lui dit :
"Petite nièce, petite nièce, va-t'en voir quel temps il fait."
La petite nièce alla devant la porte et dit :
"L'estournique clique, grand-mère.
- Va-t'en au lit, ce soir n'est pas mon soir."
Un autre soir, elle redit :
"Petite nièce, petite nièce, va-t-en voir quel temps il fait.
- Il tonne et il fait des éclairs, grand-mère.
- Va-t'en au lit, ce soir n'est pas mon soir."
Un autre soir, elle redit :
"Petite nièce, petite nièce, va-t-en voir quel temps il fait.
- Il tonne, il fait des éclairs et il vente, grand-mère.
- Va-t'en au lit, ce soir n'est pas mon soir."
Un autre soir, elle redit :
"Petite nièce, petite nièce, va-t-en voir quel temps il fait.
- Il tonne, il fait des éclairs, il vente et il pleut, grand-mère.
- Petite nièce, petite nièce, cherche-moi mes pantouflettes. Ce soir est bien mon soir."
La vieille et la petite nièce prirent une chandelle et se mirent en chemin. Quand elles furent un peu loin, elles virent quatre lumières qui luisaient.
"Petite nièce, petite nièce, c'est mon galant qui vient me quérir."
Quand elles furent plus loin, elles virent que ces lumières étaient les yeux de deux loups ; ces loups affamés sautèrent sur la vieille. Alors le galant, à cheval, qui suivait les loups leur dit :
"Tout doux, mes bons amis. Il y en aura bien assez pour tous."
Le galant prit la petite nièce à bras-le-corps sur son cheval, et les loups, cric ! crac ! croquèrent et avalèrent la vieille, os et tout.
Le galant et la petite nièce se marièrent ensemble et firent bonne vie avec les farisques-farasques de la vieille.

 


     5 janvier
Les Uldra
Les Uldra ?
Oui ! Je ne connaissais pas les Uldra ? Le petit peuple qui vit sous terre ! Quand l'ours s'endormait l'hiver, les Uldra lui apportaient de la nourriture, la nuit ; évidemment, aucune bête ne pourrrait dormir tout l'hiver sans nourriture, me dit Turi, riant en dedans. La loi de l'ours lui interdit de tuer un homme. S'il la transgresse, les Uldra ne lui apportent pas de nourriture et il ne pourrait pas dormir l'hiver. Seule une balle d'argent, fondue dans la nuit d'un samedi près du cimetière, pourrait le tuer, car il était protégé par les Uldra.
Je demandai à Turi s'il n'avait jamais vu les Uldra. Non, pas lui, mais sa femme les avait vus et les enfants les voyaient souvent. Mais il les avait entenuds s'agiter sous terre. Les Uldra se déplaçaient la nuit ; il dormaient le jour, car il n'y voyaient pas quand il faisait clair. Parfois, quand il arrivait à des Lapons de dresser leur tente juste au-dessus  d'un endroit où vivaient des Uldra, les Uldra les prévenaient d'avoir à dresser leur tente plus loin. Les Uldra étaient tout à fait bienveillants pourvu qu'on les laissât tranquilles. Si on les dérangeait, ils répandaient sur la mousse une poudr qui tuait les rennes par dizaines. Il leur arrivait même d'emporter un bébé lapon et de le remplacer dans le berceau par un des leurs.
Leurs bébés avaient le visage couvert de poils noirs et la bouche garnie de dents longues et pointues.
Il y en a qui disent qu'il faut battre leur petit avec une verge de bouleau enflammée, jusqu'à ce que la mère, ne pouvant plus supporter ses cris, vous rapporte votre bébé et remporte le sien. D'autres disent qu'il faut traiter leurs enfants comme le vôtre ; alors la mère Uldra vous en saura gré et vous rendra votre enfant.
Tandis que parlait Turi, une discussion animée au sujet de la méthode la meilleure s'était élevée entre les femmes qui serraient leurs petits contre elles, l'oeil inquiet.
Je demandai à Turi s'il y avait des "Stalo" dans le voisinage. J'en avais entendu parler dans mon enfance ! J'aurais tout donné pour rencontre un de ces grand ogres.
"Dieu nous en préserve, dit Turi, mal à l'aise : vous savez, la rivière que vous traverserez à gué demain s'appelle encore la rivière Stalo en souvenir du viel ogre qui y vivait autrefois avec sa sorcière de femme. Ils n'avaietn qu'un oeil à eux deux, aussi ils se querellaient et battaient toujours à qui l'aurait poury voir. Ils mangeaient toujours leurs enfants, mais ils mangeaient aussi des petits Lapons quand ils en avaient l'occasion. Stalo disait qu'il préférait les bébés lapons ; ses propres enfants avaient trop le goût de soufre.
"Un jour qu'ils traversaient le lac en traîneau tiré par douze loups, ils se mirent comme d'habitude à se chamailler pour leur oeil, et Stalo se fâcha si fort qu'il creva le fond du lac, par où sortirent tous les poissons, et aucun n'est jamais revenu. C'est pourquoi on l'appelle encore le lac Siva ; vous le traverserez à la rame demain et vous constaterez vous-même qu'il n'y reste plus un seul poisson."

 


     4 janvier
La broderie de Militine
Dans un pays charmant, dont l'histoire ne nous a pas conservé le nom, vivait jadis un vieux roi appelé Florimond, adoré de son peuple et de ses filles, quatre princesses jeunes et gracieuses, que leur père rêvait de marier à des princes accomplis, capables de les rendre parfaitement heureuses.
Le rêve du bon père sembla d'abord se réaliser : trois princes, héritiers des royaumes voisins, demandèrent la main des trois aînées : Blanche-Epine, Pivoine et Muguette. Comme, dès le jour de leurs fiançailles, les princesses ne tarirent pas d'éloges sur leurs futurs époux, Florimond enchanté convia ses sujets à partager sa joie. Durant une semaine entière, d'un bout à l'autre du royaume, on chanta, on dansa, on festoya, si bien qu'il fallut trois jours d'un profond sommeil pour réparer les forces de tous ceux qui avaient pris part à ces noces mémorables.
Malheureusement, quand chacune des princesses eut suivi son époux dans sa nouvelle patrie, le bon Florimond, qui se croyait le plus fortuné des pères, éprouva un grand désappointement : tous les mois, trois courriers lui apportaient, de la part de ses filles, des lettres remplies de plaintes et de regrets : Muguette gémissait sur les caprices sans nombre de son mari ; Pivoine trouvait le sien violent ; Blanche-Epine assurait, avec force lamentations, qu'elle était la femme du prince le plus avare de la terre.
A la lecture de ces missives, le figure du pauvre roi s'allongeait... et la petite princesse Militine l'accablait de questions sur le sort de ses aînées.
Elle put donc réfléchir à son aise, et elle se promit de ne point s'exposer à la même déconvenue.
A dix-sept ans, Militine avait infiniment d'esprit ; le peuple la surnommait "l'Aimable Princesse", mais sa beauté était  loin d'égaler celle de ses soeurs. Néanmoins, lorsque le vieux roi déclara qu'il voulait que son quatrième gendre fût l'héritier de la couronne, les prétendants accoururent de toutes parts. C'étaient des souverains de beaux pays, de jeunes princes déjà illustres, des seigneurs puissants comme des rois ; ils venaient solliciter la main de Militine, et l'accablaient de louanges. Les fêtes se succédaient au palais de Florimond... mais, hélas ! ma petite princesse répondait à chaque illustre prétendant par le même refus ! La septième fois, elle refusa le roi des Iles Lumineuses ; la huitième, le célèbre prince Saphir.
Florimond n'y tint plus et fit appeler Militine.
"Ma fille, s'écria-t-il avec colère, je vous avais, comme vos aînées, laissée libre de prendre un époux de votre choix ; mais je vous croyais un brin de raison ! Vos refus vont me brouiller avec mes plus puissants alliés. Apprenez donc que, si dans trois semaines vous n'avez pas pris une décision, je vous marierai au premier prétendant qui se présentera, fût-il le fils d'un charbonnier !"
La pauvre Militine n'osa protester, tant les regards de son père étaient sévères ; elle alla toute penaude conter ses malheurs à sa nourrice.
"Conseille-moi, disait-elle en pleurant ; je ne veux pas épouser un charbonnier, mais je veux davantage être la femme d'un de ces princes qui mentent pour me flatter et me tromper. Ils vantent ma beauté et je ne suis pas belle, admirent ma voix qui n'est pas juste, se pâment d'aise quand je danse, quoique je n'aille pas en mesure, tout cela, pour obtenir avec ma main la couronne de mon père, mais aucun d'eux ne s'informe si je suis bonne et si j'ai de l'esprit ! Comment trouver en trois semaines un mari loyal, tel que je le souhaite ?
- Il faut consulter la fée au Clair-Ruisseau," conseilla la nourrice.
Aprés avoir écouté les instructions, Militine sortit donc du palais dès l'aurore pour gagner la montagne voisine. Tout au sommet, un ruisseau coulait à l'ombre de grands arbres. La princesse en compta huit, nombre de ses prétendants refusés, et, se penchant au pied du neuvième, elle toucha de ses lèvres l'onde fraîche.
"Fée du Clair-Ruisseau, voulez-vous m'écouter ?" dit-elle.
Aussitôt, toute souriante et couronnée de cheveux verts, la fée sortit à demi de l'eau? Elle jeta une brindille dans le courant avant de répondre : "Pendant que l'eau la portera jusqu'au bas de la colline, tu as la parole."
Il faut croire que ces courts instants suffirent à Militine pour faire ces confidences et recevoir des avis, car le même jour le roi la trouva radieuse, installée devant un métier à broder.
"Que faites-vous là ? demanda-t-il étonné.
- Je brode, répondit la princesse, l'écharpe que je désire offrir à mon fiancé.
- Mais il n'y a rien sur votre métier, se récria Florimond.
- Vous vous trompez, mon père, il y a une étoffe précieuse, et je l'orne de fleurs d'or et d'argent ; mais la fée du Clair-Ruisseau, qui me l'a donnée, veut qu'elle ne soit visible que pour ceux qui aspirent à ma main. Publiez donc que j'accepterai pour époux celui qui saura le mieux apprécier mon ouvrage, fût-il fils de charbonnier.
Le roi n'osa pas refuser ; il publia la résolution de sa fille, et palait vit de nouveau le défilé des seigneurs qui briguaient l'honneur d'être choisis.
Militine, feignant toujours de travailler, demandait à chacun d'eux :
L'un après l'autre, ils se déclaraient transportés d'admiration devant la richesse du dessin et la perfection du travail. Alors Militine secouait la tête, pinçait les lèvres et faisait signe au flatteur qu'elle n'était pas satisfaite. Quand les grands personnages eurent été tous éconduits, quelques gens de moindre importance osèrent se présenter. Ils renchérirent encore sur les louanges des premiets et n'eurent pas plus de succès. Florimond recommençait à se fâcher, lorsqu'un pauvre étudiant implora la faveur de voir l'oeuvre de Militine. Le roi l'amena lui-même devant le métier et, d'une voix irritée :
"Voyons, jeune homme, si ton admiration sera enfin du goût de cette folle ; que penses-tu de sa broderie ?
- Rien, sire, répliqua l'étudiant avec fermeté, car elle n'existe pas. Dussè-je me couvrir de honte aux yeux de la princesse, je ne vois sur ce métier ni étoffe précieus, ni fleurs, ni or, ni argent."
Le roi demeurait bouche bée ; son étonnement fut au comble lorsque Militin poussa un cri de joie.
"Mon père, tous les autres ont menti lâchement pour me flatter et gagner mes bonnes grâces ! C'est vrai, il n'y a rien sur mon métier, et vous avez devant vous un homme digne d'obtenir ma main et de porter votre couronne, car il est incapable d'une bassesse. Je le prends pour époux."
Militine n'eut jamais à se repentir du choix si sage qu'elle avait fait.

 


     5 fevrier
Le loup et l'écureuil
Un loup vit un jour un écureuil en haut d'un arbre. Comme il voulait le croquer, il imagina la ruse suivante : il dit à l'écureuil :
- Ah ! mon ami écureuil, ton père était bien plus leste que toi, il aurait sauté de l'arbre où tu es, jusqu'à cet autre arbre.
Et en même temps le loup lui désignait un arbre assez éloigné. L'écureuil se piqua d'honneur et se lança dans l'espace. Comme le loup l'avait prévu il n'atteignit pas l'autre arbre et tomba sur le sol. En deux bonds, le loup sauta dessus et le tint sous ses pattes ; il se préparait à manger le malheureux écureuil, lorsque celui-ci lui dit :
- Ah, ton père était bien plus honnête que toi, il n'aurait rien mangé sans faire auparavant le signe de croix.
Le loup voulut être aussi honnête que son père et il se mit à faire le signe de croix. L'écureuil profita de ce moment pour s'échapper, se mit à courir et s'enfonça dans un tas de pierres et de broussailles ; mais le loup, qui le poursuivait, l'attrapa par la patte de derrière.
Tire, tire loup, tant que tu voudras la racine du buisson !
Et le loup croyant en effet s'être mépris lâcha la patte de l'écureuil qui fut ainsi sauvé.

 


     4 decembre
Abdallah le Maudit
Autrefois dans Bagdad, la ville des merveilles,
Grandissait Abdallah, fils du scheik, El-Modi,
Que les derviches et les vieilles,
Dont les propos moqueurs échauffaient les oreilles,
Nommaient dans leur colère Abdallah le Maudit.
Il n'avait, orphelin, ni mère ni soeur tendre,
Hélas ! pour l'enchaîner doucement au devoir ;
Pour payer son travail dans les baisers du soir,
Ou punir sa paresse en les faisant attendre.
Une mère, une soeur, c'est le premier des biens
Vous le savez, enfants, et moi... je m'en souviens.
Passe encor s'il n'eût fait qu'agacer par derrière
Le derviche immobile en son culte fervent,
Et lui tirer la barbe ; ou bourrer de poussière
La pipe du soldat qui dormait en plein vent ;
Mais gourmand et voleur !... Oui, j'ai lu dans l'histoire
Qu'il aimait un peu trop la figure et le raisin
Du voisin ;
Fécond en malins tours, il y mettait gloire?
Et cadis, marchands, bateleurs,
Dit-on, se méfiaient de lui les jours de foire
Plus que des Quarante Voleurs.
Las enfin d'en gémir, à sa folle conduite
Un viel oncle l'abandonna ;
D'Abdallah le Maudit chacun se détourna ;
Le bruit seul de ses pas mettait les jeux en fuite.
Il réfléchit alors ; la voix qu'il étouffait,
Cette compagne intérieure
Qui chante de joie ou qui pleure,
Suivant qu'on a bien ou mal fait,
La conscience en lui gronda, juge implacable.
Alors dans le désert un saint homme vivait
D'aumône et d'eau, n'ayant que le roc pour chevet ;
Et, pleine de pardons, quand sa main vénérable
Les répandait sur un coupable,
A l'arrêt, inspiré toujours Dieu souscrivait.
"Il me pardonnera sans doute
S'il pardonne aux remords," dit l'enfant, et voilà
Au milieu du désert ses petits pieds en route.
Le désert est bien grand : Dieu conduise Abdallah !
Le désert est bien grand et presque infranchissable ;
C'est un lac de poussière et de feu ; rien n'y croît,
Ni mûres, ni bluets, enfants ; et l'on n'y voit
Que du soleil et du sable.
Parfois, un rocher caverneux,
Sous les pieds de l'Arabe égaré dans l'espace,
Un boa sort fouettant la terre de ses noeuds ;
Ou bien dans le désert c'est un lion qui passe,
Superbe et calme, avec de la chair vive aux dents,
Et de gros yeux pareils à des charbons ardents.
A travers le soleil et les vents et l'orage,
Notre pénitent va, n'ayant pour tout fardeau
Qu'un gâteau de maïs, un bâton de voyage,
Et, pendant au côté, sa gourde pleine d'eau.
Au milieu du désert un cri mourant l'implore :
C'était un pauvre chien qui, sur le sable ardent,
Dévoré par la soif, hurlait en le mordant.
La route à parcourir était bien longue encore ;
Sa gourde résonnait à moitié vide ; eh bien !
Il en épuisa l'eau dans la gueule du chien,
Et le chien bondissant, tout joyeux de renaître,
Dit par une caresse :"Abdallah, sois mon maître."
Il marche, il marche encor, puis s'arrête voyant
Son compagnon lancé revenir en aboyant :
Un serpent au soleil se dressait sur sa queue,
Le serpent roi, celui qu'on appelle devin,
Et, sous les mille éclairs de son écaille bleue,
Un oiseau fasciné se débattait en vain.
Notre héros s'élance, invoque le Prophète,
Et, fort de sa pitié, fort du secours divin,
Frappe à coups redoublé le monstre sur la tête :
Le devin se tordit sur le sable, et siffla ;
Puis mourut aux pieds d'Abdallah.
Le vainqueur dans son sein met l'oiseau sa conquête
Et le baise, endormi sur ce mol oreiller,
Doucement, doucement, de peur de l'éveiller...
Le voilà parvenu devant la grotte sainte,
Enfin !... Et sur le seuil  il hésite, n'osant,
Lui coupable et maudit, profaner cette enceinte ;
Mais, ô surprise ! aux pieds du vieillard imposant,
Quand Abdallah courbait la tête,
Le chien qui le suivait à la porte gratta ;
L'oiseau battit de l'aile au réveil, et chanta ;
Et le saint comprit tout ; car il était prophète.
Sur le front du pécheur alors il étendit
Ses deux mains tremblantes et dit :
"Levez-vous, Abdallah : Dieu pardonne et vous aime ;
En paix avec le Ciel, en paix avec vous-même,
Allez : vous n'êtes plus Abdallah le Maudit.
Pour que Dieu le bénisse, un enfant doit soumettre
Ses caprices mutins aux volonté d'un maître ;
Il doit n'être gourmand, espiègle ni moqueur ;
Mais sur les vertus les plus hautes,
Ce qui l'emporte, et pour racheter bien des fautes,
Ne l'oubliez jamais, enfants : c'est un bon coeur !"

 


     22 decembre
La fontaine de Marie - Conte de Noël
Dans le fond verdoyant d'une petite plaine,
Comme au creux d'une coupe où se mire un ciel d'or,
Aux caresses du vent dont l'odorante haleine
Berce les orangers, Nazareth songe et dort
Parmi les amandiers, les nopals, l'asphodèle
Et les gais arbousiers au feuillage luisant.
Le site est lumineux et tranquille : un bruit d'aile,
Un chant d'oiseau parfois rompt le calme imposant.
L'air s'embaume aux senteurs de la ville fleurie.
D'âpres cimes partout limitent l'horizon :
Ici la Galilée et là-bas Samarie
Avec leurs contreforts tapissés de gazon.
Au nord, le grand Hermon, le géant solitaire
Etincelant de neige ; à l'est, près du Thabor,
L'Adjloun fécond, grenier de tout ce coin de terre ;
A l'ouest, le Carmel bleu ; puis, plus bleue encor,
La mer où le soleil du soir, ardent, immense,
Se couche dans la pourpre ; au sud, un autre Hermon
Où blanchissent les blés qui viennent sans semence ;
Plus loin, le Gelboé, sombre et superbe mont ;
Dominant le tableau, les hauteurs de Judée.
Le figuier sur la pente étale aux yeux ses fruits,
Et la vigne y mûrit, de lumière inondée.
Aux travaux de la paix dès leur enfance instruits,
Les hommes de la plaine et ceux de la montagne.
Vivent en liberté sous le regard de Dieu.
Simples, pieux, comme on l'est chez nous en Bretagne,
Aux jours de fêtes ou de repos, dans le saint lieu,
Ou devant les tombeaux, agenouillés, il prient.
Les femmes à pas lents, le front ceint du bandeau,
Si graves que jamais leurs lèvres ne sourient,
Vont portant sur la tête une urne pleine d'eau,
Semblables en leur marche aux déesses antiques,
Comme elles se drapant dans le lin pur et blanc.
Les maisons aux toits plats, ateliers ou boutiques,
Pareilles aux brebis, se suspendent au flanc
Des collines en cirque où le cyprès noirâtre
Allonge sa grande ombre aux approches du soir,
Quand, pour causer sans fin, la bouvier et le pâtre
Sous le ciel constellé, lassés, viennent s'asseoir.
Dans cette solitude où règne le silence,
Jésus, fils d'ouvrier, grandit en travaillant,
Tantôt faisant un joug, tantôt une balance,
Une roue, et toujours à l'ouvrage vaillant.
Enfant, il se mélait aux enfants de son âge,
Aux fils de Cléophas, dont la mère était soeur
De sa mère, et déjà la foule, à son passage,
Voyait sur son beau front rayonner la douceur,
Par les sentiers étroits souvent avec Marie
Il allait à Karem, au pays de Juda,
Visiter la maison du prêtre Zacharie.
Un jour le saint vieillard en pleurant l'aborda :
"L'été brûle nos champs, nos moissons dépérissent
Et penchent tristement vers le sol calciné.
Regarde : dans leur lit toutes les eaux tarissent.
Israël, sous le poids du malheur incliné,
En vain vers Jéhovah tend ses mains suppliantes.
Moi-même j'ai prié, Dieu ne m'écoute pas.
Détournant ses regards de nos plaines riantes,
Il a maudit son peuple et le voue au trépas.
Enfant dont la sagesse est déjà grande et sûre,
On dit que le Seigneur t'exauce mieux que nous.
Oh ! parle, donne-nous un conseil qui rassure."
Alors Jésus, ému, plia les deux genoux,
Et les yeux vers le ciel, il implora son Père :
"Toi qui dans le désert versas sur les Hébreux
Ta manne bienfaisante et qui rendis prospère
La tige de Jessé, Seigneur, ils sont nombreux,
Ceux qui n'ont à ces biens que ta puissance accorde
Aucun droit ici-bas ; ils sont sourds à ta voix,
Car ils ne savent point que ta miséricorde
Est sans borne et qu'au fond de leur âme tu vois.
Ils te craignent, Seigneur, te croyant implacable ;
Et préférant le désespoir au repentir
Lorsque l'adversité les frappe et les accable,
Lorsque le châtiment commence à se sentir,
Ils blasphèment au lieu de faire pénitence.
O toi qui m'as élu, Dieu bon, Dieu bienfaiteur,
Pour promettre aux pêcheurs ta clémente assistance ;
Toi qui veux leur donner ton Fils pour Rédempteur,
Si de ta pitié, Seigneur, ils sont indignes,
Fais-leur grâce pour moi, je souffrirai pour eux.
Ils te reconnaîtront à quelqu'un de tes signes.
Ils sont coupables, mais encor plus malheureux."
Il se tut, et ses yeux interrogeant sa mère
Pâle et triste, il la vit muette de douleur :
Il sentit en son âme une torture amère,
Et dit : "Mon Père, au nom d'Elle, pardonne-leur !"
Puis il pleura.
Soudain, en pleine roche vive,
Une grotte se creuse, une source a jailli.
Comme un torrent gonflé, qui sans cesse s'avive,
Baignant la terre dont le sein a tressailli,
L'eau se répand partout, elle arrose, elle inonde.
Les bouquets d'arbres verts, les citronniers en fleurs,
Les épis ranimés aux bienfaits de cette onde,
Les champs, les monts, la plaine ont repris leurs couleurs.
La source existe encore et n'est jamais tarie.
Les femmes des fellahs en savent le chemin
Et s'y rendent tenant leurs enfants par la main.
On l'appelle aujourd'hui FONTAINE DE MARIE.

 


     4 novembre
FORTUNEE Conte de Fées
Il était une fois un pauvre laboureur qui, se voyant sur le point de mourir, ne voulut laisser dans sa succession aucun sujet de dispute à son fils et à sa fille, qu'il aimait tendrement. "Votre mère m'apporta, leur dit-il, pour toute dot, deux escabelles et une paillasse : les voilà, avec ma poule, un pot d'oeillets et un jonc d'argent qui me fut donné par une grande dame, qui séjourna dans ma pauvre chaumière. Elle me dit, en partant "Mon bonhomme, voilà un don que je vous fais ; soyez soigneux de bien arroser les oeillets, et de bien serrer la bague ; au reste, votre fille sera d'une incomparable beauté ; nommez-la Fortunée, donnez-lui la bague et les oeillets pour la consoler de sa pauvreté -; ainsi, ajouta le bonhomme, ma chère Fortunée, tu aura l'un et l'autre, le reste sera pour ton frère."
Les deux enfants du laboureure parurent contents. Il mourut, ils pleurèrent, et les partages se firent sans procès. Fortunée croyait que son frère l'aimait, mais ayant voulu prendre une des escabelles pour s'asseoir : "Garde tes oillets et ta bague, lui dit-il d'un air farouche, et  pour mes escabelles, ne les dérange point." Fortunée se mit à pleurer, et demeura debout pendant que Bedou (c'est le nom de son frère) était assis. L'heure de souper vint ; Bedou avait un excellent oeuf frais de son unique poule, il en jeta la coquille à sa soeur. "Tiens, lui dit-il, je n'ai pas autre chose à te donner." Fortunée pleura encore, et puis elle entra dans la chambre.
Elle la trouva toute parfumée, et ne doutant point que ce fût l'odeur de ses oeillets, elle s'en approcha tristement, et leur dit :
- Beaux oeillets, dont la variété me fait un extrême plaisir à voir, ne craignez point que je vous laisse manquer d'eau, j'aurai soin de vous.
En achevant ces mots, elle prit la cruche et courut au clair de lune jusqu'à la fontaine, qui était assez loin. Comme elle avait marché vite, elle s'assit au bord ; mais elle y fut à peine, qu'elle vit venir une dame, dont l'air majestueux répondait bien à la nombreuse suite qui l'accompagnait. Six filles d'honneur soutenaient la queue de son manteau ; elle s'appuyait sur deux autres ; ses gardes marchaient devant elle ; elle portait un fauteuil de drap d'or, où elle s'assit : en même temps on dressa le buffet. On lui servit un excellent souper au bord de la fontaine.
Fortunée se tenait dans un petit coin, n'osant remuer ; au bout d'un moment, cette grande reine dit à l'un de ses écuyers :
- Il me semble que j'aperçois une bergère ; faites-la approcher.
Aussitôt Fortunée s'avança, fit une profonde révérence à la reine, prit le bas de sa robe qu'elle baisa ; puis elle se tint debout devant elle.
- Que faites-vous ici, la belle fille ? lui dit la reine ; ne craignez-vous point les voleurs ?
- Hélas ! madame, dit Fortunée, je n'ai qu'un habit de toile.
- Vous n'êtes donc pas riche ? reprit la reine en souriant.
- Je suis si pauvre, dit Fortunée, que j'e n'ai hérité de mon père que d'un pot d'oeillets et d'un jonc en argent.
- Mais, dites-moi, continua la reine, avez-vous bien soupé ?
- Non, madame, dit Fortunée, mon frère a tout mangé.
La reine commanda qu'on lui servît ce qu'il y avait de meilleur.
- Je voudrais bien savoir, lui dit la reine, ce que vous venez faire si tard à la fontaine ?
- Madame, répondit-elle, je venais quérir de l'eau pour arroser mes oeillets.
En parlant ainsi, elle se baissa pour prendre sa cruche qui était auprès d'elle ; mais lorsqu'elle la montra à la reine elle fut bien étonnée de la trouver d'or, toute couverte de gros diamants, et remplie d'une eau qui sentait admirablement bon. Elle n'osait l'emporter, craignant qu'elle ne fût pas à elle.
- Je vous la donne, Fortunée, dit la reine ; allez arroser vos fleurs, et souvenez-vous que la reine des bois veut être de vos amis.
A ces mots, la bergère se jeta à ses pieds.
- Madame, lui dit-elle, je vais vous quérir la moitié de mon bien, c'est mon pot d'oeillets ; il ne peut jamais être en meilleures mains que les vôtres.
- Allez, Fortunée, lui dit la reine.
Fortunée prit sa cruche d'or et courut dans sa petite chambre ; mais pendant qu'elle en avait été absente, son frère Bedou avait pris le pot d'oeillets et mis à la place un grand chou. Quand Fortunée aperçut le malheureux chou, elle tomba dans la dernière affliction et elle se détermina à retourner à la fontaine. Se mettant à genoux devant la reine :
- Madame, lui dit-elle, Bedou m'a volé mon pot d'oeillets, il ne me reste que mon jonc ; je vous supplie de le recevoir.
La reine prit le jonc de Fortunée, et le mit à son doigt ; aussitôt elle monta dans un char magnifique. Fortunée retourna chez Bedou. La première chose qu'elle fit, en entrant dans sa chambre, ce fut de jeter le chou par la fenêtre. Mais elle fut bien étonnée d'entendre une voix qui criait : "Ah ! je suis mort."
Dès qu'il fit jour, Fortunée descendit pour chercher son pot d'oeillets, et la première chose qu'elle trouva, ce fut le malheureux chou ; elle lui donna un coup de pied, en disant :
- Que faisais-tu dans ma chambre ?
- Si l'on ne m'y avait pas porté, répondit le chou, je ne me serais pas avisé de ma tête d'y aller ; elle frissonna , mais le chou ajouta :
- Si vous voulez me reporter avec mes camarades, je vous dirai, en deux mots, que vos oeillets sont dans la paillasse de Bedou.
Fortunée replanta le chou, et ensuite elle prit la poule favorite de son frère et lui dit :
- Méchante bête, je vais te faire payer tous les chagrins que Bedou me donne.
- Ah ! bergère, dit la poule, laissez-moi vivre, et je vais vous apprendre des chose surprenantes.
- Vous n'êtes pas fille du laboureur chez qui vous avez été nourrie ; la reine qui vous donna le jour avait six filles ; son mari et son beau-père lui dirent qu'il la poignarderaient, à moins qu'elle ne leur donnât un héritier. La pauvre reine affligée fut enfermée dans un château et l'on mit auprès d'elle des gardes, avec ordre de la tuer si elle avait encore une fille. Cette princesse avait une soeur qui était fée ; elle lui écrivit, et celle-ci lui apprit qu'elle attendait elle-même un fils.
"Quand celui-ci fut né, elle chargea les zéphyrs d'une corbeille où elle l'enferma bien proprement et leur donna ordre qu'ils portassent le petit prince dans la chambre de la reine, afin de le changer contre la fille qu'elle aurait : cette prévoyance ne servit à rien, parce que la reine profita de la bonne volonté d'un de ses gardes, qui la sauva avec une échelle de corde. Dès que vous fûtes venue au monde, la reine affligée, cherchant à se cacher, arriva dans cette maisonnette ; j'étais fermière, dit la poule, et bonne nourrice ; elle me chargea de vous, et me raconta ses malheurs, et elle mourut sans avoir le temps de nous ordonner ce que nous ferions de vous.
"Comme j'ai aimé toute ma vie à causer, je n'ai pu m'empêcher de dire cette aventure à une belle dame : aussitôt, elle me toucha d'une baguette, et je devins poule, sans pouvoir parler davantage : mon mari à son retour me chercha partout ; enfin, il crut que j'étais noyée ou que les bêtes des forêts m'avaient dévorée. Cette même dame passa une seconde fois par ici ; elle lui ordonna de vous appeler Fortunée, et lui fit présent d'un jonc d'argent et d'un pot d'oeillets ; mais, comme elle était céans, il arriva vingt-cinq gardes du roi votre père, qui vous cherchaient avec de mauvaises intentions : elle dit quelques paroles, et les fit devenir des choux verts, du nombre desquels est celui que vous jetâtes hier au soir par votre fenêtre."
La princesse demeura bien surprise des merveilles que la poule venait de lui raconter, et lui dit :
- Vous me faites grande pitié, ma pauvre nourrice , je voudrais vous rendre votre première figure, et elle alla chercher ses oeillets.
Lorsqu'elle approcha de la paillasse de Bedou, elle vit, tout d'un coup, une quantité de rats prodigieux. Fortunée n'osait approcher, car les rats se jetaient sur elle, la mordaient, et la mettaient à sang.
Elle s'avisa tout d'un coup que, peut-être, cette eau si parfumée qu'elle avait dans un vase d'or aurait une vertu particulière ; elle en jeta quelques gouttes sur le peuple souriquois, qui se sauva, et la princesse prit ses beaux oeillets ; elle versa dessus toute l'eau qui était dans le vase d'or, et elle les sentait avec beaucoup de plaisi, lorsqu'elle entendit une voix fort douce, qui sortait des branches, et qui lui dit "Incomparable Fortunée, voici le jour heureux et tant désiré de vous déclarer mes sentiments : sachez que le pouvoir de votre beauté est tel, qu'il peut rendre sensible jusqu'aux fleurs."
Bedou arriva là-dessus : quand il vit que Fortunée avait trouvé ses oeillets, il la traîna jusqu'à la porte, et la mit dehors. Elle y était à peine, qu'elle aperçut auprès d'elle la reine des bois.
- Vous avez un mauvais frère, dit-elle à Fortunée, voulez-vous que je vous venge.
- Non, madame, lui dit-elle.
- Mais, ajouta la reine, j'ai un pressentiment qui m'assure que ce gros laboureur n'est pas votre frère.
- Toutes les apparences me persuadent qu'il l'est madame, répliqua modestement la bergère.
- Non, continua le reine : vous êtes princesse, et il n'a pas tenu à moi de vous garantir des disgrâces que vous avez éprouvées jusqu'à cette heure.
Elle fut interrompue en cet endroit par l'arrivée d'un jeune adolescent plus beau que le jour ; il avait une couronne d'oeillets, ses cheveux couvraient ses épaules. Aussitôt qu'il vit la reine, il la salua respectueusement.
Ah, mon fils, mon aimable oeillet, lui dit-elle, le temps fatal de votre enchantement vient de finir, par le secours de la belle Fortunée.
Elle le serra étroitement entre ses bras ; et, se tournant ensuite vers la bergère :
- Charmante princesse, lui dit-elle, je sais tout ce que la poule vous a raconté, mais ce que vous ne savez point, c'est que les zéphyrs que j'avais chargés de mettre mon fils à votre place le portèrent dans un parterre de fleurs : pendant q'uils allaient chercher votre mère, qui était ma soeur, une fée, avec laquelle je suis brouillée depuis longtemps, épia si bien le moment qu'elle avait prévu de la naissance de mon fils, qu'elle le changea sur-le-champ en oeillet. Dans le chagrin où j'étais réduite, je ne trouvaie point de remède plus assuré que d'apporter le prince-oeillet dans le lieu où vous étiez nourrie, devinant que, lorsque vous auriez arrosé les fleurs de l'eau délicieuse que j'avais dans un vase d'or, il parlerait, il vous aimerait,et qu'à l'avenir rien ne troublerait votre repos. Ainsi, ma chère Fortunée, si mon fils vous épouse, votre félicité sera permanente ; voyez à présent si le prince vous paraît assez aimable pour le recevoir pour époux.
- Madame répliqua-t-elle en rougissant, je reconnais tout ce que je vous dois. Mais vous dirai-je mon incertitude ? je ne connais point son coeur, et je commence à sentir, pour la première fois de ma vie, que je ne pourrrais être contente si le prince-oeillet ne m'aimait pas.
- Nayez point d'incertitude là-dessus, belle princesse, lui dit le prince ; il y a longtemps que vous avez fait sur moi l'impression que vous y voulez faire à présent.
La reine, qui ne souffrait la princesse vêtue en bergère qu'avec impatience, la toucha, lui souhaitant les plus riches habits qui de fussent jamais vus.
Bedou qui retournait au travail, voyant Fortunée parée comme une déesse, l'appella avec beaucoup de bonté, et pria la reine d'avoir pitié de lui.
- Quoi ! après vous avoir si mal traitée ! dit-elle.
- Ah ! madame, répliqua la princesse, je suis incapable de me venger.
- Pour vous contenter, ajouta la reine, je vais enrichir l'ingrat Bedou.
Sa chaumière devint un palais meublé et plein d'argent ; ses escabelles ne changèrent point de forme, non plus que sa paillasse, pour le faire souvenir de son premier état ; mais la reine des bois lima son esprit ; elle lui donna la politesse ; elle changea sa figure. Bedou se trouva capable de sentiments de reconnaissance.
Ensuite, par un coup de baguette, les choux devinrent des hommes, et la poule une femme : le prince-oeillet devint l'heureux époux de la princesse. La reine des bois, ravie d'un si heureux mariage, ne négligea rien pour que tout y fût somptueux ; cette fête dura plusieurs années, et le bonheur de ces tendres époux dura autant que leur vie.

 


     4 octobre
la belle au bois dormant
Il était une fois un roi et une reine qui étaient si fâchés de n'avoir point d'enfants, si fâchés qu'on ne saurait dire. Ils allèrent à toutes les eaux du monde, voeux, pèlerinages, menues dévotions; tout fut mis en oeuvre, et rien n'y faisait. Enfin pourtant la reine devint grosse, et accoucha d'une fille: on fit un beau baptême; on donna pour marraines à la petite princesse toutes les fées qu'on pût trouver dans le pays (il s'en trouva sept), afin que chacune d'elles lui faisant un don, comme c'était la coutume des fées en ce temps-là, la princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables.
Après les cérémonies du baptême toute la compagnie revint au palais du roi, où il y avait un grand festin pour les fées. On mit devant chacune d'elles un couvert magnifique, avec un étui d'or massif, où il y avait une cuiller, une fourchette, et un couteau de fin or, garni de diamants et de rubis. Mais comme chacun prenait sa place à table. On vit entrer une vieille fée qu'on n'avait point priée parce qu'il y avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une tour et qu'on la croyait morte, ou enchantée. Le roi lui fit donner un couvert, mais il n'y eut pas moyen de lui donner un étui d'or massif, comme aux autres, parce que l'on n'en avait fait faire que sept pour les sept fées. La vieille crut qu'on la méprisait, et grommela quelques menaces entre ses dents. Une des jeunes fées qui se trouva auprès d'elle l'entendit, et jugeant qu'elle pourrait donner quelque fâcheux don à la petite princesse, alla, dès qu'on fut sorti de table, se cacher derrière la tapisserie, afin de parler la dernière, et de pouvoir réparer autant qu'il lui serait possible le mal que la vieille aurait fait.
Cependant les fées commencèrent à faire leurs dons à la princesse. La plus jeune lui donna pour don qu'elle serait la plus belle du monde, celle d'après qu'elle aurait de l'esprit comme un ange, la troisième qu'elle aurait une grâce admirable à tout ce qu'elle ferait, la quatrième qu'elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu'elle chanterait comme un rossignol, et la sixième qu'elle jouerait de toutes sortes d'instruments à la perfection. Le rang de la vieille fée étant venu, elle dit en branlant la tête, encore plus de dépit que de vieillesse, que la princesse se percerait la main d'un fuseau, et qu'elle en mourrait.
Ce terrible don fit frémir toute la compagnie, et il n'y eut personne qui ne pleurât. Dans ce moment la jeune fée sortit de derrière la tapisserie, et dit tout haut ces paroles: ''Rassurez-vous, roi et reine, votre fille n'en mourra pas: il est vrai que je n'ai pas assez de puissance pour défaire entièrement ce que mon ancienne a fait. La princesse se percera la main d'un fuseau; mais au lieu d'en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au bout desquels le fils d'un roi viendra la réveiller.''
Le roi, pour tâcher d'éviter le malheur annoncé par la vieille, fit publier aussitôt un édit, par lequel il défendait à tous de filer au fuseau, ni d'avoir des fuseaux chez soi sous peine de mort. Au bout de quinze ou seize ans, le roi et la reine étant allés à une de leurs maisons de plaisance, il arriva que la jeune princesse courant un jour dans le château, et montant de chambre en chambre, alla jusqu'au haut d'un donjon dans un petit galetas, où une bonne vieille était seule à filer sa quenouille. Cette bonne femme n'avait point entendu parler des défenses que le roi avait faites de filer au fuseau.
-''Que faites-vous là, ma bonne femme ?" dit la princesse.
-"Je file, ma belle enfant" lui répondit la vieille qui ne la connaissait pas.
-"Ha! que cela est joli" reprit la princesse, "comment faites-vous? Donnez-moi que je voie si j'en ferais bien autant.''
Elle n'eut pas plus tôt pris le fuseau, que comme elle était fort vive, un peu étourdie, et que d'ailleurs l'arrêt des fées l'ordonnait ainsi, elle s'en perça la main, et tomba évanouie.
La bonne vieille, bien embarrassée, crie au secours: on vient de tous côtés, on jette de l'eau au visage de la princesse, on la délace, on lui frappe dans les mains, on lui frotte les tempes avec de l'eau de la reine de Hongrie; mais rien ne la faisait revenir. Alors le roi, qui était monté au bruit, se souvint de la prédiction des fées, et jugeant bien qu'il fallait que cela arrivât, puisque les fées l'avaient dit, fit mettre la princesse dans le plus bel appartement du palais, sur un lit en broderie d'or et d'argent. On eût dit d'un ange, tant elle était belle; car son évanouissement n'avait pas ôté les couleurs vives de son teint: ses joues étaient incarnates, et ses lèvres comme du corail; elle avait seulement les yeux fermés, mais on l'entendait respirer doucement, ce qui montrait bien qu'elle n'était pas morte. Le roi ordonna qu'on la laissât dormir, jusqu'à ce que son heure de se réveiller fût venue.
La bonne fée qui lui avait sauvé la vie, en la condamnant à dormir cent ans, était dans le royaume de Mataquin, à douze mille lieues de là, lorsque l'accident arriva à la princesse; mais elle en fut avertie en un instant par un petit nain, qui avait des bottes de sept lieues (c'était des bottes avec lesquelles on faisait sept lieues d'une seule enjambée). La fée partit aussitôt, et on la vit au bout d'une heure arriver dans un chariot tout de feu, traîné par des dragons. Le roi lui alla présenter la main à la descente du chariot. Elle approuva tout ce qu'il avait fait; mais comme elle était grandement prévoyante, elle pensa que quand la princesse viendrait à se réveiller, elle serait bien embarrassée toute seule dans ce vieux château.
Voici ce qu'elle fit: elle toucha de sa baguette tout ce qui était dans ce château (hors le roi et la reine), gouvernantes, filles d'honneur, femmes de chambre, gentilshommes, officiers, maîtres d'hôtel, cuisiniers, marmitons, galopins, gardes, suisses, pages, valets de pied; elle toucha aussi tous les chevaux qui étaient dans les écuries, avec les palefreniers, les gros mâtins de basse-cour, et Pouffe, la petite chienne de la princesse, qui était auprès d'elle sur son lit. Dès qu'elle les eut touchés, ils s'endormirent tous, pour ne se réveiller qu'en même temps que leur maîtresse, afin d'être tout prêts à la servir quand elle en aurait besoin: les broches mêmes qui étaient au feu toutes pleines de perdrix et de faisans s'endormirent, et le feu aussi.
Tout cela se fit en un moment; les fées n'étaient pas longues à leur besogne. Alors le roi et la reine, après avoir embrassé leur chère enfant sans qu'elle s'éveillât, sortirent du château, et firent publier des défenses à qui que ce soit d'en approcher. Ces défenses n'étaient pas nécessaires, car il crût dans un quart d'heure tout autour du parc une si grande quantité de grands arbres et de petits, de ronces et d'épines entrelacées les unes dans les autres, que bête ni homme n'y aurait pu passer: en sorte qu'on ne voyait plus que le haut des tours du château, encore n'était-ce que de bien loin. On ne douta point que la fée n'eût encore fait là un tour de son métier, afin que la princesse, pendant qu'elle dormirait, n'eût rien à craindre des curieux.
Au bout de cent ans, le fils du roi qui régnait alors, et qui était d'une autre famille que la princesse endormie, étant allé à la chasse de ce côté-là, demanda ce que c'était que ces tours qu'il voyait au-dessus d'un grand bois fort épais; chacun lui répondit selon qu'il en avait ouï parler. Les uns disaient que c'était un vieux château où il revenait des esprits; les autres que tous les sorciers de la contrée y faisaient leur sabbat. La plus commune opinion était qu'un ogre y demeurait, et que là il emportait tous les enfants qu'il pouvait attraper, pour pouvoir les manger à son aise, et sans qu'on le pût suivre, ayant seul le pouvoir de se faire un passage au travers du bois. Le Prince ne savait qu'en croire, lorsqu'un vieux paysan prit la parole, et lui dit:
-''Mon prince, il y a plus de cinquante ans que j'ai entendu dire de mon père qu'il y avait dans ce château une princesse, la plus belle du monde; qu'elle devait y dormir cent ans, et qu'elle serait réveillée par le fils d'un roi, à qui elle était réservée.''
Le jeune prince à ce discours se sentit tout de feu; il crut sans hésiter qu'il mettrait fin à une si belle aventure; et poussé par l'amour et par la gloire, il résolut de voir sur-le-champ ce qu'il en était. A peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer: il marche vers le château qu'il voyait au bout d'une grande avenue où il entra, et ce qui le surprit un peu, il vit que personne de ses gens ne l'avait pu suivre, parce que les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé. Il continua donc son chemin: un prince jeune et amoureux est toujours vaillant. Il entra dans une grande avant-cour où tout ce qu'il vit d'abord était capable de le glacer de crainte: c'était un silence affreux, l'image de la mort s'y présentait partout, et ce n'était que des corps étendus d'hommes et d'animaux, qui paraissaient morts. Il reconnut pourtant bien au nez bourgeonné et à la face vermeille des Suisses qu'ils n'étaient qu'endormis, et leurs tasses, où il y avait encore quelques gouttes de vin, montraient assez qu'ils s'étaient endormis en buvant. Il passe une grande cour pavée de marbre, il monte l'escalier, il entre dans la salle des gardes qui étaient rangés en haie, l'arme sur l'épaule, et ronflants de leur mieux. Il traverse plusieurs chambres pleines de gentilshommes et de dames, dormant tous, les uns debout, les autres assis; il entre dans une chambre toute dorée, et il vit sur un lit, dont les rideaux étaient ouverts de tous côtés, le plus beau spectacle qu'il eût jamais vu: une princesse qui paraissait avoir quinze ou seize ans, et dont l'éclat resplendissant avait quelque chose de lumineux et de divin. Il s'approcha en tremblant et en admirant, et se mit à genoux auprès d'elle.
Alors comme la fin de l'enchantement était venue, la ;princesse s'éveilla; et le regardant avec des yeux plus tendres qu'une première vue ne semblait le permettre: ''Est-ce vous, mon prince? Lui dit-elle, vous vous êtes bien fait attendre.'' Le prince, charmé de ces paroles, et plus encore de la manière dont elles étaient dites, ne savait comment lui témoigner sa joie et sa reconnaissance; il l'assura qu'il l'aimait plus que lui-même. Ses discours furent mal rangés, ils en plurent davantage: peu d'éloquence, beaucoup d'amour. Il était plus embarrassé qu'elle, et l'on ne doit pas s'en étonner; elle avait eu le temps de songer à ce qu'elle aurait à lui dire, car il y a apparence (l'histoire n'en dit pourtant rien) que la bonne fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables. Enfin il y avait quatre heures qu'ils se parlaient, et ils ne s'étaient pas encore dit la moitié des choses qu'ils avaient à se dire.
Cependant tout le palais s'était réveillé avec la princesse; chacun songeait à faire sa charge, et comme ils n'étaient pas tous amoureux, ils mouraient de faim; la dame d'honneur, pressée comme les autres, s'impatienta, et dit tout haut à la princesse que la viande était servie. Le prince aida la princesse à se lever; elle était tout habillée et fort magnifiquement; mais il se garda bien de lui dire qu'elle était habillée comme ma grand-mère, et qu'elle avait un collet monté: elle n'en était pas moins belle. Ils passèrent dans un salon de miroirs, et y soupèrent, servis par les officiers de la princesse; les violons et les hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiqu'il y eût près de cent ans qu'on ne les jouât plus; et après souper, sans perdre de temps, le grand aumônier les maria dans la chapelle du château, et la dame d'honneur leur tira le rideau: ils dormirent peu, la princesse n'en avait pas grand besoin, et le prince la quitta dès le matin pour retourner à la ville, où son père devait être en peine de lui. Le prince lui dit qu'en chassant il s'était perdu dans la forêt, et qu'il avait couché dans la hutte d'un charbonnier, qui lui avait fait manger du pain noir et du fromage. Le roi son père, qui était bon homme, le crut, mais sa mère n'en fut pas bien persuadée, et voyant qu'il allait presque tous les jours à la chasse, et qu'il avait toujours une raison pour s'excuser, quand il avait couché deux ou trois nuits dehors, elle ne douta plus qu'il n'eût quelque amourette: car il vécut avec la princesse plus de deux ans entiers, et en eut deux enfants, dont le premier, qui fut une fille, fut nommée l'Aurore, et le second un fils, qu'on nomma le Jour, parce qu'il paraissait encore plus beau que sa soeur. La reine dit plusieurs fois à son fils, pour le faire s'expliquer, qu'il fallait se contenter dans la vie, mais il n'osa jamais lui confier son secret; il la craignait quoiqu'il l'aimât, car elle était de race ogresse, et le roi ne l'avait épousée qu'à cause de ses grands biens; on disait même tout bas à la cour qu'elle avait les inclinations des ogres, et qu'en voyant passer de petits enfants, elle avait toutes les peines du monde à se retenir de se jeter sur eux; ainsi le prince ne voulut jamais rien dire. Mais quand le roi fut mort, ce qui arriva au bout de deux ans, et qu'il se vit le maître, il déclara publiquement son mariage, et alla en grande cérémonie cherche la reine sa femme dans son château. On lui fit une entrée magnifique dans la ville capitale, où elle entra au milieu de ses deux enfants. Quelque temps après, le roi alla faire la guerre à l'empereur Cantalabutte son voisin. Il laissa la régence du royaume à la reine sa mère, et lui recommanda vivement sa femme et ses enfants: il devait être à la guerre tout l'été, et dès qu'il fut parti, la reine-mère envoya sa bru et ses enfants à une maison de campagne dans les bois, pour pouvoir plus aisément assouvir son horrible envie. Elle y alla quelques jours après, et dit un soir à son maître d'hôtel:
-''Je veux manger demain à mon dîner la petite Aurore".
-"Ah! Madame", dit le maître d'hôtel.
-"Je le veux", dit la reine (et elle le dit d'un ton d'ogresse qui a envie de manger de la chair fraîche), "et je veux la manger à la sauce-robert.''
Ce pauvre homme, voyant bien qu'il ne fallait pas se jouer d'une ogresse, prit son grand couteau, et monta à la chambre de la petite Aurore: elle avait alors quatre ans, et vint en sautant et en riant se jeter à son cou, et lui demander du bonbon. Il se mit à pleurer, le couteau lui tomba des mains, et il alla dans la basse-cour couper la gorge à un petit agneau, et lui fit une si bonne sauce que sa maîtresse l'assura qu'elle n'avait jamais rien mangé de si bon. Il avait emporté en même temps la petite Aurore, et l'avait donnée à sa femme pour la cacher dans le logement qu'elle avait au fond de la basse-cour. Huit jours après, la méchante reine dit à son maître d'hôtel:
-''Je veux manger à mon souper le petit Jour.''
Il ne répliqua pas, résolu de la tromper comme l'autre fois; il alla chercher le petit Jour, et le trouva avec un petit fleuret à la main, dont il faisait des armes avec un gros singe: il n'avait pourtant que trois ans. Il le porta à sa femme qui le cacha avec la petite Aurore, et donna à la place du petit Jour un petit chevreau fort tendre, que l'ogresse trouva admirablement bon.
Cela avait fort bien été jusque-là, mais un soir cette méchante reine dit au maître d'hôtel: ''Je veux manger la reine à la même sauce que ses enfants.'' Ce fut alors que le pauvre maître d'hôtel désespéra de pouvoir encore la tromper. La jeune reine avait vingt ans passés, sans compter les cent ans qu'elle avait dormi: sa peau était un peu dure, quoique belle et blanche; et le moyen de trouver dans la ménagerie une bête aussi dure que cela? Il prit la résolution, pour sauver sa vie, de couper la gorge à la reine, et monta dans sa chambre, dans l'intention de n'en pas faire à deux fois; il s'excitait à la fureur, et entra le poignard à la main dans la chambre de la jeune reine. Il ne voulut pourtant point la surprendre, et il lui dit avec beaucoup de respect l'ordre qu'il avait reçu de la reine-mère.
-''Faites votre devoir", lui dit-elle, en lui tendant le cou; "exécutez l'ordre qu'on vous a donné; j'irai revoir mes enfants, mes pauvres enfants que j'ai tant aimés''; car elle les croyait morts depuis qu'on les avait enlevés sans rien lui dire.
-''Non, non, Madame, lui répondit le pauvre maître d'hôtel tout attendri, vous ne mourrez point, et vous pourrez revoir vos chers enfants, mais ce sera chez moi où je les ai cachés, et je tromperai encore la reine, en lui faisant manger une jeune biche en votre place.''
Il la mena aussitôt à sa chambre, où la laissant embrasser ses enfants et pleurer avec eux, il alla accommoder une biche, que la reine mangea à son souper, avec le même appétit que si c'eût été la jeune reine. Elle était bien contente de sa cruauté, et elle se préparait à dire au roi, à son retour, que les loups enragés avaient mangé la reine sa femme et ses deux enfants.
Un soir qu'elle rôdait comme d'habitude dans les cours et basses-cours du château pour y humer quelque viande fraîche, elle entendit dans une salle basse le petit Jour qui pleurait, parce que la reine sa mère le voulait faire fouetter, parce qu'il avait été méchant, et elle entendit aussi la petite Aurore qui demandait pardon pour son frère. L'ogresse reconnut la voix de la reine et de ses enfants, et furieuse d'avoir été trompée, elle commande dès le lendemain au matin, avec une voix épouvantable, qui faisait trembler tout le monde, qu'on apportât au milieu de la cour une grande cuve, qu'elle fit remplir de crapauds, de vipères, de couleuvres et de serpents, pour y faire jeter la reine et ses enfants, le maître d'hôtel, sa femme et sa servante: elle avait donné ordre de les amener les mains liées derrière le dos. Ils étaient là, et les bourreaux se préparaient à les jeter dans la cuve, Lorsque le roi, qu'on n'attendait pas si tôt, entra dans la cour à cheval; il était venu en poste, et demanda tout étonné ce que voulait dire cet horrible spectacle; personne n'osait l'en instruire, quand l'ogresse, enragée de voir ce qu'elle voyait, se jeta elle-même la tête la première dans la cuve, et fut dévorée en un instant par les vilaines bêtes qu'elle y avait fait mettre. Le roi ne put s'empêcher d'en être fâché, car elle était sa mère; mais il s'en consola bientôt avec sa belle femme et ses enfants.

 


     4 septembre
cendrillon
Il était une fois un gentilhomme qui épousa en secondes noces une femme, la plus hautaine et la plus fière qu'on eût jamais vue. Elle avait deux filles de son humeur, et qui lui ressemblaient en toutes choses. Le mari avait de son côté une jeune fille, mais d'une douceur et d'une bonté sans exemple; elle tenait cela de sa mère, qui était la meilleure femme du monde. Les noces ne furent pas plus tôt faites, que la belle-mère fit éclater sa mauvaise humeur; elle ne put souffrir les bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables. Elle la chargea des plus viles occupations de la maison: c'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de madame, et celles de mesdemoiselles ses filles. Elle couchait tout en haut de la maison, dans un grenier, sur une méchante paillasse, pendant que ses soeurs étaient dans des chambres parquetées, où elles avaient des lits des plus à la mode, et des miroirs où elles se voyaient depuis les pieds jusqu'à la tête. La pauvre fille souffrait tout avec patience, et n'osait s'en plaindre à son père qui l'aurait grondée, parce que sa femme le gouvernait entièrement. Lorsqu'elle avait fait son ouvrage, elle s'en allait au coin de la cheminée, et s'asseoir dans les cendres, ce qui faisait qu'on l'appelait communément dans le logis Cucendron. La cadette, qui n'était pas si malhonnête que son aînée, l'appelait Cendrillon; cependant Cendrillon, avec ses méchants habits, ne laissait pas d'être cent fois plus belle que ses soeurs, quoique vêtues très magnifiquement.
Il arriva que le fils du roi donna un bal, et qu'il y invita toutes les personnes de qualité: nos deux demoiselles en furent aussi invitées, car elles faisaient grande figure dans le pays. Les voilà bien aises et bien occupées à choisir les habits et les coiffures qui leur siéraient le mieux; nouvelle peine pour Cendrillon, car c'était elle qui repassait le linge de ses soeurs et qui godronnait leurs manchettes: on ne parlait que de la manière dont on s'habillerait.
-''Moi, dit l'aînée, je mettrai mon habit de velours rouge et ma garniture d'Angleterre."
-"Moi, dit la cadette, je n'aurai que ma jupe ordinaire; mais par contre, je mettrai mon manteau à fleurs d'or, et ma barrière de diamants, qui n'est pas des plus indifférentes.''
On envoya chercher la bonne coiffeuse, pour dresser les cornettes à deux rangs, et on fit acheter des mouches de la bonne faiseuse : elles appelèrent Cendrillon pour lui demander son avis, car elle avait bon goût. Cendrillon les conseilla le mieux du monde, et s'offrit même à les coiffer; ce qu'elles voulurent bien. En les coiffant, elles lui disaient:
-''Cendrillon, serais-tu bien aise d'aller au bal ?"
-"Hélas, mesdemoiselles, vous vous moquez de moi, ce n'est pas là ce qu'il me faut."
-" Tu as raison, on rirait bien si on voyait un cucendron aller au bal.''
Une autre que Cendrillon les aurait coiffées de travers; mais elle était bonne, et elle les coiffa parfaitement bien. Elles furent près de deux jours sans manger, tant elles étaient emplies de joie. On rompit plus de douze lacets à force de les serrer pour leur rendre la taille plus menue, et elles étaient toujours devant leur miroir. Enfin l'heureux jour arriva, on partit, et Cendrillon les suivit des yeux le plus longtemps qu'elle put; lorsqu'elle ne les vit plus, elle se mit à pleurer. Sa marraine, qui la vit toute en pleurs, lui demanda ce qu'elle avait :
-''Je voudrais bien... je voudrais bien...''
Elle pleurait si fort qu'elle ne put achever. Sa marraine, qui était fée, lui dit:
-''Tu voudrais bien aller au bal, n'est-ce pas ?
-"Hélas oui" dit Cendrillon en soupirant.
-"Hé bien, seras-tu bonne fille ?" dit sa marraine, je t'y ferai aller.
Elle la mena dans sa chambre, et lui dit :
-''Va dans le jardin et apporte-moi une citrouille.''
Cendrillon alla aussitôt cueillir la plus belle qu'elle put trouver, et la porta à sa marraine, ne pouvant deviner comment cette citrouille pourrait la faire aller au bal. Sa marraine la creusa, et n'ayant laissé que l'écorce, la frappa de sa baguette, et la citrouille fut aussitôt changée en un beau carrosse tout doré. Ensuite elle alla regarder dans sa souricière, où elle trouva six souris toutes en vie ; elle dit à Cendrillon de lever un peu la trappe de la souricière, et à chaque souris qui sortait, elle lui donnait un coup de sa baguette, et la souris était aussitôt changée en un beau cheval; ce qui fit un bel attelage de six chevaux, d'un beau gris de souris pommelé. Comme elle était en peine de quoi elle ferait un cocher:
-''Je vais voir, dit Cendrillon, s'il n'y a point quelque rat dans la ratière, nous en ferons un cocher."
-"Tu as raison", dit sa marraine "va voir.''
Cendrillon lui apporta la ratière, où il y avait trois gros rats. La fée en prit un d'entre les trois, à cause de sa maîtresse barbe, et l'ayant touché, il fut changé en un gros cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vues. Ensuite elle lui dit:
-''Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir, apporte-les-moi."
Elle ne les eut pas plus tôt apportés, que la marraine les changea en six laquais, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse avec leurs habits chamarrés, et qui s'y tenaient accrochés, comme s'ils n'eussent fait autre chose toute leur vie. La fée dit alors à Cendrillon :
-''Hé bien, voilà de quoi aller au bal, n'es-tu pas bien aise?
-"Oui, mais est-ce que j'irai comme ça avec mes vilains habits?''
Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changés en des habits de drap d'or et d'argent tout chamarrés de pierreries; elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde. Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse; mais sa marraine lui recommanda instamment de ne pas dépasser minuit, l'avertissant que si elle demeurait au bal un moment de plus, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards, et que ses vieux habits reprendraient leur première forme. Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit. Elle part, ne se sentant pas de joie. Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir; il lui donna la main à la descente du carrosse, et la mena dans la salle où était la compagnie. Il se fit alors un grand silence; on cessa de danser, et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue. On n'entendait qu'un bruit confus:
-''Ha, qu'elle est belle!''
Le roi même, tout vieux qu'il était, ne lassait pas de la regarder, et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable dame. Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits, pour en avoir dès le lendemain de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles, et des ouvriers assez habiles. Le fils du roi la mit à la place d'honneur, et ensuite la prit pour la mener danser: elle dansa avec tant de grâce, qu'on l'admira encore davantage. On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à la contempler. Elle alla s'asseoir auprès de ses soeurs, et leur fit mille honnêtetés: elle leur fit part des oranges et des citrons que le Prince lui avait donnés, ce qui les étonna fort, car elles ne la connaissaient point. Lorsqu'elles causaient ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts: elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie, et s'en alla le plus vite qu'elle put. Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine, et après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait priée. Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal, les deux soeurs frappèrent à la porte; Cendrillon alla leur ouvrir:
-''Que vous avez mis longtemps à revenir!'' leur dit-elle en bâillant, en se frottant les yeux, et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller; elle n'avait cependant pas eu envie de dormir depuis qu'elles s'étaient quittées.
-''Si tu étais venue au bal, lui dit une de ses soeurs, tu ne t'y serais pas ennuyée: il y est venu la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir; elle nous a fait mille civilités, elle nous a donné des oranges et des citrons.''
Cendrillon ne se sentait pas de joie: elle leur demanda le nom de cette princesse; mais elles lui répondirent qu'on ne la connaissait pas, que le fils du roi en était fort en peine, et qu'il donnerait toutes choses au monde pour savoir qui elle était. Cendrillon sourit et leur dit:
-''Elle était donc bien belle? Mon Dieu, que vous êtes heureuses, ne pourrais-je point la voir? Hélas! Mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours."
-"Vraiment", dit Mademoiselle Javotte,"je suis de cet avis! Prêtez votre habit à un vilain cucendron comme cela, il faudrait que je fusse bien folle.''
Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise, car elle aurait été grandement embarrassée si sa soeur eût bien voulu lui prêter son habit. Le lendemain les deux soeurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus parée que la première fois. Le fils du roi fut toujours auprès d'elle, et ne cessa de lui conter des douceurs; la jeune demoiselle ne s'ennuyait point, et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé; de sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit, lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fût encore onze heures: elle se leva et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche. Le prince la suivit, mais il ne put l'attraper; elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre, que le prince ramassa bien soigneusement. Cendrillon arriva chez elle bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais, et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de toute sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissée tomber. On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse; ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne, qu'une jeune fille fort mal vêtue, et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle. Quand ses deux soeurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elles s'étaient encore bien diverties, et si belle dame y avait été. Elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde; que le fils du roi l'avait ramassée, et qu'il n'avait fait que la regarder pendant tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle dame à qui appartenait la petite pantoufle. Elles dirent vrai, car peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle. On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses, et à toute la cour, mais inutilement. On la porta chez les deux soeurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle, mais elles ne purent en venir à bout. Cendrillon qui les regardait, et qui reconnut sa pantoufle, dit en riant :
-'Que je voie si elle ne me serait pas bonne!''
Ses soeurs se mirent à rire et à se moquer d'elle. Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant fort belle, dit que cela était juste, et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine, et qu'elle y était juste comme de cire. L'étonnement des deux soeurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle qu'elle mit à son pied. Là-dessus arriva la marraine qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres.
Alors ses deux soeurs la reconnurent pour la belle dame qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elles lui avaient fait souffrir. Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon coeur, et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours. On la mena chez le jeune prince, parée comme elle était: il la trouva encore plus belle que jamais, et peu de jours après il l'épousa. Cendrillon, qui était aussi bonne que belle, fit loger ses deux soeurs au palais, et les maria dès le jour même à deux grands seigneurs de la cour.

     5 mai
La clef d'or
C'était l'hiver. Une épaisse couche de neige recouvrait la terre. Le
gel avait figé dans un sommeil sans fin la nature. Un pauvre homme
sortit de sa maison avec un traîneau pour aller chercher du bois mort
dans la forêt.
Or, le froid était si intense dans la forêt, que quand il eût chargé son
traîneau avec tout le bois qu'il avait pu ramasser, il se trouva incapable
de rentrer chez lui, tant il était transi. Il décida de faire un petit feu pour
se réchauffer avant de poursuivre sa route.
Il balaya la neige pour installer quelques branchettes, et, tout en raclant
le sol, il trouva une petite clef d'or.
Croyant que là où était la clef, il devait y avoir aussi la serrure, il creu-
sa la terre. Il creusa encore et encore au point que la sueur tombait de
son front jusque dans ses yeux. Il creusa longtemps, des heures et des
heures.
Enfin, il trouva une cassette de fer.
- Pourvu que la clef aille ! pensa-t-il. La cassette contient sûrement un
..trésor.
Il chercha et chercha encore pendant des jours et des jours. Mais il ne
vit pas le moindre trou de serrure. Il en découvrit un, mais si petit que
c'est tout juste si on le voyait.
Maintenant, il fallait essayer la clef. Il essaya pendant des semaines,
des semaines et des mois. Et la clef alla dans la serrure ! Il était telle-
ment réjoui qu'il n'avait toujours pas froid.
Il fallait encore ouvrir la cassette en soulevant son couvercle. Il s'y
employa pendant des années et des années. Il y est encore.
Donc, il nous faut attendre qu'il ait fini de soulever le couvercle. Alors,
nous saurons nous aussi quelles choses merveilleuses sont contenues
dans la cassette !

 


     5 juin
Dame Trude
Il était une fois une petite fille extrêmement têtue et impru-
dente qui n'écoutait pas ses parents et qui n'obéissait pas
quand ils lui avaient dit quelque chose. Pensez-vous que
ça pouvait bien tourner ? Un jour, la fillette dit à ses parents :
- J'ai tellement entendu parler de Dame Trude que je veux
..aller chez elle. Il paraît que c'est fantastique et qu'il y a
..tant de choses étranges dans sa maison, alors la curio-
..sité me démange.
Les parents le lui défendirent rigoureusement et prévinrent :
- Écoute, Dame Trude est une mauvaise femme qui pra-
..tique toutes sortes de choses méchantes et impies. Si
..tu y vas, tu ne seras plus notre enfant !
La fillette se moqua de la défense de ses parents et alla
quand même là-bas. Arrivée chez Dame Trude, la vieille lui
demanda : " Pourquoi es-tu si pâle ? "
- Oh ! dit-elle en tremblant de tout son corps, c'est que j'ai
..eu si peur de ce que j'ai vu !
- Et qu'est-ce que tu as vu ? demanda la vieille.
- J'ai vu sur votre seuil un homme noir, dit la fillette.
- C'était un charbonnier, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.
- Un chasseur dans son uniforme, dit la vieille.
- Après, j'ai vu un homme tout rouge de sang.
- C'était un boucher, dit la vieille.
- Ah ! Dame Trude, dans mon épouvante, j'ai regardé par
..la fenêtre chez vous, mais je ne vous ai pas vue. J'ai vu
..le diable en personne avec une tête de feu.
- Oh ! Oh ! dit la vieille, ainsi tu as vu la sorcière dans toute
..sa splendeur ! Et cela, je l'attendais et je le désirais de toi
..depuis longtemps ! Maintenant tu vas me réjouir.
Elle transforma la fillette en une grosse bûche qu'elle jeta
au feu, et quand la bûche fut bien prise, en train de flamber,
Dame Trude s'assit et s'y chauffa délicieusement en disant :
- Le bon feu, comme il flambe bien clair, pour une fois !

 


     5 juillet
Le roi grenouille
Il était une fois une belle Princesse écervelée. Le Roi, son père,
dont elle était l'unique enfant, lui donnait tout ce qu'elle pouvait
désirer. Son jouet préféré était une balle dorée qu'elle emportait
partout, la lançant et la rattrapant sans cesse.
Un jour, se promenant au fond du parc du château, elle arriva près
d'un vieux puits. Elle s'assit sur la margelle, tout en jouant avec sa
balle. Hélas ! La jolie balle dorée lui échappa et tomba tout au fond
du puits. La Princesse sanglotait, penchée sur le bord du puits
quand une voix froide et mouillée lui dit :
- Si je vais chercher ta balle dorée au fond du puits, promets-tu
..de me laisser manger à ta table, de me laisser dormir dans ton lit,
..et voudras-tu m'embrasser si je te le demande ?
La Princesse se redressa et regarda autour d'elle. Il n'y avait per-
sonne ! Elle entendit de nouveau la voix. Cette fois, elle reconnut
qu'elle venait du puits.
En regardant mieux, elle vit qu'une grenouille lui tenait ce discours.
La Princesse était si troublée qu'elle ne trouva pas étrange qu'une
grenouille lui parle. Aussi lui répondit-elle :
- Grenouille, je te promets ce que tu veux si tu rapportes ma balle
..dorée.
La grenouille plongea et ramena la balle dorée de la Princesse.
En rentrant au palais la Princesse avait, naturellement, oublié toutes
les promesses faites à la grenouille. Mais, pendant le dîner, un bruit
étrange se fit entendre à la porte de la salle à manger.
Les valets ouvrirent et une grenouille verte, en trois bonds, vint se
percher sur les genoux de la Princesse !
Le Roi, furieux qu'un tel animal vint troubler la majesté de son re-
pas, exigea des explications auprès de sa fille consternée.
La Princesse finit par lui avouer qu'elle avait promis à la grenouille
qu'elle pourrait manger à la table du Roi. Elle se garda, cependant,
de parler des autres promesses.
- On doit toujours tenir ses promesses, dit le Roi. N'oublie jamais
..cela, mon enfant !
A ces mots, la grenouille commença à manger dans l'assiette de la
Princesse. La Princesse ne dit mot, mais elle détestait cette pré-
sence humide.
Vint le moment d'aller au lit. La Princesse entra dans sa chambre,
très anxieuse de ce qu'elle allait y trouver. Elle renvoya ses servan-
tes et tira elle-même les rideaux de son baldaquin.
La grenouille était installée sur son oreiller !
La répugnance et le dégoût de la Princesse étaient si visibles
que la grenouille lui rappela :
- Le Roi, ton père, a dit que tu devais tenir tes promesses.
La Princesse se glissa alors à contrecoeur sous les couvertures.
Mais à peine était-elle couchée que la grenouille, se rapprochant
de son visage lui dit :
- J'ai mangé à ta table, j'ai dormi dans ton lit. Lors, embrasse-moi.
La Princesse ne voulait ni rompre son serment, ni embrasser la
grenouille. Elle fit ce que font toutes les dames en difficulté : elle
ferma les yeux, pensa à autre chose et effleura de ses lèvres la
peau froide et mouillée de la grenouille. Aussitôt, un beau jeune
homme se dressa, à la place de la vilaine grenouille.
- Belle Princesse, merci. Vous m'avez délivré du mauvais sort
..qu'une sorcière m'avait jeté il y a cent ans. Je suis le Prince d'un
..pays voisin et je vous aime. Epousez-moi !

Le Roi fut enchanté de l'histoire. Il donna la main de sa fille au
Prince et on célébra les noces pendant un mois. Le Prince et la
Princesse furent heureux longtemps et eurent beaucoup d'enfants

 


     5 aout
Les 7 frères corbeaux
Il y avait une fois un homme qui avait sept fils et pas de fille. Il aurait
pourtant voulu en avoir une. Il pensait qu'il n'aurait jamais ce bonheur
quand enfin sa femme lui en donna une. Elle n'était pas bien grosse
et délicate, et si fragile qu'on avait peur de la voir s'envoler d'un coup
de vent. Mais notre homme était un heureux père car il avait une fille !
Il envoya en hâte ses fils chercher de l'eau dans le torrent pour la
baptiser. Les sept fils qui étaient tous de bons garçons se précipi-
tèrent pour obéir à leur père.
Hélas ! Au bord du torrent, celui qui tenait la cruche la lâcha dans
l'onde. Les voilà tous les sept le nez au-dessus de l'eau bouillon-
nante, consternés, désolés, ne sachant que faire et n'osant pas
retourner à la maison les mains vides...
Leur père, cependant, commençait à s'impatienter et à maugréer :
- Je parie qu'ils jouent à saute-mouton et qu'ils ont oublié mon eau !
Plus il regardait sa petite fille plus il s'indignait de leur retard. Il aurait
voulu la baptiser tout de suite. Son indignation fut telle qu'elle se
transforma en colère et sa colère en malédiction :
- Qu'ils soient changés en corbeaux !
Il avait à peine dit ces mots, qu'il vit sept corbeaux noirs qui volaient
dans le ciel.
C'était beaucoup plus qu'il n'avait souhaité en son coeur ! Tous
ses regrets ne purent rien changer à ce qu'il avait fait. Sa femme
et lui avaient perdu leurs sept fils changés en corbeaux !
Ils se consolèrent avec leur fille. Elle poussait et grandissait à vue
d'oeil. Elle devenait de plus en plus jolie. Elle ignorait qu'elle avait eu
sept frères car ses parents, pour ne pas lui causer de peine inutile le
lui avait caché soigneusement.
Mais un jour, par hasard, elle entendit quelqu'un qui disait, parlant
d'elle :
- Bien sûr c'est une gentille petite, mais c'est tout de même à cause
..d'elle que ses sept frères ont disparu.
Ce fut une terrible nouvelle ! Elle demanda des explications à son
père et à sa mère en affirmant qu'elle mourrait si on ne lui disait pas
la vérité. Le père raconta ce qui était arrivé lui assurant qu'elle n'y
était pour rien et que, sans doute, c'était la volonté du ciel que ses
frères fussent devenus corbeaux.
Mais la petite fille ne pouvait s'empêcher de penser que cette hor-
rible, terrible, affreuse chose ne serait pas arrivée si elle n'était pas
venue au monde...
Sa conscience ne la laissait pas en repos. La nuit elle rêvait à ses
frères. Le jour elle ne cessait d'y penser.
Son idée était qu'elle devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour
retrouver ses frères, où qu'ils soient. Qu'elle devait les délivrer, à
n'importe quel prix, de l'état de corbeau dans lequel ils étaient.
Elle décida de partir les chercher. Elle n'emporta qu'un petit anneau
en souvenir de ses parents, une miche de pain pour la faim, une cru-
che d'eau pour la soif, une petite chaise pour la fatigue. Elle marcha,
marcha, sans se décourager jusqu'au bout du monde. Il n'y avait nul-
le trace de ses frères.
Elle alla trouver le terrible soleil qui dévore les enfants et brûle atro-
cement. Elle lui donna sa cruche d'eau pour apaiser son feu. Mais
ses frères n'étaient pas dans le soleil et le soleil ne savait pas où ils
étaient.
Elle marcha jusqu'à la lune froide et morte. Elle lui donna son pain
qui est la vie. Mais ses frères n'étaient pas sur la lune et la lune ne
savait pas où ils étaient.
Elle rendit visite à l'étoile du matin qui redonne espoir au moribond.
Elle lui donna sa petite chaise pour qu'elle puisse se reposer.
L'étoile du matin la remercia beaucoup et lui demanda ce qu'elle
cherchait si loin dans le ciel.
- Je cherche mes sept frères, les sept corbeaux.
- Mon enfant, vois-tu ce petit point qui brille, tout en bas sur la terre ?
..C'est le pic de la Montagne de Verre. Tes frères habitent là. Je te
..donne ce petit os, garde-le précieusement, ne le perds surtout
..pas. Il te servira de clé pour ouvrir la porte de la montagne. Sans
..ce.petit os il te sera impossible d'y entrer.
La petite cacha l'os dans son mouchoir et le plaça au fond de sa po-
che. Elle marcha longtemps, longtemps, avant d'atteindre le pied de
la Montagne de Verre. Quand elle fut devant la porte magique elle prit
son mouchoir et le déplia pour prendre l'os-clé. Mais soit qu'il y eût
un trou dans le tissu, soit qu'elle l'eût perdu en marchant, le petit os
avait disparu !
Alors elle prit un silex tranchant et coupa la chair du plus petit doigt
de sa main. Elle retira de son doigt un petit os et le glissa dans la
serrure de la porte. La porte s'ouvrit et la fillette entra dans la Monta-
gne de Verre.
Un nain l'attendait, qui lui demanda ce qu'elle venait chercher là.
- Je cherche mes sept frères, les sept corbeaux.
- Ce sont mes maîtres, répondit le nain. Si vous voulez attendre,
..ils ne vont pas tarder à venir pour dîner.
La petite vit sept verres et sept assiettes de cristal sur une table
magnifique. Elle mangea une miette dans chaque assiette, but une
goutte dans chaque verre. Elle laissa tomber l'anneau de ses pa-
rents dans le septième verre. Puis elle se cacha derrière la porte.
Bientôt, il se fit un tourbillon dans l'air, accompagné de croasse-
ments. Les corbeaux entraient à tire d'aile pour prendre leur repas.
Le septième corbeau, qui était aussi le plus jeune des frères, faillit
s'étrangler en buvant avec l'anneau placé au fond de son verre. Il
le recracha et vit que c'était l'anneau de mariage de ses parents.
- Mes frères ! s'exclama-t-il, regardez ! Voici l'alliance de nos
..parents. Dieu aurait permis que notre soeur vienne jusqu'à nous.
..Puissions-nous retrouver notre forme humaine en la voyant.
Quand elle entendit ce voeu, la petite se montra à ses frères, et,
dès qu'ils la virent, ils reprirent leur vraie forme. Ils embrassèrent
leur soeur en pleurant et ils reprirent tous le chemin de leur maison
pour retrouver leurs parents.

 


     2 septembre
Les 3 souhaits
Un jour, un pauvre bûcheron travaillait dans la forêt. Il abattait des
arbres et il en faisait des bûches.
Au moment de la pause, il vit une fée des bois debout sur une feuille,
non loin de là. Il ferma les yeux, se les frotta et les rouvrit : elle était
encore là !
- Je suis venue t'offrir trois souhaits, lui expliqua-t-elle. Tes trois
prochains souhaits vont se réaliser. Sois raisonnable.
Et elle disparut.
Son travail terminé, le bûcheron rentra chez lui et raconta à sa
femme ce qui lui était arrivé. Elle ne crut pas un mot du récit de
son mari.
- Tu as dû rêver, lui lança-t-elle en riant. Cela dit, on ne sait jamais,
fais attention avant de souhaiter quoi que ce soit !
Ils réfléchirent longtemps ensemble. Est-ce qu'ils allaient demander
de l'or, des bijoux, une belle maison ? Il discutèrent sur tout sans
pouvoir se mettre d'accord et, finalement, le bûcheron dit :
- Moi, j'ai faim ! Mangeons d'abord.
- Hélas ! il n' y a que de la soupe, se désola sa femme. Je n'avais
pas d'argent pour acheter de la viande.
- Encore de la soupe ! grogna le bûcheron. Comme j'aimerais
avoir une bonne saucisse bien grasse à manger ce soir.
A peine eût-il prononcé ces mots qu'une bonne saucisse bien
grasse apparut sur la table de la cuisine.
- C'est malin ! hurla sa femme. Tu as gâché un de nos précieux
souhaits !
Et elle continua à crier jusqu'à ce qu'il ne puisse plus la supporter.
Il s'exclama :
- Je voudrais que cette saucisse te pende au bout du nez !
Aussitôt, la grosse saucisse sauta en l'air et vint se coller au bout
du nez de sa femme. Elle n'arrivait plus du tout à parler et, pourtant,
sa colère était terrible d'autant que le bûcheron se moquait de son
allure grotesque. Elle tira et tira sur la saucisse, il tira et tira. Mais
la saucisse ne bougea pas.
Le bûcheron cessa de rire quand il se souvint qu'il n'avait plus
qu'un seul souhait :
- Demandons toutes les richesses du monde.
- Quel bien cela me fera-t-il, pleurait-elle. Je ne pourrai pas en pro-
fiter unseul instant. Les gens se moqueront de moi où que j'aille.
Le bûcheron aimait sa femme et c'était un brave homme aussi
finit-il par se mettre d'accord avec elle.
Ils n'eurent plus qu'à souhaiter d'être débarrassés de cette saucis-
se gênante.
Le bûcheron prononça le souhait, et, aussitôt, la saucisse disparut.
Il s'assit avec sa femme pour manger la soupe qu'elle avait prépa-
rée. Pendant longtemps, la seule chose sur laquelle ils tombaient
d'accord, c'était sur leur bêtise.
Ils se reprochèrent aussi de n'avoir pas mangé la saucisse quand
elle était apparue sur la table !

 


     2 octobre
La petite poule rousse
Il était une fois une petite poule rousse.
Elle vivait en compagnie d'un cochon, d'un canard et d'un chat dans
une petite maison dont elle faisait toujours soigeusement le ménage.
Les autres ne travaillaient jamais. Ils étaient toujours sur le point de
faire quelque chose, mais... ils étaient bien trop paresseux !
Le cochon aimait se rouler dans la boue, le canard aimait nager dans
la mare et le chat aimait dormir au soleil, en ronronnant.
Un jour, la petite poule rousse trouva un grain de blé.
- Qui va planter ce grain de blé ? demanda-t-elle.
- Pas moi ! grommela le cochon, caqueta le canard, ronronna le chat.
Alors la petite poule rousse choisit un joli coin de terre, le gratta avec
ses pattes et planta le grain de blé. Pendant l'été, le grain de blé poussa.
Ce fut d'abord un grand épi vert, puis il mûrit au soleil et devint d'une belle
couleur dorée.
- Qui va m'aider à couper le blé ? demanda la petite poule rousse.
- Pas moi ! grommela le cochon, caqueta le canard, ronronna le chat.
- Très bien, alors je le couperai moi-même ! s'écria la petite poule rousse.
Elle coupa délicatement l'épi dont elle retira les grains un à un.
- Qui va emmener le blé au moulin pour le faire moudre ? demanda-t-elle.
- Pas moi ! grommela le cochon, caqueta le canard, ronronna le chat.
Alors la petite poule rousse emporta elle-même le blé au moulin et
commanda au meunier de la farine.
Le meunier envoya un petit sac de farine dans la maison où la petite
poule rousse vivait avec le cochon, le canard et le chat.
- Qui va m'aider à faire du pain avec cette farine ? demanda la petite poule.
- Pas moi ! grommela le cochon, caqueta le canard, ronronna le chat.
- Très bien, concéda la petite poule rousse. Je vais faire le pain moi-même.
Elle transforma la farine en pâte. Elle pétrit cette pâte et la mit au four.
Une bonne odeur de pain chaud se répandit bientôt dans toute la maison et
envahit le jardin.
Le cochon quitta sa flaque de boue, le canard sortit de sa mare et le chat
abandonna sa place au soleil. Ils vinrent tous dans la cuisine.
Quand la petite poule rousse ouvrit le four, la pâte avait gonflé et était
devenue une miche de pain appétissante et croustillante.
- Qui va manger ce pain ? demanda la petite poule rousse.
- Moi ! grommela le cochon.
- Moi ! caqueta le canard.
- Moi ! ronronna le chat.
- Oh, non ! Pas vous ! s'écria la petite poule rousse. J'ai planté le grain,
j'ai coupé le blé, je l'ai porté au moulin pour avoir de la farine et j'ai cuit
le pain. J'ai tout fait toute seule. Eh bien, maintenant, je vais manger
la miche toute seule.
Le cochon, le chat et le canard restèrent là à regarder la petite poule
rousse qui mangea la miche de pain toute seule.
C'était délicieux et elle en profita jusqu'à la dernière miette !

 


     2 novembre
Le bonhomme de pain d'épice
Une vieille femme était en train de faire du pain d'épice. Comme il
lui restait de la pâte, elle façonna un petit bonhomme. Avec des
raisins secs, elle dessina des yeux, un nez, un grand sourire et
les boutons de son habit. Puis elle le mit à cuire.
Au bout d'un moment, elle entendit tambouriner à la porte du four.
Elle l'ouvrit et, à sa grande surprise, le petit bonhomme de pain
d'épice en sortit d'un bond. Elle voulut l'attraper, mais il lui échappa
en criant :
- Cours, cours, aussi vite que tu peux ! Tu ne m'attraperas pas, je
suis le bonhomme de pain d'épice !
Elle le poursuivit dans le jardin où son mari travaillait. Il posa sa
bêche et voulut aussi le saisir, mais quand le bonhomme de pain
d'épice passa devant lui, il lui lança :
- Cours, cours, aussi vite que tu peux ! Tu ne m'attraperas pas, je
suis le bonhomme de pain d'épice !
En arrivant sur la route, il rencontra une vache. La vache l'appela,
mais le bonhomme de pain d'épice cria par-dessus son épaule :
- J'ai échappé à une vieille femme. J'ai échappé à un vieil homme.
Cours, cours, aussi vite que tu peux ! Tu ne m'attraperas pas, je
suis le bonhomme de pain d'épice !
La vache se mit à le poursuivre, suivie du vieux et de la vieille.
Le bonhomme de pain d'épice rencontra un cheval.
- Arrête-toi dit le cheval, je voudrais te manger.
Mais le bonhomme de pain d'épice répondit :
- J'ai échappé à une vieille femme. J'ai échappé à un vieil homme.
J'ai échappé à une vache. Cours, cours, aussi vite que tu peux !
Tu ne m'attraperas pas, je suis le bonhomme de pain d'épice !
Il rencontra des paysans qui rentraient du foin. Ils le regardèrent
tous passer. Et le bonhomme de pain d'épice leur cria :
- Cours, cours, aussi vite que tu peux ! Tu ne m'attraperas pas,
je suis le bonhomme de pain d'épice !
Les paysans rejoignirent le cortège, derrière la vieille femme, le
vieil homme, la vache et le cheval.
Puis le bonhomme de pain d'épice rencontra un renard et lui dit :
- Cours, cours, aussi vite que tu peux ! Tu ne m'attraperas pas,
je suis le bonhomme de pain d'épice !
Alors, le rusé renard lui répondit :
- Mais je ne veux pas t'attraper !
Après avoir dépassé le renard, le bonhomme de pain d'épice dut
s'arrêter devant une rivière large et profonde.
Le renard vit la vieille femme, le vieil homme, la vache, le cheval
et les paysans qui poursuivaient le bonhomme de pain d'épice,
alors il lui proposa :
- Monte sur mon dos, je te fais traverser la rivière.
Le bonhomme de pain d'épice monta sur le dos du renard qui
commença à nager. Au milieu de la rivière, là où l'eau est profonde,
le renard ordonna :
- Monte sur ma tête, bonhomme de pain d'épice ou tu vas être
mouillé.
Le bonhomme de pain d'épice se mit debout sur la tête du renard.
Comme le courant était rapide, le renard lui dit :
- Monte plutôt sur mon museau. Je ne veux pas que tu te noies.
Le bonhomme de pain d'épice glissa sur le museau du renard.
Mais quand ils arrivèrent de l'autre côté de la rivière, sains et
saufs, le renard brusquement ouvrit la gueule et, GLOUP !
Il happa le bonhomme de pain d'épice.
On n'en a plus jamais entendu parler depuis...

 


     2 decembre
Le lutin et l'étudiant
Un lutin astucieux arriva un beau jour dans une ville et décida de
s'installer chez un épicier. Ainsi il était sûr d'avoir tous les soirs un
bon dîner. Tous les soirs, l'épicier lui préparait une assiettée de
bouillie bien crémeuse, additionnée d'une cuillérée de confiture.
Dans la même maison, au-dessus de la boutique, demeurait un
étudiant si pauvre qu'il ne possédait que les deux ou trois livres
dans lesquels il étudiait. Le lutin aurait souhaité être aussi instruit,
mais la seule pensée d'habiter un grenier lui donnait des frissons.
Un matin, l'étudiant vint acheter un maigre bout de fromage, un
morceau de pain et un peu de beurre. Alors que l'épicier lui enve-
loppait le tout dans une page d'un vieux livre tout déchiré, l'étudiant
vit qu'il s'agissait d'un recueil rare et ancien de poèmes.
- Reprenez le beurre ! s'écria l'étudiant. Donnez-moi le livre. J'aime
..mieux lire que manger.
- Comme vous voudrez, dit l'épicier abasourdi.
Le lutin, caché derrière une caisse, était perplexe.
 "Pourquoi la poésie serait-elle plus importante que la nourriture ? "
Le soir venu, il grimpa jusqu'au grenier, et vit, à travers le trou de
la serrure, l'étudiant en train de lire les poèmes à haute voix.
- Des mots ! Rien que des mots ! marmonna-t-il.
Mais il se produisit une chose étrange, merveilleuse. Le jeune
homme était baigné d'une lumière douce, chaude comme un rayon
de soleil, qui semblait provenir du livre, de même qu'un arbre extra-
ordinaire commençait à sortir des pages. L'arbre se mit à grandir,
jusqu'à ce que ses branches chargées de feuilles vertes entourent
complètement l'étudiant. A son pied jaillirent des fleurs, et les ac-
cents d'une musique exquise se firent entendre.
Après plusieurs nuits, le lutin revint coller son oeil à la serrure, et
ce qu'il vit lui parut si beau qu'il resta dans les courants d'air jusqu'à
ce que ses yeux se ferment malgré lui.
Une nuit, quelqu'un frappa dans les volets et cria : Au feu ! Au feu !
L'épicier se sauva dans la rue en pressant son argent contre sa
poitrine, mais le lutin ne pensa qu'une chose " Le livre de poèmes ! "
Il monta quatre à quatre les escaliers, se précipita dans le grenier,
et sans un regard pour l'étudiant encore endormi, saisit le livre qui
était posé sur la table, sauta par la fenêtre, retomba sur le toit et se
blottit entre deux cheminées, tenant contre son coeur son trésor,
enveloppé dans son bonnet rouge.
Le feu n'avait pas fait beaucoup de dégâts. Après la panique, le
lutin remit le précieux livre sur la table du grenier.
- Ainsi va la vie ! se dit le lutin. Je prendrai l'étudiant pour maître, et
..je me résignerai à habiter le grenier. Mais je n'abandonnerai pas
..mon épicier. J'irai le voir tous les soirs, à l'heure du dîner.
Car, pour être un lutin, on n'en apprécie pas moins les nourritures
terrestres.

 


     2 fevrier
5 dans une cosse de pois
Il y avait cinq petits pois dans une cosse. Ils étaient verts, la cosse était
verte, ils croyaient que le monde entier était vert. Et c'était vrai pour eux !
La cosse poussait, les pois grandissaient. Ils se tenaient bien droits dans
le rang. Les semaines passèrent. Les pois jaunirent, les cosses jaunirent.
Le monde entier jaunit ! " disaient-ils. Et ça, ils pouvaient le dire.
Soudain, il y eut une secousse sur la cosse : quelqu'un l'arrachait.
" On va ouvrir bientôt." pensaient-ils, et ils attendaient...
Crac ! Voilà la cosse déchirée et tous les cinq roulèrent dehors au gai
soleil dans la main d'un petit garçon qui les déclara bons pour sa sarba-
cane de sureau. Il en mit un tout de suite dedans et tira.
" Je vole ! " dirent les quatre premiers pois.
" Arrive que pourra" dit le dernier des pois lorsqu'il fut tiré dans l'espace.
Il partit jusqu'à la vieille planche au-dessous de la fenêtre d'une mansarde,
juste dans une fente où il y avait de la mousse et de la terre molle.
La mousse se referma sur lui et il resta là. Caché. Mais notre Seigneur ne
l'oubliait pas. " Arrive que pourra." répétait le petit pois.
Dans la mansarde habitait une pauvre femme qui le jour sortait pour
nettoyer des poêles et même pour scier du bois à brûler et faire de gros
ouvrages car elle était forte et travailleuse mais cela ne l'enrichissait guère.
Dans la chambre, sa fillette restait couchée, toute mince et maigriotte.
Elle gardait le lit depuis un an et semblait ne pouvoir ni vivre, ni mourir.
" Elle va rejoindre sa petite soeur, disait la femme. J'avais deux filles et bien
du mal à pourvoir à leurs besoins, alors le Bon Dieu en a pris une auprès
de lui. Je voudrais bien conserver l'autre. "
La petite fille restait là. Elle restait couchée, patiente et silencieuse tout le
jour tandis que sa mère était dehors pour gagner un peu d'argent.
Un matin de bonne heure, au printemps, au moment où sa mère allait
partir à son travail, le soleil brillait gaiement à la petite fenêtre et sur le par-
quet, la petite fille malade regardait la vitre d'en bas :
- Qu'est-ce donc que cette verdure qui pointe vers le carreau ? Ça remue
...au vent.
La mère alla vers la fenêtre et l'entrouvrit :
- Tiens, dit-elle, c'est un petit pois qui a poussé là avec ses feuilles vertes.
...Te voilà avec un petit jardin à regarder !
Le lit de la malade fut traîné plus près de la fenêtre pour qu'elle puisse
voir le petit pois qui germait et la mère partit à son travail.
- Maman, je crois que je vais guérir, dit la petite fille, le soir, à sa mère. Le
...petit pois vient si bien. Et moi, je vais sans doute me porter bien aussi,
...me lever et sortir au soleil.
- Je le voudrais bien, dit la mère. Mais elle ne le croyait pas.
Cependant, elle mit un petit tuteur près du germe qui avait donné de joy-
euses pensées à son enfant afin qu'il ne soit pas brisé par le vent, et elle
attacha une ficelle du bas en haut de la fenêtre pour que la tige eût un sup-
port pour s'enrouler à mesure qu'elle pousserait. Et c'est ce qu'elle fit. On
la voyait s'allonger tous les jours.
- Voilà qu'elle fleurit ! dit la femme un matin. Elle se prit à espérer, et même
à croire que sa petite fille malade allait guérir. Il lui vint à l'esprit que dans
les derniers temps, la petite lui avait parlé avec plus d'animation, que ces
derniers matins elle s'était assise dans son lit et avait regardé, les yeux
rayonnants de plaisir, son petit potager d'un seul pois. La semaine suivante
elle put lever la malade pendant plus d'une heure.
La petite était debout au soleil, la fenêtre ouverte, et là, dehors, une fleur
de pois rose était éclose. Elle sourit à la fleur comme à un ange de Dieu.

 


     2 mars
Les habits neufs du roi
Il y avait autrefois un roi qui aimait tant les habits, qu'il dépensait tout
son argent à sa toilette. Lorsqu'il passait ses soldats en revue, lors-
qu'il allait au spectacle ou qu'il se promenait, il n'avait d'autre but que
de montrer ses habits neufs.
A chaque heure de la journée, il changeait de vêtements. Et, comme
on dit d'un roi " Il est au Conseil ", on disait de lui " Il est à sa garde-
robe."
La capitale était une ville bien gaie, grâce aux nombreux étrangers
qui passaient. Mais un jour, il y vint aussi deux fripons qui se préten-
daient tisserands et se vantaient de tisser la plus magnifique étoffe
du monde.
Non seulement les couleurs, le dessin étaient extraordinairement
beaux, mais les vêtements confectionnés avec cette étoffe possé-
daient une qualité merveilleuse ils devenaient invisibles pour toute
personne qui ne savait pas bien exercer son emploi ou qui avait
l'esprit trop borné.
- Ce sont des habits inestimables, pensa le roi. Grâce à eux, je
..pourrai reconnaître les incapables dans mon gouvernement, je
..saurai distinguer les habiles des niais. Oui, il me faut cette étoffe.
Et il avança aux deux fripons une forte somme afin qu'ils pussent
commencer immédiatement leur travail.
Ils dressèrent en effet un métier à tisser, et firent semblant de travail-
ler, quoiqu'il n'y eût rien sur les bobines. Sans cesse, ils demandaient
de la soie fine et de l'or magnifique, mais ils mettaient tout cela dans
leur sac, travaillant jusqu'au milieu de la nuit sur un métier vide.
- Il faut cependant que je sache où ils en sont, se dit le roi.
Mais il hésitait à l'idée que les niais ou les incapables ne pourraient
voir l'étoffe.
Ce n'était pas qu'il doutât de lui-même. Toutefois, il jugea à propos
d'envoyer quelqu'un pour examiner le travail avant lui. Tous les habi-
tants de la ville connaissaient la qualité merveilleuse de l'étoffe, et
tous brûlaient d'impatience de savoir combien leur voisin était borné
ou incapable.
- Je vais envoyer mon bon vieux ministre, pensa le roi. C'est lui qui
..peut le mieux juger l'étoffe. Il se distingue autant par son esprit que
..par ses capacités.
L'honnête vieux ministre entra dans la salle où les deux imposteurs
travaillaient avec le métier vide.
- Bon Dieu ! pensa-t-il en ouvrant de grands yeux, je ne vois rien !
Mais il se garda de le dire.
Les deux tisserands l'invitèrent à s'approcher, et lui demandèrent
comment il trouvait le dessin et les couleurs. En même temps, ils
montraient leur métier, et le vieux ministre y fixa ses regards. Mais
il ne vit rien pour la raison bien simple qu'il n'y avait rien !
- Serais-je vraiment borné ou incapable ? Je n'ose pas avouer que
l'étoffe est invisible pour moi.
- Eh bien ! Qu'en dites-vous ? demanda l'un des tisserands.
- C'est charmant ! Tout à fait charmant ! répondit le ministre en
..mettant ses lunettes. Ce dessin et ces couleurs... Oui, je dirai
..au roi que j'en suis très content.
Les fripons demandaient toujours de l'argent, de la soie et de l'or.
Il en fallait énormément pour ce tissu. Bien entendu ils empochèren
le tout. Le métier restait vide et ils travaillaient toujours.
Quelques temps après, le roi envoya un autre fonctionnaire honnête
pour examiner l'étoffe et voir si elle s'achevait.
Il arriva à ce nouveau député la même chose qu'au ministre : il re-
gardait toujours, mais il ne voyait rien.
- Je ne suis pourtant pas niais, pensait l'homme. C'est donc que je
..ne suis pas digne de ma place. C'est curieux, mais je ne veux pas
..la perdre !
Il fit l'éloge de l'étoffe. C'est d'une magnificence incomparable, dit-il
au roi. Dans toute la ville on ne parlait que de cette étoffe extraor-
dinaire. Enfin, le roi lui-même voulut la voir pendant qu'elle était
encore sur le métier. Accompagné d'une foule d'hommes choisis,
il se rendit auprès des filous qui tissaient toujours mais sans fil de
soie ou d'or, ni aucune espèce de fil.
- N'est-ce pas que c'est magnifique ? dirent-ils, et ils montrèrent du
..doigt le métier vide.
- Qu'est-ce donc ? pensa le roi, je ne vois rien. C'est terrible ! Est-ce
..que je ne serais qu'un niais incapable de gouverner ? Il ne pouvait rien
..m'arriver de pire !
Puis tout à coup il s'écria :
- C'est magnifique ! J'en témoigne ici toute ma satisfaction. Il hocha
..la tête d'un air content et regarda le métier sans oser dire la vérité.
Tous les gens de sa suite répétaient : C'est ma-gni-fi-que ! C'est
charmant ! C'est admirable !
Ils lui conseillèrent même de revêtir cette nouvelle étoffe à la pre-
mière grande procession. Toute la nuit qui précéda le jour de la
procession les deux filous veillèrent et travaillèrent à la clarté de
seize bougies. La peine qu'ils se donnaient était visible à tout le
monde.
Enfin, ils firent semblant d'ôter l'étoffe du métier, coupèrent dan
l'air avec de grands ciseaux, cousirent avec une aiguille sans fil,
après quoi ils déclarèrent que le vêtement était fini.
- Si votre Majesté daigne se déshabiller, nous lui essayeront les
..habits devant la grande glace, dirent les imposteurs.
Le roi se déshabilla et ils firent semblant de lui présenter une pièce
après l'autre.
- Grand Dieu ! Que cela va bien ! Quelle coupe élégante !s'écrièrent
..tous les courtisans. Quel dessin ! Quelles couleurs ! Quel précieux
..costume !
Le grand maître des cérémonies entra :
- Le dais sous lequel votre Majesté doit assister à la procession est
..à la porte.
- Bien, dit le roi. Je suis prêt. Je crois que je ne suis pas mal ainsi.
Les chambellans qui devaient porter la traîne firent semblant de
ramasser quelque chose par terre, puis ils élevèrent les mains,
ne voulant pas convenir qu'ils ne voyaient rien du tout.
Tandis que le roi cheminait fièrement à la procession sous son dais
magnifique, tous les hommes, dans la rue et aux fenêtres, s'écriaient :
- Quel superbe costume ! Quelle traîne ! Quelle coupe !
Nul ne voulait laisser deviner qu'il ne voyait rien sous peine de passer
pour un niais ou un incapable. Jamais les habits du roi n'avaient excité
une telle admiration.
- Mais il me semble qu'il n'a pas d'habits du tout, observa un petit
..enfant.
- Seigneur Dieu ! Ecoutez la voix de l'innocence, dit le père.
Et bientôt on chuchota dans la foule en répétant les paroles de l'enfant.
- Il y a un petit enfant qui dit que le roi est tout nu !
- Il n'a pas du tout d'habits ! s'écria enfin tout le peuple.
Le roi en fut extrêmement honteux, car il comprit que c'était vrai.
Cependant, il se raisonna et prit sa résolution :
- Quoi qu'il en soit, il faut que je reste jusqu'à la fin.
Puis il se redressa plus fièrement encore, et les chambellans conti-
nuèrent à porter avec respect la traîne qui n'existait pas.

 


     2 avril
La princesse au petit pois
Il y avait une fois un prince qui voulait épouser une princesse
véritable. Il fit donc le tour du monde pour en trouver une, et, à
la vérité, les princesses ne manquaient pas, mais il ne pouvait
jamais être sûr que c'étaient de vraies princesses. Il finit par
rentrer chez lui, bien affligé de n'avoir pas trouvé ce qu'il désirait.

Un soir, il faisait un temps horrible, les éclairs se croisaient, le
tonnerre grondait, la pluie tombait à torrents, c'était épouvantable.
Quelqu'un frappa à la porte du château, et le vieux roi s'empressa
d'ouvrir.
C'était une princesse !
Mais grand Dieu, comme la pluie et l'orage l'avaient arrangée !
L'eau ruisselait de ses cheveux et de ses vêtements, entrait par
la pointe de ses souliers, et sortait par le talon. Néanmoins, elle
se donna pour une véritable princesse.
- C'est ce que nous saurons bientôt, pensa la vieille reine
Sans rien dire, la vieille reine entra dans la chambre où dormirait
la princesse. Elle ôta toute la literie de la couche destinée à la
princesse et mit un petit pois au fond du lit. Ensuite, elle prit vingt
matelas, qu'elle étendit sur le pois et encore vingt édredons qu'elle
entassa par-dessus les matelas.
Le lendemain, on demanda à la princesse comment elle avait
dormi.
- Bien mal ! répondit-elle. C'est à peine si j'ai fermé les yeux de
..toute la nuit ! Dieu sait ce qu'il y avait dans le lit ! C'était quelque
..chose de dur qui m'a rendu la peau toute violette. Quel supplice !
A cette réponse, on reconnut que c'était une véritable princesse,
puisqu'elle avait senti un pois à travers vingt matelas et vingt édre-
dons. Quelle femme, sinon une princesse, pouvait avoir la peau
aussi délicate ? Le prince, bien convaincu que c'était une prin-
cesse, la prit pour épouse, et le pois fut placé au musée, où il
doit être encore, à moins qu'un amateur ne l'ait enlevé.
Voilà une histoire aussi véritable que la princesse !

 


     2 mai
La princesse et le porcher
Il était une fois un prince pauvre. Son royaume était tout petit mais
tout de même assez grand pour s'y marier et justement il avait le plus
grand désir de se marier.
Il y avait peut-être un peu de hardiesse à demander à la fille de l'em-
pereur voisin " Veux-tu de moi ? "
Il l'osa cependant, car son nom était honorablement connu, même au
loin, et cent princesses auraient accepté en remerciant, mais allez
donc comprendre celle-ci ! Ecoutez plutôt :
Sur la tombe du père du prince poussait un rosier, un rosier mira-
culeux. Il ne donnait qu'une unique fleur tous les cinq ans, mais c'était
une rose d'un parfum si doux qu'à la respirer on oubliait tous ses cha-
grins et ses soucis. Le prince avait aussi un rossignol qui chantait
comme si toutes les plus belles mélodies du monde étaient enfer-
mées dans son petit gosier. Cette rose et ce rossignol, il les desti-
nait à la princesse, tous deux furent donc placés dans deux grands
écrins d'argent et envoyés chez elle.
L'empereur les fit apporter devant lui dans le grand salon où la prin-
cesse jouait " à la visite " avec ses dames d'honneur (elles n'avaient
pas beaucoup d'autres occupations) et lorsqu'elle vit les grandes boîtes
contenant les cadeaux, elle applaudit de plaisir.
- Si seulement c'était un petit chat ! dit-elle.
Mais c'est la merveilleuse rose qui parut.
- Comme elle est joliment faite ! s'écrièrent les dames d'honneur.
- Elle est plus que jolie, surenchérit l'empereur, c'est la beauté même.
La princesse la toucha du doigt et fut sur le point de pleurer :
- Oh ! papa, cria-t-elle, quelle horreur ! Elle n'est pas artificielle, c'est
..une vraie !
- Fi donc ! s'exclamèrent toutes ces dames, c'est une vraie !
- Avant de nous fâcher, regardons ce qu'il y a dans la deuxième boîte,
..opina l'empereur.
Alors le rossignol apparut et il se mit à chanter si divinement que tout
d'abord on ne trouva pas de critique à lui faire.
- Superb ! How charming ! s'écrièrent toutes les dames de la cour car
elles parlaient toutes anglais, l'une plus mal que l'autre du reste.
- Comme cet oiseau me rappelle la boîte à musique de notre défunte
..impératrice ! dit un vieux gentilhomme. Mais oui, c'est tout à fait la
..même manière, la même diction musicale !
- Eh oui ! dit l'empereur. Et il se mit à pleurer comme un enfant.
- Mais, au moins, j'espère que ce n'est pas un vrai ? dit la princesse.
- Si, c'est un véritable oiseau ! affirmèrent ceux qui l'avaient apporté.
- Ah ? Alors qu'il s'envole ! commanda la princesse.
Et elle ne voulut, pour rien au monde, recevoir le prince.
Le prince ne se découragea pas. Il se barbouilla le visage de brun
et de noir, enfonça sa casquette sur sa tête et alla frapper là-bas.
- Bonjour, empereur ! dit-il. Ne pourrais-je pas trouver du travail au
..château ?
- Euh ? Il y en a tant qui en demandent ! répondit l'empereur. Mais,
..écoutez, je cherche un valet pour garder les cochons car nous en
..avons beaucoup.
Et voilà le prince engagé comme porcher impérial. On lui donna une
mauvaise petite chambre à côté de la porcherie et c'est là qu'il devait
se tenir. Cependant, il s'assit et travailla toute la journée. Le soir, il
avait fabriqué une jolie petite marmite garnie de clochettes tout autour.
Quand la marmite se mettait à bouillir, les clochettes tintaient et jouaient
" Ah ! mon cher Augustin, tout est fini, fini." Mais le plus ingénieux était
sans doute que si l'on mettait le doigt dans la vapeur de la marmite, on
sentait immédiatement quel plat on faisait cuire dans chaque cheminée
de la ville, et ça, c'était autre chose qu'une rose !
Au cours de sa promenade avec ses dames d'honneur, la princesse
vint à passer devant la porcherie. Lorsqu'elle entendit la mélodie, elle
s'arrêta, toute contente, car elle aussi savait jouer " Ah ! mon cher Au-
gustin, tout est fini, fini." C'était même le seul air qu'elle sût, et elle le
jouait d'un doigt seulement.
- C'est l'air que je sais, dit-elle. Ce doit être un porcher très doué.
..Entrez et demandez-lui ce que coûte son instrument.
Une des dames de la Cour fut obligée d'y aller mais elle mit des sabots.
- Combien veux-tu pour cette marmite ? demanda-t-elle.
- Je veux dix baisers de la princesse.
- Grands dieux ! s'écria la dame.
- C'est comme ça et pas moins, insista le porcher.
- Eh bien ! Qu'est-ce qu'il dit ? demanda la princesse.
- Je ne peux vraiment pas le dire, c'est trop affreux !
- Alors, dis-le tout bas, dit la princesse.
La dame d'honneur le murmura dans l'oreille de la princesse.
- Que c'est ennuyeux ! dit la princesse. Alors il faut que vous vous teniez
..toutes autour de moi afin que personne ne puisse me voir.
Les dames d'honneur l'entourèrent en étalant leurs jupes, le garçon
eut dix baisers et elle emporta la marmite.
Comme on s'amusa au château ! Toute la soirée et toute la journée la
marmite cuisait. Il n'y avait pas de cheminée dans la ville dont on ne sût
ce qu'on y préparait. Les dames d'honneur applaudissaient.
- Supérieurement intéressant, dit la Grande Maîtresse de la Cour.
- Oui, mais pas un mot, à personne, car je suis la fille de l'empereur.
Le porcher (c'est-à-dire le prince) ne laissa pas passer la journée
suivante sans travailler. Il confectionna une crécelle. Lorsqu'on la
faisait tourner, résonnaient en grinçant toutes les valses et les polkas
connues depuis la création du monde.
- Mais c'est superbe ! dit la princesse, je n'ai jamais entendu plus
..merveilleuse improvisation. Ecoutez, allez lui demander ce que coûte
..cet instrument. Mais je n'embrasse plus !
- Il veut cent baisers de la princesse, affirma la dame qui était allée
..s'enquérir.
- Je pense qu'il est fou ! dit la princesse. Et elle s'en fut. Mais, après
..avoir fait un petit bout de chemin, elle s'arrêta.
- Il faut encourager les arts, dit-elle. Je suis fille d'empereur. Dites-lui
..que je lui donnerai dix baisers, comme hier. Le reste, mes dames
..s'en chargeront.
- Oh, ça ne nous plait pas du tout ! dirent ces dernières.
- Quelle bêtise ! répliqua la princesse. Si moi je peux l'embrasser,
..vous le pouvez aussi. Souvenez-vous que je vous entretiens et
..vous honore.
Et encore une fois, la dame d'honneur dut aller s'informer.
- Cent baisers de la princesse, a-t-il dit, sinon il garde son bien.
- Alors mettez-vous toutes devant moi.
Toutes les dames l'entourèrent et l'embrassade commença.
- Qu'est-ce que c'est que cet attroupement, là-bas, près de la por-
..cherie ? s'écria l'empereur.
Il était sur sa terrasse où il se frottait les yeux et mettait ses lunettes.
- Mais ce sont les dames de la Cour qui font des leurs ! Il faut que j'y
..aille voir.
Il releva l'arrière de ses pantoufles qui n'étaient que des souliers dont
le contrefort avait lâché. Saperlipopette ! Comme il se dépêchait.
Lorsqu'il arriva près de la porcherie, il se mit à marcher tout douce-
ment. Les dames d'honneur occupées à compter les baisers afin que
tout se déroule honnêtement, qu'il n'en reçoive pas trop, mais pas non
plus trop peu, ne remarquèrent pas du tout l'empereur.
Il se hissa sur la pointe des pieds :
- Qu'est-ce que c'est ?! cria-t-il, quand il vit ce qui se passait.
Et il leur donna de sa pantoufle un grand coup sur la tête, juste au
moment où le porcher recevait le quatre-vingtième baiser.
- Hors d'ici !! hurla-t-il, furieux.
La princesse et le porcher furent jetés hors de l'empire.
La princesse pleurait, le porcher grognait et la pluie tombait à torrent.
- Ah ! Je suis la plus malheureuse des créature, gémissait la prin-
..cesse. Que n'ai-je accepté ce prince si charmant ? Oh ! Que je
..suis malheureuse !
Le porcher se retira derrière un arbre, essuya le noir et le brun de
son visage, jeta ses vieux vêtements et s'avança vêtu de ses habits
princiers. Il était si charmant que la princesse lui fit la révérence.
- Je suis venu pour te faire affront, à toi ! dit le prince. Tu ne voulais
..pas d'un prince plein de loyauté. Tu n'appréciais ni la rose, ni le ros-
..signol ! Mais le porcher, lui, tu voulais bien l'embrasser pour un jouet
..mécanique. Honte à toi !
Puis il retourna dans son royaume, ferma la porte et tira le verrou.
Quant à elle, elle pouvait bien rester dehors, sous la pluie, et chanter
si elle en avait envie : " Ah ! mon cher Augustin, tout est fini, fini. "

 


     2 juin
Le rossignol et l'empereur de Chine
Vous savez qu'en Chine l'empereur est un Chinois et tous ceux qui
l'entourent sont Chinois. Il y a de longues années, justement parce qu'il
y a longtemps, je veux vous conter cette histoire avant qu'on ne l'oublie.
Le palais de l'empereur était le plus beau du monde, entièrement
construit en fine porcelaine - il fallait même faire très attention. Dans
le jardin poussaient des fleurs merveilleuses, aux plus belles d'entre
elles on accrochait une clochette d'argent qui tintait à la moindre brise
afin qu'on ne puisse passer devant elles sans les admirer. Oui, le jardin
était si vaste que le jardinier lui-même n'en connaissait pas la fin.
Si on marchait très, très longtemps on arrivait à une forêt avec des arbres
superbes et des lacs profonds. Cette forêt descendait jusqu'à la mer bleue
et dans les branches de ses arbres vivait un rossignol dont le chant mer-
veilleux charmait jusqu'au plus pauvre des pêcheurs.
Quoiqu'ils eussent bien d'autres soucis, ils restaient silencieux à l'écouter
et s'écriaient, quand le chant était fini : Dieu que c'est beau ! De tous les
pays du monde, les voyageurs venaient admirer la ville de l'empereur, le
château, le jardin, mais quand on les menait entendre le rossignol, tous
s'écriaient : - " ça, c'est encore ce qu'il y a de mieux ! "
Les voyageurs, rentrés chez eux, en parlaient et les érudits écrivaient des
livres sur la ville, le château et le jardin, sans oublier le rossignol qu'ils met-
taient au-dessus de tout. Ces livres faisaient le tour du monde et quelques-
uns arrivèrent un jour jusque chez l'empereur de Chine. Assis sur son trône
doré, il les lisait et les relisait et, de la tête, il approuvait les descriptions pres-
tigieuses de la ville, du château, du jardin " Mais le rossignol est quand même
ce qu'il y a de mieux " lisait-il.
- Qu'est-ce que c'est que ça, le rossignol ? dit l'empereur. Je ne le connais
même pas. Y a-t-il un oiseau pareil dans mon empire et, par-dessus le mar-
ché, dans mon jardin ! Et je n'en ai jamais entendu parler, et il faut que j'ap-
prenne ça dans un livre !
Il fit venir son chancelier d'honneur, un homme si distingué que si quelqu'un d'un rang
inférieur à lui-même osait lui parler, il répondait "P.p.p." ce qui ne
veut rien dire du tout.
- Il paraît qu'il y a ici un oiseau extraordinaire qui s'appelle rossignol, lui dit
l'empereur. On prétend que c'est ce qu'il y a de mieux dans mon empire !
Pourquoi ne m'en a-t-on jamais rien dit ?
- Je n'en ai jamais entendu parler, dit le chancelier, il n'a jamais été présenté
à la Cour.
- Je veux qu'il vienne chanter pour moi ici ce soir. Toute la terre est au courant
de ce que je possède et moi, non !
- Je ne sais rien de lui, dit le chancelier, mais je le chercherai. Je le trouverai.
Mais où le trouver ? Le chancelier courut en haut et en bas des escaliers, à
travers les salons, le long des couloirs, personne parmi ceux qu'il rencontrait
n'avait entendu parler du rossignol. La moitié de la cour le suivait en s'enqué-
rant du merveilleux rossignol ! Enfin, ils trouvèrent dans les cuisines une
petite fille pauvre :
- Oh ! Dieu, dit-elle, le rossignol, je le connais, il chante si bien ! J'ai la per-
mission d'apporter chaque soir à ma mère malade quelques restes de la
table. Elle habite au bord de la mer et quand je reviens, je suis fatiguée, je
me repose dans la forêt et j'écoute le rossignol. Les larmes me viennent
aux yeux, c'est doux comme un baiser de ma mère.
- Petite fille de cuisine, dit le chancelier, tu auras un engagement et le droit
de regarder l'empereur manger, si tu nous conduis auprès du rossignol,
car il est convoqué ce soir.
Alors ils partirent vers la forêt où le rossignol avait l'habitude de chanter.
Ils marchèrent longtemps et soudain, le rossignol se mit à chanter.
- C'est lui ! Ecoutez, écoutez... et le voilà, dit la fillette, en montrant du doigt
un petit oiseau gris dans le feuillage.
- Pas possible ? dit le chancelier. Comme il a l'air ordinaire, il a dû perdre
ses couleurs de frayeur en voyant tant de hautes personnalités chez lui.
- Petit rossignol ! cria la fillette, l'empereur voudrait que tu chantes pour lui.
- Mon excellent petit rossignol, lui dit le chancelier, j'ai le grand honneur de
vous inviter pour ce soir à une fête à la cour où vous charmerez Sa Majesté
Impériale.
- Avec le plus grand plaisir, répondit le rossignol.
On fit de grands préparatifs au château. Au milieu de la grande salle où était
assis l'empereur, on avait installé un perchoir d'or sur lequel le rossignol devait
se tenir. Toute la cour était présente et la petite fille avait eu la permission de
rester derrière la porte. Tous portaient leurs habits de cérémonie et ils regar-
daient le petit oiseau gris auquel l'empereur souriait.
Le rossignol chanta si merveilleusement que les larmes coulaient sur les
joues de l'empereur. Il était ravi et voulait que le rossignol reçût la grande
décoration de la pantoufle d'or. Le petit oiseau remercia très poliment :
- J'ai vu des larmes dans les yeux de mon empereur, c'est mon plus riche
trésor.
Et il chanta encore une fois de sa douce voix.
Même les laquais déclarèrent qu'ils étaient contents ! Et ils sont bien les plus
difficiles à satisfaire. Ah ! oui, le rossignol avait du succès ! Dorénavant, il res-
ta à la cour, dans sa cage avec permission de sortir deux fois le jour et une
fois la nuit, mais douze domestiques devaient tenir chacun un fil de soie at-
taché à sa patte, et il n'y a aucun plaisir à se promener dans ces conditions.
Toute la ville parlait de l'oiseau miraculeux ! Quand deux personnes se ren-
contraient l'une disait " rossi.." et l'autre " gnol ", elles soupiraient et elles
s'étaient comprises. Onze enfants de charcutiers portèrent même le prénom
de Rossignol, quoiqu'ils n'eussent point le plus petit filet de voix.
Un jour arriva à la cour un paquet sur lequel était écrit " rossignol ". Dans ce
paquet était une boîte qui contenait un rossignol mécanique qui aurait pu res-
sembler à l'autre, mais qui était incrusté sur tout le corps de diamants, de
rubis et de saphirs. Dès que l'on remontait l'automate, il chantait comme
l'oiseau véritable, sa queue battait la mesure et étincelait d'or et d'argent.
C'était un cadeau de l'empereur du Japon.
On voulu faire chanter les deux oiseaux ensemble, mais ça n'allait pas très
bien. Le véritable rossignol roucoulait à sa façon et l'autre chantait des valses.
- Ce n'est pas de sa faute, dit le maître de musique, il a quand même beau-
coup de rythme.
L'automate chanta donc seul. Il connut la gloire d'autant plus qu'il était beau-
coup plus joli à regarder, il étincelait comme un bracelet ou une broche.
Trente trois fois il chanta le même air sans être fatigué. Les gens l'auraient
bien écouté encore mais l'empereur estima que c'était au tour du véritable
rossignol.
Où était-il donc passé ? Personne n'avait remarqué qu'il s'était envolé par
la fenêtre ouverte, bien loin, vers sa verte forêt.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? dit l'empereur, et tous les courtisans, unani-
mes blâmèrent le rossignol et le jugèrent extrêmement ingrat.
- Le plus bel oiseau nous reste, pensait chacun. Et l'automate chanta encore.
- Voyez-vous Grand empereur et vous messeigneurs, avec le vrai rossignol
on ne sait jamais d'avance ce qui va venir, tandis qu'avec l'autre tout est
prévu. C'est comme ça et pas autrement. On peut l'ouvrir, l'expliquer, savoir
où sont les valses et comment l'une suit l'autre, dit le maître de musique.
- C'est tout à fait ce que je pense, disait chacun des courtisans.
Le vrai rossignol fut banni du pays et de l'empire.
Un an passa. L'empereur, la cour et tous les Chinois savaient par coeur
chaque valse du rossignol mécanique. Mais un soir...
L'automate chantait, l'empereur était dans son lit et l'écoutait. Tout à coup, à
l'intérieur de l'oiseau, il se fit un " couac ", quelque chose sauta " brrrrr " et la
musique s'arrêta !
L'empereur sauta du lit et appela son médecin, mais qu'y pouvait-il ? Alors on
fit venir l'horloger. Après bien des examens il réussit à réparer tant bien que
mal la mécanique mais il prévint qu'il fallait beaucoup la ménager car les pivots
étaient usés et il n'était pas capable de les remplacer. Quelle déception !
L'oiseau mécanique ne chanta plus qu'une fois par an.
Cinq ans passèrent et tout le pays eut un grand chagrin. L'empereur était très
malade au point de ne pas survivre, disait-on, et un nouvel empereur était élu.
Cependant, l'empereur n'était pas encore mort. Immobile dans son lit, le pau-
vre monarque ne pouvait presque plus respirer. Il lui semblait avoir un poids
énorme sur la poitrine.
Il ouvrit les yeux et vit que c'était la Mort qui était assise, là.
Elle avait mis sa grande couronne d'or et tenait d'une main son sabre d'or,
de l'autre son splendide drapeau. Tout autour d'elle, des têtes étranges per-
çaient, les unes hideuses, les autres gracieuses et aimables. C'étaient les
mauvaises et les bonnes actions de l'empereur qui le regardaient alors que
la Mort était assise sur son coeur.
- Te souviens-tu de cela ? murmuraient-elles. Te souviens-tu de ceci ?
- Je n'ai jamais rien su de tout cela, cria l'empereur. Musique ! Musique !
Petit oiseau précieux, chante ! Chante ! Je t'ai donné de l'or et des bijoux,
je t'ai donné ma pantoufle d'or. Chante ! Chante !
Mais l'oiseau restait silencieux, personne n'était là pour le remonter et donc,
il ne pouvait chanter. La Mort regardait le moribond et tout était silencieux.
Effroyablement silencieux. Alors s'éleva soudain près de la fenêtre un chant
doux et délicieux, c'était le petit rossignol vivant, assis dans la verdure, au-
dehors. Il avait entendu parler de la détresse de son empereur et il venait lui
chanter consolation et espoir.
Tandis qu'il chantait, les sinistres apparitions s'estompaient, le sang circulait
de plus en plus vite dans les membres affaiblis du mourant et la Mort, elle-
même, écoutait et disait : " Continue petit rossignol, continue."
- Oui, mais donne-moi ce beau sabre d'or, ce riche drapeau, donne-moi la
couronne, donne-moi le sceptre.
Et la Mort donna chaque joyau pour un chant. Alors le rossignol chanta le
cimetière paisible où poussent les roses blanches, où le sureau embaume.
La Mort eut la nostalgie de son jardin et se dissipa comme un froid brouillard
blanc par la fenêtre.
- Merci, merci, dit l'empereur, petit oiseau du ciel, je te reconnais. Je t'ai chas-
sé de mon empire et cependant, tu as repoussé de mon lit mes péchés et la
Mort de mon coeur ! Comment te récompenser ?
- Tu m'as déjà récompensé, dit l'oiseau. J'ai vu des larmes dans tes yeux.
Elles sont le vrai bijou pour le coeur d'un chanteur. Dors maintenant, je vais
chanter pour toi.
Quand l'empereur se réveilla, ses serviteurs étaient là dans sa chambre,
pour voir leur roi mort, et lui leur dit simplement : " Bonjour ! "

 


    2 juillet
Barbe-Bleue
Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la cam-
pagne, de la vaisselle d'or et d'argent, des meubles en broderie, des carros-
ses dorés. Mais, par malheur, cet homme avait la barbe bleue.
Cela le rendait si laid et si terrible, qu'il n'était ni femme ni fille qui ne s'enfuît
de devant lui.
Une de ses voisines, dame de qualité, avait deux filles parfaitement belles.
Il lui en demanda une en mariage, en lui laissant le choix de celle qu'elle
voudrait lui donner. Mais ni l'une ni l'autre ne voulaient d'un homme qui eût
la barbe bleue. Ce qui les dégoûtaient encore plus, c'est qu'il avait épousé
plusieurs femmes et qu'on ne savait ce que ces femmes étaient devenues.
La Barbe-Bleue, pour faire connaissance, les mena avec leur mère et trois
ou quatre de leurs meilleures amies et quelques jeunes gens du voisinage,
à une de ses maisons de campagne, où on demeura huit jours entiers. Ce
n'était que promenades, parties de chasse et de pêche, que danses et fes-
tins. Enfin, tout alla si bien que la cadette commença à trouver que le maître
du logis n'avait plus la barbe si bleue et que c'était un fort honnête homme !
Dès qu'on fut de retour à la ville, le mariage se conclut...
Au bout d'un mois, la Barbe-Bleue dit à sa femme qu'il était obligé de faire
un voyage en province de six semaines au moins, pour une affaire de consé-
quence. Il la priait de se bien divertir pendant son absence, qu'elle fît venir
ses bonnes amies, qu'elle les menât à la campagne, si elle voulait, que
partout elle fît bonne chère :
- Voilà, lui dit-il, les clefs des deux garde-meubles. Voilà celle de la vaisselle
d'or et d'argent. Voilà celle de mes coffres-forts où est mon or et mon argent,
celle de mes cassettes où sont mes pierreries, et le passe-partout de tous
les appartements. Pour cette petite clef-ci, c'est la clef du petit cabinet au
bout de la grande galerie du bas. Ouvrez tout, allez partout ! Mais pour ce
petit cabinet, je vous défends d'y entrer. Je vous le défends de telle sorte
que, s'il vous arrive de l'ouvrir, il n'y a rien que vous ne deviez attendre de
ma colère !
Elle promit d'observer exactement tout ce qu'il lui ordonnait. Et lui, après
l'avoir embrassée, monta dans son carrosse et partit pour son voyage. Les
voisines et les bonnes amies n'attendirent pas qu'on les envoyât quérir pour
aller chez la jeune mariée, tant elles avaient hâte de voir toutes les richesses
de sa maison, n'ayant osé y venir tant que le mari y était car il leur faisait
peur.
Les voilà aussitôt à parcourir les chambres, les garde-robes, toutes plus bel-
les et plus riches les unes que les autres. Elles ne pouvaient assez admirer
le nombre et la beauté des lits, des sofas, des guéridons, desmiroirs où l'on
se voyait depuis les pieds jusqu'à la tête ! Elles ne cessaient d'envier le bon-
heur de leur amie qui, cependant, ne se divertissait point à cause de l'impa-
tience qu'elle avait d'aller ouvrir le petit cabinet de la galerie du bas.
Elle fut si pressée de sa curiosité, que, sans considérer qu'il était malhonnête
de quitter sa compagnie, elle descendit par un escalier dérobé avec tant de
précipitation qu'elle manqua se rompre le cou deux ou trois fois !
Arrivée devant la porte du cabinet, elle s'arrêta et songea à la défense que son
mari lui avait faite. Mais la tentation était si forte qu'elle ne put la surmonter :
elle prit la petite clef et ouvrit en tremblant la porte du cabinet.
D'abord elle ne vit rien parce que les fenêtres étaient fermées. Après quel-
que temps, elle commença à voir que le plancher était couvert de sang caillé,
dans lequel se miraient les corps de plusieurs femmes mortes, attachées
le long des murs : c'étaient toutes les femmes que la Barbe-Bleue avait
épousées et qu'il avait égorgées l'une après l'autre.
Elle pensa mourir de peur. La clef du cabinet qu'elle venait de retirer de la
serrure lui tomba de la main. Après avoir un peu repris ses sens, elle ramas-
sa la clef, referma la porte et monta à sa chambre pour se remettre un peu.
Ayant remarqué que la clef du cabinet était tachée de sang elle l'essuya
deux ou trois fois, mais le sang ne s'en allait point ! Elle eut beau la laver
et même la frotter avec du sable et du grès, il y demeura toujours du sang,
car la clef était fée. Il n'y avait pas moyen de la nettoyer tout à fait : quand
on ôtait le sang d'un côté, il revenait de l'autre.
La Barbe-Bleue revint de son voyage le soir même. Il dit qu'il avait reçu une
lettre en chemin qui lui avait appris que l'affaire pour laquelle il était parti
venait de se conclure à son avantage. Sa femme fit tout ce qu'elle put pour
lui témoigner qu'elle était ravie de son prompt retour.
Le lendemain il lui demanda les clefs. Elle les lui donna d'une main si trem-
blante qu'il devina sans peine tout ce qui s'était passé. Et, considérant la clef
du petit cabinet :
- D'où vient, lui dit-il, qu'il y a du sang sur cette clef ?
- Je n'en sais rien, répondit la pauvre femme plus pâle que la mort.
- Vous n'en savez rien ? reprit la Barbe-Bleue. Je le sais bien, moi ! Vous
avez voulu entrer dans le cabinet. Eh bien, madame, vous y entrerez et irez
prendre place auprès des dames que vous y avez vues !
Elle se jeta aux pieds de son mari en pleurant et en lui demandant pardon
avec toutes les marques d'un vrai repentir. Elle aurait attendri un rocher mais
la Barbe-Bleue avait un coeur plus dur qu'un rocher :
- Il faut mourir, madame, et tout de suite !
- Puisqu'il faut mourir, lui dit-elle les yeux baignés de larmes, donnez-moi
un peu de temps pour prier Dieu.
- Je vous donne un demi-quart d'heure mais pas un moment davantage !
Lorsqu'elle fut seule, elle appela sa soeur aînée et lui dit :
- Anne ma soeur, monte je te prie, sur le haut de la tour, pour voir si mes
frères ne viennent point. Ils m'ont promis qu'ils viendraient me voir aujourd'hui.
Si tu les vois, fais leur signe de se hâter.
Anne monta sur le haut de la tour. La pauvre affligée lui criait de temps en
temps : - Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Et la soeur Anne répondait :
- Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie.
Cependant, la Barbe-Bleue, tenant un grand coutelas à la main, criait de
toute sa force : - Descends vite, ou je monterai là-haut !
- Encore un moment, lui répondait sa femme.
Et aussitôt elle criait tout bas : - Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Anne répondait :
- Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie.
- Ne veux-tu pas descendre ? criait la Barbe-Bleue.
- Je viens ! répondait-elle et aussitôt elle criait à sa soeur :
- Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
- Je vois, répondit Anne, deux cavaliers qui viennent de ce côté, mais ils
sont bien loin encore ! Je leur fais signe tant que je peux de se hâter.
- Dieu soit loué ! Ce sont mes frères.
La pauvre femme descendit et alla se jeter tout éplorée et échevelée aux
pieds de la Barbe-Bleue.
- Celà ne sert de rien, dit la Barbe-Bleue. Il faut mourir.
Puis, la prenant d'une main par les cheveux, et de l'autre levant le coutelas
en l'air il allait la tuer...
Quand, au même moment, on heurta si fort à la porte que la Barbe-Bleue
s'arrêta tout court. On ouvrit et aussitôt on vit entrer deux cavaliers qui,
mettant l'épée à la main, coururent droit à la Barbe-Bleue. Il reconnut que
c'étaient les frères de sa femme, tous les deux mousquetaires, de sorte
qu'il s'enfuit aussitôt pour se sauver.
Mais les deux frères le poursuivirent de si près qu'ils l'attrapèrent avant
qu'il pût gagner le perron. Ils lui passèrent leur épée au travers du corps
et le laissèrent mort !
La pauvre femme était presque aussi morte que son mari et n'avait pas la
force de se lever pour embrasser ses frères.
Il se trouva que la Barbe-Bleue n'avait pas d'héritiers et qu'ainsi, sa femme
demeura maîtresse de tous ses biens. Elle en employa une partie à marier
sa soeur Anne avec un jeune gentillhomme dont elle était aimée depuis
longtemps. Une autre partie servit à acheter des charges de capitaine à
ses deux frères.
Avec le reste elle se maria elle-même à un fort honnête homme qui lui fit
oublier le mauvais temps qu'elle avait passé avec la Barbe-Bleue.

 


     2 aout
Les fées
Il était une fois une veuve qui avait deux filles.
L'aînée lui ressemblait si fort, et d'humeur et de visage, que
qui la voyait, voyait la mère. Elles étaient toutes deux si désa-
gréables et si orgueilleuses, qu'on ne pouvait vivre avec elles.
La cadette, qui était le vrai portrait de son père pour la douceur
et l'honnêteté, était avec cela une des plus belles filles qu'on eût
su voir.
Comme on aime naturellement son semblable, cette mère
était folle de sa fille aînée, et en même temps avait une aver-
sion effroyable pour la cadette. Elle la faisait manger à la
cuisine et travailler sans cesse.
Il fallait, entre autres choses, que cette pauvre enfant allât,
deux fois le jour, puiser de l'eau à une grande demi-lieue du
logis, et qu'elle en rapportât une pleine cruche.
Un jour qu'elle était à la fontaine, il vint à elle une pauvre
femme qui la pria de lui donner à boire.
- Oui-da, ma bonne mère, dit cette belle fille.
Et, rinçant aussitôt sa cruche, elle puisa de l'eau au plus bel
endroit de la fontaine, et la lui présenta, soutenant toujours la
cruche, afin qu'elle bût plus aisément.
La bonne femme, ayant bu, lui dit :
-Vous êtes si belle, et si bonne et si honnête, que je ne peux
m'empêcher de vous faire un don (car c'était une fée qui avait
pris la forme d'une pauvre femme de village, pour voir jusqu'où
irait l'honnêteté de cette jeune fille). Je vous donne pour don,
poursuivit la fée, qu'à chaque parole que vous direz il vous
sortira de la bouche ou une fleur, ou une pierre précieuse.
Lorsque cette belle fille arriva au logis, sa mère la gronda de
revenir si tard de la fontaine. " Je vous demande pardon, ma
mère, d'avoir tardé si longtemps." dit cette pauvre fille.
Et, en disant ces mots, il sortit de sa bouche deux roses, deux
perles, et deux gros diamants.
- Que vois-je là ? dit sa mère tout étonnée. Je crois qu'il lui
sort de la bouche des perles et des diamants ! D'où vient cela,
ma fille ?
Ce fut la première fois qu'elle l'appela sa fille. La pauvre enfant
lui raconta naïvement tout ce qui lui était arrivé, non sans jeter
une infinité de diamants.
- Vraiment, dit la mère, il faut que j'y envoie ma fille aînée ! Tenez,
Fanchon, voyez ce qui sort de la bouche de votre soeur quand
elle parle. Ne seriez-vous pas bien aise d'avoir le même don ?
Vous n'avez qu'à aller puiser de l'eau à la fontaine, et quand
une pauvre femme vous demandera à boire, lui en donner
bien honnêtement.
- Il me ferait beau voir aller à la fontaine ! répondit la brutale.
- Je veux que vous y alliez, reprit la mère, et tout de suite.
Elle y alla, mais toujours en grondant. Elle prit le plus beau
flacon d'argent qui fût dans le logis. Elle ne fut pas plutôt arrivée
à la fontaine, qu'elle vit sortir du bois une dame magnifiquement
vêtue, qui vint lui demander à boire.
C'était la même fée qui avait apparu à sa soeur, mais qui
avait pris l'air et les habits d'une princesse, pour voir jusqu'où
irait la malhonnêteté de cette fille.
- Est-ce que je suis venue pour vous donner à boire ? lui dit cette
brutale orgueilleuse. Justement, j'ai apporté un flacon d'argent
tout exprès pour donner à boire à Madame ! J'en suis d'avis :
buvez à même la fontaine, si vous voulez.
- Vous n'êtes guère honnête, reprit la fée sans se mettre en colère.
Eh bien ! puisque vous êtes si peu obligeante, je vous donne pour
don, qu'à chaque parole que vous direz, il sortira de votre bouche
ou un serpent ou un crapaud.
D'abord que sa mère l'aperçut, elle lui cria : Eh bien, ma fille ?
- Eh bien, ma mère ? lui répondit la brutale en jetant deux vipères
et deux crapauds.
- Oh ciel ! s'écria la mère, que vois-je là ? C'est sa soeur qui en
est la cause. Elle me le payera !
Et, aussitôt elle courut pour la battre.
La pauvre enfant s'enfuit, et alla se sauver dans la forêt pro-
chaine. Le fils du roi, qui revenait de la chasse, la rencontra, et,
la voyant si belle, lui demanda ce qu'elle faisait là toute seule, et
ce qu'elle avait à pleurer.
- Hélas ! Monsieur, c'est ma mère qui m'a chassée du logis.
Le fils du roi qui vit sortir de sa bouche cinq ou six perles et
autant de diamants, la pria de lui dire d'où cela lui venait. Elle lui
raconta toute son aventure. Le fils du roi en devint amoureux et,
considérant qu'un tel don valait mieux que tout ce qu'on pouvait
donner en mariage à une autre, l'emmena au palais du roi son
père, où il l'épousa.
Pour sa soeur, elle se fit tant haïr, que sa propre mère la chassa
de chez elle. La malheureuse après avoir bien couru sans trouver
personne qui voulût la recevoir, alla mourir au coin d'un bois.

 


     18 septembre
Le petit chaperon rouge
Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu'on eût su
voir. Sa mère en était folle, et sa grand-mère plus folle encore.
Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon* rouge qui lui
seyait si bien, que partout on l'appelait le Petit Chaperon Rouge.
Un jour, sa mère, ayant fait des galettes, lui dit :
- Va voir comment se porte ta mère-grand car on m'a dit qu'elle
était malade. Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre.
Le Petit Chaperon Rouge partit aussitôt pour aller chez sa
mère-grand, qui demeurait dans un autre village.
En passant dans un bois, elle rencontra compère le Loup qui
eut bientôt envie de la manger. Mais il n'osa, à cause de quelques
bûcherons qui étaient dans la forêt.
Il lui demanda où elle allait.
La pauvre enfant qui ne savait pas qu'il était dangereux de s'arrêter
à écouter un loup, lui dit :
- Je vais voir ma mère-grand, et lui porter une galette avec un pot
de beurre que ma mère lui envoie.
- Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le Loup.
- Oh, oui ! lui dit le Petit Chaperon Rouge. C'est par-delà le petit
moulin que vous voyez là-bas, là-bas, à la dernière maison du
village.
- Eh bien ! dit le Loup, je veux l'aller voir aussi : j'y vais par ce che-
min-ci, et toi par ce chemin-là, et nous verrons à qui le plus tôt y
sera.
Le Loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était
le plus court. Et la petite fille s'en alla par le chemin le plus long,
s'amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons
et à faire des bouquets de petites fleurs qu'elle rencontrait.
Le Loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la mère-
grand. Il heurte. Toc, toc...
- Qui est là ?
- C'est votre petite-fille, le Petit Chaperon Rouge, dit le Loup en
contrefaisant sa voix, qui vous apporte une galette et un petit pot
de beurre que ma mère vous envoie.
La bonne mère-grand, qui était dans son lit, à cause qu'elle se
trouvait un peu mal, lui cria :
- Tire la chevillette, la bobinette cherra.
Le Loup tira la chevillette, et la porte s'ouvrit.
Il se jeta sur la bonne femme et la dévora en moins de rien, car il
y avait plus de trois jours qu'il n'avait mangé.
Ensuite il ferma la porte, et s'alla coucher dans le lit de la mère-
grand, en attendant le Petit Chaperon Rouge, qui, quelque temps
après, vient heurter à la porte.
Toc, toc...
- Qui est là ?
Le Petit Chaperon Rouge, qui entendit la grosse voix du Loup, eut
peur d'abord, mais, croyant que sa mère-grand était enrhumée,
elle répondit :
- C'est votre petite-fille, le Petit Chaperon Rouge, qui vous apporte
une galette et un petit pot de beurre que ma mère vous envoie.
Le Loup lui cria en adoucissant un peu sa voix :
- Tire la chevillette, la bobinette cherra.
Le Petit Chaperon Rouge tira la chevillette, et la porte s'ouvrit.
Le Loup, la voyant entrer, lui dit, en se cachant dans le lit sous la
couverture :
- Mets la galette et le pot de beurre sur la huche et viens te cou-
cher à côté de moi.
Le Petit Chaperon Rouge se déshabilla et alla se mettre dans
le lit où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand
était faite en son déshabillé. Elle lui dit :
- Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
- C'est pour mieux t'embrasser*, mon enfant...
- Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
- C'est pour mieux courir, mon enfant...
- Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
- C'est pour mieux t'écouter, mon enfant...
- Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
- C'est pour mieux te voir, mon enfant...
- Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
- C'est pour mieux te manger, mon enfant...
Et, en disant ces mots, le méchant Loup se jeta sur le Petit
Chaperon rouge et la mangea.

 


     18 octobre
Le Tohu-Bohu
Cette histoire s'est passée au temps où les poules avaient des
dents.
Un jour de la semaine des quatre jeudis, le roi de Prusse convoqua
son plus fidèle valet :
- J'ai une mission très délicate à te confier ! Depuis plusieurs
mois, une rumeur hante mon royaume, je n'en dors plus de la
nuit. Il paraît que j'ai une araignée dans le plafond ! Il faut abso-
lument que tu me débarrasses de cette horrible bestiole. Voici
la clé qui ouvre la porte de mon plafond, je te donne carte blanche.
Il faut avouer que le valet n'aimait pas vraiment travailler pour le roi
de Prusse. Mais cette fois-ci, ce travail inattendu lui sembla digne
d'intérêt et allait enfin le changer des corvées habituelles. Le valet
prit donc l'énorme clé et la petite carte, puis commença l'ascension
de l'interminable escalier qui menait au plafond du roi…Au bout de
plusieurs heures, il aperçut enfin une porte minuscule.
Le valet tourna péniblement la lourde clé dans la serrure. La porte
s'ouvrit sur une peinture surprenante qui s'appelait le Tohu-Bohu !
Dans cet univers étrange vivait une multitude d'êtres extrava-
gants. On pouvait observer des gens qui avaient le bras long, un
poil dans la main (pouvant servir de canne), la tête dans les
nuages, une tête de linotte, une langue de vipère ou une bouche
cousue, des yeux plus gros que le ventre, des yeux de merlan frit.
Plusieurs d'entre eux avaient même presque tout à la fois.
On rencontrait aussi des hommes de plume, de paille, de sac et
de corde, cousus d'or, des gens tout sucre tout miel, ou tout feu
tout flamme, des créatures bizarres telles que des dictionnaires
vivants, des pique-assiettes, des boute-en-train, des rabat-joie,
des rastaquouères, des raminagrobis, des grands manitous, des
as de pique, des maîtres Aliboron, des moulins à paroles et des
barbacoles, des vieilles badernes et des cordons bleus... Ouf !
Arrêtons-nous là, car la liste n'en finit pas !
Et puis, on découvrait une faune extraordinaire : Des oiseaux
rares, des merles blancs, des rossignols d'Arcadie, des gobe-
mouches, des rats de bibliothèque , des moutons de Panurge,
des brebis galeuses, des boucs émissaires, des vieux macaques,
etc. Mais l'araignée dans tout ça ?
Les habitants du Tohu-Bohu exerçaient des métiers originaux :
On croisait des fileurs de mauvais coton, des enfonceurs de
portes ouvertes, des chasseurs de coquecigrues, des dénicheurs
de merles, des semeurs de zizanie, des joueurs de badigoince,
des casseurs de sucre (sur le dos des autres), des empêcheurs
de tourner en rond.
La plupart des Tohubohuciens s'adonnaient à des activités peu
banales. Certains broyaient du noir , brouillaient les cartes, mélan-
geaient les torchons et les serviettes, cassaient les cheveux en
quatre ou peignaient la girafe, d'autres tournaient autour du pot ou
découvraient le pot aux roses, d'autres encore nageaient entre deux
eaux, pêchaient en eau trouble ou volaient de leurs propres ailes...
Tout le mondes semblait trop occupé pour avoir aperçu une
araignée !
Toutes ces personnes fantasques vivaient dans des lieux insolites,
on s'en serait douté !
Ils étaient dans le bain, dans les pommes, dans la mouise, dans
les vignes du seigneur ou dans les brindezingues, dans la fleur de
l'âge, sur des lits de roses, dans de beaux draps, dans leurs petits
souliers ou sur un grand pied, au pied de la lettre, au pied du mur,
au septième ciel et même dans la lune (la lune du Tohu-Bohu bien
sûr). Mais dans tous ces endroits inhabituels, point d'araignée !
Le valet alla trouver les gens qui passaient toutes sortes de
choses peu ordinaires :
" Nous passons au bleu, nous passons la pommade, l'éponge, le
savon, mais nous n'avons pas vu passer d'araignée ! Pourtant,
nous passons tout au peigne fin ! "
Alors, il rencontra ceux qui mettaient des choses bizarres :
" Nous mettons la charrue avant les bœufs, les bâtons dans les
roues, les ailes au talon, du foin dans les bottes, les pieds dans le
plat, la main à la pâte, du noir sur du blanc, nous mettons le holà,
les pendules à l'heure, les points sur les i, mais cette araignée-ci
doit avoir le point sur le i, car nous ne l'avons pas vu passer ! "
Sans se décourager pour autant, le serviteur se dirigea vers ceux
qui cherchaient des choses abracadabrantes : " Nous cherchons
d'où vient le vent, midi à quatorze heures, une aiguille dans une
botte de foin, un poil sur les œufs, nous cherchons des noises, ou
la petite bête, mais nous ne cherchons pas d'araignée ! "
Puis il se tourna vers les gens qui vendaient et donnaient de nom-
breuses choses assez singulières :
" Nous vendons la peau de l'ours, nous vendons la mèche... Nous
donnons des tuyaux, du fil à retordre, du tintouin, nous donnons la
langue au chat. Mais nous ne vendons ni ne donnons d'araignée ! "
Déçu, le valet s'adressa aux personnes qui avaient des tas de
drôles de choses :
" Nous avons des absences, du nez, du toupet, du chic, un cheveu
sur la langue, nous avons la berlue, le cafard, la puce à l'oreille,
mais vous n'avez pas de chance, nous n'avons pas d'araignée ! "
Alors sans grand espoir, il alla trouver les gens qui faisaient
beaucoup de choses :
" Nous faisons du boucan, du chambard, des chichis, des esbrou-
fes, du flafla, des salamalecs... Nous faisons aussi la nique, la
nouba, le mariole, la navette et même la pluie et le beau temps et le
lézard de temps en temps ! Mais nous sommes désolés, nous ne
faisons pas d'araignée ! "
Fort désappointé, le valet quitta ce pays fantastique.
Cependant, il prit soin d'emporter avec lui quelques souvenirs du
Tohu-Bohu : Du toupet, un savon, un sac de poudre d'escampette
d'excellente qualité et une petite bête, une mouche pour être plus
précis. Après tout, elle pourrait remplacer l'araignée. Le roi qui
n'avait pas inventé la poudre, n'y verrait peut-être que du bleu !
Le valet retourna donc auprès du roi de Prusse et lui présenta
l'insecte noir dans une belle cage dorée. Le roi prit quand même la
mouche, rit jaune, vit tout rouge, entra dans une colère noire et
voulu envoyer son digne serviteur sur les roses.
Mais le valet qui avait du toupet lui passa un savon et prit la poudre
d'escampette ! Quant au roi, il passa une nuit blanche.
Un conte à dormir debout, en somme !

 


     18 novembre
Le roi mendiant
Il y a bien longtemps, dans un royaume
oublié de tous, vivait un roi juste et bon.
Ses sujets l'aimaient profondément. Il
n'avait qu'une pensée : soulager les
miséreux. Son cœur n'abritait qu'un
désir : apporter une vie meilleure dans
tous les foyers. Il songeait peu à lui...
Or, un jour qu'il rentrait d'un lointain
voyage aux frontières de son royaume,
s'étant arrêté dans un village pour boire
et se restaurer, il aperçut une jeune et
jolie bergère.
Elle allait légère, insouciante, répandant
la joie partout où elle se rendait.
Il fut troublé, ému, rempli d'une émotion
qu'il n'avait jamais connue. Elle était
lumineuse et il se prit à espérer son
amour comme on espère le soleil après
le long hiver.
C'est l'âme remplie de sa bergère que le
roi retourna dans sa capitale.
Les jours passèrent et la passion dont
il brûlait le tourmentait chaque jour un
peu plus. Plus que tout, il désirait l'amour
de la bergère et pour arriver à ses fins il
était tenté d'user de son pouvoir.
N'était-il pas maître de tous ses sujets,
n'avait-il pas droit de vie et de mort sur
chacun d'eux ?
Il pouvait envoyer chercher la jeune
paysanne par ses serviteurs et ordonner
le mariage.
Il pouvait aussi apprêter son carrosse,
se présenter devant elle dans ses plus
riches vêtements et tenter de la séduire
grâce à tout ce qu'il possédait. Mais le
roi espérait autre chose de beaucoup
plus précieux : être aimé pour lui-même !
Un soir sa décision fut prise. Il appela
son intendant et lui remit la charge de
son royaume. Il laissa là ses beaux
habits et se revêtit de loques.
Cheminant sur les routes, quémandant
sa nourriture, dormant dans les fourrés,
il se fit mendiant parmi les mendiants.
Enfin il arriva au bourg où vivait la bergère
et son cœur s'emplit de joie à la revoir.
Il se tint là, tranquille, rendant service
quand il le pouvait, se nourrissant de ce
que les gens voulaient bien lui donner.
Le roi était fort sage.
Puisqu'il avait décidé de se faire aimer
pour lui-même il convint d'offrir à sa
bergère les perles de son âme, les
diamants de son esprit et les joyaux
de son cœur loyal qui battait pour elle
sous cette immonde souquenille de
mendiant.
Jour après jour, il apprivoisa sa pastou-
relle. Chaque matin, il quittait la cahute
de branchages dans laquelle il dormait
pour aller quêter à un endroit où il savait
qu'elle passerait infailliblement. Il fit en
sorte de croiser chaque jour son chemin
pour qu'elle s'habitue doucement à sa
présence.
Bien qu'il eût pu la couvrir d'or et de
fourrures, l'entourer des plantes les plus
rares que ses jardiniers cultivaient dans
les serres royales, il se contentait de
l'aider à transporter ses seaux de lait,
ou parfois de lui offrir une fleur cueillie
au revers d'un talus. Il était heureux.
Il aurait voulu lui éviter les travaux
pénibles qui gerçaient ses petites mains,
la décharger des peines sous lesquelles
ployaient ses épaules, la soustraire à
cette vie rude qui la ferait vieillir avant
l'âge. Il choisit de se faire conteur et à
travers les contes merveilleux qu'il
inventait pour elle il soulageait sa
misère en lui permettant de rêver.
La bergère fut d'abord surprise et gênée
de l'attitude de ce pauvre. "Que me veut
ce mendiant se demanda-t-elle, que
vient-il m'importuner ?" Elle fut ensuite
touchée de tant de sollicitude assidue.
Personne n'avait jamais agi de la sorte
avec elle.
Elle avait vu depuis longtemps dans le
regard envieux des autres filles qu'elle
était belle.
Mais si les jeunes gens la désiraient,
personne ne l'aimait. Ainsi elle avait déjà
rencontré la méchanceté et le calcul
cachés sous de riches vêtements mais
pour la première fois elle rencontrait la
délicatesse enfouie sous les hardes
d'un miséreux.
Elle se disait en elle-même :
-"Cet homme est sans le sou, ses
vêtements sont en pièces, mais ce que
je vois briller dans ses yeux vaut tout l'or
du monde."
Un jour, elle se surprit à attendre avec
impatience le moment de leur rencontre.
Mais ce jour-là, le mendiant ne vint pas.
Le lendemain, alors qu'elle se rendait
au marché, elle l'attendit encore, mais
encore une fois, le mendiant ne vint pas.
Le surlendemain, elle ne prit pas le
chemin le plus court pour aller vendre
ses fromages mais celui qui passait
devant la cabane du mendiant. Elle fut
surprise d'en voir sortir une vieille femme
au visage soucieux. S'approchant d'elle,
la bergère lui demanda :
-"Grand-mère, le mendiant qui vit là est-il
votre fils ?"
La vieille lui répondit qu'elle n'avait pas
de fils. Elle n'était qu'une voisine pour
laquelle ce mendiant s'était montré plus
affectueux et plus attentif qu'aucun fils
au monde.
Hélas, depuis trois jours il était couché,
dévoré de fièvre, en grand danger de
mourir.
Sur ces derniers mots de grosses
larmes coulèrent le long de ses rides.
La jeune fille entra et s'approcha du
grabat où gisait le mendiant.
Elle s'agenouilla près de lui et posa sa
main fraîche sur son front brûlant. A cet
instant il ouvrit les yeux, quand il l'eût
reconnue un bref sourire illumina sa
figure émaciée. Puis tout disparu et ses
paupières se fermèrent de nouveau.
Son teint de rouge qu'il était, devint
livide, son souffle était imperceptible.
La vieille se tordait les mains, elle
gémissait : -"Il est mort !"
Mais la bergère qui s'était penchée pour
écouter le cœur du mendiant leva vers
elle un regard radieux et lui dit :
-"Non, grand-mère : il vit. La fièvre est
tombée, à présent il dort. Rentrez chez
vous, vous reposer. Je resterai ici tout le
temps nécessaire."
Ainsi fit-elle : chaque matin elle arrivait
pour relayer la vieille qui veillait le
mendiant pendant la nuit.
Tout le jour elle chantait doucement
pour bercer son sommeil, elle tenait sa
cabane aussi propre qu'il était possible,
elle taillait de tous petits morceaux de
ses fromages pour les lui faire avaler, lui
faisait boire du lait de ses bêtes.
Bientôt le mendiant fut capable de
rester de longs moments éveillé et
ses forces revenaient.
Mais il fit semblant d'être plus faible qu'il
ne l'était de peur que la bergère ne vint
plus le voir.
Tous les soirs, quand la bergère rentrait
chez elle, elle ressentait chaque pas
qui l'éloignait du mendiant comme une
souffrance. Elle aurait voulu rester auprès
de lui pour toujours. Les moments qu'ils
avaient passés ensemble étaient devenus
la joie de ses jours et elle comprit qu'elle
l'aimait.
Elle n'avait plus d'autre désir que de
partager le paisible quotidien de cet
homme, aussi pauvre fût-il.
Un jour qu'elle se tenait près de lui,
silencieuse, le mendiant pris sa main
et la garda serrée entre les siennes.
Il commença à lui raconter l'histoire de ce
roi qui avait peur d'être aimé seulement
pour son titre et sa gloire et qui, par
amour d'une bergère s'était fait mendiant.
Comme il s'arrêtait de parler sans dire la
fin de son conte, elle lui demanda en riant
(car elle était loin d'imaginer la vérité) :
-"Eh ! bien ? Que sont devenus ce
roi-mendiant et cette bergère ?"
Il lui répondit qu'il ne tenait qu'à elle de
donner un dénouement heureux à leur
sort.  
Il lui révéla qu'il était le souverain de ce
royaume et qu'elle était pour toujours la
reine de son cœur. Que sans elle il ne
serait réellement qu'un mendiant, le plus
pauvre d'entre tous les mendiants : un
mendiant de l'amour.
Ils se sont mariés. Ils ont été très, très
heureux. Ils ont su rendre heureux ceux
qui les entouraient.
C'était il y a bien longtemps, dans un
royaume oublié de tous.
Leur histoire est restée dans la mémoire
des hommes.

 


     18 janvier
L' idiot
Il y a longtemps, dans mon village, vivait un idiot. Il avait
des idées bien particulières sur beaucoup de choses.
Par exemple, le vent : il pensait qu'il y avait dans le ciel
un énorme ballon aux multiples embouchures fermées
par des liens lesquels, régulièrement se dénouaient et
libéraient toute la masse d'air contenue dans ce ballon.
Ceci provoquait les tempêtes, les bourrasques, les bises,
brises et autres alizés.
Pour s'amuser un brin, les villageois qui le croisaient
dans la rue, les jours de grand vent lui demandaient :
- Alors, l' Idiot ! Toutes les ficelles ont lâché aujourd'hui ?
Et l' Idiot répondait :
- Ah, ça oui ! Ah, bin oui !
Les gens, qui tenant son chapeau, qui retenant sa jupe, riaient, riaient
: " Mais qu'il est donc idiot, l'Idiot."
De même, pour la chaleur du soleil, l'Idiot avait vraiment
réfléchi. Il était arrivé à l'explication suivante : d'immenses
forêts couvraient une partie de la surface du soleil. Ces
forêts étaient coupées par un bûcheron géant qui livrait
ses bûches à un autre géant, chargé de les brûler dans
un brasier démesuré, à l'opposé des forêts.
Le fameux ballon à vent contribuait à entretenir le feu en
soufflant sur les braises. Toutefois, puisque la nuit il n'y
a pas de soleil et qu'il fallait bien que les géants dorment,
le soir ils devaient recouvrir de cendres les charbons
ardents, comme le faisait sa mère dans la cheminée
de la cuisine, avant d'aller au lit.
Pour s'amuser un brin, les villageois qui le croisaient
dans la rue, les jours de canicule, lui disaient :
- Alors, l' Idiot ? Ils y vont fort les géants, là-haut !
Et l' Idiot répondait : - Ah, ça oui ! Ah, bin oui !
Les gens s'épongeaient le front et riaient, riaient.
" Mais qu'il est donc idiot, l'Idiot ! "
Un jour, mon grand-oncle Fernand demanda à l' Idiot :
- La pluie, d'où vient-elle ?
L' Idiot le regarda d'un petit air futé et lui dit :
- Monsieur, c'est bien simple. La lune apparaît toujours
au moment où on éteint le soleil. Elle travaille donc cons-
tamment dans le froid. Subséquemment, elle s'enrhume.
Et voilà !
- Et voilà ? dit mon grand-oncle.
- Certainement, voilà ! Elle tousse, elle éternue et en
faisant tout cela, elle postillonne, Monsieur, comme tout
le monde ! Et où ça retombe ? Ici, bien sûr.
Pour s'amuser un brin, les villageois qui le croisaient
dans la rue, sous la pluie battante, lui disaient :
- Alors, l'Idiot ? Elle est drôlement enrhumée, la lune !
Et l' Idiot répondait : - Ah, ça oui ! Ah, bin oui !
Les gens pressaient le pas et riaient, riaient.
- Mais qu'il est donc idiot, l'Idiot !
Bien que l' Idiot approchât cinquante ans, son esprit
restait celui d'un tout petit enfant. Sa mère soupirait. Un
souci la rongeait : elle était vieille à présent, que devien-
drait son fils quand le moment serait venu pour elle de
quitter son village ? Elle pleurait souvent.
Quand l' Idiot rentrait chez lui, qu'il voyait pleurer sa mère,
il se jetait à ses pieds, posait sa tête sur ses genoux et
bavait un peu sur son tablier. Elle lui caressait les cheveux
et lui disait : - Paul, mon cher fils, mon petit...
Lui ne voyait rien des murs lépreux, de leurs hardes repri-
sées, des meubles bancals, des rides de sa mère. Il voyait
une reine d'une lumineuse beauté assise sur un trône, vêtue
de soie dans un palais et il était son chevalier.
La grippe espagnole les a emportés. Lui d'abord, elle
deux jours après. Parmi les villageois qui suivaient le convoi
funèbre, personne ne riait. C'était il y a longtemps. Depuis,
la météo a remplacé la poésie. C'est idiot !

 


     18 fevrier
Les ours
Tout à fait au début, les Ours étaient roses parce qu'ils
n'avaient pas de fourrure. Et c'était bien pratique pour se gratter
la peau contre le tronc écailleux des arbres.
Ils n'avaient pas de fourrure parce qu'il faisait très chaud, comme
il peut faire chaud en Afrique. C'était en Afrique.
- Eh ! Les Ours ne vivent pas en Afrique !
- Plus maintenant, mais au début, oui. Ecoute :
La première goutte de la première pluie du premier jour tomba
en Afrique sur la première graine de la première plante. Cette
plante était un arbre à Ours. Un oursier. 
Par parenthèses, l'oursier donne des Oursons et non pas des
oursins comme on le croit souvent. Les oursins vivent dans la
mer, ils piquent très fort. Pas les Ours.
Tous les Ours vivaient contents parmi les plantes et les
animaux que les autres gouttes de la première pluie avaient fait
éclore. Ils mangeaient des fruits bien mûrs et se faisaient
bronzer au soleil africain. Comme la vie était douce !
Cela aurait pu durer longtemps...
Mais un jour arriva l'Escargot, tout essoufflé d'avoir
rampé cinq ou six siècles pour visiter le monde, avec
sa maison sur le dos.
Il était affamé. Comme il n'était pas assez grand pour
cueillir quelque chose à manger, les cornes en bataille,
il se jeta sur le fruit qu'un Ours tenait dans sa patte.
- Attention, petite chose, dit l'Ours, j'aurais pu t'écraser !
L'Escargot est orgueilleux. Il se sentit tellement vexé d'être
appelé "petite chose" qu'il ne trouva d'abord rien à dire.
Puis, considérant l'Ours et sa belle couleur rose il se mit à
ricaner :
- Gros patapouf ! Tu n'as pas honte de te promener tout nu ?
- Je ne suis pas tout nu ! dit l'Ours.
- Si, tu es tout nu ! Hein, les autres, qu'il est tout nu ? cria
l'Escargot, se tournant vers les autres animaux qui jusque là
n'avaient rien vu mais étaient prêts à rire aux dépends d'un autre.
Ils commencèrent à chanter en choeur : 
- Il est tout nu - u ! Il est tout nu - u !
- Tous les Ours sont tous nus, et c'est honteux ! hurla
l'Escargot. Vous devriez partir, très loin et très vite.
- Vous croyez ? demandèrent les Ours tout étonnés.
- Absolument, ab-so-lu-ment ! répondirent les autres en
se roulant par terre à force de rire.
Donc, les Ours s'en allèrent tous.
Lorsque la lune remplaça le soleil dans le ciel, ils
n'étaient pas revenus...
Les animaux attendirent encore, mais le lendemain
les Ours n'étaient toujours pas là.
Les animaux commencèrent à penser qu'au lieu d'avoir
fait une bonne blague, ils avaient fait une grosse bêtise !
Quand la pluie revint en Afrique elle s'étonna de ne voir
aucun Ours.
- Où sont les Ours ? demanda-t-elle à tous les vents.
Les animaux baissèrent la tête, honteux, et n'osèrent pas
parler. Les cigognes revenant du grand Nord lui donnèrent
enfin des nouvelles :
- Les Ours sont dans la grande forêt, près des glaces éternelles.
Les fourmis à leur tour, racontèrent à la pluie comment
l'Escargot s'était moqué des Ours et pourquoi ils étaient partis. 
Alors la pluie, très en colère, dit :
- Escargot ! Je te condamne à ne sortir de ta coquille que
quand je serai là pour te surveiller. Et tu ne sortiras pas
beaucoup parce que je ne suis pas prête à revenir souvent
voir les animaux d'Afrique après ce que vous avez fait, tous
autant que vous êtes !
Les pauvres Ours n'entendirent rien de tout celà.
Ils étaient bien loin de l'Afrique.
Ils avançaient, tout nus, dans la neige et la bise.
Il n'y avait plus de fruits bien mûrs, plus de soleil. Plus
rien ! Rien que la forêt inconnue, hostile. Ils ne savaient
pas qu'ils arrivaient près de la maison de mon aïeul.
Cet hiver-là, Grand-Père, en sortant de sa maison,
entendit sangloter derrière un buisson.
Il s'approcha et découvrit un ours qui pleurait à fendre l'âme, sa
grosse tête posée sur ses pattes repliées.
- Bonjour, frère l'Ours ! lui dit-il.
- Bon - snif - jour... lui répondit l'ours.
- Tu as du chagrin ? lui demanda mon grand-père.
- Oh ! oui, oui, ooouuuuiiiii !!!! dit l'Ours. J'ai perdu mes autres
frères Ours. J'ai faim, j'ai sommeil et j'ai très, très froid.
- Sèche tes larmes, Ours, mon frère. Voici du miel des abeilles,
un manteau fait avec la peau et les poils de mon frère le Loup.
Voilà une grotte bien sèche où tu pourras dormir.
Tout à fait consolé, l'ours mangea, enfila le manteau et alla se 
coucher dans la grotte.
Il était si fatigué qu'il dormit plusieurs mois. Il ne remarqua
même pas que d'autres ours et ourses l'avaient rejoint.
Ils se réveillèrent tous au printemps suivant.
Ils allèrent saluer mon grand-père, et comme il commençait à
faire chaud, ils voulurent retirer leurs manteaux pour les rendre
à Grand-Père. Mais ils ne le purent pas !
Pendant leur long sommeil les poils de frère Loup avaient pris
racine dans leur peau.
- C'est tant mieux, dit mon grand-père. Continuez votre
chemin vers le Nord, vous verrez que vous aurez besoin
de cette fourrure toute l'année pour vous protéger, vous
et vos petits. Au revoir ! Au revoir ! Bonne route !
Voilà comment les Ours d'Afrique ne moururent pas,
et comment ils eurent leur première fourrure grâce à
mon grand-père. Eh oui !

 


     18 mars
Baba-Yaga
Dans un village de la campagne russe vivait une petite fille qui n'a-
vait plus de maman. Son père, qui était déjà assez vieux, se remaria,
mais il ne sut pas bien choisir. Sa nouvelle femme était méchante,
c'était une marâtre. Elle détestait la petite fille et la traitait mal.
- Comment faire pour me débarrasser de cette enfant ? songeait
la marâtre.
Un jour que son mari s'était rendu au marché vendre du blé, elle dit
à la petite fille :
- Va chez ma soeur, ta gentille tante et demande-lui une aiguille et
du fil pour te coudre une chemise.
La petite fille mit son joli fichu rouge et partit.
En route, comme elle était maligne, elle se dit :
- J'irai d'abord demander conseil à ma vraie gentille tante, la soeur
de ma vraie maman.
Sa tante la reçut avec bonté.
- Tante, dit la petite fille, la nouvelle femme de papa m'a envoyée
chez sa soeur lui demander une aiguille et du fil pour me coudre
une chemise. Mais d'abord, je suis venue te demander, à toi, un
bon conseil.
- Tu as eu raison. La soeur de ta marâtre n'est autre que Baba-Yaga,
la cruelle ogresse ! Mais écoute-moi : il y a chez Baba-Yaga un bou-
leau qui voudra te fouetter les yeux avec ses branches, noue un ru-
ban autour deson tronc. Tu verras une grosse barrière qui grince et
qui voudra se refermer toute seule, mets de l'huile sur ses gonds.
Des chiens voudront te dévorer, jette-leur du pain. Enfin, tu verras
un chat qui te crèverait les yeux, donne-lui un bout de jambon.
- Merci bien, ma tante, répondit la petite fille.
Elle marcha longtemps puis arriva enfin à la maison de Baba-Yaga.
Baba-Yaga était en train de tisser.
- Bonjour ma tante.
- Bonjour, ma nièce.
- Ma mère m'envoie te demander une aiguille et du fil pour qu'elle me
couse une chemise.
- Bon, je m'en vais te chercher une aiguille bien droite et du fil bien
blanc. En attendant assieds-toi à ma place et tisse.
La petite fille se mit au métier. Elle était bien contente.
Soudain, elle entendit Baba-Yaga dire à sa servante dans la cour :
- Chauffe le bain et lave ma nièce soigneusement. Je veux la manger
au dîner.
La petite fille trembla de peur. Elle vit la servante entrer et apporter
des bûches et des fagots et de pleins seaux d'eau. Alors elle fit un
grand effort pour prendre une voix aimable et gaie et elle dit à la
servante :
- Eh ! ma bonne, fends moins de bois et pour apporter l'eau, sers-toi
plutôt d'une passoire !
Et elle donna son joli fichu rouge à la servante.
La petite fille regardait autour d'elle de tous les côtés. Le feu com-
mençait à flamber dans la cheminée. Il avait beau être un feu d'ogres-
se, sa flamme était vive et claire. Et l'eau commençait à chanter dans
le chaudron, et bien que ce fût une eau d'ogresse, elle chantait une
jolie chanson.
Mais Baba-Yaga s'impatientait. De la cour, elle demanda :
- Tu tisses, ma nièce ? Tu tisses, ma chérie ?
- Je tisse, ma tante, je tisse.
Sans faire de bruit, la petite fille se lève, va à la porte...
Mais le chat est là, maigre, noir, effrayant ! De ses yeux verts il regar-
de les yeux bleus de la petite fille. Et déjà il sort ses griffes pour les
lui crever. Mais elle lui donne un morceau de jambon cru et lui de-
mande doucement :
- Dis-moi, je t'en prie, comment je peux échapper à Baba-Yaga ?
Le chat mange d'abord tout le morceau de jambon, puis il lisse ses
moustaches et répond :
- Prends ce peigne et cette serviette, et sauve-toi. Baba-Yaga va te
poursuivre en courant. Colle l'oreille contre la terre. Si tu l'entends
approcher, jette la serviette, et tu verras ! Si elle te poursuit toujours,
colle encore l'oreille contre la terre, et quand tu l'entendras sur la
route, jette le peigne et tu verras !
La petite fille remercia le chat, prit la serviette et le peigne et s'enfuit.
Mais à peine hors de la maison, elle vit deux chiens encore plus mai-
gres que le chat, tout prêts à la dévorer. Elle leur jeta du pain tendre
et ils ne lui firent aucun mal.
Ensuite, c'est la grosse barrière qui grinça et qui voulut se refermer
pour l'empêcher de sortir de l'enclos. Mais comme sa tante le lui
avait dit, ellelui versa toute une burette d'huile sur les gonds et la
barrière s'ouvrit largement pour la laisser passer.
Sur le chemin, le bouleau siffla et s'agita pour lui fouetter les yeux.
Mais elle noua un ruban rouge à son tronc, et voilà que le bouleau la
salua et lui montra le chemin. Elle courut, elle courut, elle courut.
Pendant ce temps, le chat s'était mis à tisser.
De la cour, Baba-Yaga demanda encore une fois :
- Tu tisses, ma nièce ? Tu tisses, ma chérie ?
- Je tisse, ma vieille tante, je tisse, répondit le chat d'une grosse voix.
Furieuse, Baba-Yaga se précipita dans la maison. Plus de petite fille !
Elle rossa le chat et cria :
- Pourquoi ne lui as-tu pas crevé les yeux, traître ?
- Eh ! dit le chat, voilà longtemps que je suis à ton service, et tu ne
m'as jamais donné le plus petit os, tandis qu'elle m'a donné du
jambon !
Baba-Yaga rossa les chiens.
- Eh ! dirent les chiens, voilà longtemps que nous sommes à ton ser-
vice, et nous as-tu seulement jeté une vieille croûte ? Tandis qu'elle
nous a donné du pain tendre !
Baba-Yaga secoua la barrière.
- Eh ! dit la barrière, voilà longtemps que je suis à ton service et tu
ne m'as jamais mis une seule goutte d'huile sur les gonds, tandis
qu'elle m'en a versé une pleine burette !
Baba-Yaga s'en prit au bouleau.
- Eh ! dit le bouleau, voilà longtemps que je suis à ton service, et tu
ne m'as jamais décoré d'un fil, tandis qu'elle m'a paré d'un beau
ruban de soie !
- Et moi, dit la servante, à qui pourtant on ne demandait rien, et moi,
depuis le temps que je suis à ton service, je n'ai jamais reçu de toi
ne serait-ce qu'une loque, tandis qu'elle m'a fait cadeau d'un joli
fichu rouge !
Baba-Yaga siffla son mortier qui arriva ventre à terre et elle sauta de-
dans. Jouant du pilon et effaçant ses traces avec son balai, elle s'é-
lança à la poursuite de la petite fille à travers la campagne.
La petite fille colle son oreille contre la terre : elle entend que Baba-
Yaga approche. Alors elle jette la serviette, et voilà que la serviette
se transforme en une large rivière !
Baba-Yaga fut bien obligée de s'arrêter. Elle grince des dents, roule
des yeux jaunes, court à sa maison, fait sortir ses trois boeufs de
l'étable et les amène près de la rivière. Et les boeufs boivent toute
l'eau jusqu'à la dernière goutte.
Alors Baba-Yaga reprend sa poursuite.
La petite fille est loin. Elle colle l'oreille contre la terre. Elle entend
le pilon sur la route. Elle jette le peigne...
Et voilà que le peigne se change en une forêt touffue ! Baba-Yaga
essaie d'y entrer, de scier les arbres avec ses dents. Impossible !
La petite fille écoute : plus rien. Elle n'entend que le vent qui souffle
entre les sapins verts et noirs de la forêt.
Pourtant elle continua de courir très vite parce qu'il commençait à
faire nuit, et elle pensait : " Mon papa doit me croire perdue. "
Le vieux paysan, de retour du marché, avait demandé à sa femme :
- Où est la petite ?
- Qui le sait ! répondit la marâtre. Voilà des heures que je l'ai envoyée
faire une commission chez sa tante.
Enfin, la petite fille, les joues plus roses que jamais d'avoir couru,
arriva chez son père. Il lui demanda :
- D'où viens-tu, ma petite ?
- Ah ! dit-elle, petit père, ma mère m'a envoyée chez ma tante cher-
cher une aiguille et du fil pour me coudre une chemise, mais ma
tante, figure-toi que c'est Baba-Yaga, la cruelle ogresse !
Et elle raconta toute son histoire. Le vieil homme était très en colère.
Il roua de coups la marâtre et la chassa de sa maison en lui ordon-
nant de ne plus jamais revenir.
Depuis ce temps, la petite fille et son père vivent en paix. Je suis pas-
sée dans leur village, ils m'ont invitée à leur table, le repas était très
bon et tout le monde était content.

 


     18 avril
Le grand gros navet
Il était une fois en Russie, un vieil homme qui plantait des graines
de navets. Chaque année, il ramassait de beaux légumes mais,
cette fois, il était particulièrement fier d'un très gros navet.
Il le laissa en terre plus lontemps que les autres, et le navet continua
de grandir. Il devint même si gros que jamais de mémoire d'homme
on n'en avait vu de semblable.
Il s'arrêta enfin de grandir, et le vieil homme pensa alors qu'il était
temps de l'arracher.
Il empoigna le grand gros navet par les feuilles, il tira et tira... Mais
le navet ne bougea pas !
Alors, le grand-père appela la grand-mère pour qu'elle vienne l'aider.
La grand-mère tirait le grand-père, et le grand-père tirait le navet.
Ensemble, ils tirèrent et tirèrent... Mais le navet ne bougea pas !
Alors la grand-mère demanda à sa petite-fille de venir les aider. La
petite-fille tirait la grand-mère, la grand-mère tirait le grand-père, et le
grand-père tirait le navet... Mais le navet ne bougeait toujours pas !
La petite-fille appela le chien pour qu'il vienne les aider.
Le chien tirait la petite-fille, la petite-fille tirait la grand- mère, la
grand-mère tirait le grand-père, et le grand-père tirait le navet.
Mais le grand gros navet ne voulait toujours pas bouger d'un
pouce !
Le chien appela le chat pour qu'il vienne les aider.
Le chat tirait le chien, le chien tirait la petite-fille, la petite-fille tirait
la grand-mère, la grand-mère tirait le grand-père, et le grand-père
tirait le navet.
Mais le grand gros navet ne bougeait toujours pas !
Le chat appela la souris pour qu'elle vienne les aider.
La souris tirait le chat, le chat tirait le chien, le chien tirait la petite-
fille, la petite-fille tirait la grand- mère, la grand-mère tirait le grand-
père, et le grand-père tirait le navet.
Ils tiraient et tiraient aussi fort qu'ils le pouvaient.
D'un seul coup, le grand gros navet sortit de terre et ...
Tout le monde bascula cul par-dessus tête !

 


     18 mai
La peine rigoureuse
Un homme alla au marché acheter un morceau de bœuf.
Le marchand le trompa. Il lui donna de la viande de mauvaise
qualité et lui fit faux poids. L'homme rentrait à la maison avec
sa viande, en proférant des injures, quand il rencontre le Tsar.
Le Tsar lui demande :
- Après qui donc en as-tu ?
- Mes injures sont pour celui qui m'a trompé. J'ai payé le prix de
..trois livres, et on m'en a donné deux ! De la viande de bœuf qui
..ne vaut rien !
Le Tsar lui dit :
- Allons au marché, tu me montreras celui qui t'a trompé.
L'homme retourna sur ses pas et désigna le marchand. Le
Tsar fit peser la viande devant lui. La tromperie était manifeste.
Le Tsar dit à l'homme :
- Eh bien, à quelle peine veux-tu que je condamne le marchand ?
- Ordonne qu'on prélève sur son dos la quantité de chair dont il
..m'a fait tort.
- Soit ! Prends mon couteau et tranche une livre dans le dos du
..marchand. Prends garde que le poids soit exact. Si tu enlèves
..plus ou moins d'une livre, tu en répondras sur ton propre dos.
L'homme ne prit pas le couteau, il se tut et s'en retourna chez lui.

 


     18 juin
Les diables
Il était une fois…
Dans un village appelé Kossoukro, vivaient des diables.
Un jour, un homme de voyage découvre le village, s'y
installe et demande de l'aide à son arrivée. Les diables
l'accueillent. C'est alors qu'il voit un très, très beau
masque sacré.
L'homme veut ce masque ! Il laisse la nuit tomber puis
se met en route vers le masque…
Un diable assis sous un gigantesque fromager le regarde
venir. Et voilà l'homme en position de prendre le masque.
Le diable dit : " Qu'as-tu vu sur le masque ? "
Et le cœur de l'homme se met à se battre...
" Laisse le masque, ne crains rien, nous ne te ferons
rien, pars en paix. Mais sache une chose : voler n'est
pas bon… "

 


     18 juillet
Le masque à la triste figure
Le masque à la triste figure....
Cela se passe dans un village, Abron, avant la naissance
de Jésus-Christ.
Il était une fois une petite fille triste qui n'avait ni père ni
mère.
Elle partit dans un village voisin et soudain, elle aperçoit
une grande cour où personne ne semble habiter. Elle
entre dans la cour et voit un masque qui n'était pas fini.
L'enfant prend le masque, va le décorer à sa façon et
rentre dans son village pour des funérailles.
L'enfant porte le masque pour aller à des funérailles.
Soudain les yeux du masque deviennent rouges, le
corps de l'enfant ne peut plus le porter. Elle tombe,
meurt, et disparaît avec le masque…
Le rouge signifie le sang.
Le marron signifie la triste figure…
Le tout signifie le masque à la triste figure car c'est un
enfant triste qui l'a ramassé.
C'est mon grand-père qui m'a raconté cette histoire.

 


     18 aout
L'arbroussaille
Je ne dirai pas : Il était une fois, car cette histoire dure depuis
la nuit des temps, et elle se continue encore maintenant.
C'est le vent le premier qui l'a racontée.
Il y a fort longtemps, vivait dans un pays bien ordonné une
étrange fillette. Elle avait les cheveux en broussaille, drus et
touffus comme un gros bouquet sur sa tête.
Elle portait ce drôle de nom : Canopée.
En ce temps-là, toutes les choses étaient bien rangées dans
cette contrée, et rien jamais ne venait troubler les habitants.
On avait banni de ce lieu tout ce qui est tumultueux, agité ou
tapageur. Le vent n'avait donc pas le droit de venir s'y prome-
ner.
Alors, depuis son palais, vexé, il observait tout, à l'aide de
ses jumelles en rayons de soleil.
Et voici ce qu'il voyait : La fumée des cheminées ne faisait
pas de tourbillons. Elle s'envolait en fines volutes rectilignes
pour rejoindre les nuages. Ces nuages avaient une forme
rectangulaire, ou parfois triangulaire.
Les arbres sans branches ni feuilles montaient tout droit vers
le ciel, par la voie la plus directe. On aurait dit de longues
tiges munies à leur base de racines énormes qui s'étalaient
sur le sol, toutes parallèles entre elles, comme un jeu de
marelle.
OH ! Comme il aurait aimé souffler un bon coup là-dedans, le
vent !
Mais ça n'était pas permis, car dans cette région, personne
n'aimait le vent…
Mais tout le monde aimait les arbres !
Quand on avait faim, eh bien, on arrachait des racines aux
arbres. On les coupait en petits dés identiques que l'on faisait
cuire à l'eau ou bien rissoler dans l'huile avant de les
assaisonner pour s'en régaler.
Hm mm ! C'était carrément bon !
Le tronc des arbres servait de bois de chauffe ou bien de
matériau de construction. Et pour s'habiller, on taillait des
vêtements tout rayés dans l'écorce soyeuse de certaines
espèces rares.
Oui, vraiment tout le monde aimait les arbres… par intérêt,
mais Canopée elle, les aimait de tout son cœur.
Un jour, elle avait décidé d'avoir … un arbre de compagnie !
Alors, elle s'était fabriqué une petite charrette qu'elle avait
remplie de terre afin d'y installer son protégé.
On avait eu beau la raisonner, elle s'était entêtée :
" Un arbre, c'est un être vivant ! "
Et c'est ainsi qu'on la voyait se promener tirant derrière elle
dans une carriole, une petite tige bien rectiligne à qui elle
faisait la conversation.
Les gens riaient, mais elle ne les écoutait pas.
Les gens se moquaient, mais elle ne les regardait pas.
Elle avait pour seul ami, un petit arbre au tronc bien droit, qui,
comme toutes les plantes de ce terroir d'autrefois, n'avait ni
feuillage ni branchage.
Un, jour, le tronc devint trop long, et les racines trop vastes
pour la petite charrette. Alors, Canopée choisit une jolie
clairière au bord d'un ruisseau pour y installer son arbre.
Chaque fois qu'elle en avait le temps, Canopée venait le voir,
pour lui parler, lui inventer des histoires et des chansons. Et
puis elle le prenait dans ses bras et du bout du nez, lui donnait
des baisers sucrés.
Pour mieux l'écouter, l'arbre devenu grand, s'était mis à
pencher. Oh ! A peine au début. Et puis, de plus en plus, pour
se rapprocher de sa chère Canopée.
Le vent tourmenté et mécontent d'avoir été chassé, observait
le paysage à travers deux rayons de soleil. Il remarqua ce
jeune arbre, le seul de cet endroit à ne pas pousser tout droit.
" Nom d'un tourbillon ! Il faut que je voie ça de plus près ! "
Aussitôt, il mit son grand manteau transparent, celui qui le
rend invisible. Et puis il se dirigea vers l'arbre qui poussait de
travers. Il s'approcha, discrète brise. Quand il frôla le visage
de Canopée, la petite fille lui fit un sourire.
Le vent ravi recommença, un peu plus fort, puis il se mit à
jouer avec les cheveux en forme de bouquet. C'était rigolo !
Et c'est ainsi que naquit la plus ébouriffée de toutes les
amitiés. Les trois bons copains prirent l'habitude de se
retrouver chaque jour pour s'amuser au soleil, mais aussi
sous la pluie.
Canopée chantait, riait et inventait des histoires qui s'envo-
laient, portées par le vent.
Mais voilà : Si le vent s'était étonné de voir cet arbre penché,
les villageois, eux, s'en étaient offusqués.
" Assez des caprices de Canopée ! "
" Elle est de plus en plus échevelée ! "
" Il faut qu'elle soit plus soigneuse avec ses cheveux tout
broussailleux ! "
" Et ce vilain arbre tortueux ! "
Les villageois pleins de colère se précipitèrent vers la petite
clairière où poussait l'arbre de travers. Ils étaient bien décidés
à faire cesser tout désordre :
" Arrachons l'arbre défectueux ! "
Canopée était absente pour la journée. L'arbre était seul près
du petit ruisseau. Tout était calme.
Les villageois s'empressèrent à coup de hache d'attaquer le
tronc.
CRAC !
Ce claquement sec attira l'attention du vent, toujours curieux.
Quand il vit son ami attaqué, blessé, en danger, il se précipita
sans même prendre le temps de mettre son grand manteau
transparent.
Il arriva comme un ouragan, tout noir, tourbillonnant et violent. Il
arracha la hache des mains de ces gredins. Et puis, il se mit à
les pourchasser.
Ah ! Quel désordre mes amis. On courait dans tous les sens
en hurlant ! Le vent tempêtait, tonitruait, fulminait !
Il défit bien des chignons, arracha des chapeaux, dénoua des
foulards et emmêla plein de moustaches.
Echevelé, dépeigné, débraillé, tout le monde cherchait refuge.
Finalement ils s'enfermèrent à l'abri, chacun dans sa maison…
Les habitants de la contrée bien ordonnée, terrifiés, regar-
daient par la fenêtre l'ouragan qui s'affairait là-bas dans la
clairière… Ils regrettaient d'avoir été si méchants.
Quand la petite Canopée revint, ils eurent honte en la voyant
pleurer…
Ils regrettèrent de ne pas avoir été plus indulgents.
Toute la nuit, le vent souffla. Si fort, si fort que personne, pas
même Canopée, ne put approcher de l'arbre.
Le tonnerre, alerté par ce brouhaha s'approcha.
Le vent se calma pour expliquer à son ami, le Foudroyant, sa
si grande peine.
Il ne hurlait plus à présent. Il murmurait des mots gracieux.
Les villageois étonnés écoutaient cette merveilleuse mélodie.
Le vent racontait la tendresse de l'arbre pour Canopée.
Il parlait des rires, des jeux, et puis de l'amitié.
Emus par ce doux bruissement, les habitants de la contrée
bien ordonnée écoutaient sans mot dire.
Ils découvraient la musique des sentiments !
C'était bouleversant et exaltant en même temps.
Alors ils commencèrent à regretter de s'être montrés tellement
intransigeants. Ils ne savaient pas que le vent avait des
sentiments. Ils n'avaient pas compris que l'arbre était penché
par amitié et non parce qu'il était désordonné.
Pendant ce temps, le tonnerre qui est un être très puissant, rassurait le vent :
" Écoute, je vais le soigner, je vais aider ton ami, l'arbre de
travers. Pour cela, apporte-moi ce que tu as de plus précieux."
Le vent qui se promène par toute la terre garde dans son
palais les trésors les plus divers. D'une bourrasque, il rassem-
bla plus de mille pierreries, diamants et joyaux. Le tonnerre fit
jaillir un éclair et vint frapper l'arbre blessé. Puis, de son doigt
magique il dessina dans le ciel de grands points d'interroga-
tion.
Une lumière bleue, aveuglante inonda tout le paysage. Quand
tout redevint calme, l'arbre se tenait là, magnifique et différent.
Enfin, le vent et le tonnerre se turent. Chacun se mit à réfléchir.
Comment effacer cette mauvaise action ?
Alors, il leur vint une bonne idée : écrire une lettre pour deman-
der pardon.
Et c'est ainsi que sans enveloppe ni adresse, ils ouvrirent
grand leurs fenêtres pour laisser le courrier s'envoler.
Le vent, en silence, transporta ces milliers de feuilles de toutes
les couleurs dans la petite clairière pour les montrer à l'arbre
mutilé. Il était fendu en deux à mi-hauteur, mais il était toujours
vivant !
Son tronc de travers se divisait désormais en deux bras fait
par la hache des hommes, au temps de la colère.
Dressé vers le ciel, l'arbre déployait maintenant un abondant
ramage touffu qui le faisait ressembler à la petite Canopée.
Ce luxuriant feuillage était fait des milliers de lettres de regrets
et d'amitié qu'avaient écrit les villageois.
Le lendemain, à la première heure, la petite fille se précipita pour voir son arbre.
Quand elle le vit, la petite Canopée resta
bouche bée.
Elle s'approcha de lui et, pour la première fois il parla :
" J'ai voulu te ressembler Canopée, Alors le vent m'a aidé.
Regarde : Il a soigné mes plaies et j'ai maintenant deux bran-
ches pour que tu puisses grimper dans mes bras. Sur la tête,
il m'a fait la même coiffure que toi ! Et puis pour t'embrasser,
je t'offrirai des fruits doux et sucrés. "
Emerveillée, la petite fille s'approcha pour le caresser. C'est
alors qu'il déposa à ses pieds une grosse perle rouge, et puis
un croissant jaune. Canopée les ramassa, et elle s'aperçut
qu'ils sentaient drôlement bon ! Alors, elle les goûta...
C'était délicieux, savoureux, sucré, délicat !
Canopée folle de joie appela tous les villageois pour qu'ils
voient l'arbre magnifique qui avait voulu ressembler à une
petite fille.
Les gens se frottaient les yeux, l'air penaud, et gardaient la
tête basse, comme si leurs cheveux étaient devenus trop
lourds à porter.
Le vent qui connaît bien le genre humain, remarqua les yeux
rougis des villageois. Il devina le remords qui les faisait pleurer
et la honte qui pesait sur leurs têtes. Il vit que toutes ces larmes étaient sincères.
Ils étaient tous tellement désolés de s'être montré si intransi-
geants ! Pour leur montrer qu'ils étaient pardonnés, Canopée
leur fit goûter les fruits de son bel arbre.
Des pommes, des olives, des poires, des goyaves, des
mangues et des avocats, des cerises, des bananes, des noix
de coco, des papayes,… que de fruits délicieux ! On n'avait
jamais rien mangé de pareil !
Quand on lui demanda :
" Comment se nomme cette bonne nourriture, Canopée ? "
La petite fille sans hésiter répondit :
" Ce sont les fruits de l'arbroussaille ! "
Voilà comment fut baptisé l'arbre de Canopée :
L'ARBROUSSAILLE
C'est l'ancêtre de tous les arbres de nos vies. Il produit toutes
sortes de fruits.
On dit qu'i est devenu très gros et bien grand depuis le temps.
Il continue d'offrir à Canopée des fruits, des feuilles et des
fleurs de toutes les variétés.
Les pommiers, les bananiers, les cerisiers, les palmiers, sont
ses descendants, et ce sont tous des êtres vivants.

 


     1 septembre
Chaos, le père des mondes
Avant, avant, c'était bien avant tout ce que tu
connais. C'était le Grand Rien.
Dans le Grand Rien se tenait le Vide, immobile
et endormi. Le Vide s'appelait Chaos.
Or, à l'intérieur de Chaos qui dormait, était
enfermé le Grand Tout.
Chaos se réveilla. Il se mit en mouvement, il
grandit. Il se tordit dans tous les sens, se défripa,
se dilata.
Quand il fut devenu gigantesque, il se dispersa
et libéra le Grand Tout en poussant un hurlement
formidable.
Ce fut le premier cri des mondes.
Ainsi naquirent les enfants de Chaos. Vint sa
fille aînée, la terre, qu'il appela Gaïa. Puis vint
Nyx, la nuit. Et encore l'amour, son fils Eros.
Pour protéger les mystères il enfanta Erèbe,
les ténèbres.

 


     11 septembre
Les enfants de Gaïa
Gaïa, la Terre, fille aînée de Chaos, était une sphère parfaite. Ronde, ronde,
si ronde ! Elle était remplie de tant d'enfants…
La tension en elle devint si forte qu'elle éclata et donna naissance à son
premier enfant, Ouranos, le Ciel.
A peine Ouranos fut-il né, qu'il se déploya dans son immensité et il
enveloppa étroitement Gaïa de toutes parts comme dans les plis d'une
écharpe bleue.C'est ainsi que le Ciel et la Terre s'unirent.
De leur union naquirent d'abord six filles, les Titanides et six garçons,
les Titans dont la taille gigantesque et la force incroyable dépassent
l'imagination. Ils traversaient l'univers en quelques pas et jouaient au
ballon avec les planètes.
Hélas, au fil du temps, l'amour d'Ouranos pour Gaïa devint amer.
Il la fit souffrir et se mit à détester ses enfants. Il était jaloux d'eux, de
leur jeunesse, de leur force. Il ne supportait pas leur vue et les obligeait
à rester cachés tout au fond du Tartare qui est le lieu maudit des Enfers.
Par peur que l'un d'entre eux ne prenne sa place, il les repoussait, il les
haïssait. Gaïa les entendait sangloter et gémir sans trêve.
La souffrance de ses enfants la rendit si furieuse qu'elle se prit, elle
aussi à détester Ouranos.
Ouranos dans un surcroît de brutalité et de méchanceté, s'attaqua à Gaïa
avec une violence inouïe. Le Ciel se déchaîna sur la Terre.
Alors des monstres virent le jour. Ils sont le résultat de la cruauté d'Ouranos
envers Gaïa. Ce furent trois Cyclopes dont l'œil unique roulait follement au
milieu du front. Puis ce furent les trois Hécatonchires d'affreux êtres qui
avaient chacun cent mains !
Eux aussi furent condamnés, comme les Titans et les Titanides, à vivre au
fond des Enfers.
En grand secret, Gaïa parla à ses enfants. Elle leur demanda de l'aider à se
débarrasser d'Ouranos.
Aucun d'entre eux ne voulut prêter la main à cet horrible projet de tuer leur
père. Aucun sauf un. Cronos, le plus jeune des Titans, accepta de délivrer
sa mère de l'odieux amour du Ciel.
Cronos, armé d'une faucille donnée par Gaïa, protégé par Nyx, sa tante la
Nuit, attendit la venue d'Ouranos chez sa mère. Quand il le vit, il s'approcha
de lui doucement et, vivement, d'un seul geste, le blessa de manière à
l'empêcher pour toujours d'ensemencer Gaïa, la Terre.
Cependant, du sang de cette blessure tombant du Ciel sur la Terre naquirent
encore les Géants et les Furies. Ce furent les derniers enfants de Gaïa.

 


     25 septembre
Comment le ciel est devenu grand
C'était il y a longtemps, lorsque le ciel était trop bas.
Il était si bas qu'il n'y avait pas de place pour les nuages.
Il était si bas que les arbres ne pouvaient pas pousser.
Il était si bas que les oiseaux ne pouvaient pas voler. S'ils
essayaient, ils se cognaient aux arbres et aux nuages.
Mais ce qui était plus pénible encore, c'était que les hommes
adultes ne pouvaient pas se tenir debout, bien droits comme
leurs corps le leur demandaient. Ils devaient marcher tout
penchés, en regardant leurs pieds et ne voyaient pas où ils
allaient.
Les enfants ne connaissaient pas ce problème. Ils étaient
petits, ils pouvaient se lever aussi droits qu'ils le souhaitaient.
Ils ne marchaient pas en regardant leurs pieds et pouvaient
voir où ils allaient.
Ils savaient par contre qu'un jour, ils deviendraient des adul-
tes et qu'ils devraient marcher tout penchés en regardant
leurs pieds à moins que quelque chose ne se passe.
Un soir, tous les enfants se réunissent et décident de relever
le ciel. Les quelques adultes qui les écoutent rient sous cape
mais soudain, ils voient les enfants lever de longs poteaux
vers le ciel. Un, deux, trois, quatre...
Un cri énorme retentit UUU-UHHHH ! Mais rien ne se passe.
Le ciel reste comme il a toujours été. Les arbres ne peuvent
toujours pas grandir. Les oiseaux ne peuvent toujours pas
voler. Il n'y a toujours pas de place pour les nuages et les
adultes marchent toujours courbés en regardant leurs pieds
sans voir où ils vont.
Le lendemain, les enfants recommencent avec des poteaux
plus longs. Un, deux, trois, quatre...
Un cri énorme retentit UUU-UHHHH ! Mais rien ne se passe.
Le soir suivant, les enfants (qui sont persévérants) essayent
encore. Ils prennent des poteaux encore plus longs.
Un, deux, trois, quatre...
Un cri énorme retentit UUU-UHHHH ! Mais rien ne se passe.
Le quatrième soir, ils ont trouvé de très, très, très longs po-
teaux, les plus longs qu'ils pouvaient trouver et ils se sont
mis à compter. Un, deux, trois, quatre...
Un cri énorme a retentit UUU-UHHHH ! Et le ciel s'est soulevé.
Depuis ce jour, le ciel est à sa place.
Les arbres peuvent pousser, les oiseaux peuvent voler
sans se heurter aux troncs et aux branches. Les nuages
ont de la place pour aller et venir et les hommes peuvent
se tenir droit en regardant le ciel.
Mais le plus merveilleux c'est que lorsque le soleil s'est
couché la nuit suivante et qu'il a commencé à faire sombre,
le ciel troué par les poteaux des enfants s'est mis à scintiller.
Dans chaque trou, il y avait une étoile.
La prochaine fois que vous regarderez le ciel, vous saurez
que c'est grâce aux enfants que vous pouvez admirer un tel
spectacle. Vous repenserez à cette histoire et vous saurez
que c'était vrai.

 


     30 septembre
La vieille femme et l' araignée
La vieille femme cousait dans la lumière magique qui pénétrait son wigwam.
Elle travaillait avec art et précision des vêtements chauds.
C'était l'été des Indiens et bientôt l'hiver serait là, aussi aigu que les pointes
acérées du porc-épic.
Elle aimait son travail. Et du plus lointain de ses souvenirs, Bouquet de
Perles Etincelantes se voyait s'activant de son mieux, avec toujours le
même plaisir, comme sa mère et ses tantes le lui avaient appris.
Elle s'occupait du bois et de l'eau, en hiver. Elle savait tanner les peaux
de bison, en préparer la viande afin de régaler toute la famille.
A six ans, elle aidait les femmes dans les travaux du ménage.
A dix ans, elle montait à cheval comme le meilleur des guerriers et
sillonnait la plaine avec fougue.
Puis à quatorze ans, elle est devenue une vraie femme : son père l'a
mariée à Feu du Tonnerre et le temps a passé vite, très vite.
A présent, elle était une vieille femme mais les années avaient glissé
sur elle, sans entamer sa force, ni sa joie de vivre.
Quand elle riait des facéties du dernier de ses petits-fils, sa bouche
révélait l'absence de quelques dents.
Mais elle était toujours belle.
Sa peau, aussi tannée que la peau du bison, avait la couleur du soleil
couchant. La prunelle de ses yeux rayonnait du même éclat juvénile
d'autrefois et quand elle marchait, c'était d'un pas majestueux, que le
poids des ans n'entravait pas.
La tribu aimait à raconter que c'était une sage qui avait la force de l'ours
et qui avait reçu la protection du loup blanc, à son berceau.
Bouquet de Perles cousait dans le cocon que formait le cercle du wigwam.
Et tout en travaillant, elle songeait à son rêve de la nuit dernière...
Elle avait rêvé d'un bébé rieur qui gigotait sur une immense fourrure,
moelleuse et parfumée, au milieu des herbes jaunes. Ses petits pieds et
ses minuscules mains dorées s'agitaient, se balançaient pour suivre les
frémissements légers du vent.
Il était seul, sans inquiétude. Ses yeux suivaient le vol d'un oiseau puis il
éclatait de rire à chaque bruissement de feuilles des blancs bouleaux.
L'enfant comprenait le langage des arbres et du monde végétal qui l'entourait.
La terre était sa mère, le ciel son père.
Puis, le paysage s'assombrit en un instant. Une ombre grise recouvrit
l'enfant qui cessa de rire. Le vent se fit violent et la neige recouvrit aussitôt
plaines et bois.
Bouquet de Perles ne voyait plus le bébé à présent mais elle l'entendit
crier et ce sont ses pleurs qui l'ont réveillée, toute suffocante.
Quel message son rêve voulait-il lui adresser ? La vieille indienne l'ignorait.
Bouquet de Perles Etincelante cousait, respectueuse des traditions
ancestrales dans le wigwam à l'odeur d'armoise. Les femmes avaient
récemment allumé des feux de bois pour imprégner la couverture qui
servait à la fabrication de la tente afin qu'elle garde sa souplesse, après
les pluies.
Bouquet de Perles songeait.
C'est alors qu'elle entendit des lamentations, dans un coin de son logis.
La vieille indienne interrompit son ouvrage et demanda :
- Qui pleure ? ...
- C'est moi, grand-mère, dit une petite voix.
La femme leva les yeux et aperçut une minuscule araignée, au creux de
sa toile.
- Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-elle avec inquiétude.
- Je pleure parce que personne ne m'aime. Les hommes ont peur de me
voir et disent que je suis inutile, sur cette terre. Chacun a son rôle à tenir,
et pas moi !
Bouquet de Perles se leva et regarda attentivement le minuscule et fragile
animal. Elle ressentit une immense peine pour la malheureuse.
- Je ne sais comment t'aider, ni te consoler.Et tout en lui parlant, la réconfortant par la musique de ses paroles, la
vieille indienne laissa son regard se promener sur la toile arachnéenne.
L'araignée avait tissé un ouvrage d'une grande perfection ! Beaucoup de
squaws auraient aimé pouvoir s'enorgueillir d'un tel chef-d'œuvre. Un vrai
bijou que la lumière du soleil faisait étinceler.
Elle en admira la finesse et la légèreté aérienne. La grâce du travail était
digne des broderies et décorations de toutes les femmes du village
rassemblées.
C'est alors que Bouquet de Perles se souvint de son rêve de la nuit
précédente, aux pleurs du bébé.
- Je crois que je peux faire quelque chose pour toi, si le Grand Esprit y
consent. Dorénavant, quand tu tisseras ta toile au-dessus de l'endroit où
les enfants dorment, les mauvais rêves seront capturés à l'intérieur. Au
petit matin, ils seront détruits par le soleil. Seuls les bons rêves peupleront
les songes de nos petits.
Et comme la vieille indienne était une sage, à partir de ce jour, les
araignées eurent leur place sur cette terre, comme tous les animaux.
Elles furent les gardiennes du sommeil des enfants attirant leur proie
sans aucune pitié pour les livrer au soleil, aux premières lueurs de l'aube.
Bouquet de Perles Etincelantes cousait paisiblement dans la chaleur de
son wigwam, près du feu.
L'été des Indiens était terminé à présent. Les grands froids gelaient les
lacs qui miroitaient au soleil. Parfois, elle pensait au bébé de son rêve
qui ne pleurait plus et jouait avec le vent. Alors elle posait son ouvrage
et souriait.

 


     25 octobre
La jeune mère indienne
Un rêve étrange avait réveillé Douce Fleur, cette nuit.
Un de ces rêves que l'on ne peut chasser.
Elle s'était éveillée, la gorge serrée, le cœur lourd. Voilà bien des lunes
que son désir de bercer un enfant la tourmentait mais il semblait inacces-
sible, son ventre était comme un fruit desséché.
Elle s'était vue en songe, désespérée devant une couche vide, inondant
de ses larmes ses beaux vêtements de mariage.
Quand elle eut confié ses craintes au shaman, son visage soucieux fut
son unique réponse. Douce Fleur comprit que jamais elle ne serait mère,
jamais elle ne serait une vraie femme !
Poussée par le désespoir et la honte, elle s'enfuit à cheval, le plus loin
possible du campement.
Elle erra ainsi longtemps, au hasard, sans prêter attention au paysage
rougeoyant qu'elle traversait. C'était la saison où les érables se parent de
pourpre et flambent, sous un ciel pur.
Puis, le corps meurtri par sa longue chevauchée, elle s'arrêta enfin, près
d'un lac. Elle attacha son cheval à un arbre et prit la décision de se reposer
un peu. Quel serait son avenir, à présent ? Elle l'ignorait.
Et, c'est à cet instant, dans ce lieu de paix, qu'elle se souvint des traditions
ancestrales. Autrefois, les femmes partaient quatre soleils et quatre nuits,
dans la forêt pour créer des liens avec la nature, avant de donner naissance
à leur enfant.
Elle se sentit alors plus calme. Elle devait se laisser guider par l'intuition
de toutes ces femmes qui l'avaient précédée, mettre ses pas dans les
leurs avec confiance. Et le Grand Manitou ferait le reste !
" Allume un feu. Il ne doit pas s'éteindre... " disaient des voix féminines.
C'est donc ce qu'elle fit, obéissante, avec des branches mortes éparses.
Puis une fois que ce fut fait, elle s'assit.
La flamme montait très haut dans l'obscurité, rouge, jaune, vaillante.
Et comme Douce Fleur lui offrait ses mains, elle parla :
" Petite, ne perds pas espoir. Regarde ma force vive, je te la donne. "
La flamme s'élança, grimpa en une immense gerbe crépitante, libre,
et son chant était un long et interminable cri d'allégresse.
" Apprivoise le vent... "
Douce Fleur laissa alors le vent caresser son visage. Elle ferma les yeux
pour mieux l'écouter...
Ne sois pas triste, je suis ton ami.
Je marcherai à tes côtés, sans jamais te quitter.
Je te caresserai si tendrement que tu oublieras tes souffrances.
Je te consolerai si bien de mon souffle parfumé de fleurs fraîches que je
sécherai tes pleurs.
Les yeux de la jeune indienne brillaient maintenant d'espoir retrouvé.
Elle n'était plus une femme mais était le vent enjôleur, l'arbre pourpre,
la flamme jaillissante. Elle était la terre, elle était le ciel. Elle était tout
cela et encore plus.
Elle était grande et forte.
Elle était vivante et portait en elle la mémoire de ses ancêtres.
Et comme elle était toute à sa prière avec Mère Nature, elle eut la
sensation d'être observée.
Elle aperçut alors, par delà le feu, le regard d'un loup.
Douce Fleur, cependant, n'eut pas peur.
" Invite le loup et il s'il apparaît, il sera source de richesses, de fertilité... "
Le grand Loup Blanc à l'épaisse fourrure la regardait paisiblement. Ses
yeux magnifiques rayonnaient de bienveillance, de grands yeux couleur
d'ambre clair, piquetés d'étoiles.
Ils semblaient si compréhensifs que Douce Fleur sentit une paix extraor-
dinaire l'envahir. A présent, elle ne serait plus seule avec ses chagrins !
Le loup blanc vint s'asseoir près d'elle sans un bruit, tranquille, comme
un ami fidèle. Elle sentit son odeur. C'était le parfum familier de son
enfance, sucré et coloré, un parfum de lait maternel qui lui rappelait
celui du tipi familial tanné et peint par sa mère, autrefois.
Douce Fleur s'endormit, les yeux du loup rivés aux siens.
Elle rêva de l'amour que lui avait donné ses parents et leur tendresse
s'unit à celle de Loup Gris, son mari.
Au matin, quand elle se réveilla, Loup Blanc s'en était allé mais son
odeur flottait encore autour d'elle. Douce Fleur savait que ses pensées
et son cœur en seraient désormais imprégnés à jamais.
Elle se leva et s'étira. Le ciel était lumineux et le lac scintillait derrière
les arbres
Et comme elle caressait son cheval, elle sentit un frémissement joyeux
dans son ventre. Elle comprit alors avec ravissement qu'un enfant s'était
niché en secret au plus profond d'elle-même et réclamait son attention.
C'était le cadeau de Loup Blanc.

 


     1 octobre
La légende wintu
Les Blancs se sont toujours moqués de la terre,
du daim ou de l'ours.
Quand nous, Indiens, tuons du gibier, nous le
mangeons sans laisser de restes.
Quand nous construisons nos maisons, nous
faisons de petits trous.
Quand nous brûlons l'herbe à cause des sau-
terelles, nous ne ruinons pas tout.
Pour faire tomber glands et pignons, nous
secouons les branches. Nous ne coupons
pas les arbres. Nous n'utilisons que du bois mort.
Mais les Blancs retournent le sol, abattent les
arbres, massacrent tout.
L'arbre dit : -" Arrête, j'ai mal, ne me blesse pas."
Mais ils l'abattent et le découpent en morceaux.
L'esprit de la terre les hait. Ils arrachent les arbres,
la faisant trembler au plus profond. Comment l'esprit
de la terre pourrait-il aimer l'homme Blanc ?
Partout où il la touche, elle est meurtrie...

 


     1 decembre
Légende inuit
Au début des temps, il n'y avait pas de différence entre
les hommes et les animaux.
Toutes les créatures vivaient sur terre.
Un homme pouvait se transformer en animal s'il le
désirait et un animal pouvait devenir un être humain.
Il n'y avait pas de différence.
Les créatures étaient parfois des animaux et parfois
des hommes. Tout le monde parlait une même langue.
En ce temps-là les mots étaient magie et l'esprit
possédait des pouvoirs mystérieux.
Un mot prononcé au hasard pouvait avoir d'étranges
conséquences. Il devenait brusquement vivant et les
désirs se réalisaient. Il suffisait de les exprimer.
On ne peut pas donner d'explication. C'était comme ça !

 


      31 octobre
Bateau...limace
- Vérifiez si tout le monde a embarqué, dit Noé à ses fils. Surtout
n'oubliez aucun des animaux, il y va de la survie de toute l'espèce.
Le déluge c'est pour ce soir, dépêchez-vous !
Toute la famille se mit à vérifier, compter, recompter, et revérifier...
- Ça y est, tout le monde est là, nous sommes prêts, annonça la
femme de Noé.
- Mon dieu ! cria l'escargot affolé, ma cousine la limace n'est pas
à bord !
- Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ?
- J'aurais bien voulu, mais vous couriez dans tous les sens, j'ai eu
du mal à vous mettre la main dessus !
- Bon, répliqua Noé, il faut la chercher.
Ils la cherchèrent toute la journée sans trouver aucune trace d'elle.
- Elle doit bien être quelque part, dit le Mélamo, animal rapide à la
vue perçante. Il décida de quitter l'arche pour aller chercher la limace.
Tout le monde attendait le Mélamo, la limace et le déluge, mais
ce fut le déluge qui arriva le premier.
A son tour l'Arcadia, le plus beau des animaux aquatiques, pelage
de neige et yeux noisette, herbivore inoffensif, déclara solennelle-
ment :
- Je vais les ramener tous les deux.
Et il plongea au milieu du déluge.
Tout le monde attendait. La nuit et la journée furent longues et
lourdes. On ne vit aucun des trois animaux revenir, ils avaient été
emportés par la force des flots. Si bien qu'au soir tous les passa-
gers de l'arche étaient plongés dans une tristesse profonde.
Soudain, une petite voix déchira ce silence :
- Qu'avez-vous tous ?
C'était la Limace qui sortait d'un coin, entre deux troncs d'arbre.
Elle baillait.
Frappé de stupeur, Noé lui demanda :
- Mais où étais-tu ? Espèce de limace !
- J'ai toujours été ici, j'avais embarqué il y a trois jours de peur
de ne pas arriver à temps. Et comme c'est la saison, je me suis
endormie. C'est tout.
- C'est tout, répéta Noé, c'est tout !...
Puis il ouvrit sa gourde de vin et il se mit à boire.
C'est depuis le Déluge, et à cause de la limace, qu'on ne voit
plus sur Terre ni le Mélamo ni l'Arcadia.

 


     3 septembre
Le secret
Avant de venir sur la Terre nous vivions
ailleurs.
Juste avant notre naissance, un ange s'est
penché sur nous en disant :
- Chuuut ! Tu ne dois pas te souvenir.
Et il a appuyé son index sur nos lèvres
en y laissant son empreinte.
Voilà pourquoi nous avons tous un creux
entre le nez et la bouche. C'est la marque
du secret oublié qui nous lie au ciel.

 


     30 novembre
Le golem
Il y a très longtemps, dans la ville de Prague, en Bohême, régnait le terrible
empereur Rodolphe II le Catholique. Au nom de sa foi, il persécutait les Juifs
et les Protestants. Les tribunaux et les prisons regorgeaient de pauvres gens
qui allaient à la mort pour avoir prié Dieu d'une autre manière que sa Majesté.
Or, à l'aube d'un jour du mois de Nissan (mars), le comte Jan Bratislawski
venait de perdre au jeu les derniers ducats de son immense fortune et même
au-delà.
Cet homme sans honneur avait dilapidé son bien à guerroyer vainement, à
jouer, à boire et à festoyer. Sa femme était morte de chagrin en laissant une
petite fille appelée Hanka à laquelle elle avait légué ses bijoux d'une valeur de
plus d'un million de ducats.
A la même époque, dans la ville de Prague, vivait Reb Eliezer Polner. C'était
un banquier Juif que sa charité inlassable avait fait aimer et connaître en
Bohême et même en Europe. Reb Eliezer était vieux à présent et, pour son
malheur, il était le banquier du comte Bratislawski auquel il avait prêté beau-
coup d'argent que le comte ne lui avait, bien sûr, jamais rendu.
Dans le bureau de Reb Eliezer le comte Bratilawski hurlait :
-" Prête-moi cet argent banquier ! J'en ai besoin ! Je le veux !"
-" Non, votre Seigneurie, répondit Reb Eliezer, vous devez déjà beaucoup
trop à ma banque. Je ne vous donnerai plus rien."
-" Juif ! J'aurai cet argent, cracha le comte. Tu paieras cher ton insolence.
Tu te souviendras de ce que je te dis au moment d'être pendu."
-" La vie et la mort sont entre les mains de Dieu ! " pensa Reb Eliezer et,
comme nous étions à quelques jours de la Pâque Juive, il rentra chez lui
étudier la Bible et le Talmud jusqu'au dîner. De la cuisine montait des odeurs
de fête. En particulier celle des matzot, les pains de la Pâque, qui cuisaient.
Or, ce même soir, les soldats de l'empereur défonçèrent la porte de Reb
Eliezer Ils le ligotèrent et l'emmenèrent, sans explication, pour le jeter en
prison. Tous les Juifs du ghetto surent que la terreur allait passer sur eux...
Alors ils se tournèrent vers le seul homme qui puisse, par ses prières et
son immense culture, écarter le malheur : le rabbin* Leib.
A minuit exactement, Rabbi Leib priait avec ferveur pour le salut de tous
quand apparut devant lui un ange dont le regard avait la profondeur du ciel.
-" Que la paix soit avec toi, Juste parmi les Justes ! lui dit le rabbi. Un terrible
malheur a touché les Juifs de Prague ! Le juge va condamner à mort Reb
Eliezer pour le meurtre de Hanka, la fille du comte Bratislawski. Le comte
l'accuse d'avoir tué sa fille pour mélanger son sang aux matzot. C'est faux
et nous savons que le comte veut s'emparer des bijoux que sa femme a
légués à Hanka pour payer une dette de jeu. Mais la petite a disparu et
nous ne savons que faire."
-" Je sais tout cela, répondit l'ange. Je suis venu te donner un message :
Avec de l'argile, tu fabriqueras un golem. Tu graveras sur son front un
des noms de Dieu et, par le pouvoir du Nom Sacré, il vous sauvera. Il
vivra le temps de sa mission et son nom sera Joseph."
Puis l'image de l'envoyé céleste s'effaça doucement.
Rabbi Leib alla à la rivière et ramassa une grande quantité de terre glaise
qu'il mit dans des sacs de toile.
Il emporta ces sacs dans le grenier de la synagogue et là, il modela de ses
mains, avec l'argile qu'il avait recueillie, un géant de forme humaine.
Puis il lui donna la vie en gravant sur son front, en lettres minuscules, un
des noms secrets de Dieu que l'ange lui avait murmuré.
A peine la dernière lettre écrite sur son front, le golem respira et se redressa.
Rabbi Leib lui dit :
-" Golem, m'entends-tu ?"
-" Oui " répondit le golem d'un ton caverneux.
-" Golem, désormais, tu t'appelles Joseph. Tu viens de la terre, et la terre
sait tout : va et cherche Hanka ! Quand tu l'auras trouvée, tu l'amèneras
afin de prouver à nos ennemis combien leurs accusations sont fausses."
Au tribunal, le jour du procès de Reb Eliezer, les vieilles femmes pleuraient
dans la salle d'audience pendant que je juge tempêtait :
-" Vous, les Juifs et votre maudit Talmud, êtes assoiffés du sang des catho-
liques. Toute votre communauté est coupable !"
Le comte Bratislawski croyait toucher au but. Il se réjouissait déjà dans son
coeur, lorsque retentit le fracas d'une porte brisée.
Dans l'encadrement il y avait un géant qui tenait une petite fille dans ses bras.
Il la posa par terre. L'enfant courut aussitôt vers le comte en criant " Papa !
Papa !" C'était Hanka que le golem avait trouvée dans une cave du château
comtal où son père l'avait enfermée.
Le juge libéra Reb Eliezer et condamna le comte Bratislawski à l'exil.
Rabbi Leib effaca le Nom Sacré du front du golem pour l'endormir et il dit :
" Tu viens de la poussière et à la poussière tu retournes. La poussière re-
tourne à la terre d'où elle est venue."

 


     6 septembre
Les bisous
Il ne faut pas avoir honte,
A quel que jeu que l'on joue,
De demander un acompte :
Un bisou sur chaque joue.
Que ce soit à la belote,
Au tennis ou au rami,
Au rugby, à la pelote,
Bécotons-nous entre amis.
Bisou
Zidane,
Bisou
Beckham.
Il ne faut pas avoir honte,
A quel que jeu que l'on joue,
De demander un acompte :
Un bisou sur chaque joue.

 


     31 janvier
Un soir au bal
Dans un bal costumé,
Un monsieur parfumé,
Représentant un galant de la belle époque,
S'incline devant moi.
Et, frémissant d'émoi,
Me tient quelques propos que je trouve baroques.
Il m'invite à danser.
Je ne sais pas valser.
Veuillez donc m'excuser, Monsieur, pensé-je dire.
Mais je reste sans voix
Et, comme malgré moi,
Par lui je me laisse conduire.
Comme en un rêve,
Sans trêve,
Bercée par les flots
D'une musique
Magique,
Je glisse sur l'eau.
Je ne sais même plus où je suis.
Mais de cela je n'ai nul souci.
Comme une folle,
Je vole.
Je ne vois plus rien
Que des lumières
Légères
Qui brillent au loin.
Sous l'emprise d'un charme je ferme les yeux.
Ah, quel voyage merveilleux !
Non, je n'ai pas rêvé,
Cela est arrrivé
Dans un bal costumé, la semaine dernière.
Chez moi j'ai essayé
A nouveau de valser
Mais, hélas, je n'avais plus la même manière.
C'est pourquoi je me dis
Que l'autre mercredi
Ce n'est pas moi qui ai dansé mais une aïeule
Qui, pour quelques instants,
Revint chez les vivants.
Ce n'est peut-être pas la seule...

 


     3 octobre
Il n'aimait pas...
Il n'aimait pas perdre la face,
Et c'était tout à son honneur.
Il ne faisait pas la grimace
Et ne montrait pas sa douleur.
Dans sa propriété de Garches,
Ayant glissé sur une marche,
Il descendit son escalier
A une vitesse grand V.
On l'aidait à se relever
Quand il dit d'un ton détaché :
" Laissez-moi, je n'ai aucun mal ;
Chez moi, c'est ainsi qu'on dévale."

 


     3 mai
Bergère numérique
Pour dompter un sommeil rebelle,
Il comptait les moutons,
Tonton.
Des moutons qui, en ribambelle,
Défilaient sur fond de gazon,
Zonzon.
C'était comme une ritournelle
Qui berçait le tonton Gaston.
Et quand la bergère était belle,
Il s'endormait dans son giron,
Ronron.

 


     15 mai
Le vent du nord
Le vent du Nord emporte tout sur son passage
Des feuilles fanées,
Une cheminée,
Les tuiles d'un toit.
Le vent du Nord emporte même dans sa rage
Quelques chapeaux par-ci par-là.
Je me demande quelquefois s'il fait justice
Auprès des vaniteux, auprès des fats
Et j'imagine que dans l'oreille il leur glisse :
Chapeau bas, messieurs, chapeau bas.
Le vent du Nord n'aurait-il pas d'autres pratiques ?
Un assassin,
Le front serein,
- Peut-être toi -
Recevrait sur la tête une maîtresse brique
Et le vent dirait : souviens-toi !
Mais ma fenêtre s'ouvre dans un fracas terrible
Qu'y a-t-il, je ne comprends pas.
Le vent du Nord est reparti, tout est tranquille.
Tout mais pas moi.
Pas moi.

 


     31 mars
Toc
Les gouttes d'eau frapp'nt au carreau
La cuisine éclate en sanglots
Les vitres pleur'nt à longues larmes.
Clac
On est pressé, les portes claq'ent
Les pieds dans les flaqu's font flic flac.
C'est fou c'que la pluie a de charme !
Comme l'hirondelle
Happe un moucheron
En passant je hèle
Un air de chanson.
Oh, oh !
Un flic nous siffle son solo
Un canari fait son cui-cui
Qu'est-ce que c'est joli !
Les bruits de la ville,
Les bruits de chez nous
Accourent, dociles,
A nos rendez-vous.
Les gouttes d'eau frapp'nt au carreau
La cuisine éclate en sanglots
Les vitres pleur'nt à longues larmes.
Clac
On est pressé, les portes claq'ent
Les pieds dans les flaqu's font flic flac.
C'est fou c'que la pluie a de charme !
Comme l'hirondelle
Happe un moucheron
En passant je hèle
Un air de chanson.
Oh, oh !
Un flic nous siffle son solo
Un canari fait son cui-cui
Qu'est-ce que c'est joli !
Les bruits de la ville,
Les bruits de chez nous
Accourent, dociles,
A nos rendez-vous. Leurs voix familières
Chantent dans nos coeurs
Les joies de la terre
Et le goût du bonheur.
Oh, oh !
Un coq s'écrie cocorico
Un autre bégaie en écho
Coco coco et puis s'arrête.
Rrrrococo
Tourterelles et tourtereaux
Roucoulent l'éternel duo
De Roméo et de Juliette.
Tout autour du monde
Les sons et les bruits
Chantent à la ronde
L'amour et la vie.
Toc toc
Quelqu'un a frappé à ma port'
Je ne sais pas qui mais qu'import'
Pourvu qu'on toqu'

 


     12 juillet
Gésine
Tant qu'il n'a pas pondu,
Le poète est tout à son œuf.
Et ça le travaille, et ça le travaille !
Ça le travaille agréablement,
Mais ça le travaille.
Et quand il a pondu son œuf,
Rendu au terre-à-terre de son quotidien
Qu'est-ce qu'il dit ?
Qu'est-ce qu'il dit ?
Il dit : " Qu'est-ce qu'on mange à midi ? "

 


     24 avril
Dis-moi "tu"
Dis-moi tu, dis-moi toi, tutoie-moi
Ce sera plus gentil tu verras
Entre nous pas de cérémonie
Puisque tu es mon amie
Dis-moi tu, dis-moi toi, tutoie-moi
Et tu ne le regretteras pas
C'est si bon de se dire tout bas :
Je t'aime.
Depuis plus de quinze ans qu'on est ensemble
On n'a jamais quitté le septièm' ciel.
C'est toujours l'amour fou mais il me semble
Que ma vie pourrait être bien plus bell'.
Quand j' pens' que tu n'veux toujours pas
Etre à tu et à toi
Avec moi
Ça m' donne du tracas
J' suis dans tous mes états.
Dis-moi tu, dis-moi toi, tutoie-moi
Ce sera plus gentil tu verras
Entre nous pas de cérémonie
Puisque tu es mon amie.
Dis-moi tu, dis-moi toi, tutoie-moi
Et tu ne le regretteras pas
C'est si bon de se dire tout bas :
Je t'aime.
Toi qui m'a tout donné
Même tes nouveau-nés
Veux-tu que je me tue
Pour un tout petit " tu " ?
Dis-moi tu, dis-moi toi, tutoie-moi
C'est gagné car tu m'as dit : " Tue toi ! "
Tue toi ?
Eh bien si c'est ainsi que tu m'aimes
Tue toi toi-même.

 


     11 mars
L' abandon
L'histoire de la blonde Iseut
Et du pauvre Tristan me hante.
Nous avons plus de chance qu'eux
Je ne suis pas triste et je chante.
Ah ! qu'il est bon
Le soir au coin du feu
Ah ! qu'il est bon
De lire dans tes yeux
Tout le bonheur
De nos deux coeurs.
Le jour s'enfuit
N'allumons pas encor
Il me suffit
De tes beaux cheveux d'or.
Ah ! qu'il est doux
Ah ! qu'il est bon
L'abandon

 

 

 
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